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18/09/2012

Musica présente - 31 Janine Jansen

Janine Jansen

violoniste néerlandaise, née en 1978

*

Anton Dvorak

Violin Concerto in A minor, Op 53

(Sydney Symphony, Vladimir Ashkenazy)


01:17 Écrit par Claude Amstutz dans Musica présente, Musique classique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique classique | |  Imprimer |  Facebook | | |

13/09/2012

Morceaux choisis - Christian Bobin

Christian Bobin

littérature; récit; morceaux choisis; livres

merci à Claudine R

Il y a quelque chose de terrible dans chaque vie. Il y a, dans le fond de chaque vie, une chose terriblement lourde, dure et âpre. Comme un dépôt, un plomb, une tache. Un dépôt de tris­tesse, un plomb de tristesse, une tache de tristesse. À part les saints et quelques chiens errants, nous sommes tous plus ou moins contaminés par la maladie de la tristesse. Plus ou moins. Même dans nos fêtes elle peut se voir.

La joie est la matière la plus rare dans ce monde. Elle n'a rien à voir avec l'euphorie, l'optimisme ou l'enthou­siasme. Elle n'est pas un sentiment. Tous nos sentiments sont soupçonnables. La joie ne vient pas du dedans, elle surgit du dehors — une chose de rien, circulante, aérienne, volante. On lui accorde beaucoup moins de crédit qu'à la tristesse qui, elle, fait valoir ses antécédents, son poids, sa profondeur. La joie n'a aucun antécédent, aucun poids, aucune profondeur. Elle est toute en commencements, en envols, en vibrations d'alouette.

C'est la chose la plus précieuse et la plus pauvre du monde. Il n'y a guère que les enfants pour la voir. Les enfants, les saints, les chiens errants. Et toi. Tu l'attrapes au vol, tu la redonnes aussitôt, il n'y a rien d'autre à en faire. Et tu ris, tu ne sais que rire devant tant de richesse donnée, reçue.

Tu as pourtant affaire, comme chacun, à cette chose terrible dans ta vie, à cette ombre terriblement lourde, dure, âpre. Tu lui fais place comme au reste. Tu ouvres la porte à la tristesse si aimablement qu'elle en est perdue, qu'elle en perd ses manières sombres et qu'on ne la reconnaît plus.

La grâce se paie toujours au prix fort. Une joie infinie ne va pas sans un courage également infini. Dans tes rires c'est ton courage que j'entendais: un amour de la vie si puissant que même la vie ne pouvait plus l'assombrir.

Christian Boblin, La plus que vive (coll. Folio/Gallimard, 1999)

image: http://www.photos-album.net

02:35 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : littérature; récit; morceaux choisis; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

11/09/2012

La citation du jour

Husayn-Mansûr Hallaj

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J'ai à moi un Ami, je Le visite dans les solitudes. Présent, même quand Il échappe aux regards. Tu ne me verras pas Lui prêter l'oreille pour percevoir Son langage par bruit de paroles. Ses paroles n'ont ni voyelles, ni élocution, ni rien de la mélodie des voix. Présent, absent, proche, éloigné, Il est plus proche que la conscience pour l'imagination et plus intime que l'étincelle des inspirations. 

Husayn-Mansûr Hallaj, Dîwân - dans: Daniel-Ange, Les feux du désert, vol. 1/Solitudes (Rémy Magermans, 1973)

image: Le désert de Negev, Israël (123rf.com)

10/09/2012

Musica présente - 30 Catherine Collard

Catherine Collard

pianiste française, 1947-1993

*

Claude Debussy

Les Préludes - Premier Livre


14:31 Écrit par Claude Amstutz dans Catherine Collard, Musica présente, Musique classique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique classique | |  Imprimer |  Facebook | | |

09/09/2012

Claudio Magris

Bloc-Notes, 9 septembre / Les Saules

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Né à Trieste en 1939, Claudio Magris est une figure incontournable de la littérature italienne actuelle - essayiste, romancier, journaliste, spécialiste des cultures germaniques - et pourtant, c'est avec près de dix ans de retard que les éditeurs français se sont intéressés à lui et ont publié - parmi d'autres ouvrages qui ont suivi - deux de ses oeuvres marquantes: Trieste - une identité de frontière (Seuil, 1982) et Danube (coll. Folio/Gallimard 1990). Plus récemment, un de ses textes très courts - Vous comprendrez donc (L'Arpenteur, 2008) - a connu un succès assez inattendu, grâce au soutien de nombreux libraires francophones.

Il nous revient aujourd'hui avec Alphabets, regroupant environ 80 chroniques parues pour la plupart dans le Corriere della Sera consacrées aux livres qui, pour lui, ont marqué l'histoire de l'humanité, le carrefour des civilisations, la charnière entre deux périodes de l'histoire. L'originalité de cet ouvrage tient à ce que ses lectures inventoriées en quelques coups de crayon, dirait-on, s'accompagnent d'une réflexion plus universelle sur des thèmes qui, de tous temps, ont préoccupé les hommes de lettres, les philosophes ou les historiens. Il aborde ainsi l'amour avec Goethe, le courage avec Kipling, la famille avec Tolstoï, le bonheur avec Hérodote, les fins dernières avec Epicure ou le premier livre entraînant tous les autres. Pour lui Les mystères de la jungle noire de Emilio Salgari. qu'il parcourt pour la première fois à l'age de six ans: Avec lui j'étais convaincu que les histoires se racontaient toutes seules et que les hommes, écrivains ou pas, avaient pour seule tâche de les répéter et de les transmettre. Depuis lors, j'ai toujours d'une certaine manière pensé que la littérature, dans son essense, est un récit oral et anonyme; il vaudrait mieux que les auteurs n'existent pas ou du moins ne soient pas identifiés, qu'ils soient toujours morts ou contraints à l'incognito et à la clandestinité.

S'il évoque à maintes reprises Novalis, Schiller et Kafka - il consacre un article conséquent à la culture pragoise - c'est dans la présentation des résistants de la pensée qu'il se montre à la fois passionnant et personnel, de Benjamin à Semprun, de Canetti à Jancar, de Konrad à Achebe. Au fil de ses déambulations, vous pouvez découvrir aussi un portrait saisissant de Robert Walser et de Muschg, qui est capable de saisir magistralement l'intensité, la passion, le désarroi avec lesquels les hommes vivent ce jeu imprévisible, déplaçant la réalité, au moindre léger changement de perpective qui modifie ou inverse l'image et le sens du monde.

Enfin, deux articles méritent une mention particulière: celui à propos du livre Le Stechlin de Fontane, écrivain allemand de la fin du XIXe siècle - s'inscrivant dans une de ces périodes où les valeurs classiques s'estompent et préparent celles de la modernité - et le double visage de Ernesto Sabato, auteur argentin du XXe siècle à l'honnêteté rigoureuse développée à travers ses romans et écrits autobiographiques.

Pour conclure, je ne résiste pas au plaisir d'ajouter ce que Claudio Magris dit à propos de la Bible, dépassant - et de loin - la question des croyances, appartenances religieuses ou non: La Bible est le grand code de la civilisation, non seulement par le répertoire de symboles, figures, images et histoires qu'elle a offert et continue à offrir aux siècles successifs, mais aussi parce qu'elle aborde, en les insérant dans le récit épique et sensuel, des vicissitudes concrètes vécues par des hommes et par un peuple, les thèmes fondamentaux de toute vie, individuelle et collective: naître, désirer, errer, fonder, détruire et perdre des patries, aimer et haïr son frère, vivre intensément et sensuellement l'existence, sa gloire et sa vanité, s'élever jusqu'à l'intuition et à la révélation de ce qui transcende le temps, la vie, les choses créées...

Ne vous laissez pas effrayer par tous les auteurs que Claudio Magris met en lumière et que vous et moi souvent ignorons. Comme les vins d'exception, Alphabets se boit à petites gorgées, sans précipitation et à chaque page, sans que cela soit délibéré chez l'auteur, on apprend quelque chose qui nous interpelle, avec intelligence et sans pesanteur.

Claudio Magris - plus de vingt-cinq ouvrages en langue italienne - futur prix Nobel? Il le mériterait, sans nul doute, en ce qui me concerne!

Sur La scie rêveuse - dans catégories / Morceaux choisis - vous pouvez découvrir un extrait de ce livre.

Claudio Magris. Alphabets (L'Arpenteur 2012) 


08/09/2012

Alain Vircondelet

9782259197014.gifAlain Vircondelet, Nulle part qu'à Venise (Plon, 2003)

Si vous avez cédé un jour à la magie qu'inspire Venise, alors hâtez-vous de lire ce merveilleux ouvrage d'Alain Vircondelet. Ce n'est pas le premier livre qu'il consacre à cette ville et nul autre, mieux que lui, sait parler d'elle, la comprendre et l'aimer. Vous êtes invité à une promenade unique à travers Venise, attirante comme une trace d'éternité ou imprévisible comme les eaux qui l'entourent, seul - si vous êtes enclin à la méditation et au mysticisme - ou en agréable compagnie pour tous les autres! Une lecture attachante et indispensable, à accompagner d'un billet de train ou d'avion, de préférence...

08:17 Écrit par Claude Amstutz dans Documents et témoignages, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; essai; voyages | |  Imprimer |  Facebook | | |

07/09/2012

Cormac McCarthy

9782879295916.gifCormac McCarthy, La route (Editions de l'Olivier, 2008)

 

Un homme et son fils, au milieu de nulle part, dans un pays dévasté par une tragédie dont on ne sait rien. Et ils marchent, vers le Sud, pour conjurer l’horreur humaine, le froid, la maladie et la mort, en poussant un caddie contenant le strict nécessaire à la survie… Tel est le propos du dernier opus de ce géant de la littérature américaine contemporaine, à ranger aux côtés de Stewart O’Nan et de Jay Mc Inerney. Dans ce décor apocalyptique jonché de ruines, de cadavres et de cendres, nos héros porteurs d’un feu intérieur – la mémoire du temps d’avant, peut-être – avancent sous un ciel vide et figé, comme les derniers témoins d’une époque révolue. Une oeuvre extrêmement originale dans son propos, empreinte d’une humanité bouleversante.


Egalement disponible en coll. Points (Seuil, 2009)

15:06 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature étrangère | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; roman; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

Au bar à Jules - De l'usure

Un abécédaire: U comme usure

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Dans un livre autrefois célèbre - La pratique du bonheur - Marcelle Auclair écrit ces quelques mots dans les années 60 qui résument bien ce que j'ai longtemps redouté dans la vie: L'habitude est une forme de l'usure, elle efface les contours de nos plus chères amours, les recouvre d'une poussière sous laquelle nous ne les voyons plus.

J'ai souvent évoqué le danger d'être submergé par la tiédeur progressive, la banalité ordinaire, tout ce qui au fil des jours étouffe ou avilit et de la beauté d'origine prépare à l'agonie inéluctable: celle du corps, de la passion, des sentiments. Davantage peut-être - rétrospectivement - l'aveu d'un parfait alibi pour ne pas m'engager, jamais. Et voici que plus de quarante ans après ces années de jeunesse - l'âge idiot que chante Jacques Brel - je fais mienne cette exclamation de Pablo Neruda: Il meurt lentement, celui qui ne prend pas de risques pour réaliser ses rêves. Vis maintenant! Risque-toi! Agis tout de suite! Ne te laisse pas mourir lentement! Ne te prive pas d'être heureux!

Et qu'importe le fil parfois discordant de la vie, les sensations inoubliables, les questions qui remplacent les réponses, le corps qui vacille, la mémoire qui se fait plus imprécise. Aujourd'hui est une fête! Selon un ordre invisible des choses, chaque saison ressemble à la précédente et pourtant distille d'imperceptibles différences qui donnent un prix à l'existence: dans la beauté de la nature environnante, le rythme des heures choisies, les amitiés rares qui survivent au désastre, la musique de l'âme qui peu à peu - sans même y réfléchir - se fait plus accueillante, silencieuse et douce au fil du temps, reconnaissante pour ce jour éphémère et changeant qui demain encore sera capable de m'émerveiller.

Et Paul Claudel le dit si bien: L’automne aussi est quelque chose qui commence...

Marcelle Auclair, Le bonheur est en vous , suivi de: La pratique du bonheur (seuil, 1959)

image: sherazade.centerblog.net

06/09/2012

Morceaux choisis - Ananda Devi

Ananda Devi

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Le bruit de la serrure est une blessure au milieu de la nuit. La porte s'ouvre. Une barre de lumière jaune crisse sur le plancher et rampe jusqu'à moi. Une voix lointaine et méprisée tente de me rassurer - soja rajkumari, soja - dors, dors, dors, ma princesse...

Tu vas te taire! Cette folle va réveiller tout le monde! Silence!

Oui, silence. En moi, en lui, dans les profondeurs du monde. Silence jusqu'au bout de mon silence, alors que seule, la grosse bouche qui flotte dans l'air au-dessus de moi parle. Elle a l'air de n'appartenir à aucun visage, mais, petit à petit, une forme se précise. Je sais qu'une masse de chair et de muscles l'accompagne et que je vais la rencontrer et la connaître, comme chaque soir, dans la plus secrète des souffrances. Les murs pâlissent comme à chaque fois qu'ils reçoivent les éclaboussures de sa haine. (...) 

La forme masculine se déploie au-dessus de moi. Je regarde de haut mon corps étoilé sur lequel rôde l'ombre de ma faim et de ma peur. Je vois la stridence de mes yeux écarquillés, je vois mes mains qui offrent leur paume percée, je vois ma bouche qui s'ouvre pour avaler une goulée d'espoir, mais n'avale qu'une salive amère. Tout autour de moi, les murs sont peints en vert, sauf auprès du plafond, où la peinture s'est écaillée en fleurs de rouille. Une nuée de carias voltige autour de l'unique ampoule nue. Non loin du lit de fer, une cuvette pour mes besoins. Et ce corps balbutié, c'est moi. C'est ainsi. Les aliénés ne peuvent pas se plaindre, il n'y a personne pour les écouter.

Le murmure de l'homme m'atteint. Ses gestes et sa violence n'ont pas de limites. Mais je parviens encore une fois à m'échapper, à m'éloigner de tout cela. Je suis partie dans un coin de ma mémoire. J'écoute le chant de ma grand-mère grenier. Je respire l'odeur de son sari de coton blanc. Je l'entends qui me berce, longuement, longuement - soja rajkumari, soja -, je suis sa princesse recroquevillée dans le pan du sari tendu en berceau entre ses jambes inutiles, elle me masse les jambes et les bras avec de l'huile parfumée. Ton corps est parfait, me répète-t-elle sans cesse, comme sentant mon désarroi. Elle me regarde droit dans les yeux, elle ne détourne pas le regard de la fissure de ma bouche. Un jour il te viendra un prince qui t'aimera pour ce corps-là et aussi pour la beauté de tes yeux et puis encore pour la beauté qu'il verra en toi, à l'intérieur de ton corps, là.

Là. Elle pose la main à plat sur ma poitrine, jusqu'à l'endroit du coeur. Ce sera ton Prince Bahadour à toi.

Je ne veux pas rentrer en moi. Je veux encore écouter ses contes, ses histoires, ses rêves. Je veux faire partie de sa vie absente. C'est la seule façon de poursuivre. S'échapper, se diluer dans des songes incohérents et fous. C'est ce que nous faisons tous. Sans cela, les murs capitonnés ne cesseraient pas de se refermer sur nous. L'homme est parti, ayant terminé sa besogne. Je suis seule. Je peux redescendre et habiter mon corps, retrouver la floraison des brûlures qui me rattachent à la vie. La porte s'est refermée, ravalant la lumière et le monde. La solitude caresse mes orteils absents. Je fais silence en moi et je n'écoute pas les protestations de ma chair. A quoi cela servirait-il? Je n'ai pas d'auditoire. La vie m'épuise.

Le moindre bruit - cri de souris, grésillement d'insectes, frôlement des corps en marche - m'interpelle. Je l'écoute de tous mes sens. Je n'ai plus que cela pour me persuader que je vis encore, après la mise à mort répétée de chaque nuit. De nouveau dans le trou. Dans le noir vif de l'inconscience. Mais je ne dors pas. Mon regard est une lumière qui éclaire l'intérieur de mon sommeil, ces marées molles et lentes qui se déroulent sans hâte et sans raison en moi. Il s'est allumé un soir lointain où j'ai entendu pleurer un enfant, et ce pleur m'a éclaté l'esprit.

Pour le faire taire, j'ai plongé dans l'eau sa tête bouclée. Je l'ai regardé s'assoupir doucement, le chant de l'eau était sa berceuse. L'ombre de l'eau était sa couverture. La mare a eu un bruit sanglant, et l'enfant s'est tu.

L'amour, c'est aussi cela. 

Ananda Devi, Moi l'interdite (Editions Dapper, 2000)

00:04 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; récit; morceaux choisis; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

05/09/2012

Le poème de la semaine

Thierry Renard

Je viens de loin la mer
la mer pourtant au plus près
je viens peut-être de nulle part de nul endroit au monde
je viens toujours très tôt quand le petit jour
se lève à peine que la nuit tient encore debout
je viens plutôt lentement mais je viens
j'arrive en somme j'arrive enfin
le sourire au coin des lèvres et les yeux tristes
je viens par effraction je viens par soustraction
toujours exact sur les lieux
du crime du rendez-vous
l'air parfait l'allure impeccable
je viens j'arrive je me rends
je viens j'arrive je me rends
Nul repos dans les marges

Je viens et je me rends à l'évidence
à l'heure et au jour dits
sur les lieux communs
de notre improbable malheur incessant
je viens par accumulation par distraction
je viens en petits morceaux
je viens en pièces rapportées
plus on me repousse et plus je viens
plus ma présence s'impose
je viens pour voir pour dire pour boire
je viens pour être dans votre collimateur
je viens et comme par miracle j'entre en vous
j'entre en vous en elles aussi
elles me reconnaissent elles sont toutes là
un point de rendez-vous
hélas je n'ai pas beaucoup de temps
devant moi
pas beaucoup de temps pour voir
pour dire et pour boire
pas beaucoup non plus pour vous chérir mes chéries
Nul repos dans les marges
 
Et nulle fatigue
nulle manière de lassitude
puisque je viens à l'aube
toujours discrète toujours muette
je viens par émotion je viens par sensation
je viens cracher dans la soupe
et saisir la balle au bond
la date de mon infraction n'est pas la mieux indiquée
l'heure juste reste celle de mes plus lopintains naufrages
je viens d'en haut je viens d'en bas
je viens d'une planète inventée recyclée démodée
mais d'une planète répertoriée
je viens et j'attends
je garde pour moi les regrets
je laisse l'aube dissoudre les monstres
je viens je vais et je viens
je viens puis j'attends

Nul repos dans les marges
 
 
Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle
 

02:57 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie | |  Imprimer |  Facebook | | |