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30/10/2013

Le poème de la semaine

Guillevic

Autrefois,
quand j'étais gamin,
je me sentais étranger
au monde.
 
C'était
comme si je n'en étais pas,
et je me suis appliqué
à m'incorporer à ce tout.
 
Maintenant où s'approche
ma fin,
et je le sais, je le vis,
maintenant
je n'ai plus d'effort à faire
pour sentir pleinement
le monde
seconde après seconde.
 
Il est là et je suis en lui,
je suis à lui,
en lui je me plais.
 
Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle

02:05 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : littérature; poésie | |  Imprimer |  Facebook | | |

29/10/2013

Véronique Olmi

9782246668718.gifVéronique Olmi, Sa passion (Grasset, 2007)

La rupture amoureuse – thème central de ce court roman – qui broie les cœurs et les corps, retire à Hélène sa raison de vivre, mais éprise d’absolu, saura-t-elle vivre le deuil de sa passion sans détruire ce qui l’a émue, épanouie, révélée à elle-même ? Prise dans un étau entre désir et raison, elle traversera les affres de la jalousie, de la possessivité, de la rancœur, avant de trouver la voie qui la libérera de sa prison. Au passage, une subtile évocation des milieux littéraires et de la famille d’Hélène.

également en format de poche (Livre de poche/LGF, 2008)

05:54 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; roman; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

28/10/2013

Musica présente - 80 Christian Zacharias

Christian Zacharias

pianiste et chef d'orchestre allemand, né en 1950

*

Wolfgang Amadeus Mozart

Piano Concerto No 5 in D major, K 175

(Stuttgart Radio Symphony Orchestra, Neville Marriner) 

pour Giulia L


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27/10/2013

Morceaux choisis - Forugh Farrokhzâd

Forugh Farrokhzâd

6.png

merci à Fatiha OH

Quand viennent 
ces moments brefs et froids, 
tes yeux sauvages, silencieux, 
lèvent un mur autour de moi
 
Je fuis sur les chemins perdus
jusqu’à ce que des champs paraissent sous la poussière de la lune
jusqu'à ce que nous ne fassions 
qu'un 
dans les sources de lumière
jusqu'à la brume chamarrée des chaudes matinées d'été
 
Je fuis jusqu'à ce que ma robe déborde de lys du désert
jusqu'à ce que nous entendions
tous deux 
le coq qui appelle depuis le toit du villageois
jusqu'à ce que de tout son poids 
mon pied foule l'herbe du désert
ou que je m'y désaltère 
de rosée froide
 
jusqu'à ce que sur une grève
vide
du haut de ses rochers 
perdus dans l'ombre nébuleuse, 
j'échappe aux choréographies
des tempêtes sur la mer
 
jusqu'à ce qu'en un soir lointain,
- comme les pigeons sauvages, 
j'entreprenne le parcours 
des champs, du ciel, des montagnes
 
jusqu'à ce que les oiseaux 
du désert 
crient de joie
d’entre les broussailles sèches
 
je t'échappe pour que  - loin de toi
je trouve le chant de l’espoir, ainsi que tout ce qu’il contient 
 
mais avec leur cris éteints 
tes yeux me brouillent le chemin
vers la pesante grille d'or 
qui conduit au palais des songes,
levant un mur autour de moi, comme la destinée d'un jour,
au plus fort de son mystère
 
j'échappe à l'envoûtement des victimes hésitantes,
je me défais comme le parfum de la fleur coloriée 
des songes,
m’agrippe à l'onde des cheveux de la nuit dans le zéphyr, 
m'en vais accoster le soleil
 
dans un monde qu'un confort perpétuel a endormi 
je trébuche avec douceur sur un nuage doré,
la lumière lance ses griffes 
au travers du ciel égayé,
en une harmonieuse esquisse
 
C'est de cet endroit-là qu'heureuse
et libre, je fixe mes yeux 
sur un monde où le sortilège 
de ton regard construit un lien avec un regard confus
 
Un monde où tes yeux envoûtants,
au plus fort de leur mystère,
lèvent un mur sur leur secret.
 

Forugh Farrokhzâd, Le mur (lalapostings.blogspot.ch)

traduit du persan par  Sylvie M. Miller

07:11 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature étrangère, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie; anthologie; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

26/10/2013

Morceaux choisis - Jean-Louis Kuffer

Jean-Louis Kuffer

Cortona_1.jpg

Je me trouvais ce soir-là dans la lumière accordée de Cortone, et de ce balcon je voyais le monde, et je me disais que tout était bien. Je ne connaissais personne et nul ne savait où je me tenais à l'instant précis dans ce lieu de beauté. Je me sentais pure liberté et pure bonté dans cette lumière intemporelle. Je n'étais que réceptacle, ou qu'alambic, ou que vase communicant. Je ne voyais alors que la face claire du monde et je me délectais.

Un jour je m'étais éveillé à cette conscience et à cette effusion de l'être qui se reconnaît, et cette seconde naissance m'avait vu commencer de balbutier et de griffonner sur des paperoles avec la gravité de l'aspirant druide retrouvant les antiques formules au bois sacré.

Alors je me croyais seul au monde à éprouver cela puisque Verlaine et Rimbaud n'étaient plus, ni Vincent dont les soleils noirs irradiaient mes veilles enfumées de mage essentialiste de seize ans, ni Cendrars qui m'emmenait au bout du monde pour m'y laisser tout à fait enchanté, non moins qu'esseulé. Je pénétrais donc sans complice incarné dans cet invisible cercle où se perpétuaient les rites de la société des êtres, ne me doutant même pas de l'existence de celle-ci. Plus tard seulement me serait accordée la grâce de la Rencontre. Pour lors il ne me semblait voir alentour que des gens pratiques et pragmatiques aux yeux desquels la convenance se bornait à se lever le matin et à prendre le tramway, à se rendre au bureau puis à reprendre le tramway, et cela tous les jours ouvriers jusqu'au dimanche voué à la divine acclamation puis à la procession non moins rituelle dans les allées de l'ennui.

Or, plus j'avais cheminé par les années et plus je m'étais défié de cette espèce de somnolence suroccupée dans laquelle s'activait la nouvelle humanité programmée à la seule réalisation de son plan de carrière.

A Cortone, cette année-là, j'incarnais certes, la trentaine approchant, et n'ayant rien accompli jusque-là, le parangon du raté selon les critères de la norme, et pourtant je rendais grâce et me sentais tout allègre. A Cortone, ce soir-là, je ne voyais de l'Univers que les couleurs du tableau qui s'estompaient dans la lumière d'éternité: tous les verts assourdis des petits prés suspendus, de l'autre côté de la plaine du fond de laquelle montaient quelques fumées pensives, les touches d'ocre tendre ou de gris rouillé des murets, le gris bleuté des oliviers, les flammèches noir océan des cyprès solitaires ou groupés en rangs de croches sur la partition, et la couleur orange de l'heure diluant les tuiles tièdes et les murs terre de Sienne, et la paille dans le bleu du vert, et le blanc dans l'argile rougeoyante, et tantôt comme un voile de gaze, tantôt comme une feuille de papier huilé brouillaient la vision, puis se distinguaient de nouveaux détails et de nouveaux rapports dont la totalité plénière m'apparaissait comme une figure de l'harmonie pure.

C'était à Cortone, ce pouvait être partout mais ce soir-là c'était à Cortone que je m'étais retrouvé dans cet état chantant. J'avais sous les yeux l'image même du jardin humain: non la mythique prairie originelle mais le bocage et le pacage, le champ labouré, la haie, l'amenée d'eau, le plant de vigne arraché aux jachères, et subsistant aussi là-dedans le pavot et l'ortie, la ronce et l'odeur sauvage, le serpent cinglant là-bas sous les rocs et, là-haut, l'oiseau d'argent fusant de son propre élan sur champ d'azur coupé d'or. 

Jean-Louis Kuffer, A la vie à la mort, dans: Par les temps qui courent (Campiche, 1995)

image: Cortone, Toscane / Italie (iltorrino.eu)

Marie-Hélène Lafon

9782283023488.gifMarie-Hélène Lafon, L'annonce (Buchet-Chastel, 2009)

Eric savait par coeur certaines annonces choisies, Célibataire quarante-quatre ans un mètre soixante-sept soixante-neuf kilos sans enfants chauffeur agriculteur cherche jeune femme aimant campagne voulant fonder un foyer heureux désirant enfants ; ou encore, Cherche compagne cinquante soixante-deux ans féminine (bien bustée) sans attaches pour vie alternée Paris campagne. Paul, quarante-six ans, paysan à Fridières, Cantal, ne veut pas finir seul. Annette, trente-sept ans, vit à Bailleul dans le Nord avec son fils. Elle n'a jamais eu de vrai métier. Elle a aimé Didier, le père d'Eric, mais ça n'a servi à rien. Elle doit s'en aller. Recommencer ailleurs. Elle répond à l'annonce que Paul a passée... 

Avec des mots aussi rugueux et chaleureux que ces paysages du Cantal, Marie-Hélène Lafon vous invite pour une saison à la campagne. Vous y ferez la rencontre de Paul, célibataire de 46 ans et d’Annette, 37 ans, mère d’Eric. Tout résonne avec justesse dans cette jolie histoire d’amour qui se découvre et s’épanouit au rythme lent de la terre. Vous l’adorerez !

également disponible en coll. de poche (Folio/Gallimrd, 2011)

06:26 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; roman; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

25/10/2013

Morceaux choisis - Cesare Pavese

Cesare Pavese et Bianca Garufi

3.jpg

La dernière fois que j'allai à la mer avec elle, Silvia se rhabilla dans les genévriers et je la vis, baissée, faire tomber le maillot de ses jambes, toute rose et brunie. Son visage fut caché par ses cheveux. Je prononçai son nom, mais à voix si basse que, derrière ses cheveux, elle ne m'entendit pas. Ce fut la dernière fois, et ce jour-là, je ne l'avais même pas touchée. Puis nous partîmes et le lendemain elle me dit qu'elle en avait assez de moi. Alors je restai seul, et je ne mangeai que des fruits et des restes pendant plusieurs jours. J'aimais seulement sortir et marcher. 

En marchant, je me demandais avec qui Silvia pouvait bien s'être mise. Il y en avait beaucoup qui la voulaient. J'y pensais même la nuit quand je ne pouvais pas dormir, et je lui parlais à voix basse, tout contre l'oreiller, comme si elle était là, à côté. Silvia, lui disais-je, reviens. Qu'est-ce que ça te coûte de revenir? Tu as été si peu de temps avec moi. Nous avons tant de choses à faire ensemble. Reviens.

Pendant tous ces jours, Silvia ne revint pas. Je ne savais pas avec qui elle vivait. Ce n'était pas elle qui avait disparu; elle n'avait changé en rien sa façon de vivre; je connaissais la maison, les chambres, les mots qu'elle disait, son réveil, les rues; celui qui s'était perdu, c'était moi et autour de moi je ne voyais plus rien que je connaisse. J'étais comme celui qui attend quelqu'un à un coin de rue, et cette personne tarde et il découvre avec stupéfaction des passants, des taches sur les murs, des magasins qu'il n'avait jamais vus. Il m'arrivait de voir d'autres femmes. Que de Silvia, me disais-je. Toute femme est une Silvia. Comment se fait-il?

J'avais connu d'autres Silvia par le passé. Ma vie était un entrelacs de Silvia qui m'avaient approché un instant. Elles se ressemblaient toutes, elle m'avaient toutes compris au premier mot. Mais cette fois, j'appris encore ceci: que ce que je souffrais à cause de Silvia n'était pas dû au hasard. Il fallait que je pense que c'était précisément avec Silvia qu'il ne m'était pas permis de vivre. Elle, ces yeux, ces cheveux, cette voix, n'étaient pas faits pour moi. Dès ma naissance, ils s'étaient formés et avaient grandi pour être vus, écoutés et embrassés par un autre, par un homme différent, qui n'aurait rien de moi, qui serait plus éloigné de moi qu'un animal ou un tronc d'arbre. Que pouvait-on y faire?

En ce temps-là, je croyais que la façon dont j'avais vécu avec Silvia était quelque chose d'irréparable, et que mon corps, ma peau et mes gestes, n'étaient plus ceux d'avant. Mais je savais que jour après jour, quelque chose de cette nouvelle substance s'en allait et il me semblait que j'y perdais mon sang, ma vie.

Au lieu de cela, une aube se leva et je revis Silvia. Elle m'avait fait appeler et elle parlait, embarrassée, en essayant de sourire. Elle vint à moi en se frottant une hanche qu'elle avait cognée contre la porte et elle me dit: Tu es encore vivant?

- Bien sûr, lui répondis-je.

- Qu'est-ce que ça fait mal, et elle frotta encore.

Elle me parla debout, dans la première pièce, parce que de l'autre côté, elle avait des gens qui faisaient du vacarme et je ne comprenais pas si elle riait d'une discussion qu'elle avait interrompue ou bien si elle voulait me faire fête. Tu as envie de rire? me demanda-t-elle.

- Pas toi?

- Non, ces gens m'ennuient, fit-elle. Tu n'es pas retourné en mer?

C'était l'hiver, et soudain il me sembla que le mois d'août revenait.

Cesare Pavese et Bianca Garufi, Grand feu / extrait, dans: Nuit de fête et autres récits (Gallimard, 1972)

traduit de l'italien par Pierre Laroche

image: seratedimedane.wordpress.com

24/10/2013

Claire Genoux

littérature; poésie; livresClaire Genoux, Faire feu (Campiche, 2011)

Si ce livre était un roman, il serait parsemé de points de suspension, pour précéder les premiers mots, un passé de griffures, de désirs, d'attentes; si ce livre était un roman, il serait suivi de points de suspension, un avenir incertain peut-être, précaire, obsédant; mais il s'agit de poésie, d'instants célébrés, là où l'obscurité de toutes choses révèle le corps, la peur et la faim, la vivante flamme jaillie de l'abîme qu'entretient l'autre, cette étoile qui danse. Un présent d'interrogations où alternent la résistance et l'abandon, l''avidité et l'insondable: Rien ne vous parlera de ma part d'errance / sous le pré bouclé des lunes / ni de l'amitié des morts claquée à la corde des doigts.

Une mélodie attachante comme une musique de chambre épanouie et sèche, mélancolique à la manière d'une liane rare qui enserre l'arbre, s'accroche à ses plus hautes branches sans pouvoir s'y maintenir.

Donnez-moi un tas dur / une croix sous le bâton du vent / que ce soit vos bras / votre main nue / qui me rende lourde à la neige des feuilles / car ceux qui m'aiment ne savent pas / ce qui enfonce en moi / et qui jamais ne se tassera.

Outre un recueil de nouvelles, Ses pieds nus et Poésies 1997-2004 qui ont déjà été présentés dans ces colonnes, Claire Genoux - née à Lausanne en 1971 - a obtenu, avec Saisons du corps, le Prix Ramuz de la poésie en 1999. Ses ouvrages sont disponibles aux éditions Bernard Campiche.   

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23/10/2013

Le poème de la semaine

René Char

Marthe que ces vieux murs ne peuvent pas s’approprier,
fontaine où se mire ma monarchie solitaire,
comment pourrais-je jamais vous oublier
puisque je n’ai pas à me souvenir de vous:
vous êtes le présent qui s’accumule.
Nous nous unirons sans avoir à nous aborder,
à nous prévoir
comme deux pavots font en amour une anémone géante.

Je n’entrerai pas dans votre coeur pour limiter sa mémoire.
je ne retiendrai pas votre bouche
pour l’empêcher de s’ouvrir sur le bleu de l’air et la soif de partir.
je veux être pour vous la liberté et le vent de la vie
qui passe le seuil de toujours
avant que la nuit ne devienne introuvable.

 
Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle

22/10/2013

Lire les classiques - Alfred de Musset

Alfred de Musset

Gustave-Jean Jacquet.jpg

Avec tout votre esprit, la belle indifférente,
Avec tous vos grands airs de rigueur nonchalante, 
Qui nous font tant de mal et qui vous vont si bien, 
Il n'en est pas moins vrai que vous n'y pouvez rien.
 
Il n'en est pas moins vrai que, sans qu'il y paraisse, 
Vous êtes mon idole et ma seule maîtresse;
Qu'on n'en aime pas moins pour devoir se cacher, 
Et que vous ne pouvez, Ninon, m'en empêcher.
 
Il n'en est pas moins vrai qu'en dépit de vous-même, 
Quand vous dites un mot vous sentez qu'on vous aime, 
Que, malgré vos mépris, on n'en veut pas guérir, 
Et que d'amour de vous, il est doux de souffrir.
 
Il n'en est pas moins vrai que, sitôt qu'on vous touche, 
Vous avez beau nous fuir, sensitive farouche, 
On emporte de vous des éclairs de beauté, 
Et que le tourment même est une volupté.
 
Soyez bonne ou maligne, orgueilleuse ou coquette, 
Vous avez beau railler et mépriser l'amour,
Et, comme un diamant qui change de facette,
Sous mille aspects divers vous montrer tour à tour;
 
Il n'en est pas moins vrai que je vous remercie,
Que je me trouve heureux, que je vous appartiens, 
Et que, si vous voulez du reste de ma vie,
Le mal qui vient de vous vaut mieux que tous les biens.
 
Je vous dirai quelqu'un qui sait que je vous aime:
C'est ma Muse, Ninon; nous avons nos secrets.
Ma Muse vous ressemble, ou plutôt, c'est vous-même; 
Pour que je l'aime encor elle vient sous vos traits.
 
La nuit, je vois dans l'ombre une pâle auréole, 
Où flottent doucement les contours d'un beau front;
Un rêve m'apparaît qui passe et qui s'envole; 
Les heureux sont les fous: les poètes le sont.
 
J'entoure de mes bras une forme légère;
J'écoute à mon chevet murmurer une voix; 
Un bel ange aux yeux noirs sourit à ma misère; 
Je regarde le ciel, Ninon, et je vous vois;
 
O mon unique amour, cette douleur chérie, 
Ne me l'arrachez pas quand j'en devrais mourir! 
Je me tais devant vous; - quel mal fait ma folie? 
Ne me plaignez jamais et laissez-moi souffrir.
 

Alfred de Musset, A Ninon, dans: Poésies complètes (coll. Bibliothèque de la Pléiade/Gallimard, 1986)

image:  Gustave Jean Jacquet (artrenewal.org)

07:46 Écrit par Claude Amstutz dans Lire les classiques, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie; anthologie; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |