05/07/2010
Brian Freeman
Bloc-Notes, 5 juillet / Les Saules
Je n'aurais pas dû, non, je n'aurais pas dû ouvrir ce livre. A cause de lui, j'ai trop fumé, trop lu malgré une chaleur caniculaire, pas assez dormi, renvoyé au lendemain pêle-mêle activités et rencontres, car vous l'aurez compris: Je n'ai pu le lâcher qu'à la page 426, la dernière... J'étais pourtant prévenu, car le premier roman de Brian Freeman traduit en français, Jamais je ne reviendrai - paru en 2007 chez le même éditeur - m'avait déjà conquis sans réserve. Je lui avais par ailleurs consacré une modeste contribution dans ces colonnes, à l'époque.
Alors, de quoi est-il question cette fois-ci? Imaginez, au coeur de cet hiver toujours aussi rude du Minnesota, l'inspectrice Maggie Bel qui, après une soirée bien arrosée, retrouve chez elle le corps sans vie de son mari. Le fait que son arme ait servi au meurtre désigne Maggie comme le principal suspect. Prise au piège, elle appelle en désespoir de cause le lieutenant Jonathan Stride, son ami, pour lui demander de l'aide. Si Stride ne doute pas un instant de l'innocence de sa partenaire, il sent néanmoins que la jeune femme lui cache quelque chose. Et le silence dans lequel elle s'enferre ne plaide pas en sa faveur...
Avec sa compagne Serena Deal - femme-flic devenue détective privé - le sympathique Jonathan Stride va plonger dans les secrets bien gardés de la petite ville de Duluth, dont le dénominateur commun pourrait être le sexe, à moins que... car derrière ce faisceau de présomptions se profile une autre silhouette, un fantôme en quelque sorte, celui de Blue Dog, un criminel vicieux qui mijote une terrible vengeance dont Serena pourrait être l'objet, allez donc savoir pourquoi! Et pour ne rien arranger, Stride, mis sur la touche - car trop impliqué personnellement dans cette affaire - devra composer avec l'inspecteur Abel Teitscher, dont la conviction est presque acquise à propos de la culpabilité de Maggie.
Le premier chapitre - l'apparition de Blue Dog - et la dernière partie du roman - intitulée La Dame en Moi - sont terrifiants. Le suspense est soutenu, ne faiblit à aucun moment de l'histoire, ménageant des surprises même aux esprits les plus perspicaces, avec des personnages crédibles, aboutis jusque dans ses rôles secondaires, le tout baignant dans une violence sourde, sauf lors du coup de théâtre final.
Cette troisième enquête de Jonathan Stride est une réussite indiscutable pour ce roman policier qui, s'il était adapté au cinéma, mériterait tout de même un solide triangle rouge!
Brian Freeman, Le prix du péché (Presses de la Cité, 2010)
12:18 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Littérature étrangère, Littérature policière | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; romans; livres | | Imprimer | Facebook |
03/07/2010
Margherita Oggero
Margherita Oggero, L'amie américaine (Albin Michel, 2007)
Peut-on être à la fois mère de famille, prof de lettres, sous le charme d’un commissaire et fin limier ? Margherita Oggero, avec son second roman policier, répond par l’affirmative avec ce personnage de Camilla Baudino, sorte de Miss Marple turinoise, terriblement sympathique. Proche de l’univers de Donna Leon, on jubile devant son humour, ses dialogues vifs et l’originalité de ses personnages, complexes et ancrés dans l’Italie contemporaine.
06:29 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature étrangère, Littérature italienne, Littérature policière | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature: roman; livres | | Imprimer | Facebook |
02/07/2010
La citation du jour
William Shakespeare
Sois sans crainte! L'île est pleine de bruits, de sons et d'airs mélodieux, qui enchantent et ne font pas de mal. C'est quelques fois comme mille instruments qui retentissent ou simplement bourdonnent à mes oreilles, et d'autres fois ce sont des voix qui, fussé-je alors à m'éveiller après un long sommeil, m'endorment à nouveau; - et dans mon rêve, je crois que le ciel s'ouvre; que ses richesses vont se répandre sur moi... A mon réveil, j'ai bien souvent pleuré, voulant rêver encore.
La tempête, traduit par Yves Bonnefoy (édition bilingue: coll. Folio/Gallimard, 1997)
00:11 Écrit par Claude Amstutz dans La citation du jour, Littérature étrangère, William Shakespeare, Yves Bonnefoy | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : citations; livres | | Imprimer | Facebook |
01/07/2010
In memoriam 1b
Si vous ne connaissez pas encore Gribouille, voici sans doute l'une de ses plus belles chansons. J'y ajoute un extrait du spectacle conçu et réalisé par Marie-Thérèse Orain, Gribouille ou l'éternel éphémère, ainsi qu'un document rare de Gribouille, à ses débuts...
en souvenir de C.C.
00:15 Écrit par Claude Amstutz dans Chansons inoubliables, Gribouille, In memoriam, Rosebud | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : musique; variété | | Imprimer | Facebook |
In memoriam 1a
Bloc-Notes, 1er juillet / Les Saules
en souvenir de C.C.
Trop tôt disparue - en 1968, à la suite d'un excès de barbituriques et d'alcool - à l'âge de 27 ans, la voix fascinante et grave de Gribouille - de son vrai nom Marie-France Gaite - hante encore ma mémoire, avec ses coups de gueule, son désespoir et ses élans de tendresse, comme le rappelle Françoise Mallet-Joris dans la préface de ce livre qui lui est consacré. Remarquée par Jean Cocteau, elle débute dans la chanson à 16 ans, se produit au Boeuf sur le toit, à L'Ecluse, au Don Camillo et d'autres cabarets de l'époque. On la compare souvent à Jacques Brel ou Barbara. En fait, elle ne ressemble à personne.
Après avoir collaboré avec des compositeurs tels Charles Dumont, Georges Chelon ou Jacques Debronckart, elle écrit dans les années 60 ses plus belles chansons: Mourir demain, Mathias, Les rondes, Pauvre Camille, Grenoble ou Ostende.
Dans cet ouvrage, vous pouvez retrouver la préface mentionnée plus haut, une émouvante contribution de Marie-Thérèse Orain, un cahier de photographies de Gribouille réalisées par Claude Mathieu, ainsi que nombreux de ses textes, dont certains méconnus parmi lesquels Le mal d'amour et Si je ne fais pas de toi:
Si je ne fais pas de toi mon plus beau souvenir, dont on parlait parfois, c'est que je vais mourir. Je ne sais pas comment, je ne sais pas pourquoi...
Il reste aujourd'hui de cette chanteuse bouleversante le souvenir d'un diamant brut, trop lourd pour s'envoler vers le ciel, trop léger pour s'enraciner dans la terre.
Ne manquez pas de consulter - si le coeur vous en dit - le bel hommage qui lui est rendu sur Internet, à l'adresse http://rochambeau.blogs.sudouest.fr/tag/Gribouille
Gribouille, Je vais mourir demain (Christian Pirot, 2001)
Gribouille, Mathias (EMI Music France, 1997)
00:15 Écrit par Claude Amstutz dans Barbara, Bloc-Notes, Chansons inoubliables, Gribouille, In memoriam, Jacques Brel, Rosebud | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : bloc-notes; littérature; poésie; livres | | Imprimer | Facebook |
30/06/2010
Le poème de la semaine
Paul Fort
Le petit cheval dans le mauvais temps,
qu'il avait donc du courage !
C'était un petit cheval blanc,
tous derrière et lui devant.
Il n'y avait jamais de beau temps
dans ce pauvre paysage.
Il n'y avait jamais de printemps,
ni derrière ni devant.
Mais toujours il était content,
menant les gars du village,
A travers la pluie noire des champs,
tous derrière et lui devant.
Sa voiture allait poursuivant
sa belle petite queue sauvage.
C'est alors qu'il était content,
eux derrière et lui devant.
Mais un jour, dans le mauvais temps,
un jour qu'il était si sage,
Il est mort par un éclair blanc,
tous derrière et lui devant.
Il est mort sans voir le beau temps,
qu'il avait donc du courage !
Il est mort sans voir le printemps
ni derrière ni devant.
Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle
00:17 Écrit par Claude Amstutz dans Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; poésie | | Imprimer | Facebook |
29/06/2010
Anna Cabana
Bloc-Notes, 25 juin / Grindelwald
Vous cherchez un roman intelligent, sensible, mouvementé, agréable à lire pendant vos vacances? Le voici tout trouvé: C'est Inapte à dormir seule, écrit par Anna Cabana. Le titre peut inspirer les pires craintes et le 4e de couverture - qui ne dit rien de l'histoire! - ne rassure pas vraiment. Pourtant, l'histoire d'Eva, la trentaine, sur le point de se marier, est touchante comme un bijou lumineux et fragile. Elle se remémore son passé: Une famille juive venue du Maroc; un père adoré mais divorcé, mal-aimant - et soumis à sa nouvelle épouse - qui la repousse pour son bien; sa dépendance affective jamais assouvie auprès de ses amoureux.
En désespoir de cause, elle s'invente de nouveaux parents: Marguerite Duras - la mère sécheresse comme elle l'appelle - que dans son imagination, elle rêve de marier à Albert Cohen, le père prodigue de Solal, son père de coeur. Un miroir qui la juge, la méprise ou l'apaise, et sous lequel elle tente maladroitement de grandir, désespérément seule, avec sa peur du noir, son besoin d'être veillée et qu'aucun de ses amants ne parvient à comprendre ni combler. Jusqu'à Laurent, un garçon seul comme elle - un goy - qui a su la désarmer et adoucir ses blessures d'enfance dont elle retient que la marelle est une imposture et la réalité d'aujourd'hui, une alchimie dont il est difficile de ne garder au coeur que l'essentiel, en habillant de légèreté tout ce qui gravite autour. Pour lui, elle est prête à s'assagir, mais non à renoncer à sa liberté. Le passage du livre où Eva fait la conquête du rabbin pour qu'il célèbre son mariage est très drôle, révélateur aussi de sa détermination à ne pas tricher avec ses sentiments ou ses convictions.
L'ironie est omniprésente, elle aussi, parfois mordante, dans ce récit. Par exemple, sur son désir fiévreux d'être belle, intelligente comme les autres - et non une métèque - elle jette un regard lucide: La France, c'est la normalité. Les français, ce sont les autres. Ceux qui appellent leurs enfants Edouard ou Eglantine. (...) Elle a beau faire, jamais elle ne sera tout à fait des leurs, une vraie française, acceptée et considérée comme telle. Sur ces déracinés qui lui ressemblent, elle note encore: Quoiqu'ils fassent, ils sentiront toujours le miel d'eucalyptus, l'huile d'argan, les bougainvilliers et les hibiscus. Connaître Rimbaud et Yourcenar sur le bout des doigts et du coeur n'y peut rien changer.
Chronique de la reconstruction d'une femme de caractère, dont les émotions à fleur de peau, volontiers excessives, cachent une tendresse qui peine à assourdir la rage, la provocation et la révolte, ce premier roman réconcilie avec la littérature actuelle, avec autant de bonheur qu'Eva le sera - réconciliée - au terme de l'histoire, avec son propre destin.
Anna Cabana, Inapte à dormir seule (Grasset, 2010)
00:10 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : bloc-notes; littérature: roman; livres | | Imprimer | Facebook |
23/06/2010
Le poème de la semaine
Guillaume Apollinaire
J'ai cueilli ce brin de bruyère
L'automne est morte souviens-t'en
Nous ne nous verrons plus sur terre
Odeur du temps Brin de bruyère
Et souviens-toi que je t'attends
Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle
07:29 Écrit par Claude Amstutz dans Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie | | Imprimer | Facebook |
19/06/2010
Rentrée littéraire
Bloc-Notes, 18 juin / Les Saules
Avant même de boucler nos valises - départs en vacances oblige - fleurissent déjà, dans les colonnes des journaux et dans les catalogues des éditeurs, les noms des auteurs représentatifs de la rentrée littéraire, située entre le 15 août et le 15 septembre environ, comme chaque année.
Parmi ces nouveautés, je m'attarderai, de préférence, sur quelques curiosités dont les médias ne se feront pas nécessairement l'écho: Black Rock d'Amanda Smyth (Phébus), l'histoire d'une adolescente violée par un père alcoolique qui se réfugie chez une tante à la Trinité pour y réapprendre la tendresse; Le troisième jour de Chouchana Boukhhobza (Denoël) situé à Jérusalem et qui nous raconte l'histoire d'une musicienne et de son élève, à la recherche d'un bourreau nazi dont a été victime l'une des deux protagonistes; Toute une histoire de Hanan el-Cheikh (Actes Sud) dont le portait de la mère dans les années 30 au sud du Liban, laisse apparaître une femme pleine de courage et de dignité; Le sourire du marin inconnu de Vincenzo Consolo (Grasset) qui nous parle du soulèvement des paysans et de la trahison garibaldienne dans la Sicile de 1860; Ma vie de Sophie Tolstoï (Les Syrtes) une autobiographie capitale pour mieux comprendre son père écrivain; Le village d'Ivan Alexeevitch Bounine (Bartillat) premier roman et prix Nobel en 1933; Atteinte à la liberté de Juli Zeh et Ilija Trojanow (Actes Sud) un essai consacré à l'obsession sécuritaire; Débutants de Raymond Carver (L'Olivier) un recueil de nouvelles inédites exhumées par la veuve de l'auteur.
J'y ajoute avec joie Une femme célèbre de Colombe Schneck (Stock) qui sous une forme romanesque dessine le portrait de Denise Glaser, incomparable femme de télévision, célèbre puis oubliée; ainsi que Celles qui attendent de Fatou Diome (Flammarion) où l'émigration est décrite du point de vue des femmes qui restent au pays et attendent leurs époux; enfin Bifteck de Martin Provost (Phébus) qui nous narre les exploits d'André, un boucher de la première guerre mondiale assumant le devoir conjugal des hommes partis au front et ne prévoyant pas qu'à l'armistice, il se retrouverait père de sept enfants...
Bien sûr, il est aussi question, dans cette rentrée littéraire, d'oeuvres attendues: Une forme de vie d'Amélie Nothomb (Albin Michel), Le coeur régulier d'Olivier Adam (L'Olivier), C'est une chose étrange à la fin que le monde de Jean d'Ormesson (Laffont), Un Véronèse d'Etienne Barilier (Zoé), Soufi mon amour d'Elif Shafak (Phébus), Un océan de pavots d'Amitav Ghosh (Laffont), Point Omega de Don DeLillo (Actes Sud), Les jeux de la nuit de Jim Harrison (Flammarion), Suites impériales de Bret Easton Ellis (Laffont), sans oublier le nouveau Michel Houellebecq (Flammarion) dont on ne sait rien, pas même le titre, selon les recettes d'un ridicule markéting à la française!
Je garde pour la fin L'amour est une île de Claudie Gallay (Actes Sud) qui a connu, enfin, une consécration méritée avec Les déferlantes. Son récit parle d'une actrice célèbre qui retrouve sa ville natale - Avignon - après dix ans d'absence. Elle y a vécu jadis un amour passionnel avec le directeur d'un théâtre du festival, qu'elle a quitté pour faire carrière...
Plusieurs de ces textes brièvement évoqués ici, feront ultérieurement l'objet de commentaires, chroniques ou notices dans ces colonnes.
photographie: Claudie Gallay (PIerre Abensure)
00:41 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Littérature étrangère, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : citations; livres | | Imprimer | Facebook |
12/06/2010
La citation du jour
Erri de Luca
On meurt quand on ne demande plus. Le verbe de la vie, c'est demander, avoir une question, lancer le point d'interrogation vers le haut, assombri ou dégagé. Demander pour forcer la solitude, envoyer loin à voix basse la requête, parce que le souffle et non pas le cri va loin. Demander, parce que ne pas demander, c'est capituler.
Erri de Luca, Sur la trace de Nives (coll. Folio/Gallimard, 2008)
00:08 Écrit par Claude Amstutz dans Erri de Luca, La citation du jour | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : citations; livres | | Imprimer | Facebook |