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20/11/2014

Lire les classiques - Emily Brontë

Emily Brontë

littérature; roman; morceaux choisis; livres

Mes grandes souffrances dans ce monde ont été les souffrances de Heathcliff, je les ai toutes guettées et ressenties dès leur origine. Ma grande raison de vivre c'est lui. Si tout le reste périssait et que lui demeurât, je continuerai d'exister; mais si tout le reste demeurait et que lui fut anéanti, l'univers me deviendrait complètement étranger, je n'aurai plus l'air d'en faire partie. Mon amour pour Heathcliff ressemble aux rochers immuables qui sont en dessous : source de peu de joie apparente, mais nécessaire. Nelly, je suis Heathcliff! Il est toujours, toujours dans mon esprit; non comme un plaisir, pas plus que je ne suis toujours un plaisir pour moi-même, mais comme mon propre être.

Emily Brontë, Les Hauts de Hurlevent (coll. Livre de Poche/LGF, 2007)

image: Laurence Olivier et Merle Oberon / Les Hauts de Hurlevent, William Wyler 1939

06:06 Écrit par Claude Amstutz dans Lire les classiques, Littérature étrangère | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; roman; morceaux choisis; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

18/11/2014

Morceaux choisis - Yannis Ritsos

Yannis Ritsos 

littérature; poésie; anthologie; livres

Pendant des années,
il ne se souciait nullement du temps.
Avec des mots,
il remplaçait les pertes, les privations, les refus,
fabricant avec ferveur de petites auréoles
pour les gens simples,
pour les scènes insignifiantes.
 
Une fresque a fini 
par recouvrir peu à peu toute sa maison
- les deux chambres à coucher,
le petit salon de musique,
le grenier du côté ouest
et même la cuisine.
 
La nuit,
avec une lampe à huile,
il fait le tour de sa maison,
il observe, il admire
- voici Pétros, Martha, voici Yiorgos, Télis,
voici le promontoire de Monemvassia,
voici la mer resplendissante
dans le couchant de Samos -
quelle jeunesse, mon Dieu,
et que de siècles! 
 
Mais lui, où se trouve-t-il?
Où est-il?
Il est absent.
Un calme vieillard, triste,
avec sa lampe.

Yannis Ritsos, Le Temps, dans: Tard bien tard dans la nuit (Le Temps des Cerises, 2014)

image: Evgenios Spatharis (neoskosmos.com)

00:02 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature étrangère, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; poésie; anthologie; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

14/11/2014

La citation du jour

Dante Alighieri 

citations; livres

Vous qui passez par les chemins d'amour - arrêtez-vous et regardez - s'il est douleur plus lourde que la mienne: je ne vous prie que de vouloir m'entendre; - et puis, songez si je ne suis demeure et clef de toute peine.

Dante Alighieri, Vita Nova (coll. Poésie/Gallimard, 1974)

image: Henry Holiday, Dante incontra Beatrice al Ponte Santa Trinità / 1883 (lettera43.it)

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11/11/2014

La citation du jour

Erri de Luca 

citations; livres

Les livres sont la plus forte contradiction des barreaux. Ils ouvrent le plafond de la cellule du prisonnier allongé sur son lit.

Erri de Luca, Les poissons ne ferment pas les yeux (coll. Folio/Gallimard, 2014)

image: http://www.streetgeneration.fr

00:03 Écrit par Claude Amstutz dans Erri de Luca, La citation du jour, Littérature étrangère, Littérature italienne | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : citations; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

03/11/2014

La citation du jour

Milan Kundera

8.jpg

Les enfants sont sans passé, et c'est tout le mystère de l'innocence magique de leur sourire.

Milan Kundera, Le livre du rire et de l'oubli (coll. Folio/Gallimard, 2003)

image: http://s2.favim.com

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02/11/2014

Morceaux choisis - Thomas Mann

Thomas Mann

citations; livres

O mer, nous sommes assis loin de toi et tout en contant, nous tournons vers toi nos pensées, notre amour, en t'invoquant nommément et à voix haute. Tu dois être présente dans notre récit, comme tu l'as toujours été et comme tu le seras toujours en secret... Désert sibilant, tendu de gris pâle, plein d'humidité amère, dont un gout salin reste à nos lèvres. Nous marchons, sur un sol légèrement élastique, parsemé d'algues et de petits coquillages, les oreilles enveloppées de vent, de ce grand vent, vaste et doux, qui parcourt l'espace librement, sans frein ni malice, et qui étourdit doucement notre cerveau, nous marchons, nous marchons et nous voyons les langues d'écume de la mer, prise dans un mouvement de flux et de reflux, s'étendre pour lécher nos pieds. Le ressac bouillonne, vague sur vague, se heurte avec un son clair et assourdi, et bruit comme une soie sur la grève plate, ici comme là-bas, et plus loin, sur les bancs de sable, et cette rumeur confuse, remplissant tout, et qui bourdonne doucement, ferme notre oreille à toute voix du monde.

Thomas Mann, La montagne magique (coll. Livre de Poche/LGF, 2000)

image: http://surfeurflo.free.fr

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28/10/2014

Roberto Vecchioni 1b

Entre autres talents, Roberto Vecchioni est aussi enseignant et chanteur...



00:02 Écrit par Claude Amstutz dans Chansons inoubliables, Littérature étrangère, Littérature italienne | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique; variété | |  Imprimer |  Facebook | | |

Roberto Vecchioni 1a

9782253124429.gifRoberto Vecchioni, Le libraire de Selinonte (Coll. Livre de poche, 2009)

 

Conte pour adultes situé en Sicile, Le libraire de Selinonte raconte les faits et gestes d’un curieux libraire installé au village, qui veut partager aux autres sa passion pour les grands auteurs par des lectures gratuites dans sa boutique. Sa singularité fait de lui l’incarnation du diable pour les habitants, sauf pour le jeune Nicolino qui va l’écouter tous les soirs en cachette. Quand les habitants mettent le feu à sa librairie pour purifier le lieu, ils perdent l’usage de la parole, sauf pour l’adolescent immergé dans Pessoa, Manzoni, Dante, Shakespeare ou Pirandello. Récit allégorique sur la puissance de la mémoire, de la magie des mots et de la tolérance, ce livre est passé inaperçu à sa parution en librairie. D’une écriture fine, poétique, légère, cette histoire étrange mérite de renaître de ses cendres et se lit avec beaucoup de plaisir.

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17/10/2014

Morceaux choisis - Hermann Hesse

Hermann Hesse

1.jpg

Ce petit lac s'étalait devant lui, gris-vert, immobile. Sur la rive opposée, une haute falaise abrupte, à la crête tranchante et déchiquetée, se découpait sur le ciel matinal sans profondeur, verdâtre et frais, brutalement dans la froideur de l'ombre. Mais on sentait que, derrière cette crête, le soleil déjà s'était levé; sa lumière faisait scintiller çà et là les facettes menues d'une arête de pierre vive. Il ne lui faudrait que quelques minutes pour paraître au-dessus des dentelures de la montagne et inonder de lumière le lac et la vallée alpestre. Il contempla avec attention et gravité ce spectacle, dont le calme, l'austérité et la beauté ne lui étaient pas familiers et dont il avait pourtant l'impression qu'ils lui parlaient et qu'ils l'avertissaient.

Plus fortement encore durant son voyage de la veille, il fût sensible à la puissance, à la froideur et à cette dignité d'autre monde de l'univers de la haute montagne, qui n'a pour l'homme aucune prévenance, qui ne l'invite point et le tolère à peine. Et il lui parut singulier et significatif que son premier pas dans la liberté nouvelle de la vie du siècle l'eût amené justement ici, dans cette grandeur calme et froide.

Hermann Hesse, Le jeu des perles de verre (coll. Livre de Poche/LGF, 2014)

image: Caspar Wolf (topofart.com)

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02/10/2014

Morceaux choisis - Vassili Grossman

Vassili Grossman

Vassili Grossman.jpg

Vitia, je voudrais te dire... Non, ce n'est pas ça. 

Vitia, je termine ma lettre et je vais la porter à la limite du ghetto pour la donner à mon ami. Il ne m'est pas facile d'interrompre cette lettre, elle est ma dernière conversation avec toi; quand j'aurai transmis la lettre, je t'aurai définitivement quitté, jamais tu ne sauras ce qu'ont été mes dernières heures. C'est notre toute dernière séparation. Que te dire avant de te quitter pour toujours? Tu as été ma joie ces derniers jours, comme tu l'as été durant toute ma vie. La nuit, je me souvenais de tes vêtements d'enfant, de tes premiers livres, je me souvenais de ta première lettre, de ton premier jour d'école, je me suis souvenue de tout, depuis les premiers jours de ton existence jusqu'à la dernière nouvelle qui me soit venue de toi, le télégramme que j'ai reçu le 30 juin. Je fermais les yeux et il me semblait que tu allais me protéger de l'horreur qui s'avançait sur moi. Et quand je me rappelais ce qui se passait autour de moi, je me réjouissais de ton absence; ainsi tu ne connaîtrais pas cet horrible destin.  

J'ai toujours été solitaire, Vitia. Pendant des nuits blanches, j'ai souvent pleuré de désespoir. Car personne ne le savait. Mon unique consolation était la pensée, qu'un jour, je te raconterais ma vie. Que je te raconterais pourquoi nous nous sommes séparés, ton père et moi, pourquoi, toutes ces longues années, j'ai vécu seule. Et je me disais souvent: "Comme il sera étonné, Vitia, quand il apprendra que sa mère a fait des folies, qu'elle était jalouse et qu'on la jalousait, que sa mère a été comme tous les jeunes." Mais mon destin est de mourir en solitaire sans m'être ouverte à toi. Parfois, je pensais que je ne devais pas vivre lpin de toi, que je t'aimais trop et que cet amour me donnait le droit de finir ma vie à tes côtés Parfois, je pensais que je ne devais pas vivre avec toi, que je t'aimais trop.

Enfin... Sois heureux avec ceux que tu aimes, qui t'entourent, qui te sont devenus plus chers que ta mère. Pardonne-moi. 

On entend dans la rue les pleurs de femmes, des jurons de policiers et moi, je regarde ces pages et il me semble que je suis protégée de ce monde horrible, plein de souffrances. 

Comment finir cette lettre? Oùtrouver la force pour le faire, mon chéri? Y a-t-il des mots en ce monde capables d'exprimer mon amour pour toi? Je t'embrasse, j'embrasse tes yeux, ton front, tes yeux. 

Souviens-toi qu'en tes jours de bonheur et qu'en tes jours de peine l'amour de ta mère est avec toi, personne n'a le pouvoir de le tuer. 

Vitenka... Voilà la dernière ligne de la dernière lettre de ta maman. Vis, vis, vis toujours...

Ta maman. 

Vassili Grossman, Vie et destin (L'Age d'Homme, 1995)

traduit du russe par Alexis Berelowitch et Anne Coldefy-Faucard  

image: Vassili Grossman

01:56 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature étrangère, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; roman; morceaux choisis; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |