05/01/2015
Morceaux choisis - Yannis Ritsos
Yannis Ritsos
Heures d'oubli involontaire ou délibéré.Lassitude.Fermer les yeux. Qu'avons-nous gagné tant de siècles durantà fouiller dans la nuit sombre,sans dormir,la moindre lueur, distinguant à peine une fenêtre en miniaturesur les verres de lunettesde l'enfant myope- une fenêtre soi-disant ouverte sur le miracle du monde. Qui cherchais-tu à tromper?Pas toi-même, en tous cas.Ferme les yeux.
Yannis Ritsos, Egarements, dans: Tard, bien tard dans la nuit / édition bilingue (Le Temps des Cerises, 2014)
00:05 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature étrangère, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie; anthologie; livres | | Imprimer | Facebook |
03/01/2015
Morceaux choisis - Georges Séféris
Georges Séféris
Elle tremblait tant que le vent la pritElle tremblait tant comment le vent ne l’aurait-il priseLà-bas au loinUne merLà-bas au loinUne île dans le soleilEt les mains serrant les ramesMourant à l’heure où apparut le portEt les yeux closDans les anémones marines. Elle tremblait tantJe l’ai tant cherchéeDans la citerne avec les eucalyptusAu printemps et à l’automneDans tous les bois dépouillésMon dieu je l’ai cherchée.Georges Séféris, Journal de bord Traduit par Vincent Barras Ed. Héros-Limite (septembre 2011)
image: Pierre Paul Feyte (www.linternaute.com)
00:09 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature étrangère, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie; morceaux choisis; livres | | Imprimer | Facebook |
26/12/2014
Morceaux choisis - Emily Dickinson
Emily Dickinson
Le son le plus triste, le son le plus doux,Le son le plus fou qui enfle,- C'est celui que font les oiseaux, au printemps,Quand la nuit délicieusement tombe,Sur le fil, entre mars et avril -Frontière magiqueAu-delà de laquelle l'été hésite,Presque divinement trop proche. Il nous fait penser à tous ces mortsQui ont traversé la vie en flânant avec nous,Et que la sorcellerie de la séparationNous rend cruellement plus chers encore. Il nous fait penser à ce que nous eûmes,Et dont nous déplorons la perte.Nous en souhaiterions presque que ces voix de sirènesS'en aillent et se taisent.L'oreille peut briser le coeur humainAu vif comme un javelot.On voudrait que le coeur ne soit pasSi dangereusement près de l'oreille.Emily Dickinson, Poèmes non datés in "Poésies complètes", édition bilingue (Flammarion, 2009)
Traduction: Françoise Delphy
Illustration: Nicolas de Staël / Fiesole
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25/12/2014
La citation du jour
William Shakespeare
Non, jamais je ne planterai une seule de ces boutures dans mon jardin. De même que je ne voudrais pas que ce garçon me dise, si j'étais maquillée: c'est bien, et que ça lui donne envie de me faire l'amour. Prenez ces fleurs, c'est de la chaude lavande, de la sarriette, de la marjolaine, et puis le souci, qui se couche en même temps que le soleil et se lève en larmes en même temps que lui. Oui, toutes ces fleurs me manquent pour vous en faire des couronnes, et vous, mon doux ami, pour vous en couvrir tout entier.
William Shakespeare, Un conte d'hiver (Minuit, 1988)
traduit par Bernard-Marie Koltès
image: Le Titien, Vénus d'Urbino / détail (ahsonic.tumblr.com)
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21/12/2014
Patricia Highsmith
Patricia Highsmith, Ce mal étrange (Coll. Livre de poche, 2000)
David, jeune et brillant chimiste, estimé de tous, passe ses week-ends chez sa mère souffrante. Il n'y aurait là rien que de très estimable si sa mère n'était décédée depuis longtemps. En vérité, il passe ses fins de semaine à l'insu de tous, sous un nom d'emprunt, dans une maison qu'il a achetée pour Annabelle, la femme qu'il aime et où il s'imagine, dans une sorte de rêve, qu'il la retrouvera, même si aujourd'hui elle est devenue l'épouse d'un autre... Cela pourrait être la banale attente d’un homme éperdument amoureux d’une femme, si la réalité ne présentait des distorsions progressives avec son imagination et son espérance qui lui jouent de bien mauvais tours et l’entraînent au pire. Les sentiments extrêmes sont passés au scalpel de Patricia Highsmith. Troublant.
00:31 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature étrangère, Littérature policière | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature: roman; livres | | Imprimer | Facebook |
16/12/2014
Lire les classiques - Juana Inès de la Cruz
Juana Inès de la Cruz
Dehors, dehors, mon angoisse;que le respect ne t'immobilise pas:car c'est louange à la peineque perdre la crainte des maux. Que la douleur sorte à grands crissi elle veut montrer sa grandeur,et qu'on la croie insupportablene pouvant pas se cacher. Jaillissent des signes dans la bouchede ce que le coeur brûle,car personne ne croira à l'incendiesi la fumée ne donne des signes. Qu'à empêcher le cri ne soitle respect suffisant;car il n'est pas très courageux le prisonnierqui ne brise pas la prison. Qui estime son souci,ne taise ses sentiments;car c'est offenser le motifque ne pas exhiber la douleur. Plus grande est ma peine que moi;et ceci posé, il sera plus facilequ'elle me vainque moi,plutôt que je la domine.Soeur Juana Inès de la Cruz, Poèmes d'amour et de discrétion (La Délirante, 1987)
traduit de l'espagnol par Frédéric Magne
02:20 Écrit par Claude Amstutz dans Lire les classiques, Littérature espagnole, Littérature étrangère | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie; anthologie; livres | | Imprimer | Facebook |
14/12/2014
Morceaux choisis - Karel Schoeman
Karel Schoeman
Il y a quelque chose qui est au-delà de l'amour, au-delà des mots, au-delà même de la création; il m'a fallu attendre de vieillir pour apprendre cela. Quand on a parcouru un long chemin, qu'on est arrivé le plus loin possible, après avoir tout quitté, au moment où on pense qu'on ira pas plus loin - c'est là qu'on découvre que le voyage ne fait que débuter, et que la route ne va pas plus loin au sens où elle s'éloignerait de soi, mais qu'elle est en soi, à l'intérieur de soi. Alors on se laisse envelopper par le silence, on ne cherche plus rien, on existe simplement en soi-même et on éprouve une sorte de paix.
Karel Schoeman, La saison des adieux (coll. 10-18/UGE, 2006)
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09/12/2014
Mario Rigoni Stern
Mario Rigoni Stern, Saisons (La Fosse aux Ours, 2008)
00:13 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature étrangère, Littérature italienne, Mario Rigoni Stern | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; récit; livres | | Imprimer | Facebook |
05/12/2014
La citation du jour
Luigi Pirandello
Tout le mal vient de là: il est dans les mots. Nous avons tous un monde en nous, et pour chacun c’est un monde différent. Comment pourrions-nous nous entendre, monsieur, si les mots que je prononce ont un sens et une valeur en rapport avec l’univers qui est en moi, tandis que celui qui m’écoute leur donne inévitablement un sens et une valeur en rapport avec l’univers qu’il porte en lui?
Luigi Pirandello, Six personnages en quête d'auteur (coll.Livre de Poche/LGF, 2004)
03:21 Écrit par Claude Amstutz dans La citation du jour, Littérature étrangère, Littérature italienne | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : citation; livres | | Imprimer | Facebook |
30/11/2014
Morceaux choisis - Hugo von Hofmannsthal
Hugo von Hofmannsthal
Il est certain que nous ne sommes pas simplement poussés en avant des méandres de notre chemin par nos simples actions mais que nous sommes attirés par quelque chose qui semble toujours nous attendre quelque part et reste toujours caché. Il y a, dans notre marche en avant, quelque chose du désir amoureux, de la curiosité de l’amour, même quand nous recherchons la solitude de la forêt ou le calme des sommets ou une plage vide sur laquelle vient s’échouer la frange argentée d’une mer bruissante. Il y a quelque chose de très doux dans toute rencontre solitaire, même s'il ne s'agit que de la rencontre avec un grand arbre isolé ou un animal de la forêt, qui sans bruit s'arrête et nous fixe dans l'obscurité.
Je crois que la vraie pantomime érotique, dans ce qu'elle a de décisif, ce n'est pas l'étreinte mais la rencontre. A aucun autre moment le sensuel n'est aussi chargé d'âme et la part d'âme aussi sensuelle que dans la rencontre. Tout est alors possible, tout est en mouvement, tout est dissous. Il y a là une attirance réciproque, vierge encore de convoitise, mélange naïf de confiance et de crainte. Il y a là quelque chose de la biche, de l'oiseau, sombre animalité, pureté angélique, présence du divin.
Hugo von Hofmannsthal, Chemins et rencontres (coll. Poche/Rivages, 2002)
image: Gustave Courbet, les Amants dans la campagne (flickr.com)
00:01 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature étrangère, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; essai; morceaux choisis; livres | | Imprimer | Facebook |