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07/09/2011

Le poème de la semaine

Abdellatif Laâbi

Ami
accroche-toi
ta bougie est plus belle
et tes ongles ne sont noirs
que de la crasse des mauvais jours
ne pleure pas
les armes qui te manquent
réjouis-toi de la rose
que tu ne peux offrir
ouvre les bras
à l'enfant de tes insomnies
ta plume est propre
ne la trempe pas
dans la glu de la rancoeur
 
ta boue 
c'est de la bonne boue
et ta baraque
un trône de lumière
 
Je n'ai que toi
pour pouvoir dire
sans risque de me tromper
j'ai un ami
et continuer à aimer
comme j'aime
 
Accroche-toi
l'ami
pour que ce pays
ne s'écroule pas
 
 
Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle

06/09/2011

Loriano Macchiavelli

9782864245919.gifLoriano Macchiavelli, Bologne ville à vendre (Métailié, 2006)

En Italie, il y des commissaires plus célèbres que d’autres : En Sicile, vous trouvez Montalbano, héros des romans de Andrea Camilleri; à Venise, vous marchez sur les traces de Brunetti, mis en scène par Donna Leon; à Bologne, enfin, Sarti Antonio est incontournable mais peu connu, découvert par le grand public voici quelques années avec Les souterrains de Bologne de Loriano Macchiavelli - chez Métailié également - et qui connut un vif succès. De ces trois policiers, ce dernier est peut-être le plus atypique, le plus complexe, le plus attachant, avec ses intuitions, son humour désabusé, sa parfaite connaissance -et méfiance - des rouages de la politique, des finances et du pouvoir. Et l’amour de sa ville, malgré tout. L’intrigue de ce roman est envoûtante, plus vraie que nature pour tous les amoureux de cette Italie ambiguë où vérité et mensonge se confondent parfois à s’y méprendre… Un polar inventif et original!

05/09/2011

Clémence Boulouque

9782070343546.gifClémence Boulouque, Chasse à courre (Coll. Folio/Gallimard, 2007)

 

Si vous ne connaissez pas cet auteur – La mort d’un silence en coll. Folio/Gallimard ou son dernier et indiscutable chef d’oeuvre Nuit ouverte paru chez Flammarion – lisez ce roman qui vous entraîne, avec Frédéric Marquez, dans les rouages d’un monde très fermé, celui des chasseurs de tête, des traders, des décideurs. Sans outrance ni flèches inutiles, elle nous dévoile quelques mois d’une ascension fulgurante, audacieuse et glacée, où quelques fissures teintent les réussites les plus marquantes d’un (dés) espoir passager…

10:45 Écrit par Claude Amstutz dans Clémence Boulouque, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature: roman; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

03/09/2011

Colette Fellous

Bloc-Notes, 3 septembre / Curio

littérature; récit; livres

Colette échappe de peu à un terrible accident. Une de ses sandales se prend dans un rail, à Tunis. Un instant, elle se voit morte: Un morceau de ma vie est passé sous le train ce mardi-là, bien après les jours et les pays, ce mardi d'un mois d'août naissant (il était presque midi) mais comment le cerner, le dessiner, le reconstruire? (...) Je cherchais à retrouver un petit mouton de bois perdu et c'est un morceau de ma vie que j'ai laissé ce jour-là, au bord de la voie ferrée.

Cet événement réveille les ombres, laisse fleurir les impressions, les souvenirs de ces années 1967-1969, avec la découverte de Paris - un immense écran de cinéma - où naissent les premiers battements de l'amour, les moments de rare bonheur sur fond de lumière, d'extravagances et de liberté qu'épanouissent les liens de l'amitié et la passion des livres: Je cherchais chez les écrivains de tous les siècles leurs moments de crise, leurs illuminations, leurs premières fois, leurs vertiges, je m'approchais au plus près de leur fièvre, j'attendais qu'ils me parlent encore, qu'ils me racontent. (...) Je devenais leurs nuits, leurs hallucinations. Je savais me glisser à n'importe quel point du temps, les mots me grisaient, j'apprenais à être plusieurs.

Mais la figure centrale de ce récit qui éclaire et assombrit à la fois les multiples greniers secrets de sa mémoire, c'est Georgy, ce frère cousu au centre de son coeur, diabétique dès son enfance et qui meurt à vingt-sept ans: un dandy qui ne se remarque pas, un esthète, un inconsolable, (...) un grand contemplatif de la misère du monde et du luxe, celui des hôpitaux et des grands hôtels. L'amoureux des livres, des films, des tableaux et des stars. Des parfums et des beaux vêtements. Des voyous et des anges.

Colette Fellous dépeint avec beaucoup de lucidité, de tact, de sensibilité, la relation tourmentée entretenue avec ce frère bien-aimé et inséparable: Il n'était pas diabolique. Il était au-delà, toujours au-delà. Depuis ses six ans. Au-delà des conventions, des interdits. Il le savait qu'il mourrait très jeune. Il n'avait donc rien à perdre. (...) Suivre ses rêves, jusqu'au bout, c'était le rôle qu'il m'avait donné. Suivre ses folies, ses désespoirs, jusqu'au bout. Je devais partager sa souffrance en jouant moi aussi avec mon corps, en le détruisant à mon tour, comme le sien avait été détruit par la maladie. Mais je n'ai pas accepté ce pacte. Je l'ai sans cesse détourné, repoussé. (...) Sa mort a été la mienne, mais elle m'a aussi permis de vivre, de me libérer de lui. 

Outre cette poignante réverbération des élans du coeur, Un amour de frère fleurit de pages de toute beauté consacrées à la musique, à ses liens intimistes avec la Tunisie - son pays d'origine - et à la poésie omniprésente dans tous les écrits de Colette Fellous: Le sens d'un poème est à la fois ouvert, mobile, transparent, et complètement secret, à jamais secret. C'est là que résident sa beauté et sa force. On ne doit pas chercher d'explication, ce serait tuer le poème. Il y a autant de mots cachés que de mots écrits. Plus la langue est simple, plus elle est vaste.

En écho à la mort de Georgy, Colette Fellous se remémore un extrait de sa correspondance qui incarne pour elle le vertige annoncé de la fin: Même les oiseaux s'en iront un jour ... A la fin de son livre, y répond la citation sublime de Virginia Woolf, scellant toute vie peut-être, la sienne, la vôtre, la mienne: Je passerai comme un nuage sur les vagues ... Une image forte qui parachève l'une des oeuvres littéraires les plus abouties de l'année, servie par une langue magnifique!

Colette Fellous, Un amour de frère (Gallimard, 2011)

00:45 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Colette Fellous, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; récit; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

02/09/2011

La citation du jour

Guido Ceronetti

citations; livres

C'est une pensée qui apaise et fortifie de savoir que parmi les livres que nous possédons il en est quelques-uns capables de nous libérer et de nous sauver. Il s'en ajoute de nouveaux, presque chaque jour, mais les livres nécessaires sont là depuis longtemps.

Guido Ceronetti, Le silence du corps (Albin Michel, 1984)

00:15 Écrit par Claude Amstutz dans Guido Ceronetti, La citation du jour, Littérature étrangère, Littérature italienne | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : citations; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

01/09/2011

Sacha Sperling

9782253134404-V.jpgSacha Sperling, Mes illusions donnent sur la cour (Livre de poche/LGF, 2011)

J’ai lu ce roman en deux jours lors de sa parution en 2009, et ne taris plus depuis lors d’éloges sur cet auteur âgé aujourd'hui de 21 ans à peine. Son style fluide, concis, dépourvu de pathos, transpire d’une étonnante maturité pour un premier texte. Son portrait d’une jeunesse qui, bien plus que de mal être, se radicalise devant l’ennui, le vide intérieur et l’urgence de vivre, adopte un angle de vue original, contemporain, lucide sur son époque. On songe aux vers de Paul Verlaine : Avide jeunesse à tout a servi, par délicatesse j’ai menti ma vie… Fréderic Beigbeder souligne que c’est peut-être le Bonjour tristesse de notre époque, et il a bien raison ! Avec d’autres hasards de calendrier, Sacha Sperling aurait largement mérité un prix littéraire. Tiens, le prix Goncourt des Lycéens, par exemple…

Du même auteur, Les coeurs en skaï mauve (Fayard, 2011) a déjà été présenté sur La scie rêveuse, dans le cadre de la rentrée littéraire de l'automne.

06:06 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; roman; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

31/08/2011

le poème de la semaine

René Depestre

Mon avenir sur ton visage est dessiné comme des nervures sur une feuille
ta bouche quand tu ris est ciselée dans l'épaisseur d'une flamme
la douceur luit dans tes yeux comme une goutte d'eau
dans la fourrure d'une vivante zibeline
la houle ensemence ton corps et telle une cloche
ta frénésie à toute volée résonne à travers mon sang
 
Comme les fleuves abandonnent leurs lits
pour le fond de sable de ta beauté
comme des caravanes d'hirondelles regagnent tous les ans
la clémence de ton méridien
en toute saison je me cantonne dans l'invariable journée de ta chair
je suis sur cette terre pour être à l'infini
brisé et reconstruit par la violence de tes flots
ton délice à chaque instant me recrée tel un coeur ses battements
ton amour découpe ma vie comme un grand feu de bois
à l'horizon illimité des hommes
 
Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle

00:08 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie | |  Imprimer |  Facebook | | |

29/08/2011

Gianrico Carofiglio

Bloc-Notes, 29 août / Curio

littérature; roman: policier; livres

Guido Guerrieri n'est pas tout à fait un avocat comme les autres. Outre sa passion pour les livres et les voyages, il pratique la boxe, confiant à son sac - quand une nostalgie douce le gagne au souvenir de ses amours, Tiziana, Margherita et Sara - ses contradictions, ses humeurs, ses interrogations.

Son métier, il l'exerce à Bari, dans les Pouilles, avec l'aide de Consuelo et de Pasquale. Et voici qu'un de ses confrères, Sabino Fornelli, lui demande de s'occuper d'une affaire banale à priori, celle de la disparition de Manuela, une étudiante, six mois plus tôt. Reprenant officieusement l'enquête, il ne décèle aucune négligence et ne trouve pas l'ombre d'une nouvelle piste. Au point mort, c'est au fil de ses rencontres avec les amis, les témoins et les familiers de la victime que la lumière, au moment le plus inattendu, lui fournira une réponse implacable, dans le sillage de Caterina, un personnage clef dont le charme ne laisse pas indifférent Guido Guerrieri, méfiant certes, mais non pas moins homme...

Hors des conventions du genre, ce roman mêle une intrigue palpitante à des considérations philosophiques non dénuées d'humour qui accentuent son originalité: Seul ce qui est provisoire peut atteindre la perfection. Ou encore: Les enquêteurs capables de détecter les mensonges comptent parmi les plus stupides. Ce sont ces enquêteurs-là que les bons menteurs abusent avec le plus de facilité et le plus de plaisir.

Gianrico Carofiglio, magistrat, écrivain et homme politique, est né à Bari, en 1961. Plusieurs de ses livres sont disponibles en traduction française: Témoin involontaire (coll. Rivages/Noir, 2007), Les yeux fermés (Rivages, 2008), Le passé est une terre étrangère (Rivages, 2009) et Les raisons du doute (coll. Points/Seuil, 2011).

Quand j'écris ou lis un roman, ce sont les héros, plus que l'intrigue, qui retiennent mon attention. Plus que les trames enchevêtrées, j'aime les histoires dont les personnages ne vous abandonnent pas, une fois la lecture terminée. J'aime les personnages contradictoires, qui mêlent force et fragilité, sérieux et ridicule, fanfaronnerie et courage. Et j'aime les décors qui reflètent leur naturel changeant. Le silence pour preuve est un roman policier, quoique totalement atypique. Mais c'est surtout un voyage de découverte dans une ville nocturne, silencieuse et indéchiffrable. Gianrico Carofiglio

Gianrico Carofiglio, Le silence pour preuve (Seuil, 2011)

26/08/2011

Virginie Ollagnier

Bloc-Notes, 26 août / Les Saules

littérature; roman; livres

Au sein de la bonne bourgeoisie parisienne, la vie de Rosa ressemble à un paysage mélancolique dont tout éclat s’estompe peu à peu, malgré la réussite de son époux Antoine avec lequel elle ne partage plus que des silences. Quant à ses enfants, Maurice a trouvé sa voie à la Caisse des Dépôts et Consignations, tandis que sa soeur Julie s'est tournée vers le journalisme. 

Quand Rosa apprend le décès de son père adoptif Egon Baum, elle revient sur les lieux de son enfance au Maroc, à Sejâa plus précisément. Elle y rejoint sa maison, celle où elle aurait bien voulu mourir un jour, si Egon était encore là, alors que maintenant, seule au monde en quelque sorte avec le poids de cette douleur irréparable, que faire?

Là-bas, en France, elle a depuis longtemps abdiqué et si elle a réussi un beau mariage vingt ans plus tôt dans la capitale, qu'en reste-t-il? Devant ce nouveau deuil qui frappe l'un des deux hommes de sa vie - le premier fut son père Gabriel, mort alors qu'elle n'était encore qu'une petite fille - tout un passé défile devant ses yeux: sa mère Suzanne - si touchante, si tendre, si aimée -, sa marraine Monde - l'amie de France - soeur de sa mère et la vieille Sherifa - la nounou, la confidente - qu'elle est heureuse de retrouver aux côtés de son fils Mehdi: Rosa retrouva l'odeur de ses cheveux, le parfum de clou de girofle, le khôl aux yeux. Elle était bien, juste bien, et rien n'existait plus des malheurs et des deuils. Bercée, Rosa avait regagné le centre de son monde. Son corps se dilata à nouveau.

Au fil des jours, elle perd ses artifices de la métropole, laisse ressurgir son accent pied-noir dont autrefois elle avait honte, comme de cette maison, fardeau d'un passé colonial qu'elle refuse de lèguer à ses enfants: Le temps est venu de rompre avec sa culpabilité, de rendre la terre

Enveloppée par la chaleur bienfaisante des siens, face à son propre destin et ce mort tant aimé qui lui parle, elle pénètre ainsi l'intimité du coeur d'Egon et se voit révéler un fragment de sa vie dont elle ignorait tout ou presque... Après cette immersion douloureuse et tendre, plus rien ne sera comme avant.

Un roman plein de délicatesse où le deuil, charriant ses blessures profondes, oriente Rosa vers ses propres choix de vie, réveillant ses besoins d'appartenance et de liberté. 

Rouge argile est le troisième roman de Virginie Ollagnier - née à Lyon en 1970 - après Toutes ces vies qu'on abandonne en 2007 - couronné par onze prix littéraires - et L'incertain en 2008, tous deux publiés par les éditions Liana Levi.

Virginie Ollagnier, Rouge argile (Liana Levi, 2011)

00:26 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; roman; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

25/08/2011

La citation du jour 1b

François Mauriac

citations; livres

Ce pourrait être un soir d'été comme ici je les ai tant aimés autrefois. Je ne croyais pas, dans ma jeunesse, qu'il y eût ailleurs que sur cette terrasse un ciel si sombre et si vivant, cette respiration de la nuit. Mais cette nuit d'août est une pluvieuse pluie d'automne, et le vent gémit au ras des vignes comme si c'était déjà les vendanges. Je m'étonne que le cuvier proche ne retentisse pas de voix et de rires; je ne sens pas l'odeur du pressoir: ce n'est qu'une nuit d'été où je suis seul. J'ai déserté le gros de l'armée du monde. Je ne m'en vante pas: où est mon mérite? Je n'ai même pas eu à me rendre: l'ennemi était en moi depuis longtemps déjà. Je luttais encore, je me raccrochais à des fantômes de sentiments, j'appelais, je feignais de croire que répondaient d'autres voix. Pauvre illusion entretenue, nourrie par le coeur insatiable. Depuis longtemps, les jeux étaient faits, la bille avait roulé, j'avais perdu. J'avais perdu... J'étais sauvé. 

François Mauriac, Souffrances et bonheur du chrétien (Grasset, 1931)