Le poème de la semaine (23/10/2013)

René Char

Marthe que ces vieux murs ne peuvent pas s’approprier,
fontaine où se mire ma monarchie solitaire,
comment pourrais-je jamais vous oublier
puisque je n’ai pas à me souvenir de vous:
vous êtes le présent qui s’accumule.
Nous nous unirons sans avoir à nous aborder,
à nous prévoir
comme deux pavots font en amour une anémone géante.

Je n’entrerai pas dans votre coeur pour limiter sa mémoire.
je ne retiendrai pas votre bouche
pour l’empêcher de s’ouvrir sur le bleu de l’air et la soif de partir.
je veux être pour vous la liberté et le vent de la vie
qui passe le seuil de toujours
avant que la nuit ne devienne introuvable.

 
Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle

06:30 Écrit par Claude Amstutz | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; poésie | |  Imprimer |  Facebook | | |