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27/06/2011

David Servan-Schreiber

Bloc-Notes, 27 juin / Les Saules

document; témoignage; livres

Tumeur ou oedème, cette chose qui prospérait dans mon lobe frontal droit menaçait directement ma vie. En quittant le centre de radiologie, j'ai enfourché mon vélo, parfaitement conscient du risque que je m'apprêtais à courir. J'ai eu soudain besoin de tester mon courage. Aussi fou, aussi inconsidéré qu'il puisse paraître, le test du vélo a rempli sa fonction: j'ai senti que mon plaisir de vivre était intact, et avec lui ma détermination. J'ai su que je n'allais pas baisser les bras.

Ainsi peut se résumer le premier chapitre du témoignage de David Servan-Schreiber: une alchimie de douleur, de réalité et d'espoir, fil conducteur du récit où l'auteur de Guerir le stress, l'anxiété et la dépression sans médicaments ni psychanalyse et de Anticancer - les gestes quotidiens pour la santé du corps et de l'esprit, apprend la mauvaise nouvelle, celle de la rechute grave de son cancer du cerveau survenu près de vingt ans plus tôt.

Ce qui frappe d'emblée dans On peut se dire au revoir plusieurs fois, tient en quelques mots: L'honnêteté, l'absence d'arrogance, la franchise. Pas de faux-fuyants. Il a connu - et connaîtra encore, peut-être - à certains moments la peur, les larmes, le désarroi qu'il a si souvent lus sur le visage de ses patients. Il ne s'en cache pas. De même envers ses multiples activités, parfois harassantes: Je n'ai pas pris assez soin de moi, et ce depuis bien des années. Les témoignages d'intérêt et de reconnaissance que j'ai reçu m'ont rendu si heureux que je me suis donné à fond à la défense de ces idées. J'en étais venu à me sentir quasi invulnérable. Or, il ne faut jamais perdre son humilité face à la maladie. J'ai commis l'erreur de croire que j'avais trouvé la martingale gagnante.

A la lumière de ce qui précède, oserai-je dire qu'il se dégage de son dernier livre une lueur d'espoir, un appétit de vivre, une reconnaissance qui importent tant, dans la processus de guérison? David Servan-Schreiber insiste - dans sa thérapie de la douleur - sur le besoin de calme intérieur, d'images gratifiantes, d'activité physique, de distraction qui permet, grâce aux amis et aux proches, de continuer de faire partie du club des vivants qui font des choses et vivent leur vie

De très belles pages traitent des gestes de l'émotion partagée - j'ai besoin que tu continues à être dans ma vie - et du temps qui passe avec toutes ces choses, grandes ou petites, qui ont été agréables, qui ont apporté du plaisir, de la joie ou simplement de l'amusement. Les passages consacrés à ses amis Bernard Giraudeau et Guy Corneau sont eux aussi, empreints de tendresse et de gratitude.

Ce témoignage, tonique et grave à la fois, devrait tous nous interpeller, malades saisonniers ou au long cours, devant le sujet tabou qui, un jour ou l'autre, fera irruption dans notre vie: Est-ce que vous vous posez parfois la question de savoir ce qui se passerait si le traitement ne marchait pas?

Au moment de refermer ce livre, je pense aux deux DVD de Georges Lautner, Les barbouzes et Les tontons flingueurs, avec les inénarrable Bernard Blier, Lino Ventura et Francis Blanche. Ces deux films sont ma thérapie personnelle aux jours de découragement, de révolte ou d'impuissance, et lorsque, peut-être pour la centième fois je les reverrai après avoir reçu ma mauvaise nouvelle, je penserai à David Servan-Schreiber très fort, comme à un ami de longue date, lui qui parle tout au long de son livre de l'importance de la légèreté, de la détente et du rire... malgré tout!   

David Servan-Schreiber, On peut se dire au revoir plusieurs fois (Laffont, 2011)

David Servan-Schreiber, Guerir le stress, l'anxiété et la dépression sans médicaments ni psychanalyse (coll. Pocket Evolution, 2011)

David Servan-Schreiber, Anticancer - les gestes quotidiens pour la santé du corps et de l'esprit (coll. Pocket Evolution, 2011)

23:52 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Documents et témoignages, Le monde comme il va | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : document; témoignage; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

26/06/2011

Katherine Pancol

9782020319027.jpgKatherine Pancol, Les hommes cruels ne courent pas les rues (Coll. Points/Seuil 1997)

Le père de l'héroïne, homme cruel et fascinant, a disparu. Pour oublier, elle part à New York. Mais ni son amie Bonnie ni le frozen yoghourt ne suffisent à la consoler. Heureusement, Allan surgit, insaisissable, beau comme un dieu. Celui-là, il ne faut pas le laisser échapper. Entre souvenirs de petite fille et stratégies de séduction, Katherine Pancol dresse le portrait pétillant d'une femme d'aujourd'hui.

Précurseur de Vu de l’extérieur, ce roman développe presque tous les thèmes propres à Katherine Pancol : le père aimé mais absent, la mère austère, l’espièglerie et la provocation avec les hommes, le manque de confiance en soi et la peur de tout perdre. On éclate souvent de rire dans ce livre, même quand tout bascule et que les larmes ne sont pas loin ...

10:30 Écrit par Claude Amstutz dans Katherine Pancol, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; roman; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

25/06/2011

Franz Liszt 1b

Bloc-Notes, 25 juin / Thonon-les-Bains

Voici l'exemple d'une oeuvre méconnue de Franz Liszt, un Ave Maria, dont l'interprétation - très belle - n'est malheureusement pas identifiée sur YouTube.


 

10:22 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Franz Liszt, Musique classique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique classique | |  Imprimer |  Facebook | | |

Franz Liszt 1a

Bloc-Notes, 25 juin / Thonon-les-Bains

musique classique; livres 

En librairie, les parutions consacrées à la musique classique sont, depuis plusieurs années, une denrée rare. Les éditions Jean-Claude Lattès ont abandonné cette orientation, de même que l'Age d'Homme; les éditions d'Aujourd'hui ont disparu; quant à la grande distribution, seules les éditions Gallimard et Actes Sud assurent des parutions régulières, capables de raviver les braises... 

Eh bien, justement: dans l'excellente collection Classica de ce dernier - qui compte environ 35 titres - voit le jour, sous la plume de Jean-Yves Clément, un volume consacré à l'un de mes compositeurs préférés, Franz Liszt. Comme le souligne son auteur, ce livre répare une injustice envers ce visionnaire souvent incompris de son vivant, dont la vie et l'oeuvre sont marqués par le sceau de l'amour: Il y a mille manières de ressentir l'amour, mille modes pour le pratiquer, mais, pour ceux dont l'âme a soif d'absolu et d'infini, il est un, éternellement un, sans commencement ni fin. S'il se manifeste quelque part sur terre, c'est surtout dans cette haute confiance de l'un dans l'autre, dans cette invincible conviction de notre nature angélique, inaccessible à toute souillure, impénétrable à tout ce qui n'est pas lui.

Aujourd'hui encore, que sait-on de lui hormis sa relation passionnelle avec Marie d'Agoult, son amitié tumultueuse avec Richard Wagner sous les regards croisés de sa fille Cosima ou ses mondanités, ses excès? Du compositeur que retient-on d'autre que le Rêve d'amour, les Concertos pour piano et orchestre, les Rhapsodies hongroises, la Sonate en si mineur et les Années de pèlerinage?

Le grand mérite de cet ouvrage consiste à suivre le parcours hors du commun de ce génie, pianiste, transcripteur, compositeur et enseignant, novateur dans l'expression musicale autant - si ce n'est davantage - qu'Hector Berlioz. Les moments cruciaux de sa vie, illustrés par ses nombreux écrits, éclairent ainsi nombreuses de ses oeuvres moins connues, telles le Cantique d'amour, la Via Crucis, les Nuages gris ou la Bagatelle sans tonalité, préfigurant la musique contemporaine.

Celui qui a tant consacré son art au service des autres - les lumineuses transcriptions de Schubert, Schumann, Beethoven, Verdi, Berlioz ou Wagner - n'a guère joui d'une juste récompense, de son vivant. Jean-Yves Clément note avec beaucoup de justesse: Chopin, tant respecté et enseigné par Liszt, qui lui consacra de si nobles pages, n'aima personne vraiment, mais tout le monde l'aimait; Liszt, lui, joua et aima tout le monde, mais peu l'aimèrent vraiment. Si c'est une loi du monde, convenons qu'elle n'est guère divine dans le ciel de la musique...

En annexe à cette concise réhabilitation salutaire, vous trouverez les repères chronologiques de la vie de Franz Liszt et de précieuses indications discographiques, de même qu'un index des personnes citées.  

Si vous voulez en savoir davantage sur Franz Liszt, je peux vous recommander quelques lectures parmi lesquelles: la biographie écrite par Guy de Pourtalès, La vie de Franz Liszt (coll. Folio/Gallimard, 1983), ainsi que l'essai signé par Pierre-Antoine Huré, Liszt en son temps (coll. Pluriel/Hachette, 2005). Pour les mélomanes, trois ouvrages peuvent retenir votre attention: celui du même Pierre-Antoine Huré, Franz Liszt (Fayard, 2003), le court essai de Vladimir Jankélévitch, Liszt - rhapsodie et improvisation (Flammarion, 1998), enfin les deux volumes de Alan Walker, Franz Liszt (Fayard, 1998), 1'850 pages tout de même...

Sur ce blog - sous catégorie/La musique sur Facebook - les extraits musicaux 3, 16, 30, 52, 55, 88, 95 et 101 sont voués à Franz Liszt. 

Jean-Yves Clément, Franz Liszt ou la dispersion magnifique (coll. Classica, Actes Sud, 2011)

image: portrait de Franz Liszt, par Henri Lehmann

24/06/2011

Lionel Shriver

 

9782714441188.gifLionel Shriver, Il faut qu'on parle de Kevin (Belfond, 2006)

Inspiré par la tuerie de Columbine – un adolescent de seize ans tue sept de ses camarades de collège, un employé de la cafétéria et un professeur – ce roman intense et sans concessions, bien plus que par son ancrage dans l’actualité de l’Amérique, vaut par son angle de vision sur l’histoire de Kevin, à travers les lettres que sa mère adresse à son ex-mari. Comment peut-on devenir un monstre ou pire, l’être ? Quelle influence exerce notre propre histoire sur nos enfants ? Quelle est notre part de responsabilité dans les relations affectives ou éducatives que nous leur inspirons ? Radiographie en quelque sorte de la société, avec son cortège de compétition et de course effrénée à un épanouissement hors du commun, ce récit est aussi – et surtout – une interrogation sur la maternité, les non-dits et la crise des générations. Une œuvre magistrale, lucide, d’une beauté ténébreuse.

Egalement disponible en coll. J'ai Lu (J'ai Lu, 2008)

 

06:27 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature étrangère | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature: roman; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

23/06/2011

Markus Orths

9782867465086.gifMarkus Orths, Femme de chambre (Liana Levi, 2009)

L’histoire de cette femme de chambre à l’Hôtel Eden, ressemble en un sens aux obsessions des temps modernes. Drame de la solitude, des tâches répétitives afin de donner un sens au quotidien, parcours de l’ombre à travers l’empreinte des autres, espoir qu’un jour ce trop plein d’émotions contenues cède comme un barrage dans le tourbillon d’une tempête estivale. Si Lynn est psychiquement fragile, distante, perturbée – même sa brève relation avec une prostituée, Chiara, aboutit à un échec – sa démarche oscillant entre perfectionnisme et voyeurisme, nous partage une atmosphère si singulière, dérangeante ou lisse, avec un sens du détail si juste, qu’il est bien difficile d’échapper à sa fascination. Au-delà de ces fragments de vie, n’est-ce pas de nous qu’il s’agit, surveillés ou épiés à notre insu, en contrepoint à notre confort ? La magie du portable et les dérives d’internet ne sont pas loin …

également disponible en livre de poche (coll. Piccolo/Liana Levi, 2010)

00:42 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature étrangère | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; roman; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

20/06/2011

Relire Boris Vian

Bloc-Notes, 20 juin / Les Saules

littérature; roman; livres 

Et si l'enfer était un monde sans rêves? Telle est peut-être bien la question centrale que soulève L'arrache-coeur, plus de trente ans après une première lecture. Tout commence avec le héros de cette histoire, Jacquemort, intrigué par les cris provenant d'une maison à l'écart d'un village littoral indéterminé. Il se trouve ainsi confronté à Clémentine, sur le point d'accoucher, et même s'il est psychiatre de formation, il connaît suffisamment les rudiments de la médecine pour lui venir en aide. Les nouveaux-nés sont au nombre de trois: Noël et Joël - vrais jumeaux - ainsi que Citroën, plus grand que les deux autres.

Jacquemort décide de s'installer au coeur de cette curieuse famille dont le père, Angel, après cet événement, est rejeté à tout jamais par son épouse. En effet, Clémentine ne vit plus désormais que pour ses enfants: un bonheur forgé à l'abri des autres, des dangers naturels et des mauvais désirs propres à l'univers des adultes. Il faut leur construire un monde parfait, un monde propre, agréable, inoffensif, comme l'intérieur d'un oeuf blanc posé sur un coussin de plumes. Cette soif d'amour pour sa progéniture, obsédante, exclusive, absolue, met Jacquemort mal à l'aise. 

Il n'est pas au bout de ses surprises, car au village, le voici qui assiste à la foire aux vieux - une dégradante vente aux enchères - et à la crucifixion d'un étalon - puni pour avoir fauté - sans que la moindre parcelle d'émotion des habitants ne soit ébranlée. Enfin, il ne parvient pas à oublier l'apprenti du menuisier, mort à force de trimer et d'être maltraité, qu'Angel charge dans une caisse et qu'il abandonne au cours lent du fleuve, sans autre cérémonie... 

L'un des points forts du roman est sa rencontre avec La Gloire, ce passeur du fleuve des morts comme le définit si bien Raymond Queneau. Lorsqu'il fut au niveau de la barque, il vit l'homme s'accrocher au bord et s'efforcer d'y remonter. L'eau du ruisseau rouge passait sur ses vêtements, en perles vives, sans les mouiller. (...) C'était un homme assez âgé. Il avait un visage creusé, des yeux bleus lointains. Il était entièrement rasé et ses cheveux blancs et longs lui donnaient une expression à la fois digne et débonnaire, mais sa bouche, au repos, se marquait d'amertume. Il se lie avec lui, au-delà de ce qu'il aurait pu espérer, et devant son affirmation de vouloir rester au village, son interlocuteur le met en garde: Alors, vous serez comme les autres. vous aussi vous vivrez la conscience libre, et vous vous déchargerez sur moi du poids de votre honte. (...) Vous serez comme eux. Vous ne me parlerez plus. Vous me paierez. Et vous me jetterez vos charognes. Et votre honte.

Un éclairage sombre de cet envers de nous-mêmes - refoulé ou exalté à certaines heures - dont le jugement inflexible et cruel, peut engendrer les horreurs les plus ordinaires. Une étrange préfiguration de société familière - la nôtre - où la lâcheté, la peur et l'absence de valeurs morales dévoile parfois un visage aussi inhumain que celui de L'arrache-coeur.

Contre les pouvoirs du rêve refusant d'intégrer le monde absurde des adultes, les murs ou les grilles ne suffisent pas et Clémentine - sainte pour les uns, monstre pour les autres - saura trouver, au nom de l'amour, la parade qui empêchera ses jeunes enfants de voler en pourchassant les oiseaux: Il aperçut les trois cages. Elles s'élevaient au fond de la pièce vidée de ses meubles. Elles étaient juste assez hautes pour un homme pas très grand. Leurs épais barreaux carrés dissimulaient en partie l'intérieur, mais on y remuait. Dans chacune, on avait mis un petit lit douillet, un fauteuil et une table basse. Une lampe électrique les éclairait de l'extérieur. (...) Ca devait être merveilleux de rester tous ensemble comme ça, avec quelqu'un pour vous dorloter, dans une petite cage bien chaude et pleine d'amour.

Plutôt mal accueilli lors de sa parution, en 1953, L'arrache-coeur est pourtant un chef-d'oeuvre mêlant le langage poétique à des impressions crues ou fortes, dont la modernité est stupéfiante. Encore aujourd'hui... 

Boris Vian, L'arrache-coeur (coll. Livre de poche/LGF, 2001)

23:03 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; roman; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

Paul Valéry

VoilierCollMFellous-Loviton.jpgPaul Valéry, Corona et Coronilla (De Fallois, 2008)

Il est parfois difficile de se débarrasser des clichés hérités des années de collège. Tenez, Paul Valéry, par exemple : avecLe cimetière marin– entre autres textes – on se souvient d’un auteur original, mais forçant le respect et le sérieux. Or, avec ces poèmes inédits dédiés à Jean Voilier - Jeanne Loviton - nous est dévoilé un visage inattendu, celle d’un homme amoureux, fasciné, déboussolé, blessé parfois, et cela à … 67 ans ! Si dans ce recueil le meilleur côtoie le plus ordinaire, n’est-ce pas qu’ici la tension émotionnelle transgresse l’exigence artistique et nous rend ainsi cet auteur incontournable plus proche et plus humain ?

07:30 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Paul Valéry | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

18/06/2011

Anne Plantagenet

AP 1.jpgAnne Plantagenet, Le prisonnier (Stock, 2009)

 

Une institutrice qui surmonte un chagrin d’amour entre les sonates de Beethoven et le cognac, se voit contrainte par les habitants désemparés d’un village montagnard, de veiller en l’absence du maire ou du curé, sur un prisonnier réputé dangereux, bien qu’affaibli et blessé. Née de la peur, cette rencontre entre deux passionnés sans compromis atteints dans leur dignité et rejetés, met à nu l’ambiguïté ou la bêtise des comportements collectifs. Entre la mort imminente et une autre vie possible, qui aura le dernier mot ? A vous de le découvrir ...


également au format poche (J'ai Lu, 2011)

16:09 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; roman; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

16/06/2011

Mary Wesley

Bloc-Notes, 16 juin / Les Saules

littérature; roman; livres 

Matilda, la cinquantaine, a soigneusement préparé son coup. Elle a arrosé une dernière fois son jardin, laissé un intérieur propre et bien rangé, réduit en cendres la correspondance qu'elle entretenait avec son mari. Maintenant que Tom n'est plus là, rien ne m'attache plus à la vie. Les enfants ne veulent pas de moi. Je me suis retrouvée seule avec mon chien, le chat et Gus. Le chien est mort, il y a quatre mois, la chatte s'est prise dans un piège et a été victime d'un empoisonnement de sang. Gus aurait pu durer encore vingt ans. Je lui ai déniché une bonne maison, tranquille, où il y a une flopée d'oies. J'ai tout prévu, tout est en ordre. Je n'ai plus rien à faire ici-bas. Je m'en vais.

Sans regrets envers sa progéniture: Louise vit à Paris, Marc à Paris, Claud aux Etats-Unis et Anabel toujours par monts et par vaux. Ils m'appellent de temps à autre. Ils n'ont pas vraiment envie de discuter avec moi, ni moi avec eux. Que pourrions-nous nous dire? (...) J'aurais aimé qu'ils se posent des questions sur nous - Tom et Matilda - mais ils ne s'intéressent qu'à eux.

Sur le pont dominant l'endroit du village où le fleuve se précipite dans la mer, elle s'apprête donc à se bourrer les poches de pierres avant de se jeter à l'eau comme Virginia Woolf, mais sur le point de tirer sa révérence en beauté, son destin est contrarié par la rencontre de Hugh sur la falaise, un trentenaire recherché par la police après avoir bousillé sa mère avec un plateau à thé. Les articulations qui craquent, la fatigue, le dentier qui bringuebale, les taches brunes, le derrière fripé: vous lui avez évité cela...

Entre notre morte en sursis et Hugh vont se nouer des liens doux-amers, prétextes à laisser craquer le vernis des apparences - même celui des souvenirs - avec un humour caustique qui, de même que dans les précédents romans de Mary Wesley, La pelouse de Camomille, Rose sainte-nitouche et Les raisons du coeur - chez le même éditeur - ouvre à des dialogues truffés d'une délicieuse malice à l'anglaise. Un des passages les plus drôles du roman met en scène le postier, pas même joli garçon, aujourd'hui marié comme tous les autres gars et qui à la vue de l'écriture de Claud, se rappelle des choses... Claud, gay dans tous les sens du terme - le préféré de Matilda - qui a chipé en son temps tous les petits amis de ces demoiselles!

Baissant peu à peu sa garde, Matilda avouera à Hugh bien des secrets gardés tout au long de ces années, dont celui d'un meurtre commis autrefois, en toute impunité: une oeuvre de salubrité publique dit-elle, envers toutes les femmes trompées, écornant l'image de son premier et unique amour, Tom. 

Outre une évocation subtile de la vieillesse, cette bonne dame indigne réglant ses comptes avec le passé, laisse s'épanouir un savoureux parfum de liberté, de tendresse et d'insoumission que même la fin de l'histoire - que je vous laisse découvrir - ne ternit pas. On prendrait bien la place de Gus, le jard: un esprit drôle, fidèle, indépendant, voué à sa maîtresse qui lui témoigne en retour une affection dont aucun humain n'aura été - sans déception aucune - l'heureux bénéficiaire...  

Dans ces colonnes - sous catégories/Mary Wesley - vous pouvez retrouver, à propos du même auteur, les notices consacrées à Rose sainte-nitouche et Les raisons du coeur.

Mary Wesley, La resquilleuse (Héloïse d'Ormesson, 2011)

03:40 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Littérature étrangère, Mary Wesley | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; roman; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |