26/06/2014
Ossip Mandelstam
Ossip Mandelstam, Nouveaux poèmes 1930-1934 (Allia, 2010)
D'Ossip Mandelstam, poète russe contemporain d'Anna Akhmatova et de Marina Tsvetaeva, on connaît surtout son texte le plus célèbre, Le bruit du temps (coll. Titres/Bourgois) et Le voyage en Arménie (Mercure de France). Il faut y ajouter la magnifique anthologie Simple promesse (La Dogana). Le présent recueil reprend des poèmes écrits avant sa terrible fin de vie: Arrêté une première fois en 1934 pour ses critiques contre Staline, il est condamné à cinq ans de travaux forcés en 1938 pour des activités jugées contre-révolutionnaires avant de mourir d'humiliations et de mauvais traitements près de la Kolyma en cette même année, son corps jeté dans une fosse commune.
Entre autres élégies de la langue allemande, de la poésie russe, de l'âme arménienne, on peut découvrir ces vers poignants: A tes frêles épaules sous les coups de rougir, sous les coups de rougir, sous le gel de brûler. A tes mains enfantines de soulever les fers, de soulever les fers et tresser les cordages. A tes tendres pieds nus d'aller nus sur le verre, d'aller nus sur le verre et le sable sanglant. Mais à moi en ton nom, cierge noir de brûler, cierge noir de brûler, et ne pouvoir prier.
05:44 Écrit par Claude Amstutz dans Anna Akhmatova, Littérature étrangère | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie; livres | | Imprimer | Facebook |
25/06/2014
Le poème de la semaine
Georges Jean
Se ramasse au fond du TempsLe secret des longues routes Visages emplis de ventMarais ouverts au soleil Promenade d’un enfantJ’entends le bruit sec des feuilles Sillons abandonnés où rouillent des charrues Sombres forêts perdues où passait une filleEt ses cheveux d’ardoise et ses mains de genêts Le soir est écarté aux limites du ciel L’immobilité me convient Alors les motscomme des bullesmontent. Quelques traces de craie dans le ciel,Anthologie poétique francophone du XXe siècle
00:11 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie | | Imprimer | Facebook |
23/06/2014
Béatrice Wilmos
Béatrice Wilmos, L'Album de Menzel (Flammarion, 2010)
Parfois, ce qui est improbable arrive. Andrei Mayerov, conservateur du musée de l'Hermitage à Léningrad, chargé de récupérer les oeuvres d'art volées par les allemands au cours de la deuxième guerre mondiale, le réalise quand il rencontre Anna, restauratrice de dessins, dont la famille a été massacrée par ses compatriotes. Ils s'aiment et se promet de lui restituer l'album du peintre Menzel: J'aime la façon dont il allonge les jambes quand il s'assied avec nous pour bavarder et ce regard qu'il pose alors sur moi, longuement, comme s'il s'attendait que je lui parle. J'aime quand il se tient en retrait et me regarde travailler en silence. (...) J'aime ses mains quand il prend un dessin et du doigt, très légèrement, suit un tracé pâli ou le contour d'une déchirure. J'aime sa manière vive de tourner les pages de son carnet de croquis et de dessiner hâtivement, assis sur un muret, à la terrasse d'un café ou, même, marchant et me parlant, le pas à peine ralenti, le visage baissé, sa main qui tient le carnet, toujours un peu en biais, ses doigts qui vont et viennent très vite sur la page, présent près de moi et pourtant absorbé par tant d'images qui me demeurent étrangères...
Je n'en irai pas davantage, sinon que bien au-delà d'une histoire d'amour, ce livre parle de la folie des hommes, des horreurs de la guerre avec ses haines, ses souffrances, ses vengeances perpétrées par l'armée de Staline, marchant sur Berlin. Une belle écriture pour relier le destin individuel de quelques-uns à l'un des épisodes les plus abjects de notre époque. Ponctué d'observations fines sur l'art, ce récit servi par une trame romanesque délicate et poignante, mériterait à son auteur discret un emplacement privilégié dans nos librairies ou nos bibliothèques!
Béatrice Wilmos a déjà publié La dernière sonate de l'hiver (Flammarion, 2007) ainsi que Le cahier des mots perdus (Belfond, 2013). L'Album de Menzel est son second roman.
08:58 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature: roman; livres | | Imprimer | Facebook |
21/06/2014
Philippe Jaccottet
Sébastien Labrusse, Au coeur des apparences - Poésie et peinture selon Philippe Jaccottet / précédé de: En compagnie des peintres - Entretien avec Philippe Jaccottet (Editions de la Transparence, 2012)
Précédé d'un entretien avec Philippe Jaccottet - En compagnie des peintres - tout le mérite de Sébastien Labrusse revient à débroussailler et mettre en perspective l'univers de l'auteur de La promenade sous les arbres à travers quelques motifs rarement traités, tels le contraste entre la force de l'émotion transcrite et l'insignifiance de ce qui la cause; le sens du sacré et son approche du paradis récusant toute représentation; enfin, le thème de la joie dans ses écrits en contrepoint à la finitude omniprésente dans toute son oeuvre: Je pense quelquefois que si j'écris encore, c'est, ou ce devrait être avant tout pour rassembler les fragments, plus ou moins lumineux et probants, d'une joie dont on serait tenté de croire qu'elle a explosé un jour, il y a longtemps, comme une étoile intérieure, et répandu sa poussière en nous. (Cahier de verdure)
Approche du paysage, regard d'un peintre des mots, des frontières visibles et invisibles qui l'épanouissent ou le hantent - à l'épreuve de la mort - Philippe Jaccottet est admirablement cerné, autant qu'il se peut, dans cet essai de Sébastien Labrusse dont l'intelligence est d'accorder un vaste espace à la parole de l'auteur lui-même, dont on se réjouit de mieux découvrir les textes qui à ce jour auraient échappé à notre curiosité: Sur le jeune figuier épargné par l'incendie, une première feuille verte, tel un nouveau phénix. Plus que jamais est-on tenté de relire, après Silesius: Dieu est le vert des prés. (La seconde Semaison)
00:03 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Littérature suisse, Philippe Jaccottet | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; essai; livres | | Imprimer | Facebook |
20/06/2014
La musique sur FB - 2111 B.Britten
Benjamin Britten
"The Salley Gardens"
Ian Bostridge, Julius Drake
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19/06/2014
Hermann Hesse
Hermann Hesse, Une bibliothèque idéale (Rivages, 2010)
Serait-il exagéré de dire que l'auteur de Siddharta, du Jeu des perles de verre et de L'éloge de la vieillesse nous apprend à lire? Oui, car il nous invite à rester subjectifs, critiques, passionnés surtout, libres d'affirmer ces préférences qui font de nous des lecteurs uniques - avec nos contradictions, nos humeurs, nos fantaisies - plutôt que des fantômes sans saveur particulière, dressant l'inventaire convenu des incontournables. Ainsi, Hermann Hesse plonge dans la littérature universelle, pour évoquer uniquement des auteurs qui parlent à sa sensibilité personnelle, revêtent un sens, et captent son attention. Consacrant des pages nombreuses à l'Inde, à la Chine, à Goethe, Balzac, Verlaine ou Gotthelf, il nous délivre aussi un chapitre très instructif - De la lecture des livres - où Il aborde, parfois avec une sévérité excessive, les différents types de lecteurs: ses démarches, ses pulsions profondes, ses motivations.
Il ne sait pas (le lecteur), qu'il possède en lui-même toute la littérature et toute la philosophie du monde. Il ne soupçonne pas que les plus grands écrivains eux-mêmes ont puisé à cette source que nous portons tous au fond de nous. Consacre donc ne serait-ce qu'une heure, un jour de ta vie à cette étape où toute lecture est abolie. Il est si facile d'en revenir! Tu liras, écouteras et interpréteras d'autant mieux tout ce qui est écrit. Arrête-toi, ne serait-ce qu'une seule fois, en ce lieu où la pierre qui borde le chemin a autant de signification pour toi qu'elle en a eu pour Goethe et Tolstoï. Tu tireras de leur lecture et de celle des autres auteurs infiniment plus de profit, de sève et de miel. Tu seras alors en accord avec la vie et avec toi-même comme tu ne l'as jamais été...
00:42 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature étrangère | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature: essais; livres | | Imprimer | Facebook |
18/06/2014
Le poème de la semaine
Lucie Delarue-Mardrus
L’odeur de mon pays était dans une pomme.Je l’ai mordue avec les yeux fermés du sommePour me croire debout dans un herbage vert.L’herbe haute sentait le soleil et la mer,L’ombre des peupliers, y allongeait ses raies,Et j’entendais le bruit des oiseaux, plein les haies,Se mêler au retour des vagues de midi.Je venais de hocher le pommier arrondi,Et je m’inquiétais d’avoir laissé ouverte,Derrière moi, la porte au toit de chaume mou… Combien de fois, ainsi, l’automne rousse et verte,Me vit-elle au milieu du soleil et, debout,Manger, les yeux fermés, la pomme rebondieDe tes prés, copieuse et forte Normandie!…Ah! Je ne guérirai jamais de mon pays.N’est-il pas la douceur des feuillages cueillisDans leur fraîcheur, la paix et toute l’innocence?Et qui donc a jamais guéri de son enfance?… Quelques traces de craie dans le ciel,Anthologie poétique francophone du XXe siècle
00:01 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie | | Imprimer | Facebook |
17/06/2014
Sandor Maraï
Sandor Maraï, Les braises (Coll. Livre de poche, 2003)
Dans un château de la campagne hongroise, Henri, un général de l'armée impériale à la retraite, attend la venue de Conrad, son ami de jeunesse et condisciple de l'école militaire. Cela fait 41 ans exactement qu'ils se sont perdus de vue, depuis cette partie de chasse au cours de laquelle Conrad a pointé son fusil vers Henri, avant de disparaître le lendemain, sans aucune explication. Pourquoi ce geste? Pourquoi ce long silence? Pourquoi la femme d'Henri, impliquée dans l'affaire, a-t-elle toujours refusé de parler?Aujourd'hui, après toutes ces années, les deux hommes vont enfin pouvoir s'expliquer...
Méditation sur le sens de l’amitié, de l’honneur, des amours impossibles et de la solitude, ce roman – l’un des plus grands classiques de la littérature hongroise - est aussi le témoin d’un monde qui s’éteint, avec ses valeurs tombant en désuétude et le temps qui s’enfuit. Il peut rejoindre aujourd’hui Thomas Mann, Stefan Zweig ou Arthur Schnitzler dans votre bibliothèque.
00:25 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature étrangère, Stefan Zweig | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; roman; livres | | Imprimer | Facebook |
16/06/2014
La musique sur FB - 2110 C.Saint-Saëns/F.Liszt
Camille Saint-Saëns
Danse macabre, S 555
(transcr. Franz Liszt)
Arnaldo Cohen
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15/06/2014
Morceaux choisis - Jean d'Ormesson
Jean d'Ormesson
Ni peintre, ni sculpteur, ni musicien d'ailleurs, ni mathématicien, ni physicien, ni astronome, aussi peu doué pour les arts que pour les sciences, j'ai beaucoup aimé la lumière. La lumière du jour, le matin, m'a toujours enchanté. Je me réveillais de bonne humeur, parce que, rayonnante ou couverte, la lumière était là. Sur Positano, sur Amalfi, sur Ravello et ses jardins, sur la vallée du Dragon, sur Dubrovnik, sur Korcula ou sur Hvar, sur Ithaque ou sur Kash, sur Symi ou sur Castellorizo, sur Karnak ou sur Udaipur, sur les places, les églises, les palais, les escaliers de Gubbio, d'Urbino, de Todi, de Spolète, d'Accolé Piceno, et même de Pitigliano ou de Borgo Pace, assez dénuées, toutes les deux, de beautés fracassantes, d'Ostuni, de Martina Franca, des petites villes de Toscane, d'Ombre, des Pouilles, d'Andalousie ou du Tyrol, elle m'a rendu presque fou de bonheur.
Plus que les paysages, plus que la plupart des personnages, pourtant souvent enchanteurs ou subtils, que j'ai eu la chance de rencontrer, plus que l'eau, ce miracle, plus que la beauté des arbres, plus que les ânes et les éléphants, plus peut-être que les livres, plus peut-être même que le ski au printemps, la mer au fond des criques ou les femmes qui m'ont donné tant de bonheur en apparaissant, en restant et parfois en s'en allant, ce que j'ai le plus aimé dans ce monde où j'ai déjà passé pas mal de temps, c'est la lumière.
Presque autant que le temps, moins cruelle, plus tendre, moins secrète et moins mystérieuse, mais tout aussi répandue à travers tout l'univers, la lumière m'a toujours semblé murmurer en silence quelque chose de Dieu.
Jean d'Ormesson, Comme un chant d'espérance (Héloïse d'Ormesson, 2014)
images: haut / Jean d'Ormesson (redacbox.fr)
images: bas / Todi (jeanwilmotte.it), Ithaque (3.bp.blogspot.com), Gubbio (porconocer.com), et la Toscane (robertmarleau.com)
00:03 Écrit par Claude Amstutz dans Jean d'Ormesson, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; récit; morceaux choisis; livres | | Imprimer | Facebook |