Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

30/03/2015

La citation du jour

Nelly Sachs

Nelly S.jpg

Les métamorphoses du monde me tiennent lieu de pays natal.

Nelly Sachs, Exode et Métamorphose (Verdier, 2002)

traduit de l’allemand par Mireille Gansel

00:04 Écrit par Claude Amstutz dans La citation du jour, Littérature étrangère | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; essai; morceaux choisis; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

29/03/2015

Morceaux choisis - Anonyme du XVe siècle

Anonyme du XVe siècle

Venus et Junon.jpg

Si je possédais deux cheveux de toi, 
Que l'on croirait d'or, telle est leur blondeur,
J'aimerais narguer la Cour en douceur.
 
Je voudrais bien me broder un bonnet
Plein de coraux tout petits et de perles,
Avec les fils d'or de tes cheveux mêmes.
 
L'ami Tristan, appâté par le gain,
Les prenant pour de l'or, non sans raison,
M'attraperait pour me mettre en prison.
 
Et j'y dirais dans un éclat de rire:
Ce sont les cheveux de celle que j'adore;
Salut mon gars, si tu y vois de l'or.
 

Anthologie bilingue de la poésie italienne (Bibliothèque de la Pléiade/Gallimard, 1994) 

image: Mariano Salvador Maella, Vénus remettant sa ceinture à Junon (vers 1786)

00:17 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature étrangère, Littérature italienne, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

28/03/2015

Morceaux choisis - Fernando Pessoa

Fernando Pessoa

pessoa.jpg

Je rentre à la maison, je ferme la fenêtre.
On apporte la lampe, on me souhaite bonne nuit,
Et d'une voix contente je réponds bonne nuit.
Plût au Ciel que ma vie fût toujours cette chose:
Le jour ensoleillé, ou suave de pluie,
Ou bien tempétueux comme si le Monde allait finir,
La soirée douce et les groupes qui passent,
Observés avec intérêt de la fenêtre,
Le dernier coup d'oeil amical jeté sur les arbres en paix,
Et puis, fermée la fenêtre et la lampe allumée,
Sans rien lire, sans penser à rien, sans dormir,
Sentir la vie couler en moi comme un fleuve en son lit,
Et au-dehors un grand silence ainsi qu'un dieu qui dort.
 

Philippe Jaccottet, D'autres astres plus loin épars - Poètes européens du XXe siécle (La Dogana, 2005)

traduit du portugais par Armand Guibert

image: Fernando Pessoa (romeojuliette.blog.lemonde.fr)

09:05 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature étrangère, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie; anthologie; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

27/03/2015

Morceaux choisis - Mikhaïl Chichkine

Mikhaïl Chichkine

282450_202824429775857_6907362_n.jpg

Les Suisses, selon eux, ne font pas partie du monde. L'alliance (en italien fascio) sur le Grütli est dans notre patrie le modèle d'une saine gouvernance. Si le monde s'écroule, cela ne veut pas dire que cela concerne aussi la Suisse. La Suisse du Suisse meurt d'une mort sociale. Aujourd'hui déjà, un Suisse sur quatre est un étranger. Si les Suisses n'ont plus les moyens d'avoir des enfants, si la génération actuelle s'éteint au siècle prochain, alors il n'y aura plus de vrais Suisses. La Suisse devient un pays sans peuple qui lui soit propre. ils n'existent plus, les intellectuels suisses qui voudraient conserver la Suisse. Oui à la fin de la Suisse. Nous sommes partout des étrangers, sauf dans notre propre pays. C'est pour beaucoup de Suisses une expérience quotidienne que les étrangers se montrent arrogants et se rendent impopulaires de bien des manières. Autrefois, c'étaient les Italiens que l'on n'aimait pas. Aujourd'hui, ils sont considérés presque comme des alliés contre les Yougoslaves, qu'on ressent comme agressifs à l'égard de la population suisse, et qui par là font peur. Les Albanais seront-ils demain comme des alliés contre le nombre croissant des Africains et des Russes?

*

Le Suisse est convaincu que quelqu'un du dehors ne peut pas bien comprendre notre pays et notre peuple. Il se sent donc obligé de corriger les propos d'un étranger - qu'ils soient positifs ou négatifs -, de redresser ses erreurs. Peut-être ce qui ressemble le plus à ce rapport contradictoire du Suisse à son pays est-il celui d'un époux avec sa femme: il veut seul avoir le droit de trouver à redire, de critiquer. Les gens de l'extérieur n'ont pas à s'en mêler. D'un ami, le Suisse ne supporte même pas l'éloge sans avoir envie de contredire, mais la critique l'indigne.

*

Chaque peuple prétend être l'élu de Dieu, d'une façon ou d'une autre, mais les Suisses modestes, taciturnes, savent très bien au fond d'eux-mêmes sur qui le choix de Dieu est réellement tombé. Ne croyez pas que l'arche se soit échouée sur le dos du Mont Ararat. En ce monde nous ne pouvons survivre que si nous comprenons que tous, un couple de chaque espèce, nous sommes dans le même bateau et qu'à chacun est donné le droit de vivre, que tous, même les plus faibles et les plus insignifiants, nous sommes les créatures de Dieu. Et si la Suisse a un sens et une prédestination, alors c'est de donner au monde un exemple d'organisation sociale dans laquelle la chaîne sans fin de la violence et de la contre-violence est interrompue. S'il y a un commandement suisse, c'est celui qui nous demande de respecter l'homme dans la réalité vivante. La Suisse est un modèle qui fonctionne, un modèle réel de l'arche de Noé, où nous tous, si différents que nous soyons, vivons côte à côte et unissons nos efforts pour préserver notre bateau de la tempête et du déluge. Et quand il n'y aura plus de violence en ce monde, plus de gens persécutés à cause de leurs convictions, alors seulement il n'y aura plus de guerre, plus de pourchassés, de réfugiés et de demandeurs d'asile, alors la mission de la Suisse sera accomplie et la Suisse se volatilisera. Et ce sera une digne fin. 

Mikhaïl Chichkine, Dans les pas de Byron et Tolstoï - Du Lac Léman à l'Oberland bernois (Noir sur Blanc, 2002)

image: Villa Poncini / Curio, Tessin

00:05 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature étrangère, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; essai; morceaux choisis; voyages; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

24/03/2015

Morceaux choisis - Paul Celan

Paul Celan

littérature; poésie; anthologie; livres

Personne ne nous pétrit de nouveau
dans la terre et l'argile,
personne ne souffle la parole sur notre poussière.
Personne.
 
Loué sois-tu, Personne.
C'est pour te plaire
que nous voulons fleurir.
Pour t'aller à l'encontre.
 
Néant nous étions,
nous sommes,
nous resterons, fleurissant;
la rose de néant,
la rose de personne.
Avec le style
clarté d'âme,
le filet d'étamine ravage de ciel,
la couronne rouge
du mot pourpre que nous chantions
au-dessus,
oh! au-dessus de l'épine.
 

Paul Celan, Psaume dans: Anthologie bilingue de la poésie allemande (Bibliothèque de la Pléiade, 1995)

00:04 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature étrangère, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie; anthologie; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

23/03/2015

La citation du jour

Virgile 

virgile.jpg

Je sais une terre qui exhale une vapeur ténue et une flottante buée, qui boit l'humidité, la transpire à son gré, qui se revêt toujours de son vert gazon naturel, et qui n'attaque pas les outils de la rouille due au sel. C'est là qu'un mariage unira dans l'abondance la vigne aux ormes, là que les oliviers feront pleuvoir l'olive. Le maître de cette terre éprouvera qu'elle est propre aux troupeaux et docile au soc aigu. Telle est celle qui laboure la riche Capoue, et la contrée qui est sous le joug du Vésuve, et celle qu'arrose le Clain si funeste à Accera la déserte.

Virgile, Géorgiques (coll. Poésie/Gallimard, 1983)

image: Auguste Préault - Virgile (Musée d'Orsay, 1853)

00:00 Écrit par Claude Amstutz dans La citation du jour, Littérature étrangère | Lien permanent | Commentaires (0) | |  Imprimer |  Facebook | | |

21/03/2015

Morceaux choisis - Kanstantsyïa Bouïlo

Kanstantsyïa Bouïlo

littérature; poésie; livres

J'aime notre pays,
ce petit coin où je suis née, où j'ai grandi,
où j'ai versé mes premières larmes d'infortune.
 
J'aime notre peuple biélorusse,
nos petites fermes dans la verdure des vergers,
les plaines dorées de champs de blé,
le bruissement de nos bosquets et de nos forêts;
et la rivière qui entraîne impétueusement
ses eaux vers des lointains inconnus,
et le jaune des plages de sable,
et l'éclat de leurs vagues limpides.
 
J'aime le printemps qui verdoie, fleurit,
parant gaiement la terre.
J'aime le craquettement des cigognes 
dans leurs nids,
et le chant de l'alouette,
la chaleur torride de l'été,
les pluies estivales et l'orage,
le grondement du tonnerre
et, à travers les nuages noirs,
les éclairs de feu.
 
L'automne incertain, je l'aime aussi,
et le premier sifflement des serpes et des faux,
lorsque les moissonneuses
s'apprètent à couper le blé,
et les faucheurs - le foin.
 
J'aime l'hiver et ses gelées
qui décorent les fenêtres d'arabesques,
et la neige blanche
qui, recouvrant les champs,
brille avec incandescence
sous les étoiles claires.
 
J'aime, quand la nuit est belle, 
tard dans la cour rester,
suivre des yeux le scintillement des étoiles,
ou les rayons dorés de la lune.
 
Et j'aime la chanson de mon pays
que les filles fredonnent dans les champs,
les modulations de leurs voix
s'élevant de la plaine
où elles flottent et chatoient.
 
Tout dans ce pays est cher à mon coeur,
tant j'aime mon pays natal,
où j'ai rencontré mon premier bonheur,
et versé de chagrin mes premières larmes.
 

Voix de femmes - Anthologie / Poèmes et photographies du monde entier (Editions Turquoise, 2012)

image: Biélorussie (voyages.ideoz.fr)

03:08 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature étrangère, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

15/03/2015

Morceaux choisis - Roberts-Louis Stevenson

Robert Louis Stevenson

littérature; récit; morceaux choisis; livres

La nuit est un temps de mortelle monotonie sous un toit; en plein air, par contre, elle s'écoule, légère parmi les astres et la rosée et les parfums. Les heures y sont marquées par les changements sur le visage de la nature. Ce qui ressemble à une mort momentanée aux gens qu'étouffent murs et rideaux n'est qu'un sommeil sans pesanteur et vivant pour qui dort en plein champ. La nuit entière il peut entendre la nature respirer à souffles profonds et libres. Même, lorsqu'elle se repose, elle remue et sourit et il y a une heure émouvante ignorée par ceux qui habitent les maisons: lorsqu'une impression de réveil passe au large sur l'hémisphère endormi et qu'au-dehors tout le reste du monde se lève. C'est alors que le coq chante pour la première fois. Il n'annonce point l'aurore en ce moment, mais comme guetteur vigilant, il accélère le cours de la nuit.

Robert Louis Stevenson, Voyage avec un âne dans les Cévennes (coll. GF/Flammarion, 2013)

image: Les Cévennes, France (dieudeschats.wordpress.com)

00:02 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature étrangère | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; récit; morceaux choisis; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

14/03/2015

La citation du jour

Giacomo Leopardi

Giacomo Leopardi.jpg

Comme Anacréon, qui désirait se changer en miroir pour être sans cesse contemplé par celle qu'il aimait, ou en tunique pour la vêtir, en baume pour oindre son corps, en eau pour la baigner, en bandelette pour être serré sur son sein, en perle pour être suspendu à son cou, ou en soulier pour qu'au moins elle le pressât de son pied, de même, moi, je voudrais un moment me transformer en oiseau pour connaître le contentement et la joie qu'ils éprouvent à vivre. 

Giacomo Leopardi, Petites oeuvres morales (Allia, 2007) 

00:05 Écrit par Claude Amstutz dans La citation du jour, Littérature étrangère, Littérature italienne | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : citations; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

02/03/2015

Morceaux choisis - Axel Munthe

Axel Munthe

San Michele_Capri.jpg

J'ai été absent de San Michele toute une année, que de temps gaspillé! Je suis revenu ayant perdu un oeil, inutile d'en dire plus long, c'était sans doute en prévision d'une telle éventualité que j'ai débuté dans la vie avec deux yeux. Je suis revenu un tout autre homme. Il me semble que je regarde l'univers, avec un seul oeil qui me reste, sous un angle différent. Je ne vois plus ce qui est laid et sordide, mais seulement ce qui est beau, doux et pur. Même les hommes et les femmes qui m'entourent ne me paraissent plus les mêmes qu'autrefois. Par une curieuse illusion d'optique je ne les vois plus tels qu'ils sont mais tels qu'ils devraient être, tels qu'ils auraient voulu être si on leur en avait laissé la chance. Je puis voir encore de mon oeil aveugle pas mal d'imbéciles se pavaner autour de moi, mais ils ne paraissent pas irriter mes nerfs comme autrefois; leur bavardage m'est indifférent, laissez-les parler. Pour le moment je ne puis aller plus loin; si je dois jamais parvenir à aimer mes semblables je crains qu'il ne me faille d'abord perdre l'autre oeil aussi. Je ne puis leur pardonner leur cruauté envers les animaux. Je pense qu'une sorte d'évolution à rebours s'opère dans mon cerveau, qui m'entraîne de plus en plus près de Mère Nature et des animaux.

Tous ces hommes et toutes ces femmes qui m'entourent me paraissent aujourd'hui compter beaucoup moins dans le monde qu'autrefois. J'ai l'impression d'avoir perdu trop de temps avec eux, de pouvoir me passer d'eux aussi bien qu'ils se passent de moi. Je sais fort bien qu'ils n'ont plus besoin de moi. Mieux vaut filer à l'anglaise avant d'être mis à la porte, j'ai bien d'autres choses à faire et il me reste peut-être plus beaucoup de temps. Mon vagabondage par le monde à la recherche du bonheur est fini; mon existence de docteur à la mode, finie; ma vie sur la mer, finie. Je vais rester ici pour de bon et tâcher de m'en contenter. Mais me sera-t-il permis de rester ici à San Michele? Toute la baie de Naples est étendue à mes pieds, étincelante comme un miroir; les colonnes sur la pergola, les loggias et la chapelle flamboient dans la lumière. Qu'adviendra-t-il de moi si je ne puis soutenir son éclat? 

Axel Munthe, Le livre de San Michele (Albin Michel, 1988)

traduit du suédois par Paul Rodocanachi 

image: Villa San Michele, Capri (tweedlandthegentlemansclub.blogspot.com)

00:06 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature étrangère, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; récit; morceaux choisis; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |