10/05/2011
Raphaël Enthoven
Raphaël Enthoven, Le philosophe de service et autres textes (Gallimard, 2011)
Contrairement à d'autres prétendus sages qui, tels des gourous de la pensée contemporaine balbutient un verbiage confus ou incompréhensible pour le grand nombre sur les plateaux de télévision, Raphaël Enthoven nous entraîne dans une promenade jubilatoire, pleine d'humour et de poésie au coeur de la philosophie. Son livre - très court - guide notre réflexion sur la mélancolie, le bonheur, l'imagination, la nostalgie ou le temps, parmi d'autres thèmes qui lui sont chers. Chacun des chapitres ressemble à une lucarne sans âge ouverte sur le monde, délivrant une brassée d'air pur, tonique, vivifiant, surgie du dehors, avec ce soin attentif de toujours laisser trouver au lecteur ses propres réponses aux questions abordées.
Sur l'humour, ses méditations ne manquent pas de pertinence: Quand on y pense, il est aussi désopilant que dramatique d'être né sans raison pour mourir à coup sûr: le tragique de l'existence fait aussi d'elle une rigolade. L'humour serait absurde si la mort ne l'était pas, mais mourir donne raison au rire. (...) L'humour est le frère de sang du mortel à qui un Dieu farceur laisse, indifféremment, le choix d'en rire ou d'en pleurer. (...) L'humour, c'est le bras armé de la joie.
Ailleurs, à propos de l'amour, il note avec délicatesse: La passion d'aimer témoigne du seul amour qui vaille, du seul amour véritable et sans cause: l'amour de la vie. A force d'aimer la vie malgré elle, on finit de temps en temps par aimer les autres sans raison. Peu importe qu'il soit un malentendu; que l'amour soit réciproque ou malheureux, triste ou joyeux, tomber amoureux est toujours un début de victoire.
Enfin, sur l'égoïsme - on pourrait citer Raphaël Enthoven à l'infini - il use d'une belle image: Toute âme close est un coeur à l'agonie.
La concision est parfois le comble de l'élégance et de la profondeur. Et c'est tout le mérite de ce petit livre étonnant dont chaque ligne est un enchantement, à cent lieues d'une Madame Irma des temps modernes...
publié dans Le Passe Muraille no 86 - juin 2011
00:17 Écrit par Claude Amstutz dans Le monde comme il va, Le Passe Muraille, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; essai; philosophie; livres | | Imprimer | Facebook |