07/08/2012
Francesco Savio
Bloc-Notes, 7 août / Les Saules
Cherchez-vous une lecture agréable à emporter dans vos bagages? En voici une que je vous recommande avec enthousiasme, alternant légèreté et gravité: Mon père était très beau, écrit par Francesco Savio, auteur italien né à Brescia en 1974, libraire et lecteur aux éditions Feltrinelli, passionné de sport. Le cyclisme et le football tout particulièrement.
Il signe avec Mon père était très beau son premier récit. C'est l'histoire de Nicola, un garçon de neuf ans qui a perdu son père Guerrino, n'est pas très bon élève en classe, mais en revanche doué pour le sport qu'il pratique avec son copain Andrea; aussi pour épater Aurora, la plus jolie fille de l'école, aux yeux bleus aussi profonds que l'océan.
Avec la mort de son père, il lui semble tout perdre, et pour commencer ses rêves: ne pas devenir matelassier comme ses parents Guerrino et Leonilde, mais un grand footballeur, à l'image de son idole Michel Platini. Ce maillot-là, un jour, ce serait le mien. Après quelques années passées dans l'équipe de ma ville, j'irais jouer à la Juventus. Certains supporters auraient du mal à digérer mon transfert chez les Bianconeri de Turin mais ensuite, l'idée qu'on ne pouvait refuser la Juventus l'emporterait, en particulier chez ceux qui comme moi avaient eu pour idole dans leur enfance Michel Platini.
Les souvenirs de cette famille unie et sans histoires s'entrechoquent dans sa mémoire: il revoit son père - qui lui fait penser à Fausto Coppi - avec sa bicyclette rouge posée contre un mur, dégustant des marrons chauds tirés de son cornet, ou assis sur le canapé du salon, grillant quelques cigarettes en regardant le Giro; Leonilde l'accompagnant dans une Fiat 127 gris métallisé au centre sportif de la Pendolina; le ballon de foot à l'intérieur de l'appartement que Nicola envoie voltiger au milieu des flacons de parfum de sa soeur Camilla; la tragédie du Heysel où trente-neuf personnes ont perdu la vie; le visage de sa mère enfin, avec, au fond de ses yeux - depuis la mort de Guerrino - des nuages prêts à pleuvoir. Et ce temps trop court qu'il n'a pas eu le temps de partager avec son père.
Ce qui rend ce livre particulièrement touchant, tient à ce qu'il se raconte sous le plume d'un enfant qui nous partage son quotidien dans les années 80, à la fois manque du père, mais de même plaisir de la vie, souvenir heureux et protection affectueuse sous les traits de Leonilde et des contours de sa ville. Une histoire simple comme je les aime:
Je voudrais emporter avec moi plus de choses que ce dont j'arrive à me souvenir. Une foule d'images me reviennent maintenant en mémoire, mais je suis trop pressé et j'en oublie. J'aimerais remplir une boîte avec tous les souvenirs que j'ai. Mais j'aurais alors besoin de plusieurs boîtes et puis d'autres encore où mettre chaque événement que je n'aurai jamais le temps de revivre. Les boîtes seraient si nombreuses qu'à la fin, j'aurais besoin de plus en plus de pièces puis de maisons pour les contenir. Toutes ces boîtes, je les scellerais ensuite avec une cire à cacheter qui pourrait se décoller quand tu seras grand, de sorte que chaque jour où je te manquerai, tu pourrais projeter ma vie dans ta chambre, avec un mur pour écran et photogramme, chacun de mes souvenirs.
Francesco Savio - grand amoureux de la littérature - aux dires de son éditeur, regarde tous les dimanches un match de foot au stade ou à la télévision, ce qui n'étonnera personne. L'an dernier, avec Antonio Gurrado, il a publié Anticipi, posticipi, consacré... au football!
Francesco Savio, Mon père était très beau (Le Dilettante, 2012)
image: Michel Platini (oldschoolpanini.com)
00:22 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Littérature étrangère, Littérature italienne | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; roman; livres | | Imprimer | Facebook |
06/08/2012
William Faulkner
William Faulkner, Tandis que j'agonise (Coll. Folio/Gallimard, 2002)
Ce roman novateur se déroule dans le Mississippi et raconte le décès d'Addie Bundren, puis le transport de son corps par sa famille vers sa ville d'origine, Jefferson. Addie a fait promettre à son mari, Anse Bundren, de l'enterrer parmi les siens dans le but de lui imposer ce pénible voyage. Anse s'est depuis longtemps construit un personnage de malade ou d'invalide qui lui permet de se décharger de ses responsabilités. En dehors de la parole donnée à sa femme, il ne semble préoccupé que par l'achat d'un dentier... Dans un pays dur aux hommes de la terre, la mort de Addie Bundren, par la voix de tous les protagonistes est un modèle de construction littéraire intégrant les thèmes chers à son auteur : Les réalités sociales, les angoisses de l’individu face à la vie et la mort. L'humour noir n'est pas exempt de cette histoire et n'en accentue que davantage la férocité et la détresse des hommes.
publié dans le supplément La bibliothèque idéale des vaudois / 24 Heures
07:24 Écrit par Claude Amstutz dans La bibliothèque idéale des vaudois, Littérature étrangère | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : littérature: roman; livres | | Imprimer | Facebook |
05/08/2012
Morceaux choisis - Gesualdo Bufalino
Gesualdo Bufalino
Que l'automne vienne nous direque nous sommes vivants,assis sur le talus rouxà regarder l'eau qui s'en va. Et que reviennentles chiffons bleus aux grilles,les dieux chastes de craie,les roses déchirées, les habits florissants des fiancés,que le tempsrénove ses apprêts de douceur. Tandis que l'airravit dans son sommeilles feuilles de sang,et que ce séduisant soleil exilécaresse délicatement mon front,il est si doux de m'arrêter icipour te dire adieu,ô ma jeunesse,ma jeunesse.
Gesualdo Bufalino, Le miel amer / édition bilingue (L'Amourier, 2006)
traduit de l'italien par Renato Corona
image: photoree.com
07:32 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature étrangère, Littérature italienne, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie; anthologie; livres | | Imprimer | Facebook |
Musica présente - 25 Sviatoslav Richter
Sviatoslav Richter
pianiste russe, 1915 - 1997
*
Jean Sébastien Bach
The Well-Tempered Clavier Book, BWV 846 - 893
Fantasie and Fugue, BWV 944
06:49 Écrit par Claude Amstutz dans Jean Sébastien Bach, Musica présente, Musique classique, Sviatoslav Richter | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique classique | | Imprimer | Facebook |
04/08/2012
Morceaux choisis - Claudio Magris
Claudio Magris
Il y a des gens qui se vantent d'avoir beaucoup aimé et d'autres qui s'accusent d'être incapables d'aimer. L'une et l'autre de ces déclarations, même si elles sont sincères, ont souvent quelque chose de théâtral qui les rend suspectes. Il y a beaucoup d'histoires d'amour de par le monde - passionnées, douloureuses, violentes, vulgaires -, mais peut-être peu de vrais amants. Ceux qu'il est le plus difficile de croire - bien qu'ils soient presque toujours de bonne foi, comme tous les bonimenteurs qui s'enflamment et s'identifient à leur rôle quand ils refilent une camelote de n'importe quelle espèce, sublime au besoin -, ce sont peut-être les coeurs toujours en proie à la passion qui les enivre et les déchire, ceux qui perçoivent intensément et poétiquement la séduction de toute la vie et sa fuite vertigineuse, qui tombent amoureux de chaque fleur dans son épanouissement fugace, de chaque visage enchanteur et de chaque sourire fugitif, comme on est séduit par la lumière de midi, le chant des cigales, les premiers perce-neige.
Cet amour a quelque chose d'irrésistible mais il n'est jamais tourné vraiment vers une personne, son existence et son histoire, vers un être aimé et ressenti comme unique, irremplaçable et sans égal, parce que le souffle incessant et changeant de la vie emporte toujours ailleurs la fantaisie. Il se souvient avec une tendresse affectueuse et indifférente, comme on se souvient avec nostalgie de l'intense feu estival des lauriers-roses, si vite éteint, mais bientôt on confond cette floraison avec celle de l'été précédent ou de celui qui va venir et l'on ne sait plus très bien quelle fleur on a le plus aimée.
Claudio Magris, Les déficits de l'amour - Alphabets (L'Arpenteur, 2012)
traduit de l'italien par Jean et Marie-Noëlle Pastureau
image: Claudio Magris
12:26 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature étrangère, Littérature italienne, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; essai; livres | | Imprimer | Facebook |
03/08/2012
Au bar à Jules - De la qualité
Un abécédaire: Q comme Qualité
On peut se poser la question de savoir pourquoi certains livres incontournables - objectivement des oeuvres de qualité - ne parviennent pas à nous intéresser. C'est le cas aujourd'hui encore, en ce qui me concerne, pour Guerre et paix de Leon Tolstoï - contrairement à Anne Karénine -, Le côté de Guermantes de Marcel Proust ou L'homme sans qualités de Robert Musil, dont je ne parviens pas à dépasser le premier tiers; parmi les publications plus récentes, Cent ans de solitude de Gabriel Garcia Marquez est marqué de ce même sceau, même si je considère par ailleurs du même auteur L'automne du patriarche comme un chef d'oeuvre de la littérature sud-américaine. Enfin, tout près de nous, j'ajoute Les Bienveillantes de Jonathan Littell, malgré les éloges de la critique et celles de nombreux de mes amis lecteurs.
Même si l'originalité du propos, la beauté de la langue ou la structure du récit peut susciter l'admiration, cela ne suffit pas à entretenir la curiosité ou stimuler le plaisir et la magie que peut nous procurer un livre. De plus, ne sont pas nombreux ceux qui se sentent à l'aise avec toutes les littératures et toutes les cultures: freins d'une traduction, d'une éducation rigide, de notre trajectoire personnelle, de désirs de voyages tôt abandonnés. Et que sais-je encore!
Dans son dernier ouvrage Alphabets, Claudio Magris soulève - à propos d'une parabole de Jorge Luis Borgès - une réflexion qui peut s'appliquer aux motivations de nos lectures, s'apparentant à la construction de notre propre visage à travers elles: Notre identité, c'est notre façon de voir et de rencontrer le monde: notre capacité ou notre incapacité de le comprendre, de l'aimer, de l'affronter et de le changer. Nous traversons le monde; ses figures, sur lesquelles se fixe notre regard, nous renvoient comme un miroir notre image, nos images, qui au fur et à mesure que nous avançons vers la destination finale du voyage restent en arrière, elles appartiennent peu à peu à un temps qui n'est plus le nôtre, épaves qui s'accumulent dans le passé.
Dans ce visage à la fois contruit et déconstruit au fil du temps, certaines lectures n'ont pas leur place; d'autres sont délaissées ou prêtes à dessiner une nouvelle empreinte, mais rares sont les ouvrages - à bien y réfléchir - à briller d'un même éclat, inaltérables dans notre souvenir, et tout autant catalyseurs de nos émotions fugitives, là, maintenant, aux premières lueurs du jour...
Claudio Magris, Alphabets (L'Arpenteur, 2012)
Gabriel Garcia Marquez, L'automne du patriarche (coll. Livre de poche/LGF, 1982)
image: Joseph De Camp, The Window Blind (1921)
22:20 Écrit par Claude Amstutz dans Au bar à Jules - Un abécédaire 2012, Littérature étrangère, Littérature francophone, Littérature italienne, Littérature sud-américaine, Marcel Proust | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; essai; livres | | Imprimer | Facebook |
02/08/2012
Bruno Arpaïa
Bruno Arpaïa, La dernière frontière (Liana Levi, 2002)
Troublant récit que celui de cet auteur italien qui fait se croiser deux destins entre les années 1930 et la Seconde Guerre mondiale. L’un se nomme Laureano Mahoio, c’est un jeune Républicain espagnol, l’autre est Walter Benjamin, le grand philosophe juif allemand. Mêlant la réalité et la fiction avec intelligence et lucidité, Bruno Arpaia dresse, au-delà de l’histoire de ses deux principaux personnages, un tableau saisissant de l’Europe en guerre et du nazisme omniprésent. La scène de la mort de Benjamin et de l’amitié que lui voue Mahoio est bouleversante. Une œuvre singulière et passionnante.
Egalement disponble en édition de poche (coll. Piccolo/Liana Levi, 2005)
09:23 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature étrangère, Littérature italienne | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature: roman; livres | | Imprimer | Facebook |
Lire les classiques - H.B. dit Stendhal
H.B. dit Stendhal
Octave regardait les grands yeux d'Armance qui se fixaient sur les siens. Tout à coup ils comprirent un certain bruit qui depuis quelque temps frappait leur oreille sans attirer leur attention. Madame d'Aumale, étonnée de l'absence d'Octave, et trouvant qu'il lui manquait, l'appelait de toutes ses forces. On vous appelle, dit Armance, et le ton de voix brisé avec lequel elle dit ces mots si simples, eût appris à tout autre qu'Octave l'amour qu'on avait pour lui. Mais il était si étonné de ce qui se passait dans son coeur, si troublé par le beau bras d'Armance à peine voilé d'une gaze légère qu'il tenait contre sa poitrine, qu'il n'avait d'attention pour rien. Il était hors de lui, il goûtait les plaisirs de l'amour le plus heureux, et se l'avouait presque. Il regardait le chapeau d'Armance qui était charmant, il regardait ses yeux.
Jamais Octave ne s'était trouvé dans une position aussi fatale à ses serments contre l'amour. Il avait cru plaisanter comme de coutume avec Armance, et la plaisanterie avait pris tout à coup un tour grave et imprévu. Il se sentait entraîné, il ne raisonnait plus, il était au comble du bonheur. Ce fut un de ces instants rapides que le hasard accorde quelquefois, comme compensation de tant de maux, aux âmes faites pour sentir avec énergie. La vie se presse dans les coeurs, l'amour fait oublier tout ce qui n'est pas divin comme lui, et l'on vit plus en quelques instants que pendant de longues périodes.
H.B. dit Stendhal, Armance (coll. Folio/Gallimard, 1975)
image: Marie Laurencin, Jeune femme (etude-gestas-carrere.com)
06:29 Écrit par Claude Amstutz dans H.B. dit Stendhal, Lire les classiques, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; roman; morceaux choisis; livres | | Imprimer | Facebook |
01/08/2012
Le poème de la semaine
Jacques Prévert
Il dit non avec la têteMais il dit oui avec le coeurIl dit oui à ce qu'il aimeIl dit non au professeurIl est deboutOn le questionneEt tous les problèmes sont posésSoudain le fou rire le prendEt il efface toutLes chiffres et les motsLes dates et les nomsLes phrases et les piègesEt malgré les menaces du maîtreSous les huées des enfants prodigesAvec des craies de toutes les couleursSur le tableau noir du malheurIl dessine le visage du bonheur Quelques traces de craie dans le ciel,Anthologie poétique francophone du XXe siècle
09:32 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie | | Imprimer | Facebook |
Au bar à Jules - De la patrie
Un abécédaire: P comme Patrie
Lors de mon examen final d'apprentissage en librairie, j'avais à choisir entre deux sujets de rédaction jugés aussi débiles l'un que l'autre - Le 1er août ou Les transports en Suisse - si bien que choisissant Le 1er août, j'avais joué un mauvais tour à mes examinateurs en imaginant deux jeunes compères en chemin pour la montagne du Grütli - à pied - afin d'y célébrer la fête nationale, à leur manière. Le premier n'avait jamais connu son père et cherchait à retrouver dans cet événement une chaleur familiale qui lui était étrangère; son compagnon, quant à lui, venait d'être largué par une jolie danseuse et s'élançait vers les hauteurs avec l'énergie d'un désespoir tout neuf. Au cours de ce pélerinage insolite, nos gais lurons vont faire halte à chaque station au bistrot du village pour se donner du courage, si bien que parvenus au sommet, ils seront ivres au point d'oublier le motif de leur ballade et sombreront dans un sommeil peuplé d'ombres douloureuses et de rêves fracassés, alors que pour les autres, c'est la fête...
Il va sans dire que mon travail fut sanctionné - jugé sans doute irrévérencieux - mais depuis ce temps, beaucoup d'eau a coulé sous les ponts et l'enseignement auprès des jeunes générations a connu une évolution plutôt heureuse!
Aujourd'hui en guerre contre une certaine autoflagellation qui habite le coeur de bon nombre de mes amis suisses et les clichés les plus éculés qui circulent auprès de nos détracteurs hors des frontières - dans la plupart des pays il en va de même - je revendique une fierté patriotique qui m'est venue dans l'éloignement de la terre, au fil de mes séjours à l'étranger: en Italie et en Angleterre, pour l'essentiel. Ce qu'on pourrait nommer autrement la nostalgie du bonheur suisse, qui ne se borne pas aux plaques de Frigor, à la fondue ou au cor des Alpes.
De mon pays, j'apprécie tout particulièrement la cohésion sociale qui, malgré de vives tensions parfois, laisse toujours le dernier mot à la légitimité et à l'expression démocratique; j'aime ce sens discret des responsabilités où toute démarche n'est pas politique et qui sait bien souvent trancher entre des revendications pertinentes et l'intérêt de la nation; enfin, je mesure la chance d'une gouvernance fédérale au sein de laquelle je peux exprimer en toute liberté mes opinions quant au destin que je souhaite pour la Suisse.
On pourra me dire que cette admiration béate peine à cacher les fissures de l'histoire ou les lézardes de notre système. Pêle-mêle: l'or des nazis, le droit d'asile, le blanchiment d'argent, le röstigraben (fossé linguistique), les fonds en deshérence, l'insécurité. Je ne le nie pas et ne prétends nullement que ma patrie ressemble à une cité divine, mais plutôt que de perdre mon temps et le vôtre à poursuivre dans cette voie, je préfère m'attacher à un exemple très symbolique de la réussite en Helvétie.
J'aurais pu vous parler de Nicolas Hayek - entrepreneur suisse d'origine libanaise, né à Beyrouth, fondateur de Swatch Group, contradicteur de cette image qui veut qu'on soit privé d'imagination en Suisse - mais choisis Roger Federer. Pourquoi? Tout simplement parce que j'y retrouve de nombreuses vertus qui caractérisent ce visage de la Suisse que j'aime: l'homme est discret, il croit en lui-même, il se bat pour réussir. Conquérant sans arrogance, il est ouvert et chaleureux, considéré par ses pairs et ses fans comme un gentleman, de par son respect des autres, sa disponibilité - exprimée en trois langues - et sa fidélité en amitié. Son épouse Mirka Vavrinec, d'origine slovaque, concrétise cette séduction d'un ailleurs qui jalonne nos manuels scolaires. Le succès de Roger Federer et son sens des affaires ne l'empêchent pas de s'engager à travers la Fondation Federer pour des projets en Afrique du Sud, au Mali, en Éthiopie ou en faveur des jeunes athlètes suisses. Et il n'en parle que lorsqu'on lui pose la question à ce sujet.
C'est ce visage de la Suisse que je veux retenir pour la décennie à venir, capable de rayonner malgré sa modeste place dans le monde, qui inspire confiance davantage que ses coffre-forts, qui tient le choc contre vents et marées au sein de l'Europe, davantage par son réalisme, sa faculté d'adaptation et sa compétitivité que par les cadeaux empoisonnés des autres...
Finalement, ce qui constitue l'ossature de l'existence, ce n'est ni la famille, ni la carrière, ni ce que d'autres diront ou penseront de vous, mais quelques instants de cette nature, soulevés par une lévitation plus sereine encore que celle de l'amour, et que la vie nous distribue avec une parcimonie à la mesure de notre faible cœur. Nicolas Bouvier
Nicolas Bouvier, Oeuvres (coll. Quarto/Gallimard, 2004)
image: Roger Federer / Wimbledon 2012 (tennisnewsviews.com)
01:12 Écrit par Claude Amstutz dans Au bar à Jules - Un abécédaire 2012, Le monde comme il va, Littérature francophone, Littérature suisse | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; récits; livres | | Imprimer | Facebook |