07/10/2013
Les grands chefs d'orchestre 1a
Bloc-Notes, 7 octobre / Les Saules
Si vous parcourez cette page, j'en déduis que vous aimez la musique classique. Un peu, beaucoup, passionnément? Conscients de vos lacunes culturelles, éprouvez-vous parfois - ce fut mon cas pendant de nombreuses années - un malaise à côtoyer les salles de concert ou à converser avec des mélomanes dont les connaissances côtoient la stratosphère? Oui? Alors nous sommes faits pour nous entendre, et vous comprendrez mon enthousiasme pour la collection Musique, aux éditions Buchet-Chastel, dont le dernier volume, Les grands chefs d'orchestre du XXe siècle, sous la plume de Christian Merlin - critique musical au Figaro et pour la revue Diapason - vient de paraître.
Nullement réservé aux musicologues, cet ouvrage s'adresse à un public large, curieux, avide de franchir de nouveaux horizons et qui, bien souvent, ne sait trop dans quelle direction s'aventurer. Dans Les grands chefs d'orchestre du XXe siècle, 37 portraits évoquant leur parcours et leur personnalité, sont présentés. Je vous fais grâce des noms les plus connus, soulignant simplement des maîtres parfois oubliés, tels Hermann Abendroth, Fritz Busch, Felix Weingarten, Hans Rosbaud ou Willem Mengelberg, dont il est aujourd'hui difficile de trouver des enregistrements ailleurs que chez les disquaires spécialisés, devenus hélas très rares...
La présentation didactique, se veut aussi objective que possible afin de laisser au lecteur le soin de choisir ses propres pistes, même si - heureusement - l'opinion personnelle de l'auteur déborde parfois de ce cadre un peu trop strict: sévère avec un Valery Gergiev, admiratif avec un Carlos Kleiber. Comme dans les trois autres volumes de cette collection, près de huit d'heures d'écoute au format MP3 vous permettent de vous plonger dans une oeuvre dirigée par chacun de ces chefs d'orchestre: un voyage magique à entreprendre à pas lents afin de savourer votre plaisir!
Et si vous ne l'avez déjà fait, je vous encourage vivement à vous procurer Les grands pianistes du XXe siècle de Alain Lompech et Les grands violonistes du XXe siècle de Jean-Michel Molkhou: deux ouvrages - déjà présentés dans ces colonnes - où l'osmose entre la personnalité des artistes et leur talent, est présenté d'une manière particulièrement originale et captivante.
En annexe, vous pouvez entendre le très bel extrait du Freischütz de Carl Maria von Weber, dirigé par Carlos Kleiber, mon préféré entre tous s'il fallait en choisir un seul...
Christian Merlin, Les grands chefs d'orchestre du XXe siècle (Buchet-Chastel, 2013)
Alain Lompech, Les grands pianistes du XXe siècle (Buchet-Chastel, 2012)
Richard Martet, Les grands chanteurs du XXe siècle (Buchet-Chastel, 2012)
Jean-Michel Molkhou, Les grands violonistes du XXe siècle / vol. 1: de Kreisler à Kremer, 1875-1947 (Buchet-Chastel, 2011)
image:Christian Merlin (blogs.qobuz.com)
11:41 Écrit par Claude Amstutz dans Carlos Kleiber, Musique classique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique classique; livres | | Imprimer | Facebook |
05/10/2013
Morceaux choisis - Colette Nys-Mazure
Colette Nys-Mazure
Pour la cérémonie de la lecture, j'aime le rituel: lampe bien orientée, coussins moelleux, feu douillet, présence tendre, silence et paix du coeur. Mais je peux tout aussi bien me contenter d'une paillasse et d'une lampe de poche qui ne troublera pas le sommeil de la chambrée. Adossée au mur de la gare tonitruante, la valise entre les pieds, ou chatouillée par les hautes herbes au bord de l'eau, je lis et le bruit des pages tournées, le bruissement de la langue délivrent la même ivresse.
Je lis, je me délie de tout ce qui entravait mon essor. Je lis, je me relie à tous ceux qui ont connu ce texte et à ceux qui le découvriront après moi, autant qu'à l'écrivain qui nous l'a confié. Je renoue avec mon moi le plus intime, celui de l'enfance, comme je pose les jalons de demain. Je nidifie et j'édifie.
