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05/12/2013

Jocelyne François 1b

Bloc-Notes, 5 décembre / Les Saules

Claire Pichaud 2.jpg

En complément, voici quelques pages de Jocelyne François, Claire Pichaud - 3 vies: une première approche de l'oeuvre de Claire Pichaud, dans ce splendide ouvrage dont la conception soignée, la qualité de l'impression et de la mise en page illustrent à merveille son immense talent... 

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Jocelyne François, Claire Pichaud - 3 vies / 39 € (Edition du Regard, 2013)

avec une postface de  Henry-Claude Cousseau 

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Jocelyne François 1a

Bloc-Notes, 5 décembre / Les Saules

Claire Pichaud 1.jpeg

Connaissez-vous Claire Pichaud? Non? Cherchez bien, tout au moins parmi les moins jeunes d'entre vous... Vous y êtes? Une jeune fille qui, dans les années 60, sous son nom d'origine, Marie-Claire Pichaud, chante Jacques Douai, Georges Brassens, Nicole Louvier, met en musique Luc Bérimont et René Char - dont le poème Allégeance - et interprète des chansons d'inspiration chrétiennes, telles Il y eut un soir, il y eut un matin, Pardon et Psaume de l'Univers, que vous pouvez écouter sur YouTube.

Avec Claire Pichaud - 3 vies, sous la plume de Jocelyne François, vous allez découvrir, après cet avant-goût de la vraie vie un autre de ses visages: celui de la peinture, qui l'habite depuis plus de 45 ans. En effet, après avoir été bibliothécaire à temps-partiel, licenciée en philosophie, directrice de chorale universitaire, puis chanteuse, elle cherche une expression artistique davantage en accord avec son silence intérieur, ce creuset où l'avenir va se constituer. Elle veut vivre selon la philosophie, selon la musique, selon une harmonie dont elle ne détient pas la clef, mais dont elle a le goût dans la bouche, nous dit l'auteur. 

Jocelyne François retrace ainsi ce chemin qui prend corps dans un atelier proche de l'Isle-de-Sorgue - et de René Char - avec une attirance pour les arts de la terre: la poterie et les grès en particulier, avant que, dans sa recherche d'un équilibre, d'une migration, d'une transparence, d'une déconstruction, elle se consacre à la peinture comme on entre dans une forêt. Chacune de ses toiles - de nombreuses acryliques sur tissu froissé - s'inscrivent dans leur diversité comme un espace de méditation: Une pureté, une exigence sans proclamation s'y exprime silencieusement, et chaque tableau tend au silence.

De la Suite saturnienne aux Zodiaques et Solstices, de Depuis Lascaux, la guerre aux Quatre Saisons, peut être appliquée cette magnifique perception de Jocelyne François à propos d'un autre tableau, L'amour: Chacun peut s'y souvenir de sa propre vie et sentir que toutes les nuances du vécu ouvrent sur un infini dont, certes, on ne sait rien, mais qui nous prendra en lui aussi sûrement que l'existence nous a été offerte au sein d'une improbabilité prodigieuse.

Dans sa postface, Henry-Claude Cousseau, offre lui aussi un juste éclairage: Le peintre a compris que la couleur n'a pas besoin, pour dispenser son éclat à nos yeux, d'autre subterfuge que de simplement faire entendre au bon moment son timbre le plus juste, sa tonalité la plus franche, sa sonorité la plus pleine. Enfin, Jocelyne François cite Alain Tapié dont l'appréciation trouve bien sa place en conclusion de ce livre: Certains peignent le bonheur, d'autres la pensée. Claire Pichaud est de ceux-ci. L'Histoire pour elle n'est ni un sujet ni un matériau, mais un vivier de démarches, de méthodes pour appréhender le spirituel. 

Outre que Claire Pichaud - 3 vies, est l'une des plus belles monographies de l'année, son originalité tient à son approche: Trajet parallèle de fécondité créatrice et de nécessaire solitude entre deux univers artistiques - la peinture pour Claire Pichaud et l'écriture pour Jocelyne François - qui sont autant d'accompagnements de vie et d'oeuvre sous le signe de la convergence et de la vie intime en commun, cette troisième vie...

Ceux que j'aime peignent chaque jour pour changer le monde, dit leur ami commun Jean Fournier, décédé le 22 mars 2006.

En annexe, vous sont présentées quelques pages de cet ouvrage de toute beauté que je vous encourage à parcourir, à lire et regarder au rythme de votre coeur, puis à offrir sans hésiter à vos amis intéressés par l'art contemporain. Comme indiqué ci-dessous, son prix est en effet dérisoire compte tenu de sa présentation tout à fait exceptionnelle!

Sur La scie rêveuse - voir Catégories - vous pouvez retrouver d'autres textes ou éléments bibliographiques consacrés à Jocelyne François

Jocelyne François, Claire Pichaud - 3 vies / 39 € (Edition du Regard, 2013)

avec une postface de  Henry-Claude Cousseau 

00:01 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Jocelyne François, Littérature francophone, René Char | Lien permanent | Commentaires (0) | |  Imprimer |  Facebook | | |

04/12/2013

Le poème de la semaine

Marcelle Delpastre

 Certes, j’en ai parlé, de la terre.
J’en ai parlé, j’en parlerai. 
         La terre, pour moi, tout d’abord, c’était cette terre-ci,
ma terre, la terre de mon pays.
 
La terre que je labourais,
dont je tirais le rocher, le pré où je gardais les vaches,
entre les haies qui montent haut:
le hêtre et le noisetier, le cormier et le châtaignier.
Le sentier où je passais, que je frottais encore un peu.
L’herbe que j’ai fanée, le foin que j’ai fauché.
C’était le ciel de ce pays,
les collines à perte de vue entre la brume et les nuages.
 
Ma maison.
La maison de la terre, de pierre, de bois;
le seuil de la maison et la souche entre les landiers.
Le feu, la fontaine et l’air,
tout ce qu’il faut pour vivre, ce que j’ai à l’entour de moi.
Mais la terre au-delà c’est bien la même terre,
ce que porte la terre, ce que produit la mer,
et le même soleil et les soleils d’ailleurs, nuées d’étoiles,
fumée de poussière.
 
Dans les profondeurs du ciel de tous les cieux,
quelle que tu sois, poussière,
je te chante, la terre, ma terre,
ce qui est en haut, ce qui est en bas,
dans l’apparence comme dans l’être,
je te chanterai toi, l’homme vivant,
dans le secret de l’étincelle et dans le cœur de Dieu.
 
 
Quelques traces de craie dans le ciel, 
Anthologie poétique francophone du XXe siècle

00:02 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie | |  Imprimer |  Facebook | | |

03/12/2013

Thérèse Houyoux

Bloc-Notes, 3 décembre / Les Saules

La petite moureuse 1.jpeg

Par le dessin, autour du modèle, nous l'avons connue aux Beaux-Arts de Genève. Dans l'atelier où elle enseignait, des plantes vertes poussaient jusqu'aux poutres de la charpente. Son enthousiasme nous donnait envie et de notre envie, discrètement, elle se nourrissait. Saisons après saisons, Thérèse a tenu ses carnets, noté ses pensées, impressions du jour, du moment, répété des phrases brèves venues d'autres carnets, d'autres vies. Pendant sa maladie, et plus tard, durant sa période de rémission, Thérèse a poursuivi. Elle a noté, mis de l'ordre dans ses notes, et arrangé une à une ses affaires pour ne pas encombrer. Peu avant son décès, le 30 juin 2011, elle nous confiait "La petite moureuse". 

Ainsi est évoquée l'histoire de ce précieux objet intime, La petite moureuse de Thérèse Houyoux - agrémenté de trois dessins de l'auteur - par Yves Berger et Alexandre Loye. Un tracé poétique qui ressemble à un diamant brut, nourri d'instants saisis sur le vif, au fil des heures et des jours, et même si la mort est omniprésente tout au long de ce cheminement intérieur, que ce livre est une célébration de la vie, dont chaque vibration traverse le sommeil, l'angoisse, le corps, la lumière: J'aimerais, quant à moi, une vie plus ténue, une vie de toile d'araignée - couverte de rosée. Partir petit pour devenir grand... se retourner et redevenir petit. Partir de rien - retourner à rien. Ce centre inconnu. Arrivée au bout du peu que je suis.

Plus loin, Thérèse note, de sa chambre d'hôpital: Je vis entre deux soleils au raz de la terre et sous un soleil au haut du ciel, éclatant, au-dessus de ma tête. Le ciel sillonné d'hirondelles. Et surtout, surtout, montant du jardin, le chant du merle quand nous sommes seuls les deux, tôt le matin, tard le soir. Il a chanté tard hier soir - ce matin dès quatre heures et demie. Ce merle que j'ai rencontré et qui a chanté - pour moi? - à deux mètres de moi, à hauteur de visage, à la dernière heure avant ma claustration. Surprise, j'ai dit à voix haute "ah, tu es là". Il n'a pas fui, a continué de chanter.

Bouleversants enfin, ses derniers mots, malgré la mémoire bousculée, la fatigue, la distance qui s'étire et qui marche: Dès aujourd'hui je vis par le sang des autres. J'ai promené ma petite mort à travers champs. Qu'elle en a vu, de belles choses. Et mes chants? Elle les a entendus. Etonnée, la mort, d'être invitée par la vie. Ravie. 

Et je m'arrête ici, car le texte tout entier pourrait être cité: travail de dépouillement et d'effacement, confrontation à l'ombre folle, attitude face à l'inéluctable, mais surtout: un chant du monde et de l'amitié que vous n'oublierez pas de sitôt...

Lisez Thérèse Houyoux qui se décrit comme une chambre douce et vaste où vous êtes tous invités! Malgré sa gravité, ce texte respire d'une tendresse que je n'ai pas reconnue en littérature depuis bien longtemps...

Thérèse Houyoux, La petite moureuse - précédé d'une introduction de Yves Berger et Alexandre Loye, et suivi d'une postface de Denise Mützenberg (Samizdat, 2013)

00:04 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Littérature francophone, Littérature suisse | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; carnets; poésie; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

02/12/2013

La musique sur FB - 878 F.Schubert/G.Mahler

Franz Schubert

String Quartet No 14 in D minor, D 810 - "Death of the Maiden"

IV. Presto

(transcr: Gustav Mahler)

 

I Musici de Montreal 

Yuli Turovsky


23:04 Écrit par Claude Amstutz dans Franz Schubert, Gustav Mahler, La musique sur Facebook, Musique classique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique classique; facebook | |  Imprimer |  Facebook | | |

Noëlle Revaz

9782070763993.gifNoëlle Revaz, Rapport aux bêtes (Gallimard, 2002)

C'est Paul qui parle, un paysan fruste et violent qui ne chérit que ses bêtes. À ses côtés sa femme, détestée et muette, souffre d'un mal qu'il refuse d'admettre. Lorsque l'ouvrier Georges, le temps d'une saison, s'installe chez eux à la ferme, le regard de Paul insensiblement se transforme. 

Si vous ne l’avez déjà fait, lisez vite ce roman, par son écriture et son atmosphère proche de Louis-Ferdinand Céline: bien au-delà de nos frontières, il est un indiscutable chef-d’œuvre de la littérature suisse.

Disponible également en coll. Folio (Gallimard, 2009)

30/11/2013

Morceaux choisis - Lewis Carroll

Lewis Carroll

Lisbeth Zwerger.jpg

Au fil d'une onde calme et lisse,
Le bateau indolemment glisse,
Imbu d'ineffables délices.
 
Chacune des trois douces soeurs,
Enchantée, écoutant l'histoire,
Est blottie auprès du conteur.
 
Le soleil à l'horizon sombre;
L'écho s'assourdit et le sombre
Automne étend déjà son ombre.
 
Mais toujours me hante l'image
D'Alice endormie, en voyage
Parmi d'étranges paysages.
 
Cependant qu'auprès du conteur,
Ecoutant la magique histoire
Se pelotonnent les trois soeurs.
 
Rêvant, rêvant au sans pareil
Pays des Monts et des Merveilles
Où brille un nocturne soleil.
 
Laissant s'enfuir l'heure trop brève
Dans l'or du beau jour qui s'achève...
Vivre, ne serait-ce qu'un rêve?
 

Lewis Carroll, De l'autre côté du miroir / extrait, dans: Tout Alice (coll. GF/Flammarion, 1979)

image: Lisbeth Zwerger (hannahbirdillustration.blogspot.ch)

Joë Bousquet

littérature; correspondance; livresJoë Bousquet, Lettres à une jeune fille (Grasset, 2008)

Quelle chance extraordinaire que celle de Jacqueline Gourbeyre d’avoir reçu d’aussi bouleversantes lettres, empreintes d’émotion, de confiance en la vie et l’homme, malgré les affres que traverse son auteur depuis sa blessure de guerre. Amoureux fou comme un jeune homme – il est alors âgé de 49 ans - de sa correspondante qu’il appelle sa grande rose lointaine, Joë Bousquet l’ouvre à elle-même, à la culture, aux arts, à la littérature, sans aucune forfanterie ni regret ou amertume. Aussi confidentiel après sa mort qu’il fut discret de son vivant, ce poète merveilleux enchante par la beauté de son style, son sens de l’observation et sa faculté de transposer les sentiments que son corps lui refuse à tout jamais. Quel dommage tout de même que les lettres de Jacqueline, elle-même disparue en 1999, n’aient pas survécu au décès de Joë Bousquet … Cette correspondance – parmi les plus beaux textes de ces dernières années, surgis des limbes grâce aux enfants de Jacqueline – fait oublier heureusement cet écho absent, et entraîne vers un parcours d’ombre et de lumière avec une infinie délicatesse.

00:01 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; correspondance; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

29/11/2013

Marie de Hennezel

images-4.jpegMarie de Hennezel, La chaleur du coeur empêche nos corps de rouiller (Robert Laffont, 2008)

A contre-courant de la pensée commune glorifiant la seule jeunesse, Marie de Hennezel ouvre les fenêtres au monde de la vieillesse pour nous dire, avec beaucoup de sensibilité et de réalisme, que cette étape cruciale de la vie n’est pas nécessairement vouée à la souffrance, à la frustration ou à la déchéance. Sans occulter les interrogations incontournables – le défi de la solitude, la question du désir, la peur de mourir – l’auteur de La mort intime et du Souci de l’autre sonde, à travers de nombreux témoignages recueillis au cours de son expérience de psychothérapeute, l’énergie du cœur qui peut, lui, ne pas vieillir, riche de promesses, de sensations nouvelles et de libération. Un merveilleux livre de chevet, parole de sexagénaire!

Egalement disponible en coll. Pocket (Pocket, 2010)

04:01 Écrit par Claude Amstutz dans Documents et témoignages, Le monde comme il va | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : livres; sciences humaines | |  Imprimer |  Facebook | | |

28/11/2013

Morceaux choisis - Anna Akhmatova

Anna Akhmatova

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Moi, comme un fleuve,
Une époque de fer m'a détournée.
On m'a changé de vie.
Elle a suivi un autre lit, vu d'autres paysages,
Et mes rivages me sont inconnus.
 
O combien de spectacles j'ai manqués,
Que de rideaux levés en mon absence et retombés!
Combien de mes amis je n'ai jamais croisés,
Combien de villes dont les contours
Auraient pu m'arracher des pleurs,
Alors que je n'en connais qu'une,
Que je saurais retrouver même en rêve
Et à tâtons.
 
Et combien de poèmes que je n'ai pas écrits:
Leur choeur secret,
Il rôde autour de moi, et un beau jour
Il se pourrait qu'il vienne m'étouffer...
 
Je connais tout, commencements et fins,
La vie après la fin, et quelque chose
Qu'il ne faut pas rappeler à présent.
Et quelqu'un d'autre,
Une femme inconnue a pris ma place, 
Mon unique place,
Et porte ici mon légitime nom,
Ne me laissant qu'un surnom
Dont j'ai fait tout ce que l'on pouvait,
je le crois bien.
 
Ma tombe, hélas, ne sera pas pour moi.
Mais qu'une folle brise de printemps,
Ou deux mots dans un livre de hasard,
Ou le sourire de quelqu'un 
M'entraînent soudain
Dans cette vie inaccomplie...
 
Cette année-là il serait arrivé ceci, et puis cela:
Partir au loin, voir et penser,
Se ressouvenir,
Entrer comme on ferait dans un miroir
Dans un amour nouveau,
Avec la sourde conscience de trahir,
Et une ride nouvelle,
Qui n'était pas encore là
Hier...
 
Si de là-bas pourtant
J'apercevais ma vie de maintenant,
Je connaîtrais enfin
L'envie...
 

Anna Akhmatova, Cinquième élégie, dans: Philippe Jaccottet, D'autres astres, plus loin, épars - Poètes européens du XXe siècle (La Dogana, 2005)

image: Anna Akhmatova (beautifulrus.com)

07:03 Écrit par Claude Amstutz dans Anna Akhmatova, Littérature étrangère, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie; anthologie; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |