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15/07/2011

Christohe Ono-dit-Biot

9782259203449.gifChristophe Ono-dit-Biot, Birmane (Plon, 2007)

 

Décidé à changer le cours de sa vie, un jeune homme s'envole pour le pays de tous ses fantasmes avec un projet fou: décrocher l'interview du plus grand trafiquant d'opium de tous les temps. Un scoop sans prix. Double problème : César est un amateur, et la Birmanie une dictature. A Rangoon, où la paranoïa le dispute à la moiteur tropicale, il rencontre une jeune femme au charme trouble. Médecin humanitaire passionnée et déterminée, elle se montre parfois mélancolique, lointaine. Fasciné, il en tombe amoureux...

 

A la fois roman d’aventures, plongée dans l’enfer de la dictature et initiation aux mythologies du Triangle d’Or, ce texte ouvre une brèche salutaire dans les lettres françaises ! Pour votre bonheur et comme son héros, vous perdrez bien vite vos repères ou vos certitudes sous les Tropiques, entraînés par ce voyage enivrant et ses personnages troubles, passionnés ou secrets. Tout cela dans un climat à la fois inquiétant, sensuel, moite et envoûtant. Alors, laissez-vous faire : Larguez les amarres …

 

également disponible en coll. de poche (Pocket, 2008)

22:25 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; roman; voyages | |  Imprimer |  Facebook | | |

14/07/2011

Le chant des larmes

Bloc-Notes, 14 juillet/ Nyon

littérature; poésie; livres

Le cercle des Amoureux de la poésie, autour d'Abbassia Naïmi, concrétise avec Le chant des larmes un rêve magnifique: promouvoir la poésie francophone contemporaine et mettre en relation les auteurs et les lecteurs de tous bords en insistant plus particulièrement sur la lecture à haute voix nécessaire en poésie.

Vingt poètes de tous horizons - Maroc, Algérie, Tunisie, Cameroun, Etats-Unis, Canada et France - ont ainsi participé à ce projet qui respire d'un besoin de transmission orale, enraciné chez les uns et les autres. On y chante la beauté apaisée, le sang de la terre, l'ombre qui se balance sur un mur, les traces éphémères de la vie, les chemins de l'enfance, le monde qui tour à tour pleure et saigne, les bruits du jour devenus silence, et ces mots comme fleurs au vent, écrits comme on respire ont en commun de libérer l'âme et de partager, chacun à sa manière, un fragment d'espoir, de solidarité et de combat. Une poésie de la proximité dans laquelle les lecteurs attentifs peuvent reconnaître leurs propres résonances.

Une notice biographique - avec référence aux sites Internet - précède les textes de chaque auteur, dont bon nombre sont connus des usagers de Facebook. Au chant des larmes ont contribué Marie Hurtrel, Hamid Medah, An Ishtar, Xavier Lainé, Eve Oramie, Jean-Luc Moulin, Assia Benotmane, Amel Belkacemi, Makhlouf Boughareb, Emmanuel Parmentier, Nadir Kateb, Amel Tafsout, Robert Notenboom, Réjean Blais, Hanène Chelbi, Rodrigue Ndzana, Michèle Minary, Pierre la Paix, Cécyl et Abbassia Naïmi.

Une bien belle aventure qui prouve que la poésie - comme le disait Charlie Chaplin - demeure une indispensable lettre d'amour adressée au monde.

Le chant des larmes - Le cercle des Amoureux de la Poésie (Editions Lire et Méditer, 2010)

image: Abbassia Naïmi, Librairie Quesseveur, Agen (France)

Le cercle des Amoureux de la Poésie: www.lecap-edition.fr/

10:14 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : littérature; poésie; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

09/07/2011

Laurent Terzieff

9782253159759FS.gifLaurent Terzieff, Seul avec tous (coll. Livre de poche/LGF, 2011)

Exigeant, d'une insolente liberté face aux modes et aux courants de son époque, il a crée à la scène ou interprété Sophocle, Pierre Corbeille, Henrik Ibsen, Mikhaïl Boulgakov, Luigi Pirandello, Paul Claudel, Arthur Adamov, Slawomir Mrozek, Eugène O'Neill, John Arden, Edward Albee, James Saunders, Murray Schisgal parmi tant d'autres. Sur la mise en scène - à l'école de Roger Blin - il nous a laissé une très belle réflexion: Je voulais sentir le goût de l'époque et en exprimer la saveur. Participer à cette mutation constante de la vie. Me mettre à l'écoute du monde. En devenir la caisse à résonance. 