Je lis. Je pallie les limites dérisoires de ma petite vie. Par auteurs, par héros interposés, j'expérimente mille formes d'existence, je me démultiplie. J'approfondis. Je comprends la folie d'un autre. Je pénètre dans des milieux qui me resteront toujours étrangers ou fermés. Rien ne m'est impossible. Je lis. Lire c'est délirer.
Je lis. Je relis les classiques, je les rafraîchis au contact de ma sensibilité actuelle. J'élis et j'abolis le temps aussi bien que l'espace: il n'est terre ni époque ni âge qui me soit inaccessible. Je lis-j'écris. J'écris en marge des lignes mon propre livre. Avec Tournier, je peux affirmer que tout livre a toujours deux auteurs: celui qui l'écrit et celui qui le lit.
Ce livre, je le raconterai aux enfants en faisant une énorme vaisselle, au cours d'un voyage en voiture ou dans une salle d'attente. Je le déconstruirai et je le recomposerai, image après image, séquences télescopées; comme jadis dans nos interminables conciliabules fraternels, nichés à l'étroit d'une vieille cage à lapins au fond du jardin.
Je lis, je jouis. Je me réjouis dans la jubilation des réseaux de sens. Je m'étonne et m'émerveille. Je vais de surprise en surprise et je reconnais. Déjà je pense à celui à qui je prêterai le livre. A moins que je l'abandonne sur la banquette du train ou la chaise du square, en espérant qu'il trouve un lecteur enthousiaste, ravi de l'aubaine.
Je lis. Le texte descend en moi, infuse: Le saule / peint le vent / sans pinceau; je porte ce haïku comme une fête; demain je naviguerai en haute mer avec Dostoïevski ou Cohen. Je lis et la solitude recule, le souci s'éloigne. Autour de moi veillent tant de vivants. Ils sont passés par là, avant moi, en sont revenus. Je reviens, dispose. Je lis et le monde que je vois n'égale pas celui qui m'habite.
Que lis-tu? Sur le visage de l'enfant-lecteur, je surprends l'expression concentrée, perdue: je me retire sur la pointe des pieds. Peur de rompre un charme.
Colette Nys-Mazure, De la patrie des livres, dans: Célébration du quotidien (Desclée de Brouwer, 1997)
image: tarakoken.blog28.fc2.com
09:55 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; essai; morceaux choisis; livres | | Imprimer | Facebook |
04/10/2013
Lire les classiques - Gérard de Nerval
Gérard de Nerval
Je suis le Ténébreux, - le Veuf, - l'Inconsolé,Le Prince d'Aquitaine à la Tour abolie:Ma seule Étoile est morte, - et mon luth constelléPorte le Soleil noir de la Mélancolie.
Dans la nuit du Tombeau, Toi qui m'as consolé,Rends-moi le Pausilippe et la mer d'Italie,La fleur qui plaisait tant à mon coeur désolé,Et la treille où le Pampre à la Rose s'allie.
Suis-je Amour ou Phoebus?... Lusignan ou Biron?Mon front est rouge encor du baiser de la Reine;J'ai rêvé dans la Grotte où nage la Sirène...
Et j'ai deux fois vainqueur traversé l'Achéron:Modulant tour à tour sur la lyre d'OrphéeLes soupirs de la Sainte et les cris de la Fée.
Gérard de Nerval, Les Chimères / La Bohême galante / Petits châteaux de Bohême (coll. Poésie/Gallimard, 2005)
image: Franck Cadogan Cowper, Vanity (artgalleryartist.com)
17:40 Écrit par Claude Amstutz dans Lire les classiques, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; poésie; anthologie; livres | | Imprimer | Facebook |
Ana Clavel
Ana Clavel: Les violettes sont les fleurs du désir (Métailié 2009)
Juliàn éprouve un désir incontrôlable pour sa fille Violeta, mêlant ses rêves, ses silences ou ses besoins de séduction à une réalité insupportable. Alors, afin de ne pas céder à la transgression, il invente une variante de poupées adolescentes, les Violettes. Créées à l’image du modèle, elles connaîtront, lors d’une foire commerciale à Amsterdam, une immense popularité auprès de ceux qui éprouvent les mêmes pulsions que lui … Aux frontières de la philosophie et de l’art – les méditations sur La poupée de Hans Bellmer – ce récit allégorique, érudit, cruel, met à nu les obsessions inquiétantes des hommes, confrontées à l’obscure Confrérie de la lumière éternelle, dont le souci purificateur s’avère aussi fou que les fantasmes de son héros.
