25/01/2013
Rabindranath Tagore
Rabindranath Tagore, Chârulatâ (Zulma, 2009)
Avec La maison et le monde, voici sans doute le plus beau roman de ce Prix Nobel de Littérature. Un superbe portrait de femme, à la fin du XIXe siècle, oscillant entre le conservatisme lié à son appartenance sociale et la modernité par son ouverture à la culture et l’expression littéraire. Outre une histoire d’amour délicate entre l’épouse Chârulatâ, le mari Bhupati et le frère de ce dernier, Amal, la critique sociale est omniprésente dans ce texte précurseur. Magnifiquement adapté au cinéma en 1964 par Satyajit Ray.
07:16 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature étrangère | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; roman; livres | | Imprimer | Facebook |
24/01/2013
Morceaux choisis - Josyane de Jesus-Bergey
Josyane de Jesus-Bergey
L'émigrée, Je suis celle qui vient de l'autre payspartagée entre le pèreet l'enfance. Je me sais sans terre ni cieln'appartenant qu'à l'instantqui me voit vivre. Venue d'ailleursjamais au bon momentjamais au bon endroit Toujours étrangère avec quelque chose de moinsavec quelque chose de plus Jamais d'accord Mais fière d'être.
Josyane de Jesus-Bergey, L'émigrée, dans: Pas d'ici, pas d'ailleurs - Anthologie poétique francophone de voix féminines contemporaines / présentation et choix: Sabine Huynh, Andrée Lacelle, Angèle Paoli, Aurélie Tourniaire / préface: Déborah Heissler (Voix d'Encre, 2012)
image: Henri Matisse, Nu bleu (habit-of-art.blogspot.com)
07:32 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; poésie; anthologie; livres | | Imprimer | Facebook |
José Saramago
José Saramago, Les intermittences de la mort (Coll. Points/Seuil, 2008)
Dans un pays sans nom, un événement extraordinaire plonge la population dans l'euphorie: plus personne ne meurt. Mais le temps, lui, poursuit son oeuvre, et l'immortalité, ce rêve de l'homme depuis que le monde est monde, se révèle n'être qu'une éternelle et douloureuse vieillesse. L'allégresse cède la place au désespoir et au chaos : les hôpitaux regorgent de malades en phase terminale, les familles ne peuvent plus faire face à l'agonie sans fin de leurs aînés, les entreprises de pompes funèbres ferment, les compagnies d'assurance sont ruinées, l'Etat est menacé de faillite et l'Eglise de disparition, car sans mort il n'y a pas de résurrection et sans résurrection il n'y a pas d'Eglise. Chacun cherche alors la meilleure façon, ou la pire, de mettre fin à ce cauchemar insensé.
Et vous - tout à fait entre nous - qui lisez ces quelques lignes, n’avez-vous jamais secrètement rêvé de ne pas mourir? Vous l'avouez? Soit, alors vous voilà pris dans un piège délicieux en apparence, car tel est le sujet de ce roman exceptionnel: La Mort semble ne plus se manifester, éclipsée par la vie éternelle, sur terre! De quoi se réjouir, me direz-vous, mais attention, car passées les premières insouciances, la mariée n’est peut-être pas aussi belle que prévu. Une fable politique, religieuse et sociale qui vous fera espérer, peut-être, que la Mort reprenne du service…
06:58 Écrit par Claude Amstutz dans Contes, Littérature étrangère | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; contes; livres | | Imprimer | Facebook |
23/01/2013
Le poème de la semaine
Henri Michaux
Poussant la porte en toi, je suis entréAgir, je viensJe suis làJe te soutiensTu n'es plus à l'abandonTu n'es plus en difficultéFicelles déliées, tes difficultés tombentLe cauchemar d'où tu revins hagarde n'est plusJe t'épauleTu poses avec moiLe pied sur le premier degré de l'escalier sans finQui te porteQui te monteQui t'accomplit Je t'apaiseJe fais des nappes de paix en toiJe fais du bien à l'enfant de ton rêveAffluxAfflux en palmes sur le cercle des images de l'apeuréeAfflux sur les neiges de sa pâleurAfflux sur son âtre... et le feu s'y ranime Agir, je viensTes pensées d'élan sont soutenuesTes pensées d'échec sont affaibliesJ'ai ma force dans ton corps, insinuée...et ton visage, perdant ses rides, est rafraîchiLa maladie ne trouve plus son trajet en toiLa fièvre t'abandonneLa paix des voûtesLa paix des prairies refleurissantesLa paix rentre en toi Au nom du nombre le plus élevé, je t'aideComme une fumerolleS'envole tout le pesant de dessus tes épaules accabléesLes têtes méchantes d'autour de toiObservatrices vipérines des misères des faiblesNe te voient plusNe sont plus Equipage de renfortEn mystère et en ligne profondeComme un sillage sous-marinComme un chant graveJe viensCe chant te prendCe chant te soulèveCe chant est animé de beaucoup de ruisseauxCe chant est nourri par un Niagara calméCe chant est tout entier pour toi Plus de tenaillesPlus d'ombres noiresPlus de craintesIl n'y en a plus traceIl n'y a plus à en avoirOù était peine, est ouateOù était éparpillement, est soudureOù était infection, est sang nouveauOù étaient les verrous est l'océan ouvertL'océan porteur et la plénitude de toiIntacte, comme un œuf d'ivoire. J'ai lavé le visage de ton avenir. Quelques traces de craie dans le ciel,Anthologie poétique francophone du XXe siècle
07:46 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie | | Imprimer | Facebook |
22/01/2013
L'ami chien
Madeleine Chapsal
pour mon père
Existe-t-il des vies humaines qui n'auraient pas connu de chiens, du moins parmi nos sociétés? Toutes les personnes que j'interroge ont fréquenté au moins un chien, si elles n'en ont pas un actuellement. C'était le chien de leur enfance, qui vivait au foyer, ou alors chez une tante, une grand-mère, ou qu'on retrouvait l'été en vacances... Le chien des jeux, de la tendresse... Il s'appelait? Comment l'appelait-on, déjà? Ne vous inquiétez pas, on ne l'a pas oublié. Il s'appelait Fido, Junior, Brunet, Pyrame, Alphonse... Hé oui! Les chiens ont tous les noms... Comme les gens.
Aux chiens ont égalment échu un rôle magique: ils sont dans les familles comme autrefois les dieux lares. Des ancêtres de l'humanité, en quelque sorte, et si on ne leur rend pas vraiment un culte - certains sont l'objet de mauvais traitements, même de la part des enfants -, ils occupent une place à part, presque sacrée, dans nos mémoires.
Les chiens sont les habitants du silence. C'est beau la parole, c'est ce qui nous fait hommes: des parlêtres, comme disent les habitués de la psychanalyse. Mais c'est magnifique, le silence, car il ne laisse pas place au mensonge. Les chiens ne mentent pas. Certes, ils jouent la comédie, ils miment, ils font semblant. Ils peuvent même se montrer d'excellents acteurs, à l'occasion. Qui a mangé la part de gâteau restée sur la table à portée de mâchoires? On ne sait pas. En tous cas, on ne le dira pas. Ma queue rentrée sous mon ventre n'est pas un aveu... c'est juste par hasard!
En fait, les chiens avouent tout, d'une façon ou d'une autre, ce qui nous donne vis-à-vis d'eux un sentiment hautain de supériorité. Qu'y a-t-il pourtant de si méritoire dans la dissimulation? Serait-ce le mensonge qui fait l'homme, et particulièrement le grand homme? Lequel, à force de vérités niées, effacées, gommées, finit par se déguiser en héros? Les chiens, eux, ne se prennent jamais pour des héros. C'est nous qui le faisons, en les félicitant d'avoir sauvé quelqu'un de la noyade, repéré un survivant sous l'avalanche, ou empêché un gosse de se faire écraser. Eux veulent seulement nous faire plaisir.
Autant qu'une femme amoureuse...
Madeleine Chapsal, L'ami chien (Stock, 1998)
06:49 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; récit; animaux; morceaux choisis; livres | | Imprimer | Facebook |
21/01/2013
Jean Echenoz 1a
Bloc-Notes, 21 janvier / Les Saules
Dans un entretien accordé à Eléonore Sulser, dans Le Temps du 10 octobre 2012, voici ce que Jean Echenoz confie à propos de 14, son dernier livre: J'avais envie de revenir à la fiction, à un projet de roman que j'ai depuis quatre ou cinq ans. Mais un incident s'est produit. Je suis tombé sur des carnets de guerre en aidant quelqu'un qui m'est très proche à ranger des papiers de famille: six petits cahiers, carnets de guerre d'un grand-oncle, parti le jour de la mobilisation et resté soldat jusqu'en 19. J’ai commencé à les lire, puis à les transcrire. Il fallait déchiffrer tout cela, j’ai travaillé sur des cartes, pour vérifier des orthographes de lieux, des parcours, etc. Puis je me suis demandé ce qui se passait au juste pendant ce temps-là, sur le plan de la guerre elle-même et de la politique internationale. J’ai lu des travaux d’historiens, d’autres carnets, des romans sur la Grande Guerre; j’ai regardé des archives filmées. Les six carnets, eux, parlaient surtout du temps qu’il fait – ce qui compte quand on est à la guerre –, des corvées, très peu des combats sans doute par pudeur ou par peur de la censure, je ne sais pas. A partir du point de vue très humble d’un homme parmi des millions plongés dans cette affaire, je me suis immergé dans la Grande Guerre. Et est arrivé un moment où j’ai eu envie d’inventer des personnages et de revenir à la fiction par ce biais-là.
Toute l'histoire commence avec Anthime - le personnage central de ce roman - quand, une certaine journée d'août, il entend les cloches qui, tout alentour sonnent à l'unisson dans un désordre grave. Le tocsin, pour être plus précis, signe de la mobilisation. Le voici parti sous les drapeaux, avec Charles - son frère aîné et fiancé de Blanche -, Bossis, Arcenel et Padioleau. Cinq hommes et une femme, Blanche, qui attend le retour de deux d'entre eux, Charles et Anthime, conservant dans son bureau les lettres et cartes postales qu'ils lui envoient régulièrement, rangées en piles serrées par des rubans aux couleurs opposées dans des tiroirs distincts.
Jean Echenoz a le souci de ne pas vouloir réécrire l'histoire, mais de souligner le quotidien de ces hommes, accablés de faim, de froid, de fatigue, de peur, au point d'espérer une blessure de guerre honorable ou choisir la désertion pour être soustraits à l'horreur sous ces pluies de bombes mêlées aux gerbes de sang qui les entoure. Tout a été décrit mille fois, peut-être n'est-il pas la peine de s'attarder encore sur cet opéra sordide et puant. Peut-être n'est-il d'ailleurs pas bien utile non plus, ni très pertinent, de comparer la guerre à un opéra, d'autant moins quand on n'aime pas tellement l'opéra, même si comme lui c'est grandiose, emphatique, excessif, plein de longueurs pénibles, comme lui cela fait beaucoup de bruit et souvent, à la longue, c'est assez ennuyeux.
Un récit fulgurant dont le style épuré, semblable à un film de Robert Bresson, évite toute pesanteur, tout excès. Et quand tout pourrait basculer dans le mélodrame, Jean Echenoz parfois, d'une pirouette, nous en éloigne par un humour de situation particulier qui articule ces épargnés au jour le jour, dont le rire extravagant ou dérisoire résonne tel un entr'acte avant l'appel des manquants.
Pendant ce temps, au village où ne demeurent que les femmes, les enfants et les vieillards, Blanche, qui a donné naissance à une fille prénommée Juliette, fruit de son amour partagé avec Charles, attend. Qui donc, le moment venu, lui reviendra?
Si vous ne l'avez déjà fait, lisez vite 14 de Jean Echenoz, car à une émotion sourde qui agrafe le lecteur dès les premières lignes pour ne plus le quitter, s'ajoute le plaisir de lire un roman sobre, abouti, dont la langue précise et chaleureuse malgré la gravité du temps, traduit une sincère empathie de l'auteur pour ces anonymes de la Grande Guerre.
Comme je l'ai mentionné autrefois à propos du livre de Philippe Claudel, Le rapport de Brodeck - dont la toile de fond est la seconde guerre mondiale - le propos de Jean Echenoz touche à l'universel, et à ce titre, son roman mériterait, lui aussi, d'être inscrit au programme des lectures scolaires...
Jean Echenoz, 14 (Minuit, 2012)
Philippe Claudel, Le rapport de Brodeck (coll. Livre de poche/LGF, 2009)
Eléonore Sulser, Article et entretien avec Jean Echenoz / 10 octobre 2012 (letemps.ch)
03:55 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Littérature francophone, Philippe Claudel | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; roman; livres | | Imprimer | Facebook |
20/01/2013
Lire les classiques - Charles Baudelaire
Charles Baudelaire
merci à Christiane H
Celui qui regarde du dehors à travers une fenêtre ouverte, ne voit jamais autant de choses que celui qui regarde une fenêtre fermée. Il n'est pas d'objet plus profond, plus mystérieux, plus fécond, plus ténébreux, plus éblouissant qu'une fenêtre éclairée d'une chandelle. Ce qu'on peut voir au soleil est toujours moins intéressant que ce qui se passe derrière une vitre. Dans ce trou noir ou lumineux vit la vie, rêve la vie, souffre la vie.
Charles Baudelaire, Les fenêtres / extrait, dans: Le spleen de Paris, Oeuvres complètes (Bibliothèque de la Pléiade/Gallimard, 1961)
image: Bernard Plossu, Mexique / 1981 (lebleuduciel.net)
06:22 Écrit par Claude Amstutz dans Charles Baudelaire, Lire les classiques, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; prose; morceaux choisis; livres | | Imprimer | Facebook |
19/01/2013
La citation du jour
La citation du jour
Ce sont les lecteurs, en fait, qui écrivent un livre. Les autres qui en fait, vivent notre vie. Toute lecture est écriture.
Yves Navarre, Biographie (Flammarion, 1981)
09:11 Écrit par Claude Amstutz dans La citation du jour, Littérature francophone, Yves Navarre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : citation; livres | | Imprimer | Facebook |
Laurent Seksik
Laurent Seksik, Les derniers jours de Stefan Zweig (coll. J'ai Lu, 2011)
Si vous n'avez rien lu de Stefan Zweig - parmi ses chefs d'oeuvres: Lettre d'une inconnue, Le joueur d'échecs, Ivresse de la métamorphose, La confusion des sentiments, Vingt-quatre heures de la vie d'une femme, Le monde d'hier ou Voyage dans le passé - prenez vite ce livre qui se lit comme un roman, dresse un portrait saisissant des années 30 et de la guerre, et pénètre dans l'âme de cet incontournable écrivain en proie au pressentiment des barbaries à venir, à la désillusion sur ses semblables, à la nostalgie d'un passé révolu, à tout jamais. Bien que sérieusement documenté, ce livre est une oeuvre littéraire - une vraie - avec ses atmosphères vibrant au rythme du parcours de l'écrivain, de Vienne à New York et à Pétropolis enfin, où Stefan Zweig et son épouse Lotte se donneront la mort, le 22 février 1942.
Toute la tragédie humaine de cette époque est condensée dans ce récit. On y côtoie ses amis Joseph Roth - un autre auteur crépusculaire -, Ernst Feder - un journaliste berlinois - ou encore Georges Bernanos le conjurant de poursuivre sa littérature de résistance. Pourtant, parmi ces aspects sombres que l'Histoire a provoqués, Les derniers jours de Stefan Zweig est aussi une histoire d'amour, dramatique certes, à laquelle répondent comme un écho lointain ou un signe du destin ces vers de Heinrich von Kleist, cités par l'auteur: Seul peut goûter la joie de contempler le monde, celui qui plus rien ne désire... Jamais la vue n'est plus étincelante et libre qu'à la lumière du couchant.
Une magnifique évocation, qui ne peut qu'inciter à (re-)découvrir un des plus grands écrivains de sa génération.
04:49 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; récit; document; livres | | Imprimer | Facebook |
Musica présente - 48 Philippe Herreweghe
Philippe Herreweghe
chef d'orchestre belge, né en 1947
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Orlando di Lasso
Lagrime di San Pietro
(Collegium Vocale Gent)
04:45 Écrit par Claude Amstutz dans Musica présente, Musique classique, Philippe Herreweghe | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique classique | | Imprimer | Facebook |