Le poème du jour (18/04/2012)

Jacques Chessex

En ce temps-là j'allais par ces bois
Multipliant mon émoi dans mon coeur
Le vent de mai chauffait l'air
L'aubépine brûlait blanche
   vers la lumière de l'orée
Et déjà je savais quel accord
Liait la fleur neigeuse et le secret de l'ombre
   où je marchais
Avec mon propre secret et cette fleur
Si mal contenue dans mon seul crâne
 
Ainsi j'allais à mon habitude
Quand la beauté tremble
avec sa musique d'os et de clarinette
Dans la buée heureuse des arbres
Et le rossignol peut louer ma résolution 
Et moi
errer par les arbres noirs
et ne craignant nulle rencontre
Car la simplicité du coeur est une forteresse
La beauté une armure
Assis au caveau des branches
le Cerf m'approuvait
Son sourire rayonnait comme un astre
Au hallier nocturne en plein jour.
 
Que craindre du rusé et du chasseur
Car la limpidité de l'âme est visible
A travers l'os et la peau des purs
Et leur candeur effraie le fourbe
 
En ce temps-là j'allais innocemment
   par la nuit courbe
J'étais une fontaine où je buvais
   à ma propre source
Une coulée d'air où je suspendais ma bouche
Ainsi boirait ma lèvre à la rivière de ta bouche
Mon âme se fortifierait à la clarté de la seule Eau.
 
 
Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle

03:16 Écrit par Claude Amstutz | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie | |  Imprimer |  Facebook | | |