13/10/2013
Lire les classiques - Charles Baudelaire
Charles Baudelaire
La rue assourdissante autour de moi hurlait.Longue, mince, en grand deuil, douleur majestueuse,Une femme passa, d'une main fastueuseSoulevant, balançant le feston et l'ourlet; Agile et noble, avec sa jambe de statue.Moi, je buvais, crispé comme un extravagant,Dans son oeil, ciel livide où germe l'ouragan,La douceur qui fascine et le plaisir qui tue. Un éclair... puis la nuit! - Fugitive beautéDont le regard m'a fait soudainement renaître,Ne te verrai-je plus que dans l'éternité? Ailleurs, bien loin d'ici! trop tard! jamais peut-être!Car j'ignore où tu fuis, tu ne sais où je vais,O toi que j'eusse aimée, ô toi qui le savais!
Charles Baudelaire, A une passante - Les fleurs du mal , dans: Oeuvres complètes (Bibliothèque de la Pléiade/Gallimard, 1961)
image: Une passante / Paris (dinosoria.com)
16:19 Écrit par Claude Amstutz dans Charles Baudelaire, Lire les classiques, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; poésie; anthologie; livres | | Imprimer | Facebook |
12/10/2013
Vendanges tardives - De Xenakis
Un abécédaire: X comme Xenakis
Pas snob pour deux sous, Marie-Chantal, quand, tirant sur son légendaire fume-cigarette en ivoire rose à l'entracte d'une pièce de Thomas Bernhard, Avant la retraite, elle te confesse de sa voix rauque et théâtrale qu'elle a pris goût à la musique stochastique au Tibet, en écoutant sur un transistor de fortune Radio France International, mais uniquement le célèbre Pop Club de José Arthur dont, en transe, elle ne prêtait l'oreille qu'à la bande-son de Iannis Xenakis: Polytope.
Hélas, vois-tu Fred, je trouve que tout de même, avec le temps, elle baisse, car quand le monsieur bien sous tous les rapports l'a bousculée et a maculé sa dernière robe toute en cuir bleu et transparences signée Jean-Paul Gaultier, avec un vulgaire american pancake, elle ne s'est pas écriée: Me voici enfin griffée toute en Rothko!
Mais que veux-tu? L'esprit comme la politique, avec l'âge ça se confond parfois avec la sottise: ce grand silence blanc...
Thomas Bernhard, Avant la retraite (Arche, 1987)
image 1: Défilé Jean-Paul Gaultier 2014 / IMAXTREE (lexpress.fr)
image 2: Mark Rothko (minimalexposition.blogspot.com)
illustration musicale: Iannis Xenakis, Polytope, Ensemble Ars Nova / Marius Constant
00:25 Écrit par Claude Amstutz dans Le monde comme il va, Littérature étrangère, Vendanges tardives - Un abécédaire 2013 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; musique; mode | | Imprimer | Facebook |
11/10/2013
Musica présente - 82 Michel Dalberto
Michel Dalberto
pianiste français, né en 1955
*
Franz Schubert
12 valses nobles, D 969
23:51 Écrit par Claude Amstutz dans Franz Schubert, Musica présente, Musique classique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique classique; facebook | | Imprimer | Facebook |
Robert Louis Stevenson
Robert Louis Stevenson, Apologie des oisifs (Allia, 2001)
A côté de ses romans, Stevenson est l’auteur de nombreux essais, considérés comme des chefs-d’œuvre par Borges ou Nabokov. Sa virtuosité, son humour, son ton paradoxal, sa façon d’aborder les questions les plus profondes à travers les détails les plus prosaïques l’inscrivent dans la grande tradition des essayistes anglo-saxons. On se persuadera à la lecture de ces textes jubilatoires, où défile une galerie d’excentriques anglais de la plus belle eau, que la paresse et la conversation - au même titre que l’assassinat - méritent de figurer parmi les beaux-arts. Ces textes ironiques, pleins de malice et d’observation pertinente - contre l'agitation, la productivité ou l'éloge du travail bien fait - n’ont rien perdu de leur originalité, et méritent une place de choix sur la table de chevet… de tous les managers!
00:51 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature étrangère | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; essai; livres | | Imprimer | Facebook |
10/10/2013
Morceaux choisis - Maurice Chappaz
Maurice Chappaz
O juillet qui fleurit dans les artèresje désire toutes les choses Dans la rouge mémoire de mon sangbougent les limons et les chairs vivacessécheresse sécheresselà chantent les écumesmes soifs fument Mais toi tu es délicatessetu me seras livrée la nuit comme la forêtqui dira alors ce qu'est ton coeur?la pleine nuit de ton coeur?quel silencepuis quelle voix superbe chantera dans l'ombre. Quand tu seras penchée vers moialors mes bras deviendront beauxtu reposeras sur ma poitrineet tu seras sur moi comme une sourcecomme le chant de la sourceô tendresse qui éveille les eauxet leur abondance douce Je sais que tu es semblable à la terreque pareilletu apportes de rustiques présentsque ton corps est comme le vrai fromenttu donnes le painle don simple et bonde ce qui se touche et qui se voittu couvres l'homme de moissontu es pareille aux fruits des arbresapportant leur soleil et leur douceuret je t'appellerai le lait le miel le raisin. Puis vient la joievous saisons vous matièresvous êtes cédéesoh! j'ai envie de dire merveille merveillefemme combien tu es belleparaît ta grande naturetu glisses dans les bras de celui qui t'aimetout soleil est perdu C'est maintenant le silence frais de la nuitc'est dans ton coeur qu'il faut chercher l'étéqu'il faut tout chercherje n'ai plus qu'envie de diremerveille merveille Qui dira la nuit?qui dira l'été?
Maurice Chappaz, La merveille de la femme / extrait, dans: Verdures de la nuit (Fata Morgana, 2004)
image: Albert Anker, Die kleine Kartoffelschälerin (picstopin.com)
00:04 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Littérature suisse, Maurice Chappaz, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie; anthologie; livres | | Imprimer | Facebook |
09/10/2013
Jayne Anne Phillips
Jayne Anne Phillips, Lark et Termite (Bourgois, 2009)
Ce roman poignant à l’atmosphère faulknérienne – mais sans sa respiration pessimiste ou désespérée – prête sa voix à cinq personnages qui vont nous raconter une histoire qui les lie viscéralement les uns aux autres.
La première voix est celle du caporal Leavitt tombé dans une embuscade au début de la guerre de Corée, réfugié dans un tunnel avec une petite coréenne dont il sauve la vie en la couvrant de son corps. Il se remémore sa rencontre avec Lola, son épouse enceinte laissée à Louisville et dont il pressent la naissance du fils qu’il ne connaîtra jamais. Malgré les horreurs de la guerre, certains passages sont d’une beauté à couper le souffle : La fille se mouille la main et la lui pose sur la gorge, sur la bouche. La nuit est sans nuages. Il ne voit pas le clair de lune mais il le sent qui luit sur la pâle paroi du tunnel.
Puis, c’est au tour d’une adolescente de 17 ans, Lark, le premier enfant de Lola, de prendre la parole, neuf ans plus tard. Animée d’une joie de vivre indéfectible, elle doit son nom – alouette, en français - à sa mère qui voulait qu’elle sache grandir en se gardant des dangers et soit capable de s’envoler. Son destin est lié à son petit frère Termite, handicapé mental et moteur presque aveugle, qui ne sait ni parler, ni marcher, auquel elle veut éviter coûte que coûte une institution spécialisée. Irradiant de lumière auprès de tous ceux qu’elle fréquente, elle n’est pas naïve pour autant et sa vision du monde demeure très concrète : La vie m’apparaît comme quelque chose d’immense, mais je ne suis pas sûre qu’elle soit longue, comme un ciel de saphir qui pèse au-dessus des têtes et toujours de l’eau sur les bords. Ce bord, c’est là où tout change d’une seconde à l’autre. Je sens qu’il se rapproche. Comme un bruit, comme le vent, comme un train dans le lointain.
Quant à Nonie, la sœur de Lola - envers laquelle elle nourrit d’obscurs ressentiments qui trouvent une explication dans la dernière partie du livre – elle aussi s’exprime. Avec beaucoup de dévouement, elle élève Lark et Termite comme ses propres enfants avec son compagnon Charlie, afin d’honorer la promesse faite à sa sœur.
La voix la plus impressionnante est celle de Termite, le fils de Leavitt, dont le nom fait référence à ses doigts qui bougent en tous sens et battent l’air comme les antennes d’un insecte. D’une sensibilité hors du commun – en particulier sa perception des sons et des couleurs - il semble tout connaître, tout savoir, tout comprendre. Son osmose avec Lark est magique : La pluie va mugir comme la mer dans les coquillages de Lark qu’elle lui colle près de l’oreille pour qu’il entende les vagues. Lark dit les océans cognent comme le sang dans les veines, et elle pose les doigts sur son poignet pour qu’il sente le fragile battement.
La dernière, lointaine, est la voix de Lola qui n’a pas eu de chance. Ayant perdu l’homme qu’elle aimait, elle aspire à le rejoindre non sans avoir préalablement assuré l’avenir de ses enfants.
La chronologie du récit n’est pas linéaire, la plupart du temps traversée par les réminiscences du passé. Tous les personnages – à l’exception de Lola – ont une faculté de survivre à tous les événements, les uns avec et par les autres, unis par des liens invisibles à tout jamais.
Le point culminant du roman, dans les 50 dernières pages - une tempête dantesque - ramène à la surface des secrets de famille, des rancoeurs, des larmes, mais qui s’estompent en douceur, préfigurant le pardon ainsi qu’une forme de rédemption.
L’écriture de Jayne Anne Philipps est audacieuse. Ses mots semblent forgés par la terre, matière vivante tantôt visuelle, tantôt sonore, comme un rayon lumineux qui traverse les ténèbres.
Racontée de plusieurs points de vue, cette histoire offre aussi dans sa conclusion de nombreuses interprétations, dont celle-ci : Termite existe-t-il vraiment ? Comme Lark incarne la beauté du monde, est-il, lui, le miroir des autres, ou le symbole de la conscience, de la perception des choses, du temps ? Certaines visions de Termite peuvent le suggérer : Il voit son père se découper dans la lumière, il voit son père se retourner et s’éloigner. Son père a un fils comme lui et une fille comme Lark et il les emmène avec lui, il les conduit hors du tunnel.
Inoubliable !
Saluons au passage l’admirable traduction de Marc Amfreville, parfaite restitution du texte original.
également disponible en format de poche (coll. 10/18, 2011)
publié dans Le Passe Muraille no 79 - octobre 2009
17:22 Écrit par Claude Amstutz dans Jayne Anne Phillips, Le Passe Muraille, Littérature étrangère | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; roman; livres | | Imprimer | Facebook |
Le poème de la semaine
Antonin Artaud
Ce triangle d’eau qui a soifcette route sans écritureMadame, et le signe de vos mâturessur cette mer où je me noie Les messages de vos cheveuxle coup de fusil de vos lèvrescet orage qui m’enlèvedans le sillage de vos yeux. Cette ombre enfin, sur le rivageoù la vie fait trêve, et le vent,et l’horrible piétinementde la foule sur mon passage. Quand je lève les yeux vers vouson dirait que le monde tremble,et les feux de l’amour ressemblentaux caresses de votre époux. Quelques traces de craie dans le ciel,Anthologie poétique francophone du XXe siècle
00:07 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie | | Imprimer | Facebook |
08/10/2013
La citation du jour
François Mauriac
Croire c'est aimer.
François Mauriac, Ce que je crois (Grasset, 1961)
image: Gaby Pontarollo (monjura.actifforum.com)
00:40 Écrit par Claude Amstutz dans François Mauriac, La citation du jour, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; spiritualité; anthologie; citation; livres | | Imprimer | Facebook |
Morceaux choisis - René Char
René Char
Elle est venue par cette ligne blanche pouvant tout aussi bien signifier l'issue de l'aube que le bougeoir du crépuscule. Elle passa les grèves machinales, elle passa les cimes éventrées. Prenaient fin la renonciation à visage de lâche, la sainteté du mensonge, l'alcool du bourreau. Son verbe ne fut pas un aveugle bélier mais la toile où s'inscrivit mon souffle. D'un pas à ne se mal guider que derrière l'absence, elle est venue, cygne sur la blessure, par cette liane blanche.
René Char, La liberté, dans: Georges Jean, La liberté en poésie (coll. Folio Junior/Gallimard, 1998)
image: Nicolas de Staël, Collage (arcadja.com)
00:00 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Morceaux choisis, Nicolas de Staël, René Char | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie; anthologie; livres | | Imprimer | Facebook |
07/10/2013
Les grands chefs d'orchestre 1b
Bloc-Notes, 7 octobre / Les Saules
Voici l'un des extraits du choix musical de Christian Merlin: Le Freischütz de Carl Maria von Weber (la scène de la gorge au loup) dirigé par Carlos Kleiber, avec Theo Adam, Peter Schreier, Gerhard Paul et l'orchestre de la Staatskapelle de Dresde.
Christian Merlin, Les grands chefs d'orchestre (Buchet-Chastel, 2013)
11:45 Écrit par Claude Amstutz dans Carlos Kleiber, Musique classique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique classique | | Imprimer | Facebook |