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19/08/2011

Caterina Bonvicini 1b

Bloc-Notes, 19 août / Curio

En annexe au roman Le lent sourire de Caterina Bonvicini, voici la très belle chanson de Leonard Cohen, Tower of Song, citée à la page 148... Sur Youtube, vous pouvez en découvrir le texte intégral en version originale.


Caterina Bonvicini, Le lent sourire (Gallimard, 2011)

08:00 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Caterina Bonvicini, Chansons inoubliables, Littérature italienne | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; chanson; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

Caterina Bonvicini 1a

Bloc-Notes, 19 août / Curio

littérature; roman; livres

Elles sont des amies trentenaires qui ne se sont jamais perdues de vue depuis le lycée. Et voilà que dans ce groupe, après Diana opérée avec succès, c’est chez Lisa deux ans plus tard, que le même mal - une tumeur au cerveau - est diagnostiqué par les médecins. Elle, par contre, en meurt: Lisa, l'amie inséparable de Clara et son lent sourire qui offre un si beau titre au roman de Caterina Bonvicini: Le sourire lent, c'est le sourire de la fin. La vie qui ralentit, qui décélère jusqu'a l'immobilité.

C'était une histoire simple: Nous nous sommes rencontrées, nous nous sommes choisies, nous nous sommes écoutées, nous nous sommes comprises. Il n'y avait pas de noeuds à défaire, pas de fragments à rassembler, pas de mystères. Nous étions là. A cette touchante évocation répond une autre, après la mort de Lisa: C'était une amitié passionnelle, certes, reposant sur une attraction réciproque, mais une amitié profonde, durable. Un peu comme sa foulée, son pas qui résonne encore dans ma tête quand je retourne dans cette maison, un pas élancé. Il m'arrive de l'entendre dans le hall: c'est elle qui entre. Alors je vais dans la cuisine, je m'assieds et fixe la place vide. Je tends le bras, tourne ma main, et attends. Les yeux fermés, j'essaie de sentir ses doigts, longs comme ses pas, qui touchent les miens

Remontant le temps, égrenant les souvenirs partagés - les moments d'extase, de turpitudes ou d'insouciance de leur jeunesse - le tour de force de ce roman est de nous montrer, par la voix de Lisa, que la mort peut prendre le visage de la vie dans un mouvement opposé à la sépulture, et qu’il n’est pas nécessaire d’oublier pour affronter l’avenir: Derrière nos dialogues il y avait des pages et des pages de vie commune. L'enfance, l'adolescence, les années de fac, tous les boulots et les amours venus après, les anniversaires, les réveillons, les vacances, les mariages, les enterrements, les cuites, les bêtises monstres, les soucis d'argent, les problèmes familiaux, tout un entrelacs d'événements partagés qui émergeait comme un fleuve souterrain, en se mélangeant au flux du présent.

Un éloge de l’amitié - thème somme toute peu abordé en littérature - qui obéit à d’autres règles que celles de l’amour, unissant malgré la douleur présente Sandra l'ex première de classe avec sa petite frange brune aujourd'hui épouse de Daniele, Veronica la rebelle qui organisait les fugues du lycée et toujours à la recherche du prince charmant, Diana la véritable soeur avec laquelle Lisa a partagé 4'745 jours sur les bancs d'école et qui est mariée avec Marco, Clara la librairie qui s'est enfin découvert un mec libre prénommé Tommaso, enfin Lisa et ses yeux en amande qui évoquent Giotto, bleus comme le fond de la chapelle Scrovegni et son mari Alberto. 

Caterina Bonvicini, par de délicates anecdotes, souvent drôles, décrit admirablement les états d'âme qui s'emparent de ce groupe d'amis - un pluriel fissuré - submergés tour à tour par la soudaine précarité de la vie, la fatigue, la colère, les reproches, la difficulté à supporter les autres ou d'être ensemble, se sentant coupables d'être en bonne santé, coupables d'être heureux, coupables d'être vivants avec leurs limites, leurs défauts, leur générosité, chacun devenu la mémoire de l'autre, tantôt prison, tantôt rempart devant ce paysage dévasté.

Une histoire bien différente de celle qui secoue Ben, le narrateur de la partie centrale du livre: un chef d'orchestre célèbre, homme jaloux, possessif, égoïste qui fait la connaissance de Clara dans les couloirs de la clinique de Bentivoglio, où il rend visite à son épouse Anna - une cantatrice adulée par son public - elle aussi arborant ce lent sourire, mais dans un contexte bien différent: Les mille amis qu'Anna croyait avoir. Avec leurs histoires incroyables. Personne ne s'est donné la peine de venir. En même temps, je lançais des coups d'oeil méprisants vers les tournesols et les orchidées, les roses et les lis, qu'on apercevait par la porte entrouverte. Pour envoyer des fleurs, il y a du monde. Seulement ce n'est pas une loge ici, messieurs

Si les vivants sont faits pour se remémorer, Caterina Bonvicini restitue toute l'émotion palpable de ce roman bouleversant par la bouche de la mère de Clara: Trésor, les morts ne doivent pas sentir notre douleur. Ils ne doivent sentir que notre amour...

A lire et relire, le coeur gagné par le léger tremblement de ces saisons volées en éclats, empreintes de tant de douceur et d'apaisement: Le lent sourire est un pur chef d'oeuvre! 

Caterina Bonvicini, Le lent sourire (Gallimard, 2011)

07:55 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Caterina Bonvicini, Littérature étrangère, Littérature italienne | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; roman; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

09/08/2011

Michela Murgia 1b

Bloc-Notes, 9 août / Les Saules

Au festival d'Arezzo en 2010, Michela Murgia présente son roman Accabadora, malheureusement pour plusieurs d'entre vous, en italien sans sous-titres...


 

Michela Murgia, Accabadora (Seuil, 2011)

00:03 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Littérature étrangère, Littérature italienne | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : vidéo; littérature; document | |  Imprimer |  Facebook | | |

Michela Murgia 1a

Bloc-Notes, 9 août / Les Saules

littérature; roman; livres

La littérature italienne affiche, décidément, une santé insolente. Après quelques années d'errance, empêtrée dans ses années Aldo Moro et les brigades rouges, la voici revenue sur les devants de la scène, avec Fabio Geda, Silvia Avallone, Milena Magnani, Caterina Bonvicini et Michela Murgia, dignes successeurs de Michele Fois, Alessandro Piperno ou Tiziano Scarpa et, remontant un peu plus loin, d'un Erri de Luca ou d'un Guido Ceronetti.

Michela Murgia est née en 1972 à Cabras, en Sardaigne, auteur de quatre livres à ce jour: Il mondo deve sapere (2006), Viaggio in Sardegna - Undici percorsi nell'isola che non si vede (2008), Accabadora (2009) et Ave Mary - E la chiesa inventò la donna (2011). Compatriote de Michele Fois et de Milena Agus, Accabadora est son premier roman traduit en langue française.

Il nous conte l'histoire de Maria, enfant tardif d’un foyer modeste qui en compte déjà trois, cédée par sa mère Maria Teresa Listru à une vieille femme, Tzia Bonaria. A cette fill'e anima - fille d'âme - elle apprend le métier de couturière, l’élève comme sa propre fille, lui inculquant une éducation rigoureuse mêlée à une sincère tendresse, comme s'il s'agissait de son propre enfant. Maria, fière de son nouveau foyer, apprend vite. Malgré son caractère sauvage, indépendant, elle se conforme à l'enseignement et aux exhortations de sa mère adoptive. Un seul point la chagrine, une zone d'ombre qui la préoccupe chaque jour davantage: Souvent, tard dans la nuit, Tzia Bonaria s'absente, sans autres explications. Mais la curiosité de la jeune fille est trop forte. Un soir, elle verra de ses propres yeux et comprendra son surnom de Accabadora, c'est-à-dire la dernière mère... Sa douleur filiale s’en trouvera bouleversée à tout jamais, mêlant les sentiments confus de l'indignation, de la révolte, de la trahison, et les eaux du pardon prendront du temps à laver les plaies de Maria.

Un roman très attachant dont - intentionnellement - je ne vous donne toutes les clefs, qui nous immerge dans le monde des sortilèges et coutumes sardes, des non-dits, des secrets de famille, avec un rare talent.  

Michela Murgia, Accabadora (Seuil, 2011)

sources: Wikipedia

00:03 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Caterina Bonvicini, Littérature étrangère, Littérature italienne | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; roman; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

06/08/2011

Sacha Sperling

Bloc-Notes, 6 août / Les Saules

littérature; roman; livres 

Peut-être vous souvenez-vous de ce jeune auteur, âgé de 21 ans à peine aujourd'hui, qui m'avait littéralement bluffé - si l'on peut dire - avec un premier roman étonnant: Mes illusions donnent sur la cour (Fayard, 2009). 

J'attendais avec quelques craintes un second texte. Souvent en effet, je me suis retrouvé déçu devant une soudaine conscience d'écriture plutôt agaçante, sans cette originalité initiale dans le sujet ou la forme, sans cette magie des commencements. Avec Sacha Sperling et Les coeurs en skaï mauve, il en va par bonheur tout autrement. L'histoire pourtant, est banale à souhait: Deux jeunes un peu fous dans leur genre, Jim et Lou, qui se rencontrent, s'inventent une autre vie et qui, pour un temps, font semblant de croire aux mirages. 

Auprès de Lou, Jim se sent comme un Buffalo Bill qui flotte au-dessus des périphériques, un mercenaire à travers les cités d’or; il veut être gavé de rayonnements cathodiques, rêve de bolides, de non-lieux quand les miroirs ne reflètent rien d'autre que du vide: Jim semble toujours au bord d'un gouffre immense. Se tenir près de lui, c'est accoster sur une île que l'on croit déserte. La plage est un bras mince entre l'écume argentée et la forêt qui exhale des odeurs de pamplemousse. La lumière s'insinue entre les palmes. Les ombres dessinent des formes sombres mais éclatantes comme l'ébène.

En Lou, il voit un sourire à dix millions de dollars, un regard parme, une dégaine de Cadillac, une battante qui voudrait plus de glaçons dans son verre; auprès d'elle, un peu par hasard, il lui semble être enfin passé de l'autre côté du monde: Tu m'as appris que c'est la poussière qui donne sa superbe au soleil quand il se couche. Un peu plus loin, il lâche: J'ai besoin de toi pour garder les yeux ouverts. (...) Elle est Baby Lou. Celle qui est trop jolie pour qu'on l'appelle seulement par son prénom. Celle qui reste dans son champ de vision. Le plus gros oeuf de Pâques caché dans le jardin.

Mais même les supernovas s’éteignent à un moment, et Lou s'aperçoit au fil des jours que son héros n'est qu'un rêveur immobile prisonnier de son présent imaginaire, qu'il joue toujours un rôle, incapable d'être lui-même face à celle qu'il croit aimer: Jim appartenait aux faces cachées des lunes, aux plaines arides, aux villes fantômes. Il sentait l'infini et le soleil qui tape trop fort. Sa peau était douce comme les vents nocturnes qui traversent les canyons. 

Chronique d'une attraction irrésistible puis d'un désamour, ce roman est bien le négatif d'un Roméo et Juliette moderne. Le ton grinçant et lucide, servi par une écriture d’une incroyable maturité, renverse ou détourne en permanence les clichés qui foisonnent chez les auteurs classiques et les autres, se refermant sur une image inoubliable de Jim: Il ne savait pas qu'une poussière provoquerait une éclipse en passant devant le soleil.

Sacha Sperling, Les coeurs en skaï mauve (Fayard, 2011)

00:11 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; roman; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

26/07/2011

La rentrée littéraire 3/3

Bloc-Notes, 26 juillet / Les Saules

littérature; livres

Contrairement aux années précédentes, les titres littéraires traduits cet automne sont en augmentation de 7.3 %. Une bonne nouvelle. Sachez cependant qu'à l'heure actuelle, un roman sur trois à peine est d'origine étrangère! Très attendus, je vous signale brièvement les nouvelles parutions de Paul Auster, Sunset Park (Actes Sud), Mario Vargas Llhosa, Le rêve du Celte (Gallimard) et Arturo Pérez-Reverte, Cadix ou la diagonale du fou (Seuil). Deux autres écrivains révélés tout récemment feront sans doute le bonheur de leurs fans: Sofi Oksanen - l'auteur de Purge, Prix Femina Etranger 2010 - avec Les vaches de Staline (Stock) et David Vann - l'auteur de Sukkwan Island, Prix Médicis Etranger 2010 - avec Désolations (Gallmeister). 

Pour ma part, de même que pour la littérature d'expression française, quelques curiosités ont retenu mon attention et je vous les partage avec plaisir ci-dessous, avant d'en parler plus longuement sur La scie rêveuse lors de leurs parutions, entre août et octobre 2011.

Traduite pour la première fois dans notre langue, Michela Murgia, avec Accabadora (Seuil) nous entraîne en Sardaigne, dans les années 50. Une vieille couturière, Tzia Bonaria y accueille Maria, d'origine modeste et lui apprend le métier. Cette dernière est intriguée par les absences de Tzia, sa mère adoptive dont le surnom d'Accabadora - la dernière mère - cache un lourd secret bouleversant le coeur de Maria... Un face-à-face fascinant entre ces deux femmes, ainsi qu'une plongée intime dans les coutumes berçant cette histoire avec beaucoup de sobriété et de poésie.

Toujours en Italie, voici un nouveau roman de Alessandro Piperno, Persécution (Liana Levi). L'auteur de Avec les pires intentions raconte le destin de Leo Pontecorvo, un professeur de médecine et père de famille respecté issu de la bourgeoisie juive romaine et qui voit un jour le sol se dérober sous ses pieds en apprenant par le journal télévisé que l'un de ses fils est accusé d'avoir tenté de séduire une gamine de 12 ans. Sérieux et disctret, rien ne l'a préparé à cet événement qui dresse, en filigrane, les frontières ambiguës de la justice. Un texte envoûtant.

Deux autres romans italiens méritent un coup de chapeau: Le lent sourire de Caterina Bonvicini (Gallimard). Il dit la maladie, l'amitié, le parcours nécessaire du deuil unissant Clara la narratrice et Lisa au-delà de la mort, qui survient au sein d'un groupe d'amis trentenaires. Malgré la gravité du sujet, ce livre célèbre la vie, débarassée de ses artifices encombrants ou inutiles. Une heureuse surprise.

Avec Francesco de Filipppo, enfin, L'offense (Métailié/Noir) se situe à Naples, avec en toile de fond un petit jeune de 21 ans, Gennaro, issu des quartiers pauvres de la ville qui découvre, sous ses yeux, les trafics honteux de la drogue, des armes et des êtres humains, dans les entrailles de la camorra qui, un jour, croise sa route... Comment peut-il s'en sortir, tout seul? Un roman noir plein de tendresse et de fureur.

Non sans mentionner Scintillation, le nouveau roman de John Burnside (Métailié) - l'auteur de La maison muette et Les empreintes du diable - je termine ce rapide tour d'horizon avec Dire son nom de Francisco Goldman (Bourgois), écrit en l'honneur de son épouse Aura Estrada, morte en 2007, se brisant la nuque en faisant du bodysurf sur la côte mexicaine. Tenu pour responsable de l'accident, rongé par la culpabilité et le chagrin, Francisco se décide à raconter leur histoire, celle d'une perte insurmontable bien sûr, mais aussi le récit d'un couple plein de charme, drôle et singulier, qui émeut à chaque ligne: un hymne à l'amour et à la vie. L'un des plus beaux textes de cette rentrée littéraire! 

Une rentrée à laquelle je reproche seulement - du bout des lèvres - de n'être pas follement gaie...

image: Caterina Bonvicini

25/07/2011

La rentrée littéraire 2/3

Bloc-Notes, 25 juillet / Les Saules

littérature; livres

Poursuivons un bout de chemin en compagnie des auteurs de langue française, plutôt inspirés en cette rentrée littéraire automnale, contrairement aux années précédentes.

Ainsi, mérite d'être signalé le troisième roman d'une lyonnaise, Virginie Ollagnier, Rouge argile (Liana Levi). Intimiste et grave, mais sans lourdeur, il évoque à la mort du père adoptif de la narratrice, un retour aux sources dans le Maroc des années 50, peuplé de fantômes et de souvenirs, mais aussi porteur d'un temps qui lave les deuils et les blessures. Un ton sobre, chaleureux pour un livre que les extraits de correspondance intégrés au récit, nous font respirer tous les parfums et la proximité.

