07/01/2012
Jean d'Ormesson
Jean d'Ormesson, L'enfant qui attendait un train (Héloïse d'Ormesson, 2009)
Jean d'Ormesson - cela fait partie de son charme - nous étonnera toujours! Saviez-vous que l'auteur de Au plaisir de Dieu, C'était bien et C'est une chose étrange à la fin que le monde, a également écrit, sous forme de conte, pour les enfants? L'enfant qui attendait un train est un récit douloureux, tendre, peuplé de rêves que la réalité imprévisible, va réduire en miettes, encore que...
C'était un petit garçon rieur, mais sérieux. Jamais il ne criait quand les wagons défilaient, il n'agitait pas de mouchoir; peut-être parce qu'il n'en avait pas. Mais il n'agitait pas la main non plus. Il restait immobile, muet. Et quand le train était passé, il le suivait des yeux jusqu'à ce qu'il disparaisse. Tous les jours, dans le soir qui tombait, le petit garçon avait rendez-vous avec le train qui descendait des collines vers la forêt.
Mais le petit garçon va tomber malade, gravement. En fait, il va mourir, et tout son entourage va s'evertuer à ce qu'il réalise son rêve: monter un jour dans le train. A ce jeu de la vie et de la mort où la première n'aura jamais le dernier mot, les conteurs - mieux que personne - savent nous monter que l'imagination permet toutes les audaces et que l'espoir, sans verser dans l'invraissemblance, puise ses ressources dans les forces infinies de l'amour.
L'enfant qui attendait un train a été publié pour la première fois en 1979, aux éditions G.P.
01:20 Écrit par Claude Amstutz dans Contes, Jean d'Ormesson, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; contes; livres | |
Imprimer |
Facebook |
05/01/2012
Pascal Quignard
Bloc-Notes, 5 janvier / Les Saules
Claire Methuen, la cinquantaine, traductrice à Versailles, rejoint la Bretagne - Dinard, plus précisément - pour assister à un mariage. Elle y retrouve le pays de son enfance et tout ce monde intérieur, secret, vivace qui a fait d'elle ce qu'elle est: Madame Ladon sa professeur de piano, Fabienne sa meilleure amie et surtout Simon, son seul véritable amour, aujourd'hui marié à Gwenaëlle et père d'un petit garçon.
Mais qui donc est Claire, cette amie des Houles qui ressemble à un chemin perdu au-dessus de la mer - nous suggère Pascal Quignard - et pourquoi va-t-elle tout laisser derrière elle et s'installer à la ferme de la Tremblaie? Une autre fuite ou, au contraire, un aboutissement? Au fil de la mémoire de Paul son frère bien-aimé, de Simon bien sûr, de sa fille Juliette abandonnée vingt ans plus tôt, de Madame Ladon qui la considère comme sa propre enfant, de Jean le prêtre ami et amant de Paul, ce roman polyphonique explore et révèle peu à peu la personnalité fascinante, solitaire et craintive de cette femme sans laquelle ces solidarités mystérieuses seraient dépourvues de sens, réduites au seul pouvoir visible des choses qui ne suffit à personne.
On pourrait parler d'osmose dans ce magnifique roman dont les paysages, la nature même, de Saint-Enogat au village de La Clarté, de Saint-Lunaire aux Pierres couchées et la Ville-Géhan semblent absorber dans les tourments, mais aussi dans une infinie douceur, ces destins croisés qui dans l'air parfois aussi rare que les mots, s'ouvrent à une réalité silencieuse qu'eux-mêmes, peut-être, n'auraient envisagée. Un jour, nous dit son frère, elle m'expliqua que le paysage, au bout d'un certain temps, soudain s'ouvrait, venait vers elle et c'est le lieu lui-même qui l'insérait en lui, la contenait d'un coup, venait la protéger, faisait tomber la solitude, venait la soigner.
