Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

08/11/2013

Voyage en Suisse

11.jpgUn voyage en Suisse - Récits des Cantons, édités par Dirk Vaihinger et traduits par François Conod (Campiche, 2013)

25 récits de 25 cantons, par 25 écrivains différents, publiés au cours des 25 dernières années: tel est le formidable travail entrepris par Dirk Vaihinger qui, en langue allemande, a déjà édité Les plus beaux poèmes de la Suisse et Les plus beaux contes de la Suisse qui, tous les deux je l'espère, seront un jour traduits en langue française.

Si quelques noms familiers figurent parmi les auteurs de cette anthologie - Anne Cunéo, Alexandre Voisard, Anne-Lise Grobéty, Peter Bichsel, Alberto Nessi, Maurice Chappaz, Jacques Chessex, Thomas Hürlimann ou Charles Lewinsky - les autres sont, pour la plupart, de vraies découvertes et, comme les cristaux d'un kaléidoscope, réunis dans ce volume, ils dressent un tableau riche en couleurs de cette Suisse débarrassée en la circonstance de ses caricatures, poncifs ou autres fanfaronnades.

A coup sûr, tous les instituteurs de Suisse Romande, surtout s'ils enseignent les lettres, devraient s'empresser de lire cet ouvrage - et de l'inscrire à leur programme - non seulement parce que les textes ou extraits présentés ressemblent à une gourmandise aux multiples parfums, mais témoignent aussi - surtout auprès des jeunes - de l'indispensable ouverture sur l'étranger en Suisse: je veux dire les écrivains qui ne s'expriment pas en langue française, mais en allemand, en romanche, en italien, près de chez nous, et qui ont tant de beautés à nous partager: pas seulement en littérature, soit dit en passant...

07/11/2013

Karin Tuil

KT.jpgKarin Tuil, Douce France (Grasset, 2007) 

 

Une jeune femme sans histoire est arrêtée par erreur avec des immigrés clandestins. Au lieu de protester, mi-fascinée, mi-voyeuse, elle endosse l'identité d'une Roumaine sans-papiers et devient la prisonnière involontaire d'un centre de rétention administrative de la région parisienne. Elle découvre alors un autre monde : tour de Babel des langues, machine bureaucratique, attente effrayée de la décision du juge: libération ou renvoi au pays.


Ce voyage de l’intérieur d'une femme, à la faveur d'un malencontreux concours de circonstances, est dépourvu de clichés ou de banalités. Il est aussi une réflexion émouvante sur les siens, leurs racines, leur terre. Le contexte – Paris – n’a aucune importance et l’ailleurs évoqué pourrait tout aussi bien être ici


également en coll. Livre de poche (LGF, 2008)

06:46 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature: roman; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

06/11/2013

Le poème de la semaine

Philippe Jaccottet

Tu es ici, l'oiseau du vent tournoie
toi, ma douleur, ma blessure, mon bien
De vieilles tours de lumières se noient
et la tendresse entr'ouvre ses chemins
 
La terre est maintenant notre patrie
Nous avançons entre l'herbe et les eaux
de ce lavoir où nos baisers scintillent
à cet espace où foudroie la faux
 
"Où sommes nous?"
Perdus dans le coeur de la paix.
Ici, plus rien ne parle
que sous notre peau, sous l'écorce et la boue,
 
avec sa force de taureau,
le sang fuyant qui nous emmêle et nous secoue
comme ses cloches mûres sur les champs.

 
Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle
 

05/11/2013

Vendanges tardives - De Yllana

Un abécédaire: Y comme Yllana

6.jpg

Tous les matins, invariablement, qu'il pleuve ou qu'il vente, je vois passer Yllana, dos courbé sous mes fenêtres, avec ses papiers sous le bras, avant de se tenir pour la journée, à l'entrée du supermarché de mon quartier, proposant pour la somme modique de deux euros, le journal Sans Abri, consacré à la lutte contre la précarité, dans l'exaspération ou l'indifférence générale.

Or, mon cher Fred, depuis la semaine dernière, au vu de l'insuccès de sa démarche, elle a décidé de changer de stratégie: elle emprunte le tramway ou fait le tour des tables de restaurants en extérieur. Heureuse initiative ou non? Sur son visage, je peux lire toute la douceur, la détresse et la douleur du monde, quand on lui signifie qu'il n'est pas question de payer pour un journal - français de surcroît! - ou de promouvoir l'état de droit de la mendicité. 

Pas vraiment parmi les villes les plus pauvres de Suisse, Genève arbore alors son visage le plus nauséabond, qui vient s'ajouter à l'arrogance, au manque de cordialité et à la froideur, fréquents dans les bistrots, les transports publics ou les commerces. Et quand il m'arrive d'emprunter un taxi, les plus courtois ou serviables s'avèrent être - la plupart du temps - des maghrébins, des hindous, des ressortissants de l'ex-Yougoslavie... et je pourrais multiplier les exemples.

Je sais que mon coup de gueule ne règle aucun problème de société - ce n'est pas mon propos - mais si je n'ai jamais porté cette ville inhospitalière dans mon coeur, sinon pour les amis que j'y retrouve, c'est au nom de ce prétendu esprit libertaire qui cache hypocritement sous une légende - avec de moins en moins de subtilité - ce premier pas qui manque en direction de l'autre - étranger toujours, même venu de Suisse ou de France voisine! - susceptible de favoriser cet épanouissement dans la différence dont parle Albert Jacquard: notre vraie richesse, envers de l'atrophie, de l'indifférence et du déclin.

Mais, heureusement, Genève n'est pas la Suisse! Pas vrai?

Albert Jacquard, Eloge de la différence (coll. Points Science/Seuil, 1981) 

image: Rues de Genève / Suisse, 2010 (planetephotos.blog.tdg.ch)

04/11/2013

Nick Hornby

 littérature: roman; livresNick Hornby, Vous descendez (Plon, 2005)

La veille du Nouvel An, à Londres, quatre individus se retrouvent, par coïncidence, sur le toit d'un immeuble de quatorze étages, tous avec la ferme intention de sauter pour mettre un terme à une vie devenue intolérable. L’histoire de ces quatre ratés qui veulent en finir avec la vie se lit avec infiniment de plaisir, car malgré les échecs et désespoirs à l’anglaise de ses personnages, l’auteur de Haute fidélité sait communiquer aux lecteurs sa sympathie et sa complicité pour Martin, Jess, JJ et Maureen. Même la fin du roman évite les pièges d’un happy end trop évident. La conclusion – sans être désespérée – porte décidément la marque d’un humour tout à fait britannique ! Une réussite.

Egalement disponible en coll. 10/18 (UGE, 2006)

07:40 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature étrangère | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature: roman; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

03/11/2013

Morceaux choisis - Michela Murgia

Michela Murgia

Michela Murgia.jpg

Nous avons joué dans la même rue.

C'est ainsi qu'on devient vraiment frères et soeurs à Crabas, étant donné que naître de la même mère n'a jamais apparenté quiconque, pas même les chats. Que soit toujours béni le respect pour la chair de notre chair, mais la rue et le fait d'avoir joué ensemble offrent aux enfants un lien de parenté plus étroit, qu'ils n'oublieront pas à l'âge adulte. Il n'y a rien d'intuitif dans la génération: le sang suit des parcours troubles, et aucun gamin ne peut imaginer que partager le nom d'un père suffit pour revendiquer une semence commune.

Comment on naît, voilà une des questions qu'il est besoin de se faire expliquer plusieurs fois, et c'est sans doute pour ce motif que nombre d'adultes s'efforcent leur vie durant de se libérer de liens de parenté fortuits en s'en créant d'autres par de purs actes de volonté. Des témoins de mariage sont ainsi élevés au rang de frères et de soeurs. Les parrains et marraines des enfants, promus membres de la famille d'occasion. Des compères et des commères naissent au début de chaque été, la nuit de la Saint-Jean, quand l'île entière brille de feux à sauter main dans la main afin de conquérir une fraternité qui ne soit redevable à aucune mère. Des arbres généalogiques surgissent sans cesse du feu, du vin, de la faute et de l'eau bénite. Pourtant, ces rituels millénaires eux-mêmes ne parviennent pas à engager la mémoire du coeur aussi efficacement que les jeux que les enfants célèbrent dans la rue.

Aucune famille ne l'emportera jamais sur les après-midi d'été ensoleillés au cours desquels on a réussi à marquer son premier but parmi les cris des copains, ou libéré avec eux une libellule gigantesque entrée par mégarde dans un filet à papillons. Et la voix de son propre sang est vaine face à la certitude d'avoir fait saigner involontairement le genou d'un ami. Jamais un Noël parmi les siens ne rivalisera intimement avec le souffle du vent sur le visage lorsqu'on dévale une pente à vélo sans les mains; avec le reflet d'une natte sombre se balançant dans le dos de la fille la plus jolie; on encore avec la honte cuisante d'un magazine pour adultes trouvé au milieu des broussailles et feuilleté en bande dans un silence hagard. C'est dans ces virginités perdues que résident le pacte secret des vrais complices, le pouvoir normatif des premières certitudes communes, devant lesquelles il n'y a pas de famille qui puisse revendiquer de droits plus importants.

C'est ainsi qu'on entend dans les bars certains adultes, des hommes mille fois faits et défaits par la vie, se vanter encore des liens que la rue de leur enfance a créés entre eux - nous avons partagé le jeu - comme s'il s'agissait d'un pacte respecté.

Michela Murgia, Prologue, dans: La guerre des saints (Seuil, 2013)

traduit de l'italien par Nathalie Bauer

02/11/2013

Morceaux choisis - François Mauriac

François Mauriac

Marcel Feguide.jpg

Sans mari, sans enfants, sans amis, certes on ne pouvait être plus seule au monde; mais qu'était cette solitude, au prix de cet autre isolement dont la plus tendre famille ne l'eût pas délivrée: celui que nous éprouvons à reconnaître en nous les signes d'une espèce singulière, d'une race presque perdue et dont nous interprétons les instincts, les exigences, les buts mystérieux? Ah! ne plus s'épuiser dans cette recherche! Si le ciel était encore pâle d'un reste de jour et de lune naissante, les ténèbres s'amassaient sous les feuilles tranquilles. Le corps penché dans la nuit, attiré, comma aspiré par la tristesse végétale, Maria Cross cédait moins au désir de boire à ce fleuve d'air encombré de branches qu'à la tentation de se perdre en lui, de se dissoudre, pour qu'enfin son désert intérieur se confondit avec celui de l'espace, pour que ce silence en elle ne fût plus différent du silence des sphères.

François Mauriac, Le désert de l'amour / extrait, dans : Oeuvres romanesques (coll. Pochothèque/LGF, 1992)

image: Marcel Feguide, La jeune fille sous l'arbre (feguide.free.fr)

01/11/2013

La citation du jour

Rainer Maria Rilke

1.jpg

Que je sois le veilleur de tous tes horizons... Permets à mon regard plus hardi et plus vaste d'embrasser soudain l'étendue des mers. Fais que je suive la marche des fleuves afin qu'au-delà des rumeurs de leurs rives j'entende monter la voix silencieuse de la nuit.

Rainer Maria Rilke, Le livre de la pauvreté et de la mort (Actes Sud, 1992)

traduit de l'allemand par Arthur Adamov

image: Débarcadère de Nyon / Suisse (uprapide.com)

00:02 Écrit par Claude Amstutz dans La citation du jour, Littérature étrangère, Rainer-Maria Rilke | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : citation; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

31/10/2013

La citation du jour

Catherine de Sienne

siena.jpg

N'aimez pas Dieu pour vous-même, pour votre propre utilité, mais aimez Dieu pour Dieu, parce qu'il est la suprême bonté digne d'être aimée.

Catherine de Sienne, dans: Revue Ma Prière No 6, Octobre 2013 (mapriere.com)

image: Catherine de Sienne (womenintheology.org)

Morceaux choisis - Fernando Pessoa

Fernando Pessoa

5.jpg

Il ne suffit pas d'ouvrir la fenêtre
pour voir les champs et la rivière.
Il ne suffit pas de n'être pas aveugle
pour voir les arbres et les fleurs.
Il faut également n'avoir aucune philosophie.
Avec la philosophie, il n'y a pas d'arbres:
il n'y a que des idées.
 
Il n'y a que chacun d'entre nous,
telle une cave.
Il n'y a aucune fenêtre fermée,
et tout l'univers à l'extérieur;
et le rêve de ce qu'on pourrait voir
si la fenêtre s'ouvrait,
et qui jamais n'est ce qu'on voit
quand la fenêtre s'ouvre. 
 

Fernando Pessoa, Poèmes désassemblés, dans: Le gardeur de troupeaux, suivi de: Poésies d'Alvaro de Campos (coll. Poésie/Gallimard, 2012)

traduit du portugais par Armand Guibert

image: fond-ecran-image.com

08:45 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature étrangère, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie; anthologie; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |