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22/04/2015

Le poème de la semaine

Patrice de la Tour du Pin

 

Pour que ma fée soit contente,

J'ai jeté - à la volée!

Dans une chambre de feuilles,

Quelques graines d'écureuil,

- A queue rousse qui balaie,

A queue blanche qui m'évente,

A queue bleue pour m'ensorceler!

 

Pour qu'elle soit amoureuse

D'un humain - qui l'aimait trop!

J'ai appris les pas de danse

De la fée qui se fiance,

- L'entrechat du surmulot,

Le menuet des scabieuses,

Le ballet des araignées d'eau.

 

Pour qu'elle soit moins craintive,

J'ai changé - tous mes habits!

Ma haute taille et ma bouche

Dont les lèvres l'effarouchent,

- Et mon coeur est bien réduit,

Assez grand pour qu'elle y vive

Et puisse y construire son nid.

 

Pour qu'elle reste fidèle,

J'ai voulu - faire un petit!

Comme aux fleurs à leur éveil

Font la brise et les abeilles;

- Sitôt né, sitôt parti,

Envolé d'un seul clin d'ailes,

Et sa mère l'a suivi!

 

Je l'espérais comme amante

Sur ce sol - trop désolé!

Je pensais la rendre humaine,

Il m'est resté pour ma peine

- L'écureuil roux qui balaie,

L'écureuil blanc qui m'évente,

Et le bleu pour me consoler...

 

 

Quelques traces de craie dans le ciel,

Anthologie poétique francophone du XXe siècle

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15/04/2015

Le poème de la semaine

Louis Aragon

 

Il m’aurait fallu

Qu’un moment de plus

Pour que la mort vienne

Mais une main nue

Alors est venue

Qui a pris la mienne

 

Qui donc a rendu

Leurs couleurs perdues

Aux jours aux semaines

Sa réalité

A l’immense été

Des choses humaines

 

Moi qui frémissais

Toujours je ne sais

De quelle colère

Deux bras ont suffi

Pour faire à ma vie

Un grand collier d’air

 

Rien qu’un mouvement

Ce geste en dormant

Léger qui me frôle

Un souffle posé

Moins une rosée

Contre mon épaule

 

Un front qui s’appuie

A moi dans la nuit

Deux grands yeux ouverts

Et tout m’a semblé

Comme un champ de blé

Dans cet univers

 

Un tendre jardin

Dans l’herbe où soudain

La verveine pousse

Et mon cœur défunt

Renaît au parfum

Qui fait l’ombre douce

 

 

Quelques traces de craie dans le ciel,

Anthologie poétique francophone du XXe siècle

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08/04/2015

Le poème de la semaine

Maurice Chappaz

Humer simplement une rose
ou dévaster le jardin
parce que la brise a ouvert la porte?
 
Je me suis assis devant la maison
de ma bien-aimée.
 
L'angoisse scelle mes lèvres
et fait parler mon coeur en silence.
 
Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle

01/04/2015

Le poème de la semaine

Jean-Pierre Spilmont

 

L'heure n'est pas aux regrets.

Ils ressemblent aux colombes blanches et grises

qui gonflent doucement la gorge

et pleurent à petits bruits.

 

Il faudrait allumer dans la plaine

un grand feu d'oliviers,

un feu de bois mort,

et, dans une clarté haute et brève,

se délivrer de l'avenir

et habiter l'inconnu qui vient.

 

 

Quelques traces de craie dans le ciel,

Anthologie poétique francophone du XXe siècle

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25/03/2015

Le poème de la semaine

Paul-Jean Toulet

Douce plage où naquit mon âme; 
 Et toi, savane en fleurs 
Que l'Océan trempe de pleurs 
 Et le soleil de flamme;
 
Douce aux ramiers, douce aux amants, 
Toi de qui la ramure 
Nous charmait d'ombre, et de murmure, 
 Et de roucoulements;
 
Où j'écoute frémir encore 
 Un aveu tendre et fier - 
Tandis qu'au loin riait la mer 
 Sur le corail sonore.
 
Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle

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18/03/2015

Le poème de la semaine

Paul Eluard

 

Toutes les choses au hasard

tous les mots dits sans y penser

et qui sont pris comme ils sont dits

et nul n'y perd et nul n'y gagne

 

Les sentiments à la dérive

et l'effort le plus quotidien

le vague souvenir des songes

l'avenir en butte à demain

 

Les mots coincés dans un enfer

de roues usées de lignes mortes

les choses grises et semblables

les hommes tournant dans le vent

 

muscles voyants squelette intime

et la vapeur des sentiments

le coeur réglé comme un cercueil

les espoirs réduits à néant

 

Tu es venue l'après-midi crevait la terre

et la terre et les hommes ont changé de sens

et je me suis trouvé réglé comme un aimant

réglé comme une vigne

 

A l'infini notre chemin le but des autres

des abeilles volaient futures de leur miel

et j'ai multiplié mes désirs de lumière

pour en comprendre la raison

 

Tu es venue j'étais très triste j'ai dit oui

c'est à partir de toi que j'ai dit oui au monde

petite fille je t'aimais comme un garcon

ne peut aimer que son enfance

 

Avec la force d'un passé très loin très pur

avec le feu d'une chanson sans fausse note

la pierre intacte et le courant furtif du sang

dans la gorge et les lèvres

 

Tu es venue le voeu de vivre avait un corps

il creusait la nuit lourde il caressait les ombres

pour dissoudre leur boue et fondre leurs glacons

comme un oeil qui voit clair

 

L'herbe fine figeait le vol des hirondelles

et l'automne pesait dans le sac des ténèbres

tu es venue les rives libéraient le fleuve

pour le mener jusqu'à la mer

 

Tu es venue plus haute au fond de ma douleur

que l'arbre séparé de la forêt sans air

et le cri du chagrin du doute s'est brisé

devant le jour de notre amour

 

Gloire l'ombre et la honte ont cédé au soleil

le poids s'est allégé le fardeau s'est fait rire

gloire le souterrain est devenu sommet

la misère s'est effacée

 

La place d'habitude où je m'abêtissais

le couloir sans réveil l'impasse et la fatigue

se sont mis à briller d'un feu battant des mains

l'éternité s'est dépliée

 

O toi mon agitée et ma calme pensée

mon silence sonore et mon écho secret

mon aveugle voyante et ma vue dépassée

je n'ai plus eu que ta présence

 

Tu m'as couvert de ta confiance.

 

 

Quelques traces de craie dans le ciel,

Anthologie poétique francophone du XXe siècle

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11/03/2015

Le poème de la semaine

Charles Cros

Au printemps, c’est dans les bois nus
Qu’un jour nous nous sommes connus.
 
Les bourgeons poussaient vapeur verte.
L’amour fut une découverte.
 
Grâce aux lilas, grâce aux muguets,
De rêveurs nous devînmes gais.
 
Sous la glycine et le cytise,
Tous deux seuls, que faut-il qu’on dise?
 
Nous n’aurions rien dit, réséda,
Sans ton parfum qui nous aida.
 
Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle

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04/03/2015

Le poème de la semaine

Valère Novarina

Aujourd'hui où tout pivote,
se déclenche,
s'enchaîne à grande vitesse
- et où nous pouvons partout reproduire, atteindre,
communiquer et tuer instantanément -,
la question de la représentation est au centre:
la question des images, la querelle des mots...
 
Il y a une lutte contre les images qui urge,
un combat à mener à nouveau contre l'envoûtement
et notre soumission aux idoles.
 
La poésie est comme un coup porté
au monde par-dedans.
C'est une forme acérée du langage,
une guerre dans la pensée contre ce qui est
autour de nous communément propagé:
les mots ne vibrent et ne répandent leurs fortes ondulations
que s'ils ont, comme la flèche,
frappé très exactement au coeur précis.
 
 
C'est alors qu'ils résonnent
comme des projectiles centrés juste.
Ecrire tranche,
et il n'y a rien de plus proche de l'action du poète
que l'ouïe méticuleuse,
la précision aiguë du juriste.
 
Jamais le théâtre,
en tant que lieu où l'image se fissure
et scène d'interrogation du langage,
n'aura été autant au coeur du monde.
 
Jamais la poésie n'aura été plus politique.
 
Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle

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25/02/2015

Le poème de la semaine

Andrée Chedid

Je t'aimais
Dans l'orage des sèves
Je t'aime
Sous l'ombrage des vents
 
Je t'aimais
Aux jardins de l'aube
Je t'aime
Au déclin des jours
 
Je t'aimais
Dans l'impatience solaire
Je t'aime
Dans la clémence du soir
 
Je t'aimais
Dans l'éclair du verbe
Je t'aime
Dans l'estuaire des mots
 
Je t'aimais
Dans les foucades du printemps
Je t'aime
Dans l'escapade des saisons
 
Je t'aimais
Aux entrailles de la vie
Je t'aime
Aux portails du temps
 
Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle

18/02/2015

Le poème de la semaine

Anne de Noailles

 

Si tu veux nous ferons notre maison si belle

Que nous y resterons les étés et l'hiver !

Nous verrons alentour fluer l'eau qui dégèle,

Et les arbres jaunis y redevenir verts.

 

Les jours harmonieux et les saisons heureuses

Passeront sur le bord lumineux du chemin,

Comme de beaux enfants dont les bandes rieuses

S'enlacent en jouant et se tiennent les mains.

 

Un rosier montera devant notre fenêtre

Pour baptiser le jour de rosée et d'odeur ;

Les dociles troupeaux, qu'un enfant mène paître,

Répandront sur les champs leur paisible candeur.

 

Le frivole soleil et la lune pensive

Qui s'enroulent au tronc lisse des peupliers

Refléteront en nous leur âme lasse ou vive

Selon les clairs midis et les soirs familiers.

 

Nous ferons notre coeur si simple et si crédule

Que les esprits charmants des contes d'autrefois

Reviendront habiter dans les vieilles pendules

Avec des airs secrets, affairés et courtois.

 

Pendant les soirs d'hiver, pour mieux sentir la flamme,

Nous tâcherons d'avoir un peu froid tous les deux,

Et de grandes clartés nous danseront dans l'âme

uot;>A la lueur du bois qui semblera joyeux.

 

Émus de la douceur que le printemps apporte,

Nous ferons en avril des rêves plus troublants.

- Et l'Amour sagement jouera sur notre porte

Et comptera les jours avec des cailloux blancs....

 

Quelques traces de craie dans le ciel,

Anthologie poétique francophone du XXe siècle

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