Tout, avec elle, était adressé à la silhouette lointaine de Simon... C'était un mouvement très sourd mais très intense autour de son corps, qui affleurait sans cesse, frémissait sans cesse autour d'elle, comme une vague circulaire, comme une oppression. Je ressentais ce cercle magique, raconte encore Paul, quand je marchais auprès d'elle des heures durant, je la sentais mais je n'y accédais pas. Et Simon, qui semble n'avoir pas mieux compris le film où il avait obtenu pourtant le premier rôle, par sa mort lève un coin du voile - sans éclaircir pour autant le mystère - qui recouvre le visage de cette femme encore jeune et belle: Elle ne se protégeait plus de rien. Elle descendait vers la mer, qu'on peut presque dire éternelle quand on la contemple beaucoup et pour peu qu'on compare son origine à l'âge des hommes ou à l'invention des cités ou des maisons. Claire était devenue Simon, et était devenue le lieu. Tout était désormais dépourvu de toute crainte. Tout était sublime. Elle était partout chez elle; elle était comme le commencement dans l'origine.
Il règne, dans Les solidarités mystérieuses, une atmosphère ou un climat qui n'est pas sans rappeler Le monde désert d'un Pierre-Jean Jouve, où la vie réelle, attendrissante et forte à ses heures, se mêle à l'absence, à l'indéchiffrable, à l'infini. C'est son corps qui manque à nos heures. Son corps manque déjà au lieu, aux roches. Elle manque à l'escalier de La Clarté qu'elle était bien la seule à emprunter et qu'elle a gravi jusqu'à la fin sans effort. Elle manque aux recoins et aux petites caches d'où elle surveillait les nids, les terriers, les canots, les chaloupes sur la mer. Mon dernier souvenir d'elle? dit encore le Père Calève, un autre personnage du roman: Un troupeau de goélands s'amassent sur la digue pour crier de plus en plus fort autour d'une écharpe, abandonnée, un peu souillée, qui traîne, sur le sol, près du buisson...
Dans un mouvement répétitif et pourtant jamais tout à fait le même, ressemblant aux vocalises des oiseaux sur la lande, se tissent des liens invisibles entre la mort, l'amour et la vie que nourrissent les souvenirs de chacun, exposant sa part de lumière ou d'ombre, mais qui ne se matérialise et ne revêt ses couleurs singulières que confrontée, enrichie, prolongée par la mémoire de tous les autres. Et si c'était cela, la vérité?
La vie est le souvenir le plus touchant du temps qui a produit ce monde.
Avec Pascal Quignard - et je m'en réjouis - l'année nouvelle ne pouvait pas mieux commencer!
Pascal Quignard, Les solidarités mystérieuses (Gallimard, 2011)
Pierre-Jean Jouve, Le monde désert (Mercure de France, 1960)
01:08 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Littérature francophone, Pascal Quignard | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; roman; livres | |
Imprimer |
Facebook |
04/01/2012
Le poème de la semaine
Robert Desnos
Il était une feuille avec ses lignes Ligne de vie Ligne de chance Ligne de coeur Il était une branche au bout de la feuille Ligne fourchue signe de vie Signe de chance Signe de coeur Il était un arbre au bout de la branche Un arbre digne de vie Digne de chance Digne de coeur Coeur gravé, percé, transpercé, Un arbre que nul jamais ne vit.Il était des racines au bout de l'arbre Racines vignes de vie Vignes de chance Vignes de coeur Au bout des racines il était la terre La terre tout court La terre toute ronde La terre toute seule au travers du cielLa terre. Quelques traces de craie dans le ciel,Anthologie poétique francophone du XXe siècle
00:18 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : littérature; poésie | |
Imprimer |
Facebook |
03/01/2012
Morceaux choisis - Pascal Quignard
Pascal Quignard
Il me semble que la mort de Simon ne les a même pas séparés. C'est peut-être même le contraire. Sa mort ne les a pas réunis non plus, mais il est là. Il est constamment là. Il est là avec elle tout le temps. Et réciproquement: elle est avec lui tout le temps. Elle s'occupe de lui. Il est devenu la baie.
Chaque jour elle allait s'asseoir dans son ombre, dans l'ombre de la baie, chaque jour elle allait se caler dans son coin de roche, se dissimuler juste en face du nid du grand goéland de la falaise.
Mon dernier souvenir d'elle? Il y avait un peu d'herbe coupée ras le long du mur de la ferme. Ce mur-là, de l'autre côté des bambous envahissants, était toujours à l'ombre. Ce côté-là de la ferme sentait bon. Il était surmonté d'une grosse glycine plantée par oncle Paul qui amplifiait cette ombre dès la fin du mois de mai. Tout sentait bon. C'était une chaude journée de juin. Nous nous sommes assises toutes les deux sous les grappes de la glycine. Au loin les passereaux secouaient leurs plumes avant de venir boire dans une tasse d'eau qu'oncle Paul avait laissée par terre. Tout était tranquille. Nous étions toutes les deux. Il n'y avait personne d'autre. Il n'y avait pas Paul. Il n'y avait pas Jean. Il n'y avait pas Simon. Maman m'a pris la main et n'a pas dit un mot. Sa respiration était légère. Elle respirait un peu bruyamment. Elle s'était mise à sentir, en vieillissant, une odeur douce de sueur, de foin, de sel, d'iode, de mer, de granit, de lichen.
Pascal Quignard, Les solidarités mystérieuses (Gallimard, 2011)
09:18 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Morceaux choisis, Pascal Quignard | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; roman; livres | |
Imprimer |
Facebook |
02/01/2012
La citation du jour
Alexandre Vialatte
Les paroles s'envolent, les écrits restent. Où passent-ils? C'est le secret du mois de janvier... Dès le départ des hirondelles, tant de livres affluent de toutes parts chez les critiques, par le train, le bateau ou l'avion. Ils s'y constituent en piles simples, puis en piles doubles, ensuite en murs, ensuite en cubes, enfin en troncs de pyramides. Ils s'y chevauchent, s'y enjambent et s'y soudent. Souvent aussi, ils se détachent: un bruit mat réveille le critique, c'est le livre qui vient de tomber. Ces chutes finissent par combler les passages entre les cubes et les tours. Il faut déblayer à la pelle comme dans un village où la neige bouche les rues, creuser des tranchées pour le trafic. Le critique y circule, grippé, cherchant le talent comme une aiguille dans le foin, une tisane à la main, une bougie dans l'autre (ou alors une torche électrique), pour relever des titres au passage en se retenant d'éternuer. Ici, le futur Goncourt gémit sous une colonne de deux mêtres de haut; là, le futur Femina sort la tête d'un grand cube où il va périr emmuré: l'Interallié appelle du haut d'une pyramide; le Renaudot étouffe entre deux romans-fleuves; un coup de talon involontaire écrase un prochain lauréat. C'est affreux. Moins que l'éternuement. L'éternuement déclenche des avalanches. Tout ce qui était en haut tombe au sol... Il y aurait un remède, si le livre était plus lourd. On en ferait des colonnes plus stables, des pilastres plus pompéiens, des cathédrales plus byzantines. On en tirerait de petits cloîtres gothiques, propices à la méditation, où le critique se promènerait à l'aise, en rond, et soutenu par les Muses.
Alexandre Vialatte, Almanach des quatre saisons (Julliard, 1981)
image: http://www.canstockphoto.fr
07:52 Écrit par Claude Amstutz dans Alexandre Vialatte, La citation du jour, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : citations; livres | |
Imprimer |
Facebook |
01/01/2012
Morceaux choisis - Philippe Sollers
Philippe Sollers
C'est immédiat: je ne peux pas voir un cèdre, dans un jardin ou débordant d'un mur sur la rue, sans penser qu'une grande bénédiction émane de lui et s'étend sur le monde. La foule est bénie, les autobus, les camions, les voitures, les poubelles, les vélos, les scooters sont bénis. Les plus laids et les plus laides sont bénis, et aussi les vieux, les enfants, les jeunes, les femmes enceintes, les malades, les fatigués, les pressés, les rares heureux, les désespérés. Ils passent tous et toutes sous le cèdre, ils ne le voient pas, sa bénédiction silencieuse, verte et noire, filtre l'espace. On ne sait pas d'où lui vient cette tranquillité, cette ramure de sérénité.
Il vient d'Afrique ou d'Asie, le cèdre, son nom est grec et latin, il souffre au Liban et au Proche-Orient, il s'en fout, il a ses plans superposés, sa longévité, ses légendes. Ses racines pivotent à une grande profondeur, mais sa tige, droite, couverte d'une écorce rugueuse, se termine par une flèche presque toujours inclinée et dirigée vers le nord. Il peut s'élever jusqu'à qurante mètres, et son ombre, produite par de petites feuilles étroites et pointues, est épaisse et large. Il règne, il protège, il paraît méditer, il bénit.
La photo que j'ai sous les yeux a été prise en été par quelqu'un qui s'est assis dans l'herbe pour qu'on voie bien le petit personnage regardant un cèdre. Je dois avoir deux ans, je suis un bébé bouffi qui lève un visage ravi, à moitié mangé de soleil, vers les branches. Anne, ma soeur de huit ans, est à peine visible, devant les vérandas, sur la droite. La photo a dû être prise par mon père, le seul qui, à l'époque, prenait de temps en temps des photos. J'ai l'impression d'être là, maintenant, dans cette image qui n'est pas pour moi une image, mais une clairière toujours vivante, une éclaircie. La petite forme absurde où je suis enfermé a été jetée dans ce coin de jardin, et je suis son gardien. Continue ta marche titubante, bébé. Tu vas tomber bientôt sur le gravier, tu tomberas beaucoup dans ta vie qui commence. Anne va aussitôt crier et se précipiter, te relever, t'essuyer, t'embrasser. Elle t'étouffe un peu, elle te gène. C'est un acte de possession, mais aussi d'amour.
Tu reviendras sans arrêt sous cet arbre. Il a beau y avoir, dans le jardin, des acacias, des noisetiers, un magnolia, un petit bois de bambous, des chênes, c'est ton endroit préféré. Tu vois cet arbre, tu le respires, tu crois l'entendre, tu le rêves. Tu peux te cacher dans les fusains, mais le cèdre, lui, te rend invisible. Tu entres dans son cercle, tu disparais à leurs yeux, pas vu pas pris, caverne à l'air libre. Tu installeras plus tard ta cabane dans le cognassier, lieu d'observation idéal. Ils font semblant de ne pas savoir où tu es, ils t'appellent, tu ne réponds pas, ils jouent le jeu, sauf Anne. Pendant deux ou trois ans, elle vient s'installer à côté de toi, et puis elle renonce. Quand tu as douze ans, elle en a dix-huit, le manège à mariage commence pour elle. Quand tu as vingt ans, elle en a vingt-six, et elle a déjà deux enfants, des garçons, et ensuite une fille d'un second mariage. Il y aura encore quelques fêtes sous le cèdre, mais tu ne seras plus là ...
Philippe Sollers, L'éclaircie (Gallimard, 2012)
07:11 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; roman; livres | |
Imprimer |
Facebook |
Morceaux choisis - Yves Navarre
Yves Navarre
Oublier ce que j'ai appris, perdre ce que j'ai acquis, voyager, regarder, écouter, engendrer, bâtir, qui sait, je rêve en ne rêvant plus. Cette nuit-là est douce, encore. J'écoute les heures et les demi-heures, chaque fois deux fois, jusqu'au matin pour me lever alerte, décidée, nulle rancoeur pour qui que ce soit, sourire, servir, être là, présente, nulle importance portée à ce qui leur paraît important, toute prête à écouter s'ils désirent partager. Je me lève idéale et fière. La maison n'est plus une prison, j'en ai fait l'inventaire. Ma mère peut agiter toutes sortes d'éventails, gifler le vide, se taire et m'ignorer pour me blesser, elle ne peut exprimer sa tendresse que par violences. Jamais elle n'aura été autant aimée, observée, dessinée et désirée, autre qu'elle ne fut, plus que par moi, paradoxe, mon affection. Cette femme de deuil, infirme de la hanche, m'a tout donné en me refusant tout. Ce matin-là, je m'offre toute ma vie pour m'échapper. Toute une vie pour être, exister, m'abandonner à ce petit monde, cachant un plus grand, siècle où l'on ne vénère que ce qui a été. Passé composé à l'extrême. Au petit déjeuner, je souris. La dame en blanc me trouve pâle. "Vous avez des lèvres violentes." Je souris, souris encore. "Je dirai à Madame que vous lisez en cachette. Vous achetez des bougies, n'est-ce pas? Je sais que vous avez la clé de la bibliothèque de votre père." Je hausse les épaules. Elle me gifle. Je la regarde, imperturbable, un regard droit, un regard de petit nègre et je murmure: "Merci."
Yves Navarre, Je vis où je m'attache (Robert Laffont, 1978)
06:42 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Morceaux choisis, Yves Navarre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; roman; livres | |
Imprimer |
Facebook |
30/12/2011
Morceaux choisis - Christian Signol
Christian Signol
Si chaque année l'apparition de la première neige me redonne cette sensation d'isolement qu'a exacerbée la tempête, c'est bizarrement une sensation heureuse, car elle est étroitement liée à une perception du monde qui vient de plus loin, c'est-à-dire d'un temps où nulle menace ne pesait sur nous, où la rudesse des hivers ne livrait à l'enfant que j'étais qu'un enchantement ébloui. Je ne peux pas m'en défaire: même la tempête n'a pas réussi à éteindre en moi cet écho qui réveille ce que, peut-être, je vois d'abord et avant tout: un enfant qui a refusé de grandir malgré les apparences et qui sait parfaitement où, derrière le décor de la vie quotidienne, bat un coeur délicieusement semblable au sien.
C'est pour cette raison que j'ai marché dans la neige, ce matin de novembre où elle a fait son apparition, avançant lentement dans le parc où seules les traces d'un lièvre étaient visibles en lisière du bois, me retournant pour vérifier que celles de mes pas étaient bien les mêmes qu'alors, envahi d'une joie ridicule pour mon âge, je ne pouvais pas l'ignorer, mais en même temps si précieuse que rien n'aurait pu l'atténuer. Le silence aussi était le même, et le souffle du vent, la clarté de l'air, le frôlement doux des flocons qui continuaient de tomber, le lestage des branches mollement courbées vers le sol, l'adoucissement d'un monde que je savais dur, impitoyable, mais qui devenait toujours, à ce moment-là, d'une étrange beauté. J'ai fait le tour du parc comme je le faisais jardis, cherchant désespérément à mettre mes pas dans mes pas, comme pour conjurer le temps, tout ce qui avait pu porter atteinte à ce que nous étions: un couple et deux enfants destinés à ne jamais se perdre.
Christian Signol, Au coeur des forêts (Albin Michel, 2011)
image: Les rochers de Servières (surleplateau.com)
09:40 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; roman; livres | |
Imprimer |
Facebook |
La citation du jour
Jean-Michel Maulpoix
Deuil blanc de la neige. La terre est veuve du ciel. Voilà enfin visible cela que nous ne pouvons toucher des mains: ce froid entre nos paumes; de l'espace et du temps tombé. Mourir délivre sa peau blanche et sous nos yeux se fait douceur; mourir à ce moment pour l'âme comme pour l'oeil n'est plus idée de pourriture mais une farine légère, ou la poudre de sucre d'une enfance retrouvée, un linge où s'endormir, une rêverie de fourrure et de traîneaux, plus rien de sombre ni de menaçant: la disparition très douce des débris, des brisures et des voix.
Jean-Michel Maulpoix, Pas sur la neige (Mercure de France, 2004)
00:27 Écrit par Claude Amstutz dans Jean-Michel Maulpoix, La citation du jour, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : citations; livres | |
Imprimer |
Facebook |
28/12/2011
Le poème de la semaine
J.G. Cecconi
Regarder le ciel ouvert, pressentir la menace des chaîneset dire non. Il faut qu'une voix demeuremême fluette, fragile,mais équitable pour tous,se réclamant du possible refus. Comme le temps qui passeentre les jointures des pierreset les portes des prisons,depuis longtemps le ferdurcit la peau. Malgré la surdité des hommes,telle une luciole perdue au creux de la nuit,que cette petite voix demeureet qu'elle n'oublie pasde dire non. Quelques traces de craie dans le ciel,Anthologie poétique francophone du XXe siècle
00:36 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Littérature suisse, Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : littérature; poésie | |
Imprimer |
Facebook |