Toutes ces approches sensibles au service du texte, vous pouvez les retrouver dans ce livre qui s'ouvre avec un émouvant témoignage de Fabrice Luchini et de Marie-Noëlle Tranchant, suivi d'un florilège consacré aux thèmes majeurs de sa quête existentielle. Il y évoque sa jeunesse, son parcours politique, les événements qui ont secoué sa vie - la tragédie algérienne qui l'a transpercé au plus intime, les pages bouleversantes consacrées à sa compagne Pascale de Boysson - assumant ses contradictions avec un rare souci d'honnêteté, sans renier quoi que ce soit de son parcours, comme si chacun de ces repères biographique avait laissé s'épanouir une ride supplémentaire intégrée à sa personnalité, exigeante et douce, dont nous conservons le souvenir.

A Marie-Noëlle Tranchant reviennent les derniers mots de ce discret hommage. Je reprends dans votre dernier récital poétique, Florilège, ces vers d'Aragon qui mènent si bien vers vous: Il est plus facile de mourir que d'aimer. C'est pourquoi je me donne le mal de vivre, mon amour.

Une première édition de ce livre est parue aux Presses de la Renaissance, en 2010.

00:52 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; théâtre; essai; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

08/07/2011

Christian Bobin

9782070126934.gifChristian Bobin, Les ruines du ciel (Gallimard, 2009)

 

Tandis que le soleil automnal caresse ma fenêtre ouverte et dispense ses rayons bienfaisants, j’éprouve une joie infinie à lire cet artisan rigoureux, discret, d’une intégrité irréprochable, contrepoids heureux à tant de vacuité, de bruit ou de futilité, même – et surtout – en littérature ! Munissez-vous d’une feuille de papier, d’un crayon et consignez les phrases qui sauront illuminer vos prochaines journées. Je vous en partage deux pour le plaisir : Les livres sont la résidence secondaire de l’âme. Quand elle pousse les volets de papier contre le mur, une lumière entre partout dans la pièce. Quelle merveille !

 

également disponible en coll. de poche (Folio/Gallimard, 2011)

06:42 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; essai; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

07/07/2011

Pascal Quignard

9782020991094.gifPascal Quignard, La barque silencieuse (Seuil, 2009)

 

Comme l’un de ses contemporains – Christian Bobin dans Les ruines du ciel, publié par Gallimard – mais avec un regard différent, l’auteur interroge les anciens, leurs traces dans l’esprit humain, leurs miroirs obscurs dans la civilisation actuelle. Même si sa réflexion trouve un sens dans une nuit parfois ténébreuse ou hostile, il s’en dégage tout de même un sentiment de liberté intérieure à laquelle répond un besoin de silence salvateur. Est libre celui qu’on ne peut contraindre. (…) Est libre l’homme qui n’est pas esclave (…). Est libre celui qui ne demande d’autorisation à personne. Est libre celui qui ne réfère à aucune instance. Tout homme est une citadelle de tyrans qu’il faut faire sauter » Chapeau, Monsieur Quignard !

 

également disponible en édition de poche (Folio/Gallimard, 2011)

08:01 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Pascal Quignard | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; essai; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

06/07/2011

Le poème de la semaine

Claudio Montale

pour Catherine P

quelques traces de craie dans le ciel
sont seuls signes que je laisse
pour tout dire
à qui veut jouer aux enfanteurs de lumière
 
à toi qui n'en as cure
il y a matière à rire
et pour les autres à médire
 
à huis clos
je les abandonne à leurs mauvais stratagèmes
au creux de ta blanche haleine
soudée à la terre vierge
dont je viens et où je vais sans trop frémir
et sans besoin de forger
d'improbables certitudes
 
ma vigne quotidienne et nouvelle
mon aimante
ma fulgurante
l'invention du présent jubile en nous
 
Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle

Le poème de la semaine

Gisèle Prassinos

Je veux rester dans ma niche
et ne voir personne.
Je veux garder mon os
et le ronger seul, à petits coups,
jusqu'à en faire un chef d'oeuvre.
 
Chaque nuit, j'y travaillerai.
Je n'ai pas besoin de lumière,
mes dents sont des outils complets.
Si j'ai froid, je hurlerai peut-être
et me lamenterai
d'être délaissé.
 
Au moindre bruit de pas,
pour ne pas subir l'humiliation
d'une main compatissante
sur mon poil sensible,
je ferai le mort,
respirant à peine,
à l'écoute du seul secours
que j'attends.
 
Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle

05:41 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie | |  Imprimer |  Facebook | | |

30/06/2011

Reconnaissance à Dimitri - par JLK

Vladimir Dimitrijevic, fondateur des éditions L’Age d’Homme, s’est tué sur une route de France

par Jean-Louis Kuffer

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Une figure légendaire de l’édition littéraire européenne vient de disparaître en la personne de Vladimir Dimitrijevic, dont le van commercial est sorti de la route aux abords de Clamecy, dans la soirée du mardi 28 juin, percutant ensuite un autre véhicule et provoquant la mort immédiate du conducteur, seul à bord. Bien connu à Paris et dans les grandes foires du livre, de Francfort à Montréal, le directeur de L’Age d’Homme, âgé de 77 ans, avait fondé sa maison d’édition en 1966 et publié plus de 4000 titres.

Mondialement connu pour son catalogue slave, établi avec la collaboration des professeurs Georges Nivat et Jacques Catteau, L’Age d’Homme avait également redimensionné l’édition romande. À côté de l’intégrale mythique du Journal intime d’Amiel et des Œuvres complètes de Charles-Albert Cingria, réunies par Pierre-Olivier Walzer, de nombreux auteurs contemporains y ont publié leurs ouvrages aux bons soins particuliers de Claude Frochaux. En outre, les collections de cinéma, sous la direction de Freddy Buache, de théâtre, de sciences humaines ou de spiritualité, entre autres domaines, ont souvent fait référence au-delà de nos frontières.

Bien au-delà de l’aire romande, Vladimir Dimitrijevic n’eut de cesse de faire partager sa passion de jeunesse pour un titan de la littérature américaine, Thomas Wolfe. La révélation du bouleversant Vie et destin de Vassili Grossman, arrivée en Suisse sous la forme de microfilms miraculeusement sauvés, est également à son crédit. De la même façon, il alla jusqu’à hypothéquer sa maison de hauts de Lausanne afin de publier les pavés d’Alexandre Zinoviev, des Hauteurs béantes au mémorable Avenir radieux (prix Médicis 1976).

Au nombre des auteurs phares vivants défendus par Dimitri, comme tout le monde l’appelait, figurent en outre Georges Haldas au premier rang des écrivains romands, les Français Vladimir Volkoff ou Pierre Gripari, mais l’originalité de L’Age d’Homme a souvent consisté en découvertes dans les périphéries francophones de la Belgique ou du Québec.

Un personnage à la Simenon

La destinée de Vladimir Dimitrijevic, né en 1934 dans la Yougoslavie de Tito, est elle-même un fabuleux roman. Fils d’un artisan horloger-bijoutier jeté en prison en 1945, comme nombre de commerçants, le jeune Vladimir, fou de littérature et de football, fuira la conscription en 1954 pour débarquer en Suisse sous le faux nom d’un personnage de Simenon. Sous le titre d’Autobiographie d’un barbare, Dimitri a d’ailleurs raconté ses années d’enfance et de jeunesse hautes en couleurs en Macédoine puis à Belgrade, dans une série de propos recueillis par le soussigné : Personne déplacée. Arrivé en Suisse le 4 mars 1954 avec 12 dollars en poche, le jeune déserteur de l’armée du peuple devint libraire à Neuchâtel  puis à Lausanne, chez Payot Bourg où son passage laisse un souvenir marquant.

Un homme de passions

Impatient de combler les vides d’un catalogue selon son cœur, Vladimir Dimitrijevic, avec quelques amis et son épouse Geneviève, fonda L’Age d’Homme en 1966 et ne tarda pas à tisser des liens avec Paris, où il se rendait régulièrement avec Algernon, sa camionnette d’éternel errant dans laquelle il serrait son sac de couchage, par mesure d’économie. Les rapports de Dimitri avec l’argent marquaient d’ailleurs une partie de sa légende, autant que ses positions idéologiques...

Orthodoxe croyant et conservateur, Vladimir Dimitrijevic passa ainsi d’un anticommunisme résolu à un nationalisme serbe qui le rapprocha, dès la fin des années 1980, de ceux-là même qui avaient persécuté son père. Devenu l’éditeur des grands romans serbes historico-politiques de Dobritsa Tchossitch, futur président de la Serbie, en relation directe avec Slobodan Milosevic et même Radovan Karadzic, dont il publia les écrits, Dimitrijevic, et son lieutenant Slobodan Despot, animèrent un Institut serbe à vocation de propagande (ou de contre-propagande, selon leur dire) qui entacha durablement la réputation de L’Age d’Homme. Cela étant, l’héritage de cet éditeur sans pareil ne saurait se réduire à de tels choix, si discutables qu’ils aient pu être. 

Un être lumineux et complexe 

La somme des instants où l’on sent les choses devenir sans poids et de la vie émaner un parfum constitue pour moi la preuve de la communion avec Dieu, nous disait Dimitri en 1986, lors de conversations dont il nous reste l’aura d’une présence sans pareille.

Dimitri était un homme inspiré, proprement génial par moments, qui pouvait se montrer d’une extrême délicatesse de sentiments. Ses intuitions de lecteur étaient incomparables et ses curiosités inépuisables. Mais c’était aussi un barbare, selon sa propre expression, qui ne savait pas faire le beau.

Malgré les services exceptionnels qu’il rendit à notre littérature et à notre vie culturelle, aucune reconnaissance publique ne lui a été manifestée. Or il ne s’en plaignait pas, n’ayant rien fait pour flatter. L’opprobre s’accentuant après ses prises de positions de patriote serbe, il sembla même s’en accommoder.

En son antre du Métropole, à Lausanne, nous l’avons connu irradiant et fraternel, puis il s’est assombri. Les lendemains de la guerre en ex-Yougoslavie, la difficulté de survivre dans cet empire du simulacre qu’il fut des premiers à stigmatiser, la perte de l’être lumineux qui avait partagé tant d’années, l’obligation récente de quitter sa tanière tapissée d’icônes, le poids du monde, enfin, ont accentué la part d’ombre de cette personnalité à la Dostoïevski. Une personnalité complexe et parfois insaisissable, croyant jusqu’au fanatisme, tantôt avenant et tantôt impossible, terroriste ou bouleversant de douceur retrouvée.

Un jour que Bernard Pivot, l’accueillant à Apostrophes, lui demandait ce qu’il espérait voir par-delà la mort, Dimitri le mystique lui répondit, devant le public médusé: la face de Dieu.

«Ses» milliers de livres, sur nos murs, en sont comme le reflet, par-delà les eaux sombres de sa mort tragique.

Claude Frochaux
Écrivain et éditeur à L’Age d’Homme

Je connaissais Dimitri depuis cinquante ans. J’ai travaillé à ses côtés trente ans durant, de 1968 à 2001. Notre rencontre, fulgurante, fut celle de deux libraires. Mais immédiatement, nous avons pensé édition. Ensuite, avec son immense personnalité un brin écrasante, il a imposé une vision large qui manquait chez nous. Elle était fondée sur son amour de la littérature. Ce fut un passeur d’exception. Il m’a ouvert au monde. Son rayonnement dépasse de loin nos frontières.

Freddy Buache
Fondateur de la cinémathèque suisse et directeur de collection

Je suis triste à en crever. C’est le seul type au monde pour lequel, sans partager toutes ses idées, j’aurais pu faire n’importe quoi! La mort de Dimitri me frappe au cœur. Pas à cause de ses qualités intellectuelles ou de son talent d’éditeur, insurpassable. Mais il avait des intuitions et des observations qui relevaient de l’ordre de la sensation et de la perception du monde. Tout cela faisait qu’il ne ressemblait à nul autre, ici et maintenant. 

Patrick Besson
Écrivain

Sa mort me cause une grande peine. C’est un des très grands éditeurs européens. L’équivalent slave de Maurice Nadeau. Il a connu deux positions successives et opposées. Après avoir été le chouchou des anticommunistes lorsqu’il publiait des dissidents, il est devenu un paria pour ses positions proserbes pendant la guerre civile yougoslave. Ce dont je veux me souvenir, c’est d’abord qu’il fut un ami, un très grand lecteur et un extraordinaire éditeur. 

Pascal Bacqué
Poète, auteur de L'Age d'Homme

Qu’on me pardonne d’avance : j’ai envie d’écrire ce petit mot comme pour conjurer, pour retenir les commentaires qui ne tarderont pas de tourner leur ronde de nuit autour de la dépouille de Vladimir Dimitrijevic. Dimitri, que je connais depuis quelques années, était mon éditeur ; ce mot, comme tous les mots, est saisi dans la signification qu’on lui donne dans la tribu, où elle n’est jamais très pure, vous savez bien. Editeur, aujourd’hui, cela veut dire : il faut un peu retravailler votre écriture; vous allez bien, en ce moment ? Quand on en est là, on est au sommet. Sinon, cela veut dire : Il faut penser à la demande du public, vous comprenez ?

Editeur, aujourd’hui, est un autre mot pour normalisateur, équarisseur, marchand de soupe et non-lecteur.

Tout le monde savait, chez les éditeurs, que Dimitri lisait mieux que l’immense majorité de ses confrères ; tout le monde savait que, dans son esprit, les livres signifiaient quelque chose qui n’était pas l’objet fétiche de quelques précieuses germanopratines, ni le tube de dentifrice de la civilisation en mal d’écroulement. Dimitri, hanté par l’écroulement, désespéré par le crime commis, toujours davantage, contre l’humain, regardait les livres avec un cœur et un esprit brûlant – peu d’écrivains méritent, il faut bien le dire, qu’on les prenne avec autant de sérieux que celui qu’il accordait à leur livre.

On ne manquera pas, aujourd’hui, dans les colonnes de Libération, du Monde et de toutes les grandes institutions majoritaires, c’est-à-dire, très exactement, du camp adverse de Dimitri qui était profondément minoritaire, de saluer le très grand éditeur, tout en soulignant l’engagement serbe, et, partant, le caractère sulfureux du grand homme. De cette histoire serbe, je vais parler après. Mais quant au concert de louanges, il ne faut jamais oublier que nous vivons en Egypte, je parle de l’Egypte ancienne. Nous vivons dans la civilisation de la mort. Un homme existe s’il est mort, dans la culture, dans celle qu’on conserve pieusement, puisque celle qui vit, on a déjà réussi à la dématérialiser, à la ramener à son concept; Dimitri, donc, a désormais de fortes chances d’exister dans la culture.

Cet homme, avec qui j’ai parlé en juif quand il parlait, absolument parlant, en chrétien - cet homme qui a eu le courage de publier mon poème furieusement antichrétien, cela tout de même en dit long sur la largeur de vue du bonhomme -  ne regardait qu’une chose, nos conversations étaient faites de cela : faut-il encore espérer, quand on veut coûte que coûte assurer le triomphe de la foule, d’une foule qui préfère se noyer dans son angoisse d’être foule, de n’être rien, d’être morte, plutôt que d’affronter la terreur de vivre ?

Dimitri, je crois bien, répondait non. Je crois que Dimitri désespérait. Dimitri était vieux, Dimitri avait perdu son épouse ; Dimitri avait subi l’ostracisme de tous les médiocres, qui le jalousaient, en France et en Suisse, et qui trouvaient dans ses maladresses serbes l’occasion du coup de grâce. La maladresse serbe de Dimitri, c’était celle qu’on rêvait d’un criminel, d’un Milosevic, alors que c’était celle d’un homme, traumatisé par le Nazisme et par le Communisme, et qui voyait dans son pays, la Serbie, un rempart contre l’empire – dans l’histoire plus ancienne, Serbe signifiait non austro-hongrois ; plus tard, pendant la guerre, Serbe avait signifié non-croate, et non-bosniaque ; et il faut dire que croate et bosniaque avait signifié, infiniment plus que le signifiant serbe, barbare et criminel, massacreur de juifs, pour parler franc. Bref, Dimitri se disait que la Serbie était un rempart pour sa foi, pour son désir d’humain. Il se trompait, Dimitri ? Ptêt ben qu’oui ; et, s’il y a encore des happy few, eux sauront compléter : et alors ?

Il y avait aussi de vilains fachos, ou cyniques, qui avaient tourné autour de lui ? Vous savez quoi : je m’en contrefous. Les médiocres, même vilains fachos et cyniques, ont pour métier de tourner autour de ceux qui vivent ; c’est leur substance, c’est leur définition.  Donc que Dimitri, qui fut serbe au nom de ce qu’il voyait de plus beau dans ce mot, de plus haut dans son propre Christianisme, qu’il fût pris au piège du nationalisme laid d’autres serbes, cela est bien possible. Si un grand comme Hölderlin a chanté la Germanie, et s’il a fini dans les paquetages des SS, faut-il en conclure, avec cette distance si confortable que vous offre la doxa, à sa très-grande faute ?

C’est beaucoup plus simple : Dimitri prenait la vie au sérieux, et c’est parce qu’il prenait la vie au sérieux, et qu’il n’y a de sérieux que dans l’esprit, qu’il prenait la littérature très au sérieux. Il n’était un de ces affreux prêtres de Pharaon, experts en sortilèges, experts en culture, qui a dégénéré, aujourd’hui, en tendance. Dimitri était sérieux devant son assiette, devant ses cartons de livres qu’il trimbalait de Lausanne à Clamecy et à Paris, et qui auront eu raison de lui. Dimitri était sérieux devant la beauté des mots et des phrases. Amis journalistes, vous qui avez vécu l’outrage, vous qu’on a formés pour ne jamais prendre au sérieux les mots et les phrases, si jamais vous écoutiez ces propos d’un anonyme prononcés dans le désert, cela ne mériterait-il pas que vous vous absteniez, un bref instant, de jacasser ?

Il n’est qu’une tâche, pour ceux qui ont aimé et compris un peu Dimitri, et pour ceux qui admirent son travail : de le contredire, dans son désespoir, et de le confirmer, dans son travail. Non, Dimitri, jamais il n’est lieu de désespérer, et vous, qui n’avez jamais cessé de travailler pour l’esprit, vous devez savoir que vous n’avez pas agi en vain, et que la vie de l’esprit, même offensée, même traînée dans la boue du lieu commun, de la culture et de la complaisance, se continue, obscure et petite, à l’âge des empires d’argent, et des foules assombries par leur propre défaite ; et parce qu’il n’y a que l’esprit qui soit immortel, c’est l’esprit qui triomphera ; non, Dimitri, vous n’avez pas travaillé en vain ; vous fîtes erreur, comme tout homme, mais comme les rares hommes vivants, vous avez donné à votre erreur la forme d’une demande, furieuse, brûlante, de vie, et qui demande la vie est toujours exaucé.

 Vladimir Dimitrijevic. Personne déplacée (coll. Poche Suisse/L’Age d’Homme, 2010)

article paru dans les quotidiens suisses La Tribune de Genève et 24 Heures

retrouvez les chroniques de Jean-Louis Kuffer sur: http://carnetsdejlk.hautetfort.com/

29/06/2011

Le poème de la semaine

Charles-Ferdinand Ramuz

Viens te mettre à côté de moi sur le banc devant la maison,
   femme, c'est bien ton droit;
il va y avoir quarante ans qu'on est ensemble.

Ce soir, et puisqu'il fait si beau,
et c'est ausssi le soir de notre vie:
   tu as bien mérité, vois-tu, un petit moment de repos.

Voilà que les enfants à cette heure sont casés,
ils s'en sont allés par le monde;
et, de nouveau, on n'est rien que les deux,
   comme on a commencé.

Femme, tu te souviens ?
On avait rien pour commencer, tout était à faire.
Et on s'y est mis, mais c'est dur.
Il faut du courage, et de la persévérance.

Il faut de l'amour,
et l'amour n'est pas ce qu'on croit
quand on commence.

Ce n'est pas seulement ces baisers qu'on échange,
ces petits mots qu'on se glisse à l'oreille,
ou bien de se tenir serrés l'un contre l'autre;
le temps de la vie est long, le jour des noces n'est qu'un jour;
c'est ensuite, tu te rappelles,
c'est seulement ensuite qu'a commencé la vie.

Il faut faire, c'est défait;
il faut refaire et c'est défait encore.

Les enfants viennent;
il faut les nourrir, les habiller, les élever:
   ça n'en finit plus;
il arrive aussi qu'ils soient malades;
tu étais debout toute la nuit;
moi, je travaillais du matin au soir.

Il y a des fois qu'on désespère;
et les années se suivent et on n'avance pas
et il semble qu'on revient en arrière.
Tu te souviens, femme, ou quoi ?

Tous ces soucis, tous ces tracas; seulement tu as été là.
On est restés fidèles l'un à l'autre.
Et ainsi j'ai pu m'appuyer sur toi,
   et toi tu t'appuyais sur moi.

On a eu la chance d'être ensemble,
on s'est mis tous les deux à la tâche,
on a duré, on a tenu le coup.

Le vrai amour n'est pas ce qu'on croit.
Le vrai amour n'est pas d'un jour, mais de toujours.
C'est de s'aider, de se comprendre.

Et, peu à peu, on voit que tout s'arrange.
Les enfants sont devenus grands, ils ont bien tourné.
On leur avait donné l'exemple.

On a consolidé les assises de la maison.
Que toutes les maisons du pays soient solides,
et le pays sera solide, lui aussi.

C'est pourquoi, mets-toi à côté de moi et puis regarde,
car c'est le temps de la récolte et le temps des engrangements;
quand il fait rose comme ce soir,
et une poussière rose monte partout entre les arbres.

Mets-toi tout contre moi, on ne parlera pas:
on n'a plus besoin de rien se dire;
on n'a besoin que d'être ensemble encore une fois,
et de laisser venir la nuit
dans le contentement de la tâche accomplie.
 
 
Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle

26/06/2011

Katherine Pancol

9782020319027.jpgKatherine Pancol, Les hommes cruels ne courent pas les rues (Coll. Points/Seuil 1997)

Le père de l'héroïne, homme cruel et fascinant, a disparu. Pour oublier, elle part à New York. Mais ni son amie Bonnie ni le frozen yoghourt ne suffisent à la consoler. Heureusement, Allan surgit, insaisissable, beau comme un dieu. Celui-là, il ne faut pas le laisser échapper. Entre souvenirs de petite fille et stratégies de séduction, Katherine Pancol dresse le portrait pétillant d'une femme d'aujourd'hui.

Précurseur de Vu de l’extérieur, ce roman développe presque tous les thèmes propres à Katherine Pancol : le père aimé mais absent, la mère austère, l’espièglerie et la provocation avec les hommes, le manque de confiance en soi et la peur de tout perdre. On éclate souvent de rire dans ce livre, même quand tout bascule et que les larmes ne sont pas loin ...

10:30 Écrit par Claude Amstutz dans Katherine Pancol, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; roman; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |