12/03/2010
Les pièces de Shakespeare - 2b
La tragédie du roi Lear
07:13 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature étrangère, Théâtre, William Shakespeare | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; théâtre; livres | | Imprimer | Facebook |
Les pièces de Shakespeare - 2a
La tragédie du roi Lear
On dit que La tragédie du roi Lear est la plus sombre de toutes les pièces de théâtre écrites par Shakespeare, mais jugez plutôt: Elle nous raconte l’histoire de Lear, roi d’Angleterre vieillissant qui, au sommet de sa gloire veut abdiquer et partager son royaume entre ses trois filles, à la mesure de l’amour qu’elles lui témoigneront lors d’une cérémonie de piété filiale. A ce jeu, Goneril et Regane se montrent habiles dans la flatterie, l’hypocrisie et la louange, alors que Cordelia – sa préférée – qui voue un amour sincère depuis toujours envers son père, se contente de lui dire qu’elle l’aime comme elle l’a toujours aimé, avec ou sans héritage. Le roi en est blessé et dans un élan de colère, la déshérite au profit de ses deux sœurs. Il bannit aussi le comte de Kent, son plus loyal serviteur, pour avoir pris la défense de Cordelia.
Lear, qui ne conserve pour tout pouvoir qu’une centaine d’hommes, compte séjourner alternativement chez ses deux gendres - les ducs d’Albany et de Cornouailles, respectivement époux de Goneril et Regan - mais ces dernières vont le chasser, le dépouiller, le priver de tout ce qu’il lui reste. Rejeté, exclu par les siens, le voici errant dans la forêt comme un miséreux. Pour un temps, il sombre dans la démence avec pour seuls amis un fou, un mendiant - Edgar, le fils du comte de Gloucester qui l’a rejoint pour éviter d’être assassiné - ainsi que le fidèle Kent, déguisé en valet pour sauver son roi.
Tandis que le royaume est secoué par des intrigues sanglantes, d’autres personnages importants occupent le devant de la scène et gravitent autour d’Edmond, le fils bâtard du comte de Gloucester, qui trahit son père - capturé par Regan et son époux qui lui crèveront les yeux – et commanditera le meurtre de Cordelia et de son père, réfugiés auprès du roi de France. Encore lui qui, séduit par les deux duchesses du royaume dont il use avec plaisir, provoquera la mort de Regan, empoisonnée par sa soeur, Goneril, avant que cette dernière mette fin à ses jours et que lui, Edmond, soit vaincu en duel par Edgar.
Quant à lui, Lear va progressivement réaliser ses erreurs, redevenir lui-même, plus humble et plus humain qu’au début de la pièce. Il se réconciliera avec Cordelia mais ne pourra éviter la pendaison de sa fille et à son tour, mourra, fou de douleur. A la fin de la pièce, Albany renoncera au royaume au profit d’Edgar et de Kent, les deux fidèles serviteurs du roi Lear, avec cet hommage célèbre entre tous rendu au défunt : Au poids de ce triste temps il nous faut obéir; dire ce que nous éprouvons et non ce qu’il nous faudrait dire. Les plus vieux ont tant souffert : nous qui sommes jeunes, nous n’en verrons jamais autant, ni ne vivrons assez longtemps.
Pour la beauté de la langue, voici le texte en langue anglaise :
The weight of this sad time we must obey ;Speak what we feel, not what we ought to say.The oldest hath born most : we that are YoungShall never see so much nor live so long.(Acte V, Scène III)Terrible, n’est-il pas vrai ? Au premier degré, ce drame né de la quête du pouvoir où tout est permis pour l’atteindre – la flatterie, le mensonge, le cynisme, la trahison - tendrait à condamner les uns et vénérer les autres. Pas si simple, car à y regarder de plus près, Lear lui-même, tyrannique et vaniteux, n’entraîne-t-il pas dans sa chute, les conséquences de son aveuglement et de sa vanité ? Enfin, la lumière demeure omniprésente dans cette pièce avec la place réservée aux justes – Cordelia, Edgar, Kent – dont la fidélité et la droiture passent par le dévouement, la sincérité, l’abnégation. Ils ne reçoivent pourtant pas tous leur juste récompense.
Pessimiste, Shakespeare, ou tout simplement réaliste? A vous de choisir...
traduit par Yves Bonnefoy (coll. Folio Théâtre/Gallimard, 2008)
07:00 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature étrangère, William Shakespeare, Yves Bonnefoy | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; théâtre; livres | | Imprimer | Facebook |
10/03/2010
Le poème de la semaine
Marie Noël
Quand il est entré dans mon logis clos,
J'ourlais un drap lourd près de la fenêtre,
L'hiver dans les doigts, l'ombre sur le dos...
Sais-je depuis quand j'étais là sans être?
Et je cousais, je cousais, je cousais...
- Mon coeur, qu'est-ce que tu faisais?
Il m'a demandé des outils à nous.
Mes pieds ont couru, si vifs, dans la salle,
Qu'ils tremblaient, - si gais, si légers, si doux, -
Deux petits oiseaux caressant la dalle.
De-ci, de-là, j'allais, j'allais, j'allais...
- Mon coeur, qu'est-ce que tu voulais?
Il m'a demandé du beurre, du pain,
- Ma main en l'ouvrant caressait la huche -
Du cidre nouveau, j'allais et ma main
Caressait les bols, la table, la cruche.
Deux fois, dix fois, vingt fois je les touchais...
- Mon coeur, qu'est-ce que tu cherchais?
Il m'a fait sur tout trente-six pourquoi.
J'ai parlé de tout, des poules, des chèvres,
Du froid et du chaud, des gens, et ma voix
En sortant de moi caressait mes lèvres...
Et je causais, je causais, je causais...
- Mon coeur, qu'est-ce que tu disais?
Quand il est parti, pour finir l'ourlet
Que j'avais laissé, je me suis assise...
L'aiguille chantait, l'aiguille volait,
Mes doigts caressaient notre toile bise...
Et je cousais, je cousais, je cousais...
- Mon coeur, qu'est-ce que tu faisais?
Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle
08:27 Écrit par Claude Amstutz dans Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie | | Imprimer | Facebook |
07/03/2010
Emmanuelle Pagano
Bloc-Notes, 7 mars / Les Saules
Ce roman était à l'origine un échange de lettres avec un autre écrivain. Nous nous l'étions représenté comme une oeuvre de fiction que nous construisions chaque jour, à deux, et dans laquelle nous inventions que nous nous aimions. Nous ne savions pas jusqu'où le pouvoir du roman nous amènerait. Nous ne connaissions pas la fin de l'histoire. Il est sorti de ma vie brutalement, abandonnant ce texte en cours d'écriture, annonce l'auteur en préambule à son dernier livre.
Chronique amoureuse épistolaire, à une seule voix, où le jeu en écriture vire à l'attirance, au besoin de fusion avec l'autre, à la sublimation, au choc du réel puis à la rupture, ce récit raconte une passion fulgurante qui s'empare d'une femme rangée en apparence, mariée, mère de quatre enfants, prête à tout quitter pour la vivre. Amoureuse des mots, elle décrit avec un rare bonheur les arcanes du désir, la crucifixion de l'absence, les risques que sous-entend cette relation charnelle absolue, sans illusions, ni fards, ni concessions. D'un lyrisme et d'une impudeur qui ne prêtent jamais à la vulgarité ou au voyeurisme, Emmanuelle Pagano use au contraire d'un langage poétique ensorcelant pour dire la brûlure qui l'étreint: La rivière est si profonde quand tu me pénètres que je la confonds avec toi. Je voudrais que tu redeviennes ma rivière chaque jour. Je voudrais que tu glisses, que tu coules, je voudrais te boire, me baigner en toi, encore, elle est si profonde, l'eau, que tu me portes, c'est toi qui es en moi mais tu me portes, je flotte, puis je replonge, et tant pis si le courant t'éloigne, après.
Si le lit de l'amour - ou son point de convergence - est un livre, si le point culminant de cette histoire s'exprime dans un érotisme torride, sans tabou, l'homme pourtant partira, laissant derrière lui une femme meurtrie que hante le souvenir, qu'immortalise le texte. Roman autobiographie, oeuvre de fiction, ou un peu des deux? L'auteur lève un coin du voile à la fin de son récit: Je crois avoir écrit un livre avec un homme qui n'existe pas, je crois avoir rêvé ses réponses pour continuer mes lettres, je crois avoir rêvé ses gestes, son ventre, ses bras. Est-ce que cet homme était toi?
Peu importe la conclusion. La voix d'Emmanuelle Pagano glisse sur le papier pour y éclairer un paysage qui ne ressemble à rien et dans le tremblement des corps laisse une empreinte incandescente. Qui s'en plaindrait?
Emmanuelle Pagano, L'absence d'oiseaux d'eau (Editions P.O.L., 2010)
11:32 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; récit; livres | | Imprimer | Facebook |
04/03/2010
Marie Billetdoux
Bloc-Notes, 4 mars / Les Saules
A 23 ans à peine, libraire débutant et incorrigible romantique, j’ai découvert, le cœur battant, une jeune femme à qui je dois beaucoup : Raphaëlle Billetdoux. Un regard léger, malicieux, espiègle à la surface des choses, heureux contrepoint à mes humeurs mélancoliques et un territoire du coeur en ce temps-là désespérément vide, contrarié, dépourvu de sens. Bien avant d’autres personnages féminins qui m’ont séduit – Les hommes cruels ne courent pas les rues et Vu de l’extérieur écrits par Katherine Pancol – ceux de Jeune fille en silence et de L’ouverture des bras de l’homme ont hanté mes nuits, comme ces fruits préférés qu’on rêve de dévorer sans retenue, alors qu’on retarde au contraire le passage à l’acte pour préserver son trésor, en murmurant tout bas : Et si ces personnages existaient dans la vraie vie…
39 ans plus tard – faites le compte ! – je conserve un souvenir ému de ces moments de lecture, de ces histoires écrites avec un style d’une rare maturité, conquis par ce souffle unique d’indépendance, de liberté, de sensibilité, d’insolence, qui n’a jamais quitté son auteur.
Auréolée de prix littéraires – prix Interallié pour Prends garde à la douceur des choses et prix Renaudot pour Mes nuits sont plus belles que vos jours – elle a choisi plus tard de reprendre son deuxième prénom et publie ainsi, sous le nom de Marie Billetdoux, C’est encore moi qui vous écris.
Je n’ai aucune peine à croire que ce livre soit le plus important de sa vie. L’émotion y est palpable à chaque ligne. Celle des liens du sang, celle des liens du cœur. Elle n’y cache rien de son travail, de ses amours, de sa famille, de ses désillusions. Toute sa vie de 1968 à 2008 y danse dans la crudité de la lumière, instants saisis à vif, parfois bouleversants (la mort de son père le dramaturge François Billetdoux, celle de son mari le journaliste politique Paul Guilbert, l’attachement à son fils Augustin), souvent agaçants (les démêlés avec ses éditeurs, ses difficultés économiques d’écrivain) voire insupportables (ses diverses assignations en justice, ses respirations dans la jet-set) mais cet écrit intime soulève surtout une question essentielle : Au nom d’un souci de vérité, même animé des intentions les plus sincères, peut-on ou doit-on tout dire, tout exposer, tout divulguer ? Au risque de blesser, de trahir, de juger.
Je veux bien sûr parler des autres dont il est question sans fard au fil des années qui défilent sous nos yeux. Je crois pour ma part que l’intime – particulièrement à découvert dans les correspondances - doit rester à sa place, au secret, sur ce vitrail de l'âme et du coeur que seules les personnes concernées sont capables de déchiffrer. N’est pas Madame de Sévigné qui veut, dont les lettres, au passage, n’ont pas vu le jour de son vivant…
Enfin, à la place du lecteur – oublions les professionnels du livre, les chroniqueurs littéraires, les admirateurs inconditionnels ou les amis – j’aurais préféré un nouveau roman surprenant, magnifique, audacieux comme elle seule sait le faire, plutôt que ces 1482 pages composées de lettres, d’articles de presse, d’extraits de son journal intime qui souvent, malgré sa sensibilité à fleur de peau et ses talents d’écrivain, laissent de marbre, parce que leur histoire au contraire de ses personnages de fiction, rarement croise la nôtre.
Son directeur littéraire, Jean-Marc Roberts, nous dit que ce journal épistolaire est un livre extrême, une entreprise folle. Fallait-il pour autant le publier ? Par respect pour Raphaëlle/Marie Billetdoux, je me garderai bien de répondre, préférant me tourner vers ses romans inoubliables remis à l’honneur en ces circonstances, pour le bonheur de tous.
Marie Billetdoux, C'est encore moi qui vous écris: 1968-2008 (Stock, 2010)
illustration: portrait de Madame de Sévigné, par Claude Lefèbvre
07:12 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : littérature; essai; livres | | Imprimer | Facebook |
28/02/2010
Maurice Chappaz
Bloc-Notes, 28 février / Les Saules
Le 15 janvier 2009, Maurice Chappaz rejoignait le paradis des poètes, non sans nous laisser - outre Le chant de la Grande Dixence, Les maquereaux des cimes blanches, Le portrait des valaisans, La pipe qui prie et qui fume - un écrit qu'on peut qualifier de testamentaire, Le roman de la Petite Fille. Hommage à sa seconde épouse Michène dont il souhaitait retracer l'enfance et l'histoire de sa famille, ce texte inachevé devait comporter deux parties constituées de cinq chapitres, mais le manuscrit s'achève à la mort de l'auteur, au troisième chapitre de la seconde partie.
Illustré par les coquillages de Gérard de Palézieux, ce récit est bien plus que l'évocation de Michène - dont il nous dit qu'elle a épousé l'écriture sans être écrivain - car son regard vif et malicieux embrase un passé porteur de reconnaissance, un présent réconcilié avec la terre qui lui donne un sens, un avenir sur lequel il s'interroge avec douceur, avec confiance.
Bien sûr, au moment d'entrer dans l'autre monde, les affres de la vieillesse ou de la maladie le préoccupent. La mort est omniprésente à cet écrit, mais imbriquée dans la vie, l'une étant la face cachée de l'autre, une fulgurence, un reflet, une résurrection. Je dis ma disparition (...) Voici une heure que je rédige des lettres à des camarades dans l'existence. Sur une enveloppe j'écris le nom d'un ami qui dort au cimetière. Pour un peu je mettrais l'adresse du cimetière. Ce qu'on fait avec plus d'intelligence quand on prie.
Ailleurs, il note: Parce qu'il sait qu'il va mourir bientôt, sans mettre de temps sur ce "bientôt", le vieil homme se sent le coeur serré et ouvert, avec une sorte de joyeux espoir. Pour rien au monde on ne voudrait ne pas mourir. On entre enfin dans la vie contemplative qui est l'aventure des aventures: choisir ce qui se cache dans la mort elle-même. Et qui nous fait deviner l'incessante beauté du monde et nous associe à la nature, laquelle attend son heure.
Si ce que nous partage Maurice Chappaz nous parle - la présence des morts, leur griffe sur les événements de notre vie - alors, pour sûr, il demeure parmi nous, en sourire et en écriture. Il est là, tout près et nous accompagne, si nous avons la patience de l'entendre comme les feuilles des arbres qui s'envolent, comme un ange qui passe ...
Maurice Chappaz, Le roman de la Petite Fille (Fata Morgana, 2009)
13:16 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Littérature francophone, Littérature suisse, Maurice Chappaz | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature: récit; livresé | | Imprimer | Facebook |
25/02/2010
Martha Argerich - 1b
Martha Argerich
Voici deux illustrations de l'art exceptionnel de ma pianiste préférée!
00:05 Écrit par Claude Amstutz dans Franz Liszt, Frédéric Chopin, Martha Argerich, Musique classique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique classique | | Imprimer | Facebook |
Martha Argerich - 1a
Bloc-Notes, 25 février /Les Saules
La coïncidence veut que dans la même semaine, il soit par deux fois question de musique. Ainsi, après l'évocation du pianiste et chef d'orchestre Daniel Barenboim, c'est au tour de Martha Argerich d'habiller de toutes ses couleurs ce bloc-notes, actualité oblige, car vient de paraître une biographie qui lui est consacrée, sous la plume d'Olivier Bellamy.
On y apprend à mieux cerner l'intimité de cette forte personnalité dont la vie ne ressemble pourtant pas à un long fleuve tranquille, aussi rebelle, atypique ou imprévisible que ces légendes vivantes qui l'ont fascinée, tant dans sa vie que dans son art de l'interprétation: Friedrich Gulda, Nikita Magaloff, Arturo Benedetti Michelangeli, Charles Dutoit, Stephen Kovacevich, parmi d'autres. Vouée corps et âme à la musique, on y découvre aussi son aide aux jeunes talents, ses engagements, son besoin d'indépendance, son horreur de l'artificiel qui a rencontré un si vibrant écho auprès de Jacqueline Du Pré, l'inoubliable violoncelliste, épouse de Daniel Barenboim.
Truffée de repères et d'anecdotes qui ressemblent souvent à un feu d'artifice, cette biographie se lit comme un roman et nous fait survoler un demi-siècle d'histoire de la musique, avec une indiscutable nostalgie!
Si vous n'avez jamais entendu Martha Argerich, prenez le temps d'écouter ses enregistrements de Franz Liszt, de Frédéric Chopin, de Robert Schumann ou de Serge Prokofiev, qui comptent parmi les plus beaux de tous les temps.
Olivier Bellamy, Martha Argerich - L'enfant et les sortilèges (Buchet-Chastel, 2010)
00:00 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Daniel Barenboim, Martha Argerich, Musique classique, Serge Prokofiev | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; biographie; musique; livres | | Imprimer | Facebook |
24/02/2010
Le poème de la semaine
Jacques Prévert
Pour faire le portrait d'un oiseau
Peindre d'abord une cage
avec une porte ouverte
peindre ensuite
quelque chose de joli
quelque chose de simple
quelque chose de beau
quelque chose d'utile
pour l'oiseau
placer ensuite la toile contre un arbre
dans un jardin
dans un bois
ou dans une forêt
se cacher derrière l'arbre
sans rien dire
sans bouger ...
Parfois l'oiseau arrive vite
mais il peut aussi bien mettre de longues années
avant de se décider
Ne pas se décourager
attendre
attendre s'il le faut pendant des années
la vitesse ou la lenteur de l'arrivée de l'oiseau
n'ayant aucun rapport
avec la réussite du tableau
Quand l'oiseau arrive
s'il arrive
observer le plus profond silence
attendre que l'oiseau entre dans la cage
et quand il est entré
fermer doucement la porte avec le pinceau
puis
effacer un à un tous les barreaux
en ayant soin de ne toucher aucune des plumes de l'oiseau
Faire ensuite le portrait de l'arbre
en choisissant la plus belle de ses branches
pour l'oiseau
peindre aussi le vert feuillage et la fraîcheur du vent
la poussière du soleil
et le bruit des bêtes de l'herbe dans la chaleur de l'été
et puis attendre que l'oiseau se décide à chanter
Si l'oiseau ne chante pas
c'est mauvais signe
signe que le tableau est mauvais
mais s'il chante c'est bon signe
signe que vous pouvez signer
Alors vous arrachez tout doucement
une des plumes de l'oiseau
et vous écrivez votre nom dans un coin du tableau
Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle
10:22 Écrit par Claude Amstutz dans Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie | | Imprimer | Facebook |
22/02/2010
Daniel Barenboim - 1b
Daniel Barenboim
Un entretien passionnant consacré par la BBC à la crise du Moyen-Orient, réalisé en 2008, malheureusement en langue anglaise, sans sous-titres...
06:15 Écrit par Claude Amstutz dans Daniel Barenboim, Documents et témoignages, Musique classique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; musique; livres | | Imprimer | Facebook |