19/04/2011
Mélanie Chappuis
Mélanie Chappuis, Frida (Campiche, 2008)
Un premier roman attachant pour dire la quête amoureuse, la peur de se brûler les ailes, la crainte des lendemains ordinaires. Les interrogations de son auteur touchent notre corde sensible par la finesse des perceptions, la sincérité dans l’approche des autres, le ton enjoué du récit. Un écrit de l’urgence pour dire que les amoureux sont seuls au monde, et un dénouement qui réjouit le cœur.
07:37 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Littérature suisse | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; récit; livres | |
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10/04/2011
La citation du jour 1a
Charles Journet
Les sept paroles de Jésus en croix font entrer dans le drame d'un Dieu crucifié pour le monde. Chacune d'elles découvre un aspect de ce voyage unique, passant toute parole, capable d'illuminer toutes les agonies des hommes et des peuples. Entrer dans ce mystère par un peu de contemplation silencieuse, c'est le seul moyen de l'honorer, et de donner, à son âme à soi, la dimension de la profondeur. Tout ce qu'on peut en écrire pour le faire aimer, hors ces sept divines paroles, on voudrait, après coup, le brûler.
Charles Journet, Les sept paroles du Christ en croix (Seuil, 1952)
07:10 Écrit par Claude Amstutz dans La citation du jour, Littérature francophone, Littérature suisse | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; spiritualité; anthologie; citation; livres | |
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08/04/2011
Malika Mokeddem 1b
Bloc-Notes, 8 avril / Les Saules
Malika Mokeddem sur Lechoixdeslibraires.com
1) Qui êtes-vous ?
Une fille du désert algérien qui y a vécu la pire des claustrations, celle où les immensités n'étaient qu'un néant. Une terrible angoisse s'abattait sur moi lorsque je fixais l'abîme infranchissable de l'horizon. Je levais un livre à la hauteur de mon visage pour ne plus le voir. Les raisons de cet enfermement n'étaient, certes, pas seulement géographiques. La pauvreté ne nous permettait pas d'échapper à la fournaise des étés. La camisole des traditions m'empêchait de bénéficier des rares distractions locales. Mon refus des servitudes me dressait contre ma famille, plus tard contre la société, en un combat de chaque instant.
Ma seule liberté, acquise de hautes luttes, c'était de pouvoir lire. Et quelle liberté ! Les livres ont été mes seuls voyages durant toute mon enfance et mon adolescence. Ils ont structuré ma pensée, transformé ma véhémence et mes colères en ténacité, en résistance. Dans «Une passion dans le désert» Balzac écrit : «dans la littérature du désert, il y a tout, et il n'y a rien...C'est Dieu sans les hommes.» Pour moi le désert c'était les Écrivains sans dieu. Aucun.
Partie de l'Algérie pour fuir ses suffocations et continuer mes études de médecine en France, j'ai passé mes vacances d'été et tous mes moments de loisir à naviguer à travers la Méditerranée. C'est en pleine mer que j'ai apprivoisé l'horizon. Peu à peu, la mer est devenue mon désert assouvi. Et j'ai commencé à aimer le désert, à l'écrire en la traversant.
2) Quel est le thème central de ce livre ?
Le roman s'ouvre sur une disparition. Celle de Léo, un passionné de voile dont le bateau a été retrouvé à la dérive en Méditerranée, à l'extrême sud de la botte italienne. Sa compagne, Shamsa, s'apprêtait à le rejoindre. Elle ne peut pas, elle ne veut pas croire à un accident. Elle part donc, à bord de «Vent de sable», sur les traces de Léo. Depuis huit ans, elle ne naviguait qu'avec lui. C'est la première fois qu'elle prend la mer seule. Elle qui fut abandonnée à sa naissance dans le désert algérien, elle qui a fui une Algérie devenue sanguinaire, la voici hantée par son passé. Mais pour affronter ce nouveau coup du sort, elle est portée par l'énergie du désespoir. Et surtout par le courage que donne un amour absolu.
Sur cette Méditerranée dont Shamsa connaît par coeur les méandres et les drames, elle seule sera sans doute capable de retrouver les chaînons manquants aux limiers de la police.
3) Si vous deviez mettre en avant une phrase de ce livre, laquelle choisiriez-vous ?
«J'étais déserte et notre rencontre m'a rendue désirante.»
4) Si ce livre était une musique, quelle serait-elle ?
Le ressac de la mer.
5) Qu'aimeriez-vous partager avec vos lecteurs en priorité ?
Leur plaisir de lecture en miroir à celui que j'ai pris à écrire ce livre. Et puis que leur courrier m'attende dans ma boite aux lettres, m'accueille chez moi, comme d'habitude. Ces élans peuplent ma solitude de façon aussi discrète que profonde.
Malika Mokeddem, La désirante (Grasset, 2011)
04:16 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Littérature francophone, Malika Mokeddem | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; roman; interview; livres | |
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Malika Mokeddem 1a
Bloc-Notes, 8 avril / Les Saules
Ce roman est le journal de bord que tient Shamsa. Lou, son compagnon, directeur au C.N.R.S., quitte un jour l'île grecque de Céphalonie à bord du Vent des sables. Au large du golfe de Squillace, tout au sud de la botte italienne, on retrouve son bateau à la dérive. Personne à bord. Lou a disparu. Noyé? Assassiné? Enlevé?
Avec l'aide de Régis - le père de son ami - du carabiniere Lorenzo et de quelques proches, Shamsa entreprend des recherches, déterminée à comprendre ce qui a bien pu entraîner sa disparition, avec le ferme espoir de le retrouver vivant, celui dont elle dit: Je me trouvais avec la hantise de te perdre, toi, et sa double signification: la réalité de l'amour qui avait enfin pris corps avec cette intensité-là et la menace qu'il me fut arraché. Avant toi je n'avais rien à perdre.
Comme toujours avec Malika Mokeddem, cette enquête sur les traces de Lou la confronte à son propre passé: Je suis née d'une tombe de sable. La mer est mon désert. Une fillette abandonnée à sa naissance dans une Algérie violente, recueillie par des soeurs blanches et élevée dans leur orphelinat, puis ses souvenirs traumatisants de journaliste d'investigation: Ces visages de femmes meurtries par des disparitions et errant comme des damnées entre bureaucrates et journalistes. Des visages sans corps. Tous confondus en une masse de calamités et d'obsessions. Et la procession lugubre des foulards juste derrière. (...) La terreur a fini par me faire fuir l'Algérie comme tant d'autres.
La personnalité de Shamsa - que Régis appelle la fille du désert - est extrêmement attachante, forte et fragile à la fois, méfiante envers l'indulgence et la bonté - formes édulcorées de l'arrogance - se reconnaissant au passage en Nina Simone dont le parcours lui ressemble: Elle est comme le ressac des vagues sur toutes sortes de rivages: de roc, de sable ou de boue, dans des vents hurlants ou d'éphémères brises: Again and again, and again. Oh, who am I?
De très belles pages sont vouées à la beauté tragique de la Méditerranée dans ce récit où les saveurs, les éblouissements, les couleurs se mêlent au vécu de ses protagonistes, un continent liquide, aux frontières solides et aux habitants mobiles. (...) Elle est comme toutes les mères. Elle porte ceux qui ont ses faveurs dans la joie et la sérénité et noie, de mille manières, les indésirables.
Par elle s'opère le lien avec Lou - toute entière, elle s'engouffre dans mes yeux au timbre de ta voix - son port d'attache, la lumière de sa vie, enfin. Un roman que l'amour régénère et transfigure à chaque mouvement de plume, ce qui n'interdit pas à Malika Mokeddem quelques coups de griffe sur l'immigration, le machisme ou la différence. La preuve qu'on peut toucher du front les étoiles sans pour autant être frappé de cécité.
Et c'est peut-être cela, la plus belle des libertés...
Malika Mokeddem, La désirante (Grasset, 2011)
photographie: sur El Watan.com
04:16 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Littérature francophone, Malika Mokeddem | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : litérature; roman; livres | |
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05/04/2011
L'idiot du village
Bloc-Notes, 5 avril / Les Saules
Depuis vingt-sept ans, le Prix du jeune écrivain, soutenu par la Fondation BNP Paribas, récompense chaque année une oeuvre d’imagination inédite, en prose - nouvelle, conte, récit - de 5 à 25 pages, de jeunes auteurs de nationalité française et francophone, qui ont entre 15 et 24 ans révolus. Chaque candidat ne peut envoyer qu’un seul texte. Les écrits présélectionnés sont soumis à un jury tournant, composé d’écrivains et de critiques littéraires tels David Foenkinos, Christiane Baroche, Jean-Baptiste del Amo, Boualem Sansal, Marie-Hélène Lafon, Vincent Delecroix, Minh Tran Huy, Georges-Olivier Châteaureynaud et Ananda Devi, pour n'en citer que quelques-uns pour la présente édition.
Par le passé, ce prix littéraire a révélé des auteurs qui, par la suite, ont confirmé leur chemin d'écriture, tels Jean-Baptiste del Amo, Marie Darrieussecq, Antoine Bello, Leïla Haddad ou Dominique Mainard.
Douze nouvelles ont été choisies pour le Prix du jeune écrivain 2011, soit les textes ayant été récompensés par les cinq premiers prix auxquels sept autres - distingués par le jury - ont été ajoutés. La palme revient cette année à l'auteur suisse Bruno Pellegrino, pour L'idiot du village, la nouvelle qui donne son titre au recueil. Collaborateur régulier au Passe Muraille - revue des livres, des idées et des expressions - ce grand admirateur d'Albert Cohen, Romain Gary, Charles-Ferdinand Ramuz, Virginia Woolf et Emily Brontë, déploie dans ce récit d'une trentaine de pages à peine un talent fou, tout simplement stupéfiant, au point que j'ai remis à plusieurs jours la lecture des autres textes. Sans vous raconter toute l'histoire, sachez qu'elle se déroule dans un petit village avant la deuxième guerre mondiale, où plusieurs personnes meurent. Victimes d'un mauvais sort, celui de l'idiot du village, par exemple? On les pleure. On pointe le doigt vers le ciel. Trop injuste. Et voilà que l'idiot du village - bien vivant lui - vient leur annoncer en bégayant: mobilisation générale, c'est la guerre...
Aucun texte littéraire, sur ce thème, ne m'a autant remué depuis Le rapport de Brodeck de Philippe Claudel. Et que dire du style qui, par ses parenthèses - comme les points de suspension d'un certain Louis-Ferdinand Céline - construit ce récit magistral, interroge les consciences, brasse les images sans ce verbiage excessif qui caractérise parfois les débuts d'un écrivain. A cet exercice, Bruno Pellegrino s'inscrit dans la lignée de Noëlle Revaz et Douna Loup, pour la singularité de son écriture, preuve qu'en Suisse - un pays qui ne brille pas vraiment par son imagination ou sa créativité - la jeunesse de ces trois auteurs réconcilie avec la littérature de qualité et nourrit de belles promesses.
Dans ce même recueil, un autre texte tout à fait remarquable s'intitule L'oeuvre de la pierre, écrit par Elodie Soury-Lavergne, le monologue d'une femme enterrée vivante, qui voudrait sauver ce qui peut l'être encore: son musée intérieur... Un immense talent dans la construction de son récit qui, comme dans celui de Bruno Pellegrino - une histoire de folie collective, dans les deux cas - en dessine les contours par une tension ordinaire, progressive, terrifiante où le lecteur, insidieusement, devient sans même s'en apercevoir, le témoin, l'acteur, la mémoire vivante, redonnant ses lettres de noblesse à un genre littéraire trop souvent négligé - la nouvelle - dans lequel bon nombre d'écrivains chevronnés, qui divulguent à la première page les deux cents qui s'en suivent, ne seraient pas trop à l'aise...
Bonne chance en tous les cas à ces heureux lauréats qui, outre les deux auteurs mentionnés plus haut, se nomment Alexandre Sordet, Pauline Feray, Aurélia Demarlier, Carole Awit, Karim Haroun, Valérie Lamesch, Baptiste Ledan, Clémence Lefèvres, Baptiste Mongis, Lydiane Tsane Tsayem et méritent - c'est la moindre des choses - tous nos applaudissements!
L'idiot du village - et autres nouvelles (Buchet-Chastel, 2011)
image: Bruno Pellegrino
02:35 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Charles Ferdinand Ramuz, Le Passe Muraille, Littérature francophone, Littérature suisse, Louis-Ferdinand Céline | Lien permanent | Commentaires (0) | |
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01/04/2011
Poisson d'avril
Bloc-Notes, 1er avril / Morges-sous-Bois
Un nouveau prix littéraire est décerné aujourd'hui, dans le charmante commune de Saint-Etienne-de-Montluc, attribué au singulier et talentueux écrivain breton Paul-André Gourdin pour son troisième polar, Un si petit violon pour mourir.
En 2007, il crée le personnage du célèbre inspecteur Modeste Trouillard, célibataire, la quarantaine, flanqué de son chien de berger catalan Panzer, en souvenir de ses premiers galons de flic obtenus sur une obscure plage de Dunkerque. Timide, raffiné et maladroit, cet amateur éclairé de Michel Foucault, Jacques Derrida et Roland Barthes, attribue à ces messieurs la responsabilité de son penchant pour la mélancolie chronique ainsi que les jalousies larvées dont il fait l'objet au sein d'une corporation plutôt célèbre pour son tour de hanches que son tour de tête, comme le clame haut et fort notre malheureux héros. Son cauchemar quotidien s'appelle Régis Moncocut, son supérieur hiérarchique, un féru de PTMQT - Fais Tout Mieux Que Toi - incarnant à la fois l'obéissance absolue à l'Etat et la plus parfaite couardise envers ses subalternes. Sa démarche enfantine a toujours suscité une émotion légitime quant à ses pulsions intimes que ne vient pas dissiper la maxime encadrée au-dessus de son bureau ovale: La chose la plus commune, dès qu'on nous la cache, devient un délice. Signé Oscar Wilde!
Dans son premier opus, La mort préfère les moches, Trouillard enquête dans le milieu très fermé d'une clinique de chirurgie esthétique dans les environs de Guérande, baptisée Au panier fleuri, où un nombre certain de femmes d'âge mûr se suicident en laissant toutes le même message testamentaire: Adieu, je refuse de ressembler à Baby Jane... Une enquête difficile où le chien détective Panzer brouille les cartes, la truffe plutôt orientée vers les jolies filles auxquelles il ferait bien minette et que son patron néglige...
Changement de décor avec Il manque une case à l'oncle Tom: Cette fois-ci, l'intrigue se noue autour d'un maréchal-ferrant de Marsac, dont les menottes artisanales ressemblent à un porte-bonheur, sauf pour les victimes qui, à leurs dépens, apprendront qu'une chevauchée fantastique au Palais des Mille Plaisirs ne leur ouvre pas seulement de nouveaux horizons. Jusqu'au jour où Clarabelle, récente ex de notre inspecteur, change les règles du jeu!
De ces trois enquêtes publiées à ce jour, la dernière - Un si petit violon pour mourir - est indiscutablement la plus réussie et méritait un prix, à n'en pas douter. Tout commence très fort, dans une maison de repos de La Baule - Paradise Lost - où Trouillard soigne un épisode dépressif aigu, consécutif à l'initiative de son chef Montcocut, décidé à tâter du terrain - toute flagornerie mise à part - afin de préparer un nouveau réglement moral pour ses troupes que le Département de l'Intérieur lui réclame à cor et à cris, et qui ne le lâche plus... Or, tandis que Panzer succombe à une crise de neurasthénie inexplicable, son maître refait peu à peu surface. Assez pour être intrigué par le manège d'une jeune violoniste russe qui, outre qu'elle réveille ses instincts les plus vils, semble par l'exercice de son instrument - La jeune fille et la mort de Franz Schubert - entraîner une succession de morts masculines dont l'expression ultime reflète un sentiment de bonheur indicible.
Un style novateur et vif nourrit cette énigme peu banale, truffée de situations parfois confuses, souvent cocasses, dont on peut regretter la fin prématurée. De plus, si Trouillard et Panzer composent un tableau atypique et légèrement décalé de la police française, Moncocut est une caricature tout à fait crédible de ces chevaliers de la perfection qui, de parcours de golf en séminaires, de notes de service en avis éclairé, s'identifient à la mission de salubrité publique qui leur est confiée et signent pourtant, dans leur for intérieur - toute honte bue - l'aveu de leur incompétence, voire de leur inutilité...
Avec Un si petit violon pour mourir, Paul-André Gourdin apporte un souffle revigorant, délicieusement anarchiste dans les lettres françaises, quelque part entre Tonino Benacquista et Esparbec, ce dernier - fait rare - assurant la préface de ce roman aux accents rabelésiens dont on imagine sans peine ce qui a pu le séduire...
Jacques Gaudin, La mort préfère les moches (Noirmont, 2007)
Jacques Gaudin, Il manque une case à l'oncle Tom (Noirmont, 2009)
Jacques Gaudin, Un si petit violon pour mourir (Noirmont, 2011)
image: une ferme de Marsac (immotoo.com)
00:01 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Littérature francophone, Littérature policière | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; roman; policier; livres | |
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31/03/2011
Jean Védrines
Jean Védrines, L'Italie la nuit (Fayard, 2008)
Si vous aimez l’Italie, vous partagerez sans aucun doute mon étonnement : oui, Jean Védrines est bien un auteur français ! Pourtant, dans la description de ces villages des Pouilles – Foggia, en particulier – des anciens, gens de peu pour la plupart, qui charrient dans leur mémoire tout un pan de l’histoire de l’Italie, tous les doutes sont permis … Un aveu de l’auteur, néanmoins : L'Italie est ma patrie imaginaire. C'est le travail de toute une vie de découvrir sa patrie imaginaire. C'est un vieux tropisme chez moi. Depuis mon enfance, je suis attiré par les "châteaux en Italie". Enfin, ce qui ne gâche rien, la langue est rugueuse, délicieuse, un brin roublarde ou désopilante selon les éclairages du récit. L’amusement est garanti dans cette heureuse surprise littéraire à ne pas manquer.
05:44 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; roman; livres | |
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27/03/2011
Anne-Marie Jaccottet 1a
Bloc-Notes, 27 mars / Les Saules
On connaît mal - ou mieux, pas du tout - les aquarelles et dessins de Anne-Marie Jaccottet, épouse du poète Philippe Jaccottet. Pourtant, son oeuvre délicate, dans le sillage d'un Pierre Bonnard par exemple, a été remarquée par de grands noms de la littérature, tels Yves Bonnefoy et Pierre-Albert Jourdan.
Florian Rodari a bien cerné l'oeuvre de l'artiste, quand il nous dit: Il y a dans les paysages d'Anne-Marie Jaccottet, mais dans ses natures mortes aussi, une sorte de porosité qui permet d'y circuler sans entrave, d'aller sans cesse du dehors à l'intérieur, par des passages qui n'arrêtent pas - peaux, treillis, portières, lisières, corbeilles - contenant sans enfermer. Le peintre ne recouvre jamais toute la surface de son papier, laissant en blanc certaines parties sur lesquelles reviennent des traits de crayon. L'intention est de permettre au regard de passer vite d'un plan à l'autre, de suivre le mouvement de la lumière qui court à l'arête, bondit d'objet à objet, franchit la distance sans s'arrêter à la nature de l'obstacle. Beau souci du peintre: ne pas s'attarder, garder le sentiment de la minute heureuse.
Philippe Jaccottet, au plus près de la perception de l'artiste, ajoute: Couleurs du monde, elle ne les a pas inventées, elle ne les a pas vues en rêve ou puisées dans les livres, elle n'est même pas allé les chercher loin; elles sont là, dans les fleurs et les fruits les plus communs, données au premier venu; à dire le vrai, de plus grand prix que tous les ors du temple, les gemmes, les joaux, les diadèmes des reines et des stars: couleurs des choses qui s'ouvrent, s'épanouissent puis se fanent, des choses qui gonflent, parfument, sont respirées et quelques fois mangées, puis se flétrissent; couleurs si mystérieuses d'être si communes, jubilatoires on ne sait trop comment ni pourquoi; de la plus claire à la plus sombre, de la plus sonore à la plus sourde, saisissable entre deux nuits - et notre vie elle-même, toute vulnérable qu'elle soit, fleurissant ainsi entre deux nuits, mais celles-là plus longues et plus profondes -, produisant en fin de compte, à force de patience et de soumission, un si beau chant...
105 aquarelles, pastels, dessins de Anne-Marie Jaccottet illustrent le présent ouvrage que vient compléter un entretien de Alain Paire avec l'artiste, ainsi qu'un texte de Alain Madeleine-Perdrillat consacré à l'approche de son oeuvre.
En écho à La promenade sous les arbres, écrit par son époux, ce voyage en pointillé dans l'espace habité, lève le voile de leurs clartés mises en commun.
Anne-Marie et Philippe Jaccottet, Alain Madeleine-Perdrillat, Florian Rodari, Alain Paire: Arbres, chemins, fleurs et fruits - Aquarelles et dessins d'Anne-Marie Jaccottet (La Dogana, 2008)
photographie: Philippe et Anne-Marie Jaccottet, à Grignan, 12 octobre 2008
http://www.galerie-alain-paire.com/
04:13 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Littérature francophone, Littérature suisse, Philippe Jaccottet, Yves Bonnefoy | Lien permanent | Commentaires (3) | |
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25/03/2011
Le Passe Muraille
Le Passe-Muraille, no 85, mars 2011
En préambule à ce nouveau numéro, Jean-Louis Kuffer nous parle - à propos de la naissance d'une nouvelle collaboration du Passe Muraille avec les éditions d'Autre Part - de nos désirs respectifs de passeurs, ajoutant: cela seul compte en effet, sur fond de saturation et d'empoigne, de gros tirages et de battage: que passent de nouvelles voix à travers le bruit... Telle est bien la vocation de ce journal depuis ses origines, et le sommaire de cette édition, une fois encore je l'espère, ne vous décevra pas sur ce point.
Sommaire du Passe-Muraille no 85, Mars 2011 - "Une nouvelle voix":
p.1
Editorial, "D'autre part, entre passeurs...", par Jean-Louis Kuffer
Inédit, "Le soleil", par Douna Loup
p.3
In memoriam, "Georges Haldas: La cotte des mots de Georges", par Georges Nivat
In memoriam, "Georges Haldas a rendu son passeport", par Serge Molla
p.4
In memoriam, "Georges Haldas: l'état de poésie ou la relation plénière", par Matthias Tschabold
p.5
Philip Roth, "L'effet papillon", par Matthieu Ruf
Andrés Barba, "Une force convulsive", par Claude Amstutz
p.6
Michel Layaz, "Vers la légèreté", par Pierre-Yves Lador
Nicolas Bouvier et Thierry Vernet, "Le fétiche de l'amitié", par Sébastien Meyer
p.7
Etienne Barilier, "La grâce, le vice et la vertu", par Pierre-Yves Lador
Jean-Yves Dubath, "Une épopée intimiste", par Jean-Louis Kuffer
Alain Bagnoud, "Bohème de province", par Jean-Louis Kuffer
p.8
Frédéric Jaccaud, "Plongée dans l'abîme", par Jean-François Thomas
In memoriam, "Anne-Lise Grobéty: dernier silence d'une musicienne", par Bruno Pellegrino
p.9
Poèmes inédits, "Horlogerie minutieuse de la mémoire", par Hughes Richard
p.10
Jean-Pierre Guéno, "L'âme des lettres", par Claire Julier
Xavier Mauméjean, "Magicien de l'uchronie", par Jean-François Thomas
p.11
Mathias Zschokke, "Un candide alémanique", par Jean-Louis Kuffer
Philippe Muray, "La prétention au bonheur", par Antonin Moeri
p.12
Jean-Louis Kuffer, "Comme un nouveau souffle", par Antonin Moeri
Pour s'abonner et communiquer: http://www.revuelepassemuraille.ch/
00:01 Écrit par Claude Amstutz dans Andrés Barba, Jean-Louis Kuffer, Le Passe Muraille, Littérature étrangère, Littérature francophone, Littérature sud-américaine, Littérature suisse | Lien permanent | Commentaires (0) | |
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17/03/2011
Le choix des libraires
Bloc-Notes, 17 mars / Les Saules
Depuis 2006, Jean Morzadec crée et anime un site Internet, lechoixdeslibraires.com que je vous invite à visiter. Très bien présenté, en lien avec France Info, France Inter et France 5, il accorde une large place aux coups de coeur des libraires: près de 2'000 choix à ce jour. Vous y trouvez également une présentation par les éditeurs ou les auteurs, de titres susceptibles d'aiguiser votre curiosité, ainsi que la revue de presse consacrée au livre.
De cette aventure et de ce partenariat est né un livre au format de poche - à peine 8 euros - Les écrivains préférés des libraires. 17 titres de l'année courante ont ainsi été choisis par Jean Morzadec. Si j'y retrouve l'écho des enthousiasmes de nombreux collègues - Vincent Borel, Tatiana Arfel, Blandine Le Callet, Mathias Enard ou Jérôme Ferrari - et de mes propres lectures mémorables - Fatou Diome, Fouad Laroui et Douna Loup -, l'intérêt de cet ouvrage tient en peu de mots, car plutôt que de recenser les critiques des lecteurs, visibles ailleurs, la parole a été donnée aux auteurs.
Ils nous parlent ainsi de leur dernier livre, mais aussi de son accouchement, des circonstances ou des conditions dans lesquelles ils ont vu le jour. La lecture, l'environnement ou leur appréhension du métier d'écrivain, leur perception des librairies et des librairies, leurs rêves enfin, tout cela dresse un profil d'auteurs dont, à ce jour, nous savons - heureusement peut-être - peu de choses.
Quelques éclairages sur l'écriture et le rôle des livres méritent d'être retenus. Par la plume de Tatiana Arfel par exemple, qui nous dit: Je ne sais pas à quoi servent les écrivains, mais je sais à quoi servent les livres; un livre sert à ouvrir, à étendre son âme, à sentir avec, à respirer plus grand, à se sentir plus libre. A quoi répond Douna Loup: La littérature permet au regard de s'affiner, de se complexifier. En tant que lectrice ou en tant qu'écrivain, c'est faire un voyage, se décentrer de sa propre perception de la vie, et ce déplacement enrichit notre accès au réel.
Les écrivains sont des témoins, des porteurs d'énergie, nous confie encore Vincent Borel. Et ils vivent d'espoir, attendent beaucoup du lecteur comme Fouad Laroui: Si mon livre peut introduire un peu plus de nuances et de compréhension dans les jugements, je pense alors que mon livre aura atteint son but.
Fatou Diome, sur le même thème, use d'une jolie image: Je considère tous ceux qui me lisent comme les miens, parce qu'écrire, pour moi, c'est juste tendre la main de l'autre côté, c'est creuser un trou dans le mur existentiel et tendre la main. Toutes les personnes qui attrapent l'autre bout du livre et s'y intéressent, ce sont les miens, parce que nous partageons peut-être les mêmes révoltes, les mêmes lectures et les mêmes désirs pour un monde meilleur.
A propos de cette caverne d'Ali-Baba qu'évoque souvent une librairie - et que j'éprouve surtout quand je me ballade chez les autres - le mot de la fin revient à Marie-Sabine Roger: Si j'étais un chat, je ronronnerais en franchissant la porte d'une librairie. J'y entre comme d'autres en religion. J'anticipe la grâce...
Jean Morzadec présente: Les écrivains préférés des libraires (France Info/Hoëbeke, 2011)
http://www.lechoixdeslibraires.com/
photographie: Fouad Laroui
00:26 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Littérature francophone, Littérature suisse | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; essais; livres | |
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