Poisson d'avril (01/04/2011)
Bloc-Notes, 1er avril / Morges-sous-Bois
Un nouveau prix littéraire est décerné aujourd'hui, dans le charmante commune de Saint-Etienne-de-Montluc, attribué au singulier et talentueux écrivain breton Paul-André Gourdin pour son troisième polar, Un si petit violon pour mourir.
En 2007, il crée le personnage du célèbre inspecteur Modeste Trouillard, célibataire, la quarantaine, flanqué de son chien de berger catalan Panzer, en souvenir de ses premiers galons de flic obtenus sur une obscure plage de Dunkerque. Timide, raffiné et maladroit, cet amateur éclairé de Michel Foucault, Jacques Derrida et Roland Barthes, attribue à ces messieurs la responsabilité de son penchant pour la mélancolie chronique ainsi que les jalousies larvées dont il fait l'objet au sein d'une corporation plutôt célèbre pour son tour de hanches que son tour de tête, comme le clame haut et fort notre malheureux héros. Son cauchemar quotidien s'appelle Régis Moncocut, son supérieur hiérarchique, un féru de PTMQT - Fais Tout Mieux Que Toi - incarnant à la fois l'obéissance absolue à l'Etat et la plus parfaite couardise envers ses subalternes. Sa démarche enfantine a toujours suscité une émotion légitime quant à ses pulsions intimes que ne vient pas dissiper la maxime encadrée au-dessus de son bureau ovale: La chose la plus commune, dès qu'on nous la cache, devient un délice. Signé Oscar Wilde!
Dans son premier opus, La mort préfère les moches, Trouillard enquête dans le milieu très fermé d'une clinique de chirurgie esthétique dans les environs de Guérande, baptisée Au panier fleuri, où un nombre certain de femmes d'âge mûr se suicident en laissant toutes le même message testamentaire: Adieu, je refuse de ressembler à Baby Jane... Une enquête difficile où le chien détective Panzer brouille les cartes, la truffe plutôt orientée vers les jolies filles auxquelles il ferait bien minette et que son patron néglige...
Changement de décor avec Il manque une case à l'oncle Tom: Cette fois-ci, l'intrigue se noue autour d'un maréchal-ferrant de Marsac, dont les menottes artisanales ressemblent à un porte-bonheur, sauf pour les victimes qui, à leurs dépens, apprendront qu'une chevauchée fantastique au Palais des Mille Plaisirs ne leur ouvre pas seulement de nouveaux horizons. Jusqu'au jour où Clarabelle, récente ex de notre inspecteur, change les règles du jeu!
De ces trois enquêtes publiées à ce jour, la dernière - Un si petit violon pour mourir - est indiscutablement la plus réussie et méritait un prix, à n'en pas douter. Tout commence très fort, dans une maison de repos de La Baule - Paradise Lost - où Trouillard soigne un épisode dépressif aigu, consécutif à l'initiative de son chef Montcocut, décidé à tâter du terrain - toute flagornerie mise à part - afin de préparer un nouveau réglement moral pour ses troupes que le Département de l'Intérieur lui réclame à cor et à cris, et qui ne le lâche plus... Or, tandis que Panzer succombe à une crise de neurasthénie inexplicable, son maître refait peu à peu surface. Assez pour être intrigué par le manège d'une jeune violoniste russe qui, outre qu'elle réveille ses instincts les plus vils, semble par l'exercice de son instrument - La jeune fille et la mort de Franz Schubert - entraîner une succession de morts masculines dont l'expression ultime reflète un sentiment de bonheur indicible.
Un style novateur et vif nourrit cette énigme peu banale, truffée de situations parfois confuses, souvent cocasses, dont on peut regretter la fin prématurée. De plus, si Trouillard et Panzer composent un tableau atypique et légèrement décalé de la police française, Moncocut est une caricature tout à fait crédible de ces chevaliers de la perfection qui, de parcours de golf en séminaires, de notes de service en avis éclairé, s'identifient à la mission de salubrité publique qui leur est confiée et signent pourtant, dans leur for intérieur - toute honte bue - l'aveu de leur incompétence, voire de leur inutilité...
Avec Un si petit violon pour mourir, Paul-André Gourdin apporte un souffle revigorant, délicieusement anarchiste dans les lettres françaises, quelque part entre Tonino Benacquista et Esparbec, ce dernier - fait rare - assurant la préface de ce roman aux accents rabelésiens dont on imagine sans peine ce qui a pu le séduire...
Jacques Gaudin, La mort préfère les moches (Noirmont, 2007)
Jacques Gaudin, Il manque une case à l'oncle Tom (Noirmont, 2009)
Jacques Gaudin, Un si petit violon pour mourir (Noirmont, 2011)
image: une ferme de Marsac (immotoo.com)
00:01 Écrit par Claude Amstutz | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; roman; policier; livres | | Imprimer | Facebook |
Commentaires
Bravo ! Splendide création........Poisson !
Nicole
Écrit par : royant | 02/04/2011