11/08/2010
Le poème de la semaine
Nicolas Bouvier
Quand nous reverrons-nous
maraudeurs de verdures
L'absinthe de la nuit sous vos pas étouffés
minuit a fait flamber sous vos bras les ramures
et le catimini de tous les fruits volés
Quand je vous reverrai
secrets pilleurs de pommes
merises et mirabelles auront quitté mon pré
dans un lieu incertain entre je suis nous sommes
entre la mort et toi l'été aura brûlé
L'automne aura lavé ce vin de pourriture
et tout ce qui en moi avait déjà cédé
ne vous reverrai plus maraudeurs de verdure
ne vous reverrai plus
car vous m'avez trompé
Mais si vous revenez
goûteurs de confitures
revenez s'il vous plaît
pieds nus les yeux baissés
Le gel aura fermé son poing sur la nature
Entre vos voix et moi l'hiver s'est installé
Moi je n'y serai plus et vous serez volés
Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle
11:50 Écrit par Claude Amstutz dans Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie | | Imprimer | Facebook |
10/08/2010
Relire Paul Valéry - 1/3
Bloc-Notes, 10 août / Les Saules
On devrait relire Paul Valéry. Surtout nos hommes politiques, pas forcément à droite, ni tout à fait de gauche... L'ironie à première vue n'est pas de mise car, pour rien au monde, nous autres - vous et moi par exemple - voudrions être à leur place, aujourd'hui. Ni hier d'ailleurs, pas plus que demain dont nous ne savons rien ou presque, nous qui ne sommes ni tout à fait de droite, pas forcément à gauche... Il nous arrive de les écouter, parfois de les plaindre, sans toujours comprendre ce qu'ils promettent ou ce qu'ils disent, ce qu'ils nous cachent ou ce qu'ils inventent, ce qu'ils nous enseignent ou ce qu'ils méprisent.
Paul Valéry n'est pas tendre avec eux: La politique fut d'abord l'art d'empêcher les gens de se mêler de ce qui les regarde. A une époque suivante, on y adjoignit l'art de contraindre les gens à décider sur ce qu'ils n'entendent pas. (...) En politique, ce qui est vital est masqué par ce qui est de simple bien-être. Ce qui est d'avenir par l'immédiat. Ce qui est très nécessaire par ce qui est très sensible. Ce qui est profond et lent par ce qui est excitant.
Autour de trois notions capitales - la liberté, l'égalité et la souveraineté - l'auteur de Regards sur le monde actuel, avec une lucidité et un ton mordant devenus si rares aujourd'hui, se charge de régler leur compte à bien des illusions auxquelles, tant de fois nous avons souscrit avec assurance, nous qui espérions un monde meilleur pour tous, pas forcément à droite, ni tout à fait de gauche...
Tenez par exemple, ce qu'il dit de la liberté: C'est un de ces détestables mots qui ont plus de valeur que de sens; qui enchantent plus qu'ils ne parlent; qui demandent plus qu'ils ne répondent; de ces mots qui ont fait tous les métiers, et desquels la mémoire est barbouillée de théologie, de métaphysique, de morale et de politique; mots très bons pour la controverse, la dialectique, l'éloquence; aussi propres aux analyses illusoires et aux subtilités infinies qu'aux fins de phrase qui déchaînent le tonnerre. Il ajoute, un peu plus loin: L'intention sincère de laisser aux individus le plus de liberté possible, et de leur offrir à chacun quelque part du pouvoir, conduit à leur imposer, en quelque manière, ces avantages, dont il arrive, parfois, qu'ils ne veulent guère; et parfois qu'ils pâtissent indirectement. On a vu des peuples se plaindre d'avoir été libérés.
Voilà qui prête à réflexion - même pour nous autres peu éclairés en matière de politique - et assombrit quelque peu le paysage tutoyant l'horizon sur la courbe de cette étoile filante - le progrès - dont Paul Valéry écrit en 1937: L'esprit a transformé le monde et le monde le lui rend bien. Il a mené l'homme où il ne savait point aller. Il nous a donné le goût et les moyens de vivre, il nous a conféré un pouvoir d'action qui dépasse énormément les forces d'adaptation, et même la capacité de compréhension des individus; il nous a inspiré des désirs et obtenu des résultats qui excèdent de beaucoup ce qui est utile à la vie. Par là, nous nous sommes de plus en plus éloignés des conditions primitives de toute vie, entraînés que nous sommes, avec une rapidité qui s'accélère jusqu'à devenir inquiétante, dans un état de choses dont la complexité, l'instabilité, le désordre caractéristique nous égarent, nous interdisent la moindre prévision, nous ôtent toute possibilité de raisonner sur l'avenir, de préciser les enseignements qu'on avait jadis coutume de demander au passé, et absorbent dans leur emportement et leur fluctuation, tout effort de fixation et de construction, qu'elle soit intellectuelle ou sociale, comme un sable mouvant absorbe les forces de l'animal qui s'aventure sur lui.
Un texte prophétique à méditer par toutes celles et ceux qui ambitionnent de faire carrière en politique, ne serait-ce que pour réduire cette part prépondérante de mensonge qui agite les Etats et éblouit les Nations.
Permettez-moi de conclure d'un sourire, conscient de ma connaissance fragmentée du monde, de l'histoire, de l'économie, des cultures, des comportements: Je regarde le ciel, quand la nuit tombe. Elle est terriblement obscure, mais, Dieu merci, elle au moins, n'appartient à personne, ni à mes amis de gauche, ni à mes amis de droite...
Paul Valéry, Regards sur le monde actuel et autres essais (coll. Folio/Gallimard, 1988)
00:20 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Littérature francophone, Paul Valéry | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature: essai; livres | | Imprimer | Facebook |
08/08/2010
Le temps qui reste
pour Catherine P
Combien de temps...
Combien de temps encore
Des années, des jours, des heures, combien ?
Quand j'y pense, mon coeur bat si fort...
Mon pays c'est la vie.
Combien de temps...
Combien ?
Je l'aime tant, le temps qui reste...
Je veux rire, courir, pleurer, parler,
Et voir, et croire
Et boire, danser,
Crier, manger, nager, bondir, désobéir
J'ai pas fini, j'ai pas fini
Voler, chanter, partir, repartir
Souffrir, aimer
Je l'aime tant le temps qui reste
Je ne sais plus où je suis né, ni quand
Je sais qu'il n'y a pas longtemps...
Et que mon pays c'est la vie
Je sais aussi que mon père disait :
Le temps c'est comme ton pain...
Gardes-en pour demain...
J'ai encore du pain
Encore du temps, mais combien ?
Je veux jouer encore...
Je veux rire des montagnes de rires,
Je veux pleurer des torrents de larmes,
Je veux boire des bateaux entiers de vin
De Bordeaux et d'Italie
Et danser, crier, voler, nager dans tous les océans
J'ai pas fini, j'ai pas fini
Je veux chanter
Je veux parler jusqu'à la fin de ma voix...
Je l'aime tant le temps qui reste...
Combien de temps...
Combien de temps encore ?
Des années, des jours, des heures, combien ?
Je veux des histoires, des voyages...
J'ai tant de gens à voir, tant d'images..
Des enfants, des femmes, des grands hommes,
Des petits hommes, des marrants, des tristes,
Des très intelligents et des cons,
C'est drôle, les cons ça repose,
C'est comme le feuillage au milieu des roses...
Combien de temps...
Combien de temps encore ?
Des années, des jours, des heures, combien ?
Je m'en fous mon amour...
Quand l'orchestre s'arrêtera, je danserai encore...
Quand les avions ne voleront plus, je volerai tout seul...
Quand le temps s'arrêtera..
Je t'aimerai encore
Je ne sais pas où, je ne sais pas comment...
Mais je t'aimerai encore...
D'accord ?
paroles de Jean-Louis Dabadie
interprété par Serge Reggiani
création originale de Mimeva
00:30 Écrit par Claude Amstutz dans Chansons inoubliables, Littérature francophone, Rosebud | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : poésie; musique; variété | | Imprimer | Facebook |
05/08/2010
La citation du jour
J.M.G. Le Clézio
Les mots ne veulent pas détruire ce qu'il y a devant nos yeux. Ils répondent aux autres mots, aux vrais mots originels, qui sont dits par la voix du monde. Souvent on parle d'histoire, de mythe, de théâtre. Bien sûr... Mais chaque instant de la vie réelle est plus grand, plus émouvant, plus plein de langage, comme si ces mots et ces images n'étaient que les échos des discours véridiques émis par les montagnes, les fleuves, les forêts, les vents, les orages.
J.M.G. Le Clézio, L'inconnu sur la terre (coll. Imaginaire/Gallimard, 1999)
01:30 Écrit par Claude Amstutz dans La citation du jour | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : auteurs; citations; livres | | Imprimer | Facebook |
04/08/2010
Le poème de la semaine
René Char
Pourquoi ce chemin plutôt que cet autre
Où mène-t-il pour nous solliciter si fort
Quels arbres et quels amis sont vivants
Derrière l’horizon de ces pierres
Dans le lointain miracle de la chaleur
Nous sommes venus jusqu’ici
Car là où nous étions
Ce n’était plus possible
On nous tourmentait
Et on allait nous asservir
Le monde de nos jours
Est hostile aux transparents
Une fois de plus
Il a fallu partir
Et ce chemin qui ressemblait
A un long squelette
Nous a conduits à un pays
Qui n’avait que son souffle
Pour escalader l’avenir
Comment montrer sans les trahir
Les choses simples dessinées
Entre le crépuscule et le ciel
Par la vertu de la vie obstinée
Dans la boucle du temps artiste
Entre la mort et la beauté
Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle
10:03 Écrit par Claude Amstutz dans Quelques traces de craie dans le ciel - Anth, René Char | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie | | Imprimer | Facebook |
02/08/2010
Alejandra Pizarnik 1b
Bloc-Notes, 1er août / Les Saules
Voici quelques extraits des oeuvres poétiques de Alejandra Pizarnik:
Le vent meurt dans ma blessure. La nuit mendie mon sang. (Les aventures perdues)
*
Elle saute, chemise en flammes d'étoile en étoile, d'ombre en ombre. Elle meurt de mort lointaine l'amoureuse du vent. (L'arbre de Diane)
*
Finies les douces métamorphoses d'une enfant toute de soie, somnambule à présent sur la corniche de brouillard. Son réveil de main qui respire de fleur que le vent fait éclore. (L'arbre de Diane)
*
Vis, ma vie, laisse-toi choir, laisse-toi endolorir, ma vie, laisse-toi prendre au noeud du feu, du silence ingénu, des pierres vertes dans la maison de la nuit, laisse-toi choir et endolorir, ma vie. (L'arbre de Diane)
*
Si moi j'ose regarder et dire, c'est par son ombre unie, si douce à mon nom là-bas, loin, dans la pluie, dans ma mémoire, par son visage qui brûle dans mon poème, et répand magiquement un parfum de visage aimé disparu. (Les travaux et les nuits)
*
J'étais la source de la discordance, la maîtresse de la dissonance, la petite fille de l'âpre contrepoint. Je m'ouvrais et je me fermais dans un rythme animal très pur. (Poèmes inédits)
*
Quelqu'un dans le jardin retarde le passage du temps. (Textes de l'ombre)
*
Ne plus désirer vivre sans savoir ce qui vit à ma place, ni écrire, puisque pour me blesser, la vie prend des formes si étranges. (Textes de l'ombre)
Alejandra Pizarnik, Oeuvre poétique / traduit par Sylvie Baron Supervielle et Claude Gouffon (Actes Sud, 2005)
00:18 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Littérature étrangère, Littérature sud-américaine | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; poésie; livres | | Imprimer | Facebook |
01/08/2010
Alejandra Pizarnik 1a
Bloc-Notes, 1er août / Les Saules
Oeuvre singulière - semblable à un écrin noir et lumineux à la fois - que celle de la poétesse argentine Alejandra Pizarnik, dont les textes nous sont parvenus grâce à l'intuition et au courage d'éditeurs tels Granit, Actes Sud et José Corti.
Née à Buenos Aires le 29 avril 1936 au sein d'une famille d'immigrants juifs d'Europe Centrale, très tôt, elle perd son père alors que sa mère sombre dans une profonde dépression. Admise en 1954 à la faculté de philosophie, elle abandonne bien vite ce cursus pour se tourner vers la littérature, sa voie véritable. Elle publie ses premiers poèmes à vingt ans à peine, traduit Hölderlin, Michaux, Bonnefoy et Aimé Césaire. Entre 1960 et 1964, elle séjourne à Paris, participe à l'activité culturelle parisienne, rencontre de nombreux écrivains et se lie d'amitié avec - entre autres - André Pieyre de Mandiargues, Julio Cortazar et Octavio Paz. Elle rentre ensuite en Argentine et publie, dans les années suivantes, ses ouvrages les plus importants. Elle obtient la bourse Guggenheim, effectue un séjour bref à New York et - une nouvelle fois - à Paris. Après deux tentatives de suicide en 1970 et 1972, elle se donne la mort le 25 septembre 1972, à l'âge de 36 ans, après avoir passé les cinq derniers mois de sa vie dans un hôpital psychiatrique de Buenos Aires. Dans son Journal, dix ans plus tôt, elle avait noté: Ne pas oublier de me suicider, répondant à cette phrase d'Antonin Artaud accrochée au-dessus de son bureau: Il fallait d'abord avoir envie de vivre...
C'est à Sylvie Baron Supervielle, traductrice de la plupart de ses poèmes, que revient le plus grand mérite d'avoir révélé Alejandra Pizarnik au grand public, en France. Son Oeuvre poétique disponible aux éditions Actes Sud, reprend La dernière innocence, Les aventures perdues, L'arbre de Diane, Les travaux et les nuits, L'enfer musical, Les textes de l'ombre et autres fragments inédits.
Il faut y ajouter aujourd'hui les Journaux 1959-1971, dans la collection Ibériques, chez José Corti, où sa voix cherche dans l'écriture un sens à sa souffrance, à sa solitude intérieure, au sentiment d'abandon qui l'habite et l'entraîne dans un élan de désespoir, de morbidité ou de destruction. Mystique à sa manière, elle ne parviendra pas à réconcilier ces extrêmes convergeant vers une douleur tangible et pourtant si étrangère à elle-même: Fatigue, fatigue, comme une longue caravane...
Hâtez-vous de lire Alejandra Pizarnik. Dans son sillage, vous y croiserez peut-être vos propres fantômes, nus et à découvert...
Alejandra Pizarnik, Oeuvre poétique / traduit par Sylvie Baron Supervielle et Claude Gouffon (Actes Sud, 2005)
Alejandra Pizarnik, Journaux 1959-1971 / traduit par Anne Picard (José Corti, 2010)
23:39 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Littérature étrangère, Littérature sud-américaine, Yves Bonnefoy | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; essai; poésie; livres | | Imprimer | Facebook |
28/07/2010
Le poème de la semaine
Jean Amrouche
À l'homme le plus pauvre
à celui qui va demi-nu sous le soleil dans le vent
la pluie ou la neige
à celui qui depuis sa naissance
n'a jamais eu le ventre plein
On ne peut cependant ôter ni son nom
ni la chanson de sa langue natale
ni ses souvenirs ni ses rêves
On ne peut l'arracher à sa patrie
ni lui arracher sa patrie.
Pauvre affamé nu il est riche malgré tout de son nom
d'une patrie terrestre son domaine
et d'un trésor de fables et d'images que la langue des aïeux
porte en son flux comme un fleuve porte la vie.
Aux Algériens on a tout pris
la patrie avec le nom
le langage avec les divines sentences de sagesse
qui règlent la marche de l'homme
depuis le berceau
jusqu'à la tombe
la terre avec les blés les sources avec les jardins
le pain de bouche et le pain de l'âme
l'honneur la grâce de vivre comme enfant de Dieu
frère des hommes sous le soleil
dans le vent la pluie et la neige.
On a jeté les Algériens hors de toute patrie humaine
on les a fait orphelins
on les a fait prisonniers d'un présent sans mémoire
et sans avenir
les exilant parmi leurs tombes
de la terre des ancêtres de leur histoire de leur langage
et de la liberté.
Ainsi réduits à merci
courbés dans la cendre
sous le gant du maître colonial
il semblait à ce dernier
que son dessein allait s'accomplir.
que l'Algérien en avait oublié son nom son langage
et l'antique souche humaine qui reverdissait
libre sous le soleil dans le vent la pluie et la neige
en lui.
Mais on peut affamer les corps
on peut battre les volontés
mater la fierté la plus dure sur l'enclume du mépris
on ne peut assécher les sources profondes
où l'âme orpheline par mille radicelles invisibles
suce le lait de la liberté.
On avait prononcé les plus hautes paroles de fraternité
on avait fait les plus saintes promesses.
Algériens, disait-on,
à défaut d'une patrie naturelle perdue
voici la patrie la plus belle la France
chevelure de forêts profondes hérissée de cheminées
d'usines lourdes de gloire
de travaux et de villes de sanctuaires
toute dorée de moissons immenses ondulant
au vent de l'Histoire comme la mer
Algériens, disait-on, acceptez le plus royal des dons
ce langage le plus doux le plus limpide
et le plus juste vêtement de l'esprit.
Mais on leur a pris la patrie de leurs pères
on ne les a pas reçus à la table de la France
Longue fut l'épreuve du mensonge et de la promesse
non tenue
d'une espérance inassouvie
longue amère
trempée dans les sueurs de l'attente déçue
dans l'enfer de la parole trahie
dans le sang des révoltes écrasées
comme vendanges d'hommes.
Alors vint une grande saison de l'histoire
portant dans ses flancs une cargaison d'enfants
indomptés
qui parlèrent un nouveau langage
et le tonnerre d'une fureur sacrée :
on ne nous trahira plus
on ne nous mentira plus
on ne nous fera pas prendre des vessies peintes
de bleu de blanc et de rouge
pour les lanternes de la liberté
nous voulons habiter notre nom
vivre ou mourir sur notre terre mère
nous ne voulons pas d'une patrie marâtre
et des riches reliefs de ses festins.
Nous voulons la patrie de nos pères
la langue de nos pères
la mélodie de nos songes et de nos chants
sur nos berceaux et sur nos tombes
Nous ne voulons plus errer en exil
dans le présent sans mémoire et sans avenir
Ici et maintenant
nous voulons
libres à jamais sous le soleil dans le vent
la pluie ou la neige
notre patrie : l'Algérie.
Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle
11:01 Écrit par Claude Amstutz dans Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie | | Imprimer | Facebook |
26/07/2010
Herman Melville
Herman Melville, Moby Dick (Coll. Libretto/Phébus)
Roman d’aventures et méditation sur le sens de la vie, ce roman tragique narre l’épopée d’Achab à bord du baleinier Pequod et sa quête obsessionnelle de la baleine blanche. En mal d’absolu, la perception de la nature humaine de son héros soulève des interrogations très modernes. Pour les amoureux de Melville, la traduction d'Armel Guerne de ce chef-d'oeuvre est un monument indépassable: le traducteur et poète est allé jusqu'à s'initier au parler salé des matelots américains du XIXe siècle et à inventer un français hautement melvillien, puisque le grand romancier aimait à dire qu'il n'écrivait pas en anglais mais en outlandish, la langue du grand Ailleurs...
publié dans le supplément La bibliothèque idéale des vaudois / 24 Heures
08:38 Écrit par Claude Amstutz dans La bibliothèque idéale des vaudois, Littérature étrangère | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature: roman; livres | | Imprimer | Facebook |
24/07/2010
Devoir de mémoire
Bloc-Notes, 24 juillet / Les Saules
Il m'est arrivé - rarement - de ne pouvoir écrire la moindre ligne sur un livre qui m'a affecté, chambardé ou marqué au fer rouge, pour toujours. C'est le cas, depuis de nombreuses années, pour Si c'est un homme de Primo Levi, L'écriture ou la vie de Jorge Semprun et L'espèce humaine de Robert Anthelme, trois témoignages accablants sur les camps de concentration. Pas un mot. La page blanche. Rien, sinon la peur de réduire, d'interpréter, de trahir. Avec un besoin irrépressible de laisser la parole aux auteurs, aux témoins. Mais écrire à leur sujet, non. Impossible.
Dans le prolongement des ouvrages cités plus haut, le même sentiment me parcourt avec Le livre noir, textes et témoignages - réunis par Ilya Ehrenbourg et Vassili Grossman, sur 1'120 pages - qui vient d'être réédité chez Solin/Actes Sud, en 2010. Aussi, je me contenterai de vous raconter l'histoire de ce livre qui mérite à elle seule, d'être connue.
C'est par le grand savant Albert Einstein et le comité des écrivains, scientifiques et artistes juifs des Etats-Unis qu'est née l'idée de publier un Livre noir réunissant des documents, lettres, comptes rendus et témoignages sur l'extermination de la population juive de l'URSS par les nazis, la destruction non seulement de son existence, mais aussi de son histoire, de son passé. Interdit de publication par Staline, il est aujourd'hui un document historique essentiel permettant d'authentifier et d'établir les faits d'une manière certaine. C'est donc un travail fondamental contre le négationnisme, mais surtout contre l'oubli: celui des anonymes, des disparus ensevelis à peine sous un peu de terre indifférente aux malheurs du monde, et auxquels ce livre rend leur dignité, leur courage, leur humanité.
Le livre noir est donc une somme de documents exceptionnels - rassemblés par régions géographiques ou par thèmes - et un monument érigé sur les fosses innombrables où furent jetés les corps des juifs torturés et assassinés par les allemands nazis. Il demeure aussi, même de nos jours, le reflet du dégoût et du refus de la barbarie, bien au-delà de ces temps obscurs que la plupart d'entre nous n'ont pas connu. Enfin, il est, malgré les atrocités et les actes d'héroïsme de ses victimes présentés dans ces textes épars, un appel à la cohabitation des races, des cultures, des nations.
Mes propos puisent leur source auprès de Nathalie Zylberman, Ilya Ehrenbourg, Vassili Grossman et Michel Parfenov.
Le livre noir, textes et témoignages - réunis par Ilya Ehrenbourg et Vassili Grossman (Solin/Actes Sud, 1995 et 2010)
Primo Levi, Si c'est un homme (coll. 10/18, 1999)
Jorge Semprun, L'écriture ou la vie (coll. Folio/Gallimard, 2007)
Robert Anthelme, L'espèce humaine (coll. Tel/Gallimard, 1978)
00:37 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Documents et témoignages, Le monde comme il va | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : actualité; document; histoire; livres | | Imprimer | Facebook |