Avec ce premier roman singulier, Ana Clavel a obtenu le prestigieux Prix Juan Rulfo en 2005.
publié dans Le Passe Muraille no 80 - décembre 2009
16:40 Écrit par Claude Amstutz dans Le Passe Muraille, Littérature étrangère, Littérature sud-américaine | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; roman; livres | | Imprimer | Facebook |
03/10/2013
René Char
René Char, A la santé du serpent (Voix d'Encre, 2008)
A la santé du serpent est composé d'aphorismes de René Char insérés dans Le poème pulvérisé, publiés une première fois - avec une gravure d'Henri Matisse - dans la revue Fontaine, en 1947. Le texte est ensuite repris par les éditions Gallimard, dans Fureur et mystère. Le voici à nouveau mis en valeur dans la présente publication, caractérisée par une mise en page splendide, augmenté d'une trentaine d'acryliques sur papier de Jean Miotte - dont une reproduction détachable de l'artiste - qui illustrent à merveille les éclats solaires de l'écrivain. Les amoureux de poésie n'hésiteront pas à l'acquérir, malgré son prix de 32 euros, pas excessif, compte tenu de la qualité de l'ouvrage.
Ce qui vient au monde pour ne rien troubler ne mérite ni égards ni patience. (René Char, extrait de A la santé du serpent)
07:36 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, René Char | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie; beaux-livres | | Imprimer | Facebook |
02/10/2013
Le poème de la semaine
Pierre Reverdy
Le soleil rôdait encore autour de la maisonQuand on ouvrit la fenêtreLes ivrognes sont toujours làMais la chanson qui montait à la nuit a cesséMaintenant quelle voix m’appelleQuelle douce voix appelle derrière le mur de droiteEn riantLes hommes sont làEndormisEt ce n’est par la même bouche qui chanteUne femme au loin pousse un criSur le bord du balcon ses doigts dépassentIls sont fins et pointusEt ce sont ces doigts que je regardePendant qu’on m’appelleDe tous les champs par tous les cheminsLes gens arriventEn habits noirsEn habits grisEt d’autres en bras de chemiseUne voiture emplit la route de poussièreLa maison est bientôt pleine d’étrangersEt comme personne ne chanteLes hommes se sont réveillésLa pendule s’est arrêtéePersonne ne bouge…Comme sur les imagesIl n’y aura plus de nuitC’est une vieille photographie sans cadreQuelques traces de craie dans le ciel,Anthologie poétique francophone du XXe siècle
00:18 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie | | Imprimer | Facebook |
01/10/2013
Morceaux choisis - Michael Donhauser
Michael Donhauser
Parfois je retournais au tableau et je voyais ce que j'avais oublié, l'ombre de la barrière, les ombres des piquets de la clôture, et l'étendue qu'on pouvait davantage deviner que voir, où conduisait l'alignement des arbres, qu'elle n'était pas une plaine avec des allées qui s'étendaient vers l'horizon. La lumière s'y étalait en de grands lointains, ces lointains étaient là sous forme de lumière qui se déversait, à travers les branches, le treillis, la barrière.
J'avais l'impression, tel que je voyais le tableau, qu'il m'avait manqué depuis longtemps comme un endroit qui vous faisait rester: et ce qui vous faisait rester était semblable à l'ouverture d'une main qui ne retenait plus, qui montrait seulement, et cela purifiait de se défaire ainsi, de toutes choses, tandis que la vue était une respiration, de l'air frais, du soleil chaud. Ainsi donc il était de nouveau là, le seuil, et la légère retenue également, du souffle, à la vue de la pie.
La pie, elle, habitait le tableau, elle s'y était posée, sur le barreau le plus haut de la barrière en guise de branche, un peu comme en passant ou comme un être vivant, être vivant abandonné autant que le baquet, et la neige, elle était sur le sol en abondance, semblable à l'herbe, qui verdirait là en abondance, semblable aux feuilles qui donneraient aux arbres leur plénitude lumineuse, à une autre saison, car il n'y avait là pas Rien, il y avait la neige peinte et l'étendue peinte et la peinture de la pie sous forme d'oiseau sombre avec une tache claire sur la poitrine, avec des plumes de la queue semblables à des traits de pinceau.
Et le ciel n'était pas bleu, pas du bleu d'une claire journée: il était brumeux, brumeux et comme si la clarté ainsi réfractée dans la brume était plus grande, plus vive la lumière, comme un demi-jour, encore matinale presque, presque crépusculaire déjà. Tout reposait, tout était, était résonance, était ramure et murs badigeonnés, tout habillait le silence sur l'épaule nue duquel était posée la pie: y avait-il la mort, était-elle le son auquel le tableau répondait, en écho?
Mais la mort, elle vint, comme les fleurs tournoyaient, des poiriers, comme l'air embaumait un parfum doux et que les branches se couvraient de feuillage: de sorte que l'été ensuite et l'automne pratiquement inaperçus s'écoulèrent et que ce fut un éveil, comme la neige était là, comme l'hiver était là où il y avait encore eu le printemps et que la neige parlait, de la mort. Vous marcherez au soleil et moi, je serai sous la terre, avait dit quelqu'un, mais à présent le silence régnait comme si toutes les paroles de l'adieu étaient traduites en ce silence lumineux.
Où étaient-ils donc passés, comme on disait, les jours, toutefois je ne posais pas la question, je regardai encore une fois l'oiseau qui, tel un guetteur, était juché sur la barrière, qui s'envolerait à nouveau, qui s'était envolé d'une branche, avait traversé un bout de clarté, puis s'était posé, en battant un peu des ailes, là-bas, sur le barreau supérieur, là où le chemin ne faisait qu'un avec le chemin, celui qui avait été parcouru, celui qui s'étendait devant vous: et on ne voyait personne, ni homme passant par là, ni femme venant par le chemin.
Par le chemin: où il n'y avait pas de chemin, où la neige recouvrait le chemin qui peut-être conduisait à la barrière, puis à la maison, à l'une des deux, puis de la maison jusqu'à l'étendue le long des arbres, peut-être, car son tracé pouvait à peine être remémoré, mais présent, transformé en cette présence sous forme d'éclat, de lumière, se déversant, transformé en cette qualité d'image sous forme de pie, d'emblème, placé dans le silence, pour l'agrandir.
Michael Donhauser, La pie - d'après La pie de Claude Monet / extrait (Harpo &, 2012)
traduit de l'allemand par Laurent Cassagnau
image: Claude Monet, La pie (histoiredesartsrombas.blogspot.com)
01:24 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature étrangère, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; récit; morceaux choisis; livres | | Imprimer | Facebook |
30/09/2013
Musica présente - 78 Monique Haas
Monique Haas
pianiste française, 1909 - 1987
*
Frédéric Chopin
12 Etudes, Op 10
pour Charline K et Michel B
00:01 Écrit par Claude Amstutz dans Frédéric Chopin, Musica présente, Musique classique | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : musique classique; facebook | | Imprimer | Facebook |
28/09/2013
Brigitte Giraud
Brigitte Giraud, Une année étrangère (Stock, 2009)
Elle est touchante, l’histoire de Laura, qui laisse derrière elle une famille à la dérive, submergée par la culpabilité et les non-dits, à la suite de l’accident mortel de son petit frère. Jeune fille au pair en Allemagne, elle est confrontée à une autre langue, découvre un nouveau pays et s’efforce de s’intégrer à un milieu différent du sien, plus harmonieux en apparence, car il dissimule aussi ses blessures, ses secrets, ses fissures. Le portrait émouvant d’une adolescente qui se voit grandir et dans cette métamorphose gagne peut-être sa libération.
également disponible en format de poche (Coll. J'ai Lu, 2011)
06:34 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature: roman; livres | | Imprimer | Facebook |
27/09/2013
Lire les classiques - William Shakespeare
William Shakespeare
La musique qu'on entend, pourquoi l'ouïr sans entrain?Le doux se plaît au doux, la joie va à la joie;Comment aimer ce qu'on n'aime qu'à contrecoeur,Ou n'avoir de plaisir qu'à ce qu'on soit fâché?Si la concorde des sons ensemble bien accordés,Par l'hymen réunis, offense ton écoute,Ils te grondent doucement de jouer au singulierLa partition des sons qu'ensemble tu devrais jouer;Entends comme cette corde en épouse une seconde,Comme, par écho mutuel, les autres sont éveillées,On dirait du bonheur d'un fils, son père, sa mère,Chantant à l'unisson une seule mélodie: Chanson privée de mots, ensemble une et plusieurs,Et qui t'avertirait "Toi, tout seul, tu n'es rien."
William Shakespeare, Sonnet VIII, dans : Sonnets - édition bilingue (Grasset, 2013)
traduit de l'anglais par Jacques Darras
image: www.maxisciences.com
00:03 Écrit par Claude Amstutz dans Lire les classiques, Littérature étrangère, William Shakespeare | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie; anthologie; livres | | Imprimer | Facebook |