Après la Tunisie de Colette Fellous, de même que chez Virginie Ollagnier, Fouad Laroui nous emmène avec La vieille dame du riad (Julliard) au Maroc où un couple de français qui vient d'acquérir une maison à Marrakech, découvre une femme mystérieuse ne parlant pas un traître mot de français, qui semble habiter les lieux depuis toujours et se montre peu encline à partir ... Un timbre enjoué, comme dans ses précédents romans - Une année chez les français ou Les dents du topographe - pour nous partager avec une tendre ironie des réalités pas toujours drôles.

Lionel Trouillot, quant à lui, dans La belle amour humaine (Actes Sud), célèbre la fraternité des Caraïbes nécessaire à la survie face aux puissants qui tiennent pour acquis leurs droits, leurs possessions. A travers une femme sur les traces de son père, à la manière d'un Dany Laferrière, il réhabilite - si besoin est - les qualités de coeur de son peuple, avec une générosité contagieuse.

Surprise de l'an dernier dans ce paysage littéraire pour Mon couronnement - chouchouté par les libraires - Véronique Bizot nous revient aujourd'hui avec Un avenir (Actes Sud) et sonde une famille qui revit sous nos yeux au rythme du quotidien, ponctué par les événements ordinaires des heures et des saisons, l'imprégnant d'une saveur particulière. Un écriture séduisante, proche de la poésie.

Avant de passer aux lettres étrangères, je conclus ce tour d'horizon sommaire - non sans mentionner L'équation africaine de Yasmina Khadra (Julliard) et Le cas Sneidjer de Jean-Paul Dubois (L'Olivier) - avec Nos souvenirs de David Foenkinos (Gallimard), déjà pressenti selon quelques experts, pour un Prix Goncourt 2011, ce qui, je l'avoue, me ravirait bien davantage que la cuvée 2010 consacrée à La carte et le territoire de Michel Houellebecq! Dans ce livre, l'auteur de La délicatesse, au décès du grand-père de notre narrateur, interroge sa mémoire, médite sur le temps et les liens entre les générations. Un auteur qui, décidément, sait exprimer avec talent et sensibilité la gravité des choses de la vie avec une légéreté très émouvante!

A suivre ... 

image: Virginie Ollagnier

00:14 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Colette Fellous, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

24/07/2011

La rentrée littéraire 1/3

Bloc-Notes, 24 juillet / Les Saules

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L'édition française deviendrait-elle enfin raisonnable? Il semble bien que oui, car la production de la rentrée littéraire de cet automne est annoncée avec - enfin! - une baisse globale de 6.7 %, et 12.5 % en ce qui concerne les titres francophones uniquement. Pas de quoi pavoiser pour autant, puisque ces chiffres reflètent tout simplement la situation éditoriale de 2005, et mériteraient encore davantage d'être revus à la baisse afin de ne pas noyer sous un flot ininterrompu de romans peu attrayants, ceux qui se distinguent par une qualité de style, l'originalité d'un sujet, l'audace narrative.

Si les médias ne manqueront pas, sous peu, de nous décrire le dernier Amélie Nothomb, Tuer le père (Albin Michel), celui d'Eric-Emmanuel Schmitt, La femme au miroir (Albin Michel) ou d'Emmanuel Carrère, Limonov (P.O.L.), je préfère vous présenter en avant-première quelques titres choisis au gré de mes humeurs littéraires - parmi la production française - et qui seront évoqués au moment de leur parution, sur La scie rêveuse.

Les coeurs en skaï mauve de Sacha Sperling (Fayard), par exemple - auteur de Mes illusions donnent sur la cour - le négatif d'un Roméo et Juliette moderne, avec ses rêves d'un ailleurs possible, le temps d'un été. Une écriture d'une rare maturité pour cet auteur âgé d'à peine 21 ans, qui détourne les clichés habituels avec un humour parfois féroce mêlé à une lucidité impressionnante!

Sur un tout autre registre, il vaut la peine de découvrir La lanterne d'Aristote de Thierry Laget (Gallimard) - un admirateur fervent de Stendhal et de Proust - dont le héros est chargé par une comtesse de recenser la bibliothèque de son château et qui, à la manière de ses maîtres, saisit avec bonheur chaque émotion émanant de ce château, de ses dédales, de ses personnages, confrontant le narrateur à ses ombres propres ou ses lumières. Une langue magnifique pour explorer, entre autres choses, la résonance affective des livres. 

Stéphane Audéguy, dans Rom@ (Gallimard) - comme son titre l'indique - exalte Rome. La ville au féminin et au masculin, parle. Vous êtes invités au bord du Tibre, dans les jardins de Lucullus, vous croisez Mussolini ou Audrey Hepburn pour une célébration poétique, lyrique, imaginative où le présent et le passé se confondent, se découvrent, se juxtaposent. Une fête de l'amour, toujours!

Avec Un amour de frère (Gallimard) Colette Fellous - après Avenue de France, Aujourd'hui et Plein été - poursuit l'exploration fragile et sensuelle de sa mémoire, avec cette fois-ci les souvenirs autour de son frère Georgy, disparu à l'âge de 27 ans. Illustré de quelques images, photographies et dessins, ce poignant récit né sous l'une des plus belles plumes de France, séduit par la qualité de son écriture et sa délicatesse.

On peut en rapprocher Delphine de Vigan qui, avec Rien ne s'oppose à la nuit (Lattès) nous parle de sa mère avec beaucoup de pudeur et de sensibilité, de même que Laurence Tardieu qui, dans La confusion des peines (Stock) aborde la question du père absent, condamné pour escroquerie. Une quête douloureuse survenue au moment du décès de sa mère. Attachant ...

La plupart de ces titres seront disponibles en librairie, entre fin août et octobre 2011.

A suivre ... 

image: Stéphane Audéguy

12:51 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Colette Fellous, Littérature francophone, Marcel Proust | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

17/07/2011

Marcello Fois

Bloc-Notes, 17 juillet / Nyon

littérature; roman; livres

Ce n'était pas que ce récit fut vrai ou faux, l'important c'était de raconter. Cette phrase, quelque part au milieu du livre, pourrait résumer la démarche de Marcello Fois, déjà adoptée dans son précédent et formidable roman, La mémoire du vide, paru en traduction française chez le même éditeur. A la manière de l'une des figures emblématiques de la nouvelle littérature espagnole, Rosa Montero, il sait raconter des histoires et le confirme aujourd'hui avec La lignée du forgeron.

Entre 1899 et 1943, il nous fait revivre, à travers le destin de Michele Angelo - l'âme vaguement blonde, le fruit d'un germe de miel contre l'insistance du noir corbeau qui l'entoure - quelques pages terribles de son pays, la Sardaigne. Orphelin recueilli par un honnête homme, Giuseppe Mundula, qui l'introduit à la forge et lui apprend le métier, Michele épouse une autre paria, Mercede. De leur union naissent les jumeaux Pietro et Paolo, plus tard - après deux enfants morts-nés - Gavino, Luigi Ippolito et Marianna.

Cet amour a fait beaucoup de chemin. Ils sont allés comme deux pèlerins vers un sanctuaire très lointain dont on attend à chaque pas de voir au moins le sommet du clocher, et puis, rien. Aussi est-il nécessaire de s'aimer et de s'aimer encore en dépit de tout; de la poussière qui empâte les cheveux; de la tentation d'accepter de faire un bout de chemin sur une charrette ou de s'abandonner, trempés de pluie, au désespoir, les chaussures enfoncées dans la boue, les pas incertains, le palais asséché par la canicule, les doigts livides à cause du gel, le regard fixé sur une fin qui toujours, toujours, se transforme en un début.

En trois parties distinctes - le paradis, l'enfer, le purgatoire - le lecteur voit le village de Nuoro s'ouvrir à l'espoir, à l'argent, à la modernité, mais le bonheur ne dure pas. Vient le temps de la Grande Guerre, puis la montée du fascisme et la Seconde Guerre mondiale qui fracassent et divisent, avec en arrière-plan ces lumières cruelles qui éclairent un fils parti en volontaire et un autre qu'on serait prêt à mutiler pour le garder chez soi, bien vivant, à l'abri des horreurs du monde, loin de cette Italie qui ressemble à une terre étrangère. Certains passages rappellent dans leur intensité le Voyage au bout de la nuit de Louis-Ferdinand Céline: Lorsque la terre explose autour de moi je ne sens même pas de douleur, je vois ma jambe qui me précède et je pense: Malgré tout, nous sommes fragiles. Je sens comme un crochet qui m'arrache la moitié du visage et je pense encore: Nous sommes fragiles. Et pourtant je ne meurs pas. Je suis fort ! crié-je. Je suis vivant ! Les brancardiers courent vers moi. Je n'ai pas mal, je le jure. Après, oui, après, mais là, brisé en morceaux, avec le sang qui se colle à la terre, aucune douleur. Rien. A chaud, jeté au sol après l'explosion, j'ai le temps de penser à ma permission, puis plus rien.

Sur cette terre ingrate, rude et austère, aucune douleur ne sera épargnée à Michele Angelo dont la famille, victime de l'injustice, de la cruauté et de l'épuisement, subit les affres de ces temps maudits. Pourtant, un vent apaisé souffle un beau jour sur sa maison et prend l'apparence inattendue d'un jeune homme qui lui rend sa force initiale et scelle le destin de la forge qu'il avait abandonnée...

Dans la précarité de l'équilibre frontal il y a une histoire qui n'a pas été racontée. Oui. Dans la spécificité d'un sens accompli demeure l'irréalité. Une portion de vérité qui n'a pas de mots pour s'exprimer. A la manière d'une grande nature morte qui est temps fixé, collé à la toile, soustrait au devenir. Dans l'attente seulement, dans l'attente seulement on peut s'accorder avec cette fixité d'icône. Dans l'attente que le calice tombe, que ce cristal, enfin, se brise... Et la fin n'est pas une fin.

Marcello Fois, né en 1960 en Sardaigne, vit aujourd'hui à Bologne. Une quinzaine de ses livres sont traduits à ce jour, parmi lesquels Sheol (coll. Points/Seuil, 1999) - un roman policier qui évoque les persécutions juives en Italie -, Les hordes du vent (Seuil, 2005) et Mémoire du vide (Seuil, 2008). La ligne du forgeron (Seuil, 2011) est à ce jour peut-être, son roman le plus accompli.

Un des chefs-d'oeuvre de l'année !   

Marcello Fois, La lignée du forgeron (Seuil, 2011)

Rosa Montero, Belle et sombre (Métailié, 2011)

01:01 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Louis-Ferdinand Céline, Rosa Montero | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; roman; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

14/07/2011

Le chant des larmes

Bloc-Notes, 14 juillet/ Nyon

littérature; poésie; livres

Le cercle des Amoureux de la poésie, autour d'Abbassia Naïmi, concrétise avec Le chant des larmes un rêve magnifique: promouvoir la poésie francophone contemporaine et mettre en relation les auteurs et les lecteurs de tous bords en insistant plus particulièrement sur la lecture à haute voix nécessaire en poésie.

Vingt poètes de tous horizons - Maroc, Algérie, Tunisie, Cameroun, Etats-Unis, Canada et France - ont ainsi participé à ce projet qui respire d'un besoin de transmission orale, enraciné chez les uns et les autres. On y chante la beauté apaisée, le sang de la terre, l'ombre qui se balance sur un mur, les traces éphémères de la vie, les chemins de l'enfance, le monde qui tour à tour pleure et saigne, les bruits du jour devenus silence, et ces mots comme fleurs au vent, écrits comme on respire ont en commun de libérer l'âme et de partager, chacun à sa manière, un fragment d'espoir, de solidarité et de combat. Une poésie de la proximité dans laquelle les lecteurs attentifs peuvent reconnaître leurs propres résonances.

Une notice biographique - avec référence aux sites Internet - précède les textes de chaque auteur, dont bon nombre sont connus des usagers de Facebook. Au chant des larmes ont contribué Marie Hurtrel, Hamid Medah, An Ishtar, Xavier Lainé, Eve Oramie, Jean-Luc Moulin, Assia Benotmane, Amel Belkacemi, Makhlouf Boughareb, Emmanuel Parmentier, Nadir Kateb, Amel Tafsout, Robert Notenboom, Réjean Blais, Hanène Chelbi, Rodrigue Ndzana, Michèle Minary, Pierre la Paix, Cécyl et Abbassia Naïmi.

Une bien belle aventure qui prouve que la poésie - comme le disait Charlie Chaplin - demeure une indispensable lettre d'amour adressée au monde.

Le chant des larmes - Le cercle des Amoureux de la Poésie (Editions Lire et Méditer, 2010)

image: Abbassia Naïmi, Librairie Quesseveur, Agen (France)

Le cercle des Amoureux de la Poésie: www.lecap-edition.fr/

10:14 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : littérature; poésie; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |