In memoriam (10/09/2013)
Bloc-Notes, 10 septembre / Les Saules
On se complaît souvent, sous nos latitudes, à opposer ladite grande littérature, et, péjorativement l'autre, la populaire. Or, pour ma part, relisant A.J. Cronin - aujourd'hui presque totalement oublié - je ne peux m'empêcher de penser à Dominique Fernandez qui, dans L'art de raconter (coll. Livre de poche/LGF, 2008), explique bien que la popularité de certains auteurs - mineurs, sur le plan du style - tient à leur talent pour raconter des histoires. A.J. Cronin - comme à la même époque Daphné du Maurier - est de ceux-là.
Mais qui est-il? Né en 1896 et mort en 1981, il est d'abord médecin des pauvres dans une région industrielle du pays de Galles, puis inspecteur des mines. En 1930, au repos forcé à la suite d'un ulcère gastro-duodénal, il écrit son premier roman: Le chapelier et son château. Plus de vingt titres suivront, avec un succès considérable, même en langue française.
Deux de ses oeuvres - parmi les plus réussies - ont été adaptées au cinéma: Sous le regard des étoiles (1940) dirigé par Carol Reed, avec Michael Redgrave et Margaret Lockwood, puis Les clés du royaume (1944) dirigé par John M. Stahl, avec Gregory Peck, Thomas Mitchell et Vincent Price. Le premier évoque le destin tragique des mineurs sur un mode engagé qui laisse un goût doux-amer et échappe à toute démagogie ou tentative moralisatrice; le second raconte l'histoire d'un prêtre missionnaire au caractère peu conventionnel et en proie aux critiques, ses efforts pour vivre et partager son appel à l'amour et à la tolérance, malgré la misère, les guerres et la famine qui sévissent de l'Ecosse à l'Extrême-Orient.
Toujours résolument tourné vers la pauvreté dont presque tous ses héros - rebelles contre l'ordre établi - sont issus, il signe aussi, avec Les années d'illusion, l'un de ses plus beaux romans: le récit de Duncan, un homme pas épargné par la vie, qui ambitionne d'être médecin par vocation, le deviendra, connaîtra la réussite et les honneurs, même si - comme son titre le sous-entend - les obstacles et les souffrances rencontrées ont laissé des traces en lui.
On peut ajouter le diptyque Les vertes années et Le destin de Robert Shannon, une émouvante histoire d'amour ainsi qu'une critique des milieux de la science -, sans oublier La citadelle, pour de nombreux lecteurs le plus beau de ses romans, et qui nous conte la vie d'un médecin qui veut faire progresser la médecine, refuse les arrangements d'usage au risque de déplaire à tous, se heurte aux anciens qui veulent préserver leur pouvoir et... leurs revenus! Un peu daté tout de même, bien que plaisant.
Lisez ou relisez A.J. Cronin! Absent des rayonnages de librairie - presque tous ses ouvrages sont épuisés - vous le trouverez, je l'espère, en bibliothèque. Sinon - via internet - sur Abebooks.fr entre autres, à coup sûr!
sources: Wikipedia - The Free Encyclopedia
A.J.Cronin:
Les années d'illusion (coll. Livre de poche/LGF, 2000)
Sous le regard des étoiles (coll. Livre de poche/LGF, 1994 - épuisé)
Les clés du royaume (coll. Livre de poche/LGF, 1989 - épuisé)
Les vertes années (coll. Livre de poche/LGF, 1975 - épuisé)
Le destin de Robert Shannon (coll. Livre de poche/LGF, 1995 - épuisé)
La citadelle (coll. Livre de poche/LGF, 1978 - épuisé)
01:15 Écrit par Claude Amstutz | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : littérature; romans; livres | | Imprimer | Facebook |
Commentaires
tout à fait d'accord... sauf pour le commentaire sur "la citadelle"... toutes ces livres découverts et dévorés quand j'avais 14 ou 15 ans ont fortement orientés ma vie puisque j'ai fait le choix de me former et de pratiquer la médecine de campagne ce que j'ai fait. Pourquoi la retenue à propos de la citadelle? Tout simplement parce que dans les années 80 je me suis affrontés aux mêmes archaïsmes et résistances "confraternelles".
Écrit par : laurent | 10/09/2013
Merci Laurent pour votre réflexion à propos de ce grand humaniste que fut A.J. Cronin. Je n'ai pas relu récemment "Citadelle" (lu à 14-15 ans): je le devrais. Avec dans ma famille un médecin de campagne par vocation dont je suis très proche, je le lirais sans doute avec d'autres yeux aujourd'hui. En revanche, "Les années d'illusion" m'avait beaucoup touché. Cet auteur - jeune - m'a été transmis par ma mère qui, dans les romans avec pour sujet la médecine, l'aimait davantage encore que Maxence Van der Meersch - "Corps et âmes" - plus amer, bien que très beau, lui aussi...
Cordialement,
Claude
Écrit par : Claude Amstutz | 10/09/2013
je croyais les avoir oubliés mais ils me reviennent à mesure que découvre les titres, en particulier Les années d'illusion, La citadelle et les clefs du royaume, lus comme une assoiffée, oui, le pouvoir des histoires, je me souviens aussi de Gilbert Cesbron, un voisinage de mémoire
Écrit par : Elise | 10/09/2013
bonjour Claude, et Louis Guilloux, Le pain noir, où le classes-tu ? avec "les grands" ou par ici avec les bons conteurs ...
Écrit par : hlima tounsiya | 10/09/2013
Bonjour Hlima...Pour moi "Le sang noir" de Louis Guilloux est un très grand roman, un de mes préférés, roman très fort et qui marque profondément, je l'ai présenté à mon groupe de lecture..A ne pas confondre avec "Le pain noir" de Georges-Emmanuel Clancier, que j'ai lu également, mais qui est loin d'égaler le chef- d'oeuvre de Louis Guilloux..
Cordialement....Claudine
Écrit par : Claudine Redon | 28/09/2013
Cronin, c'est notre jeunesse à tous, j'ai lu pratiquement toute son oeuvre, des livres qui se dévoraient et qui mettaient en avant certaines valeurs morales, donc utiles à notre développement intellectuel..Je me souviens d'une amie avec laquelle nous échangions nos idées de lecture, elle me racontait "Le chapelier et son chapeau", puis m'a prêté le livre ;poignant et cinquante ans après , c'est comme si je l'avais lu hier, cependant au contraire de nombreux ouvrages que je cherche à relire , pour celui ci , je veux rester avec l'impression de mes 15 ans..
Écrit par : Claudine Redon | 28/09/2013