29/09/2010
Le poème de la semaine
Philippe Soupault
Je ne dors pas Georgia
Je lance des flèches dans la nuit Georgia
j'attends Georgia
Le feu est comme la neige Georgia
La nuit est ma voisine Georgia J'écoute les bruits tous sans exception Georgia
je vois la fumée qui monte et qui fuit Georgia
je marche à pas de loup dans l'ombre Georgia
je cours voici la rue les faubourgs Georgia
Voici une ville qui est la même
et que je ne connais pas Georgia
je me hâte voici le vent Georgia
et le froid et le silence et la peur Georgia
je fuis Georgia
je cours Georgia
Les nuages sont bas il vont tomber Georgia
j'étends les bras Georgia
je ne ferme pas les yeux Georgia
j'appelle Georgia
je t'appelle Georgia
Est-ce que tu viendras Georgia
bientôt Georgia
Georgia Georgia Georgia
Georgia
je ne dors pas Georgia
je t'attends Georgia
Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle
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22/09/2010
Le poème de la semaine
René de Obaldia
Une jeune fille au fond de mon coeur
Lave mes péchés, lave mes péchés.
Une jeune fille morte de bonheur
Et qui vit en moi pour l'éternité.
Lave mes péchés dans une eau si claire
Que tous les aveugles pourraient y boire.
Le loup et l'agneau sont maintenant frères,
Qu'il fait bon trouver cet heureux lavoir!
Deux colombes d'or forment sa poitrine,
Sa bouche est le temple où souffle l'Esprit
Son ventre est plus doux que celui des tombes
Dans ses mains de neige un feu se nourrit.
Parfois je m'endors contre sa poitrine.
Et tous mes péchés qui s'en vont à l'eau
Feraient de mon âme une âme orpheline
Mais la jeune fille l'habille d'oiseaux.
Un soleil m'éclaire qui vient de très loin
Un soleil de chair que je peux toucher
Et la joie est là comme un fin clocher
Et le ciel a pris une odeur de foin.
Jeune fille pure ô ma belle épée
Riant aux éclats devant la douleur,
Je te porterai le long des années
Plus loin que la mer où sombrent nos coeurs.
Le long des années qui deviennent blanches
Et la neige tombe aux mains des enfants
Je te porterai mon premier Dimanche
Plus loin que la mer et la fin des temps.
Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle
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15/09/2010
Le poème de la semaine
Louis Calaferte
Si vous êtes raisonnables toute la semaine
Si vous faites bien vos devoirs
Si vous apprenez bien vos leçons
Si vous ne vous battez pas avec vos camarades
Si vous ne tirez pas la queue du chien
Si vous mangez bien votre soupe
Si vous ne faites pas crier votre grand-mère
Si vous vous lavez les mains avant de vous mettre à table
Si vous vous brossez bien les dents
Si vous allez vous coucher sans pleurer
Si vous faites votre prière tout seuls
Si vous êtes bien sages avec maman
Dimanche on ira voir papa à l'asile
Je vous laisse tomber. Je ne marche pas dans vos conneries d'avenir idyllique.
Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle
06:01 Écrit par Claude Amstutz dans Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; poésie | | Imprimer | Facebook |
10/09/2010
Le poème de la semaine
Andrée Chedid
Nos jours sont éphémères
Plus rapides que le temps
La clarté nous surprend
Déjà c'est crépuscule
C'est si court
Un seul jour
Mais si vaste à la fois
Chaque journée est une fête
Une vraie épiphanie
Pleine de tous les rêves
De toutes les panoplies
Dont le futur est maître
Retenant nos mémoires
Et chroniques du temps
Si longue est notre vie
Ces journées éphémères
Pas le temps
De les perdre
Si brève est notre vie!
Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle
00:22 Écrit par Claude Amstutz dans Andrée Chedid, Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie | | Imprimer | Facebook |
01/09/2010
Le poème de la semaine
Paul Eluard
Notre vie tu l'as faite elle est ensevelie
Aurore d'une ville un beau matin de mai
Sur laquelle la terre a refermé son poing
Aurore en moi dix-sept années toujours plus claires
Et la mort entre en moi comme dans un moulin
Notre vie disais-tu si contente de vivre
Et de donner la vie à ce que nous aimions
Mais la mort a rompu l'équilibre du temps
La mort qui vient la mort qui va la mort vécue
La mort visible boit et mange à mes dépens
Morte visible Nusch invisible et plus dure
Que la soif et la faim à mon corps épuisé
Masque de neige sur la terre et sous la terre
Source des larmes dans la nuit masque d'aveugle
Mon passé se dissout je fais place au silence
Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle
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25/08/2010
Le poème de la semaine
Louis Aragon
Ne t’en va pas mon cœur ma vie
Sans toi le ciel perd ses couleurs
Désert des champs jardins sans fleurs
Ne t’en va pas
Ne t‘en va pas où va le vent
Sans toi tous les oiseaux s’envolent
Et toutes les nuits sont des folles
Ne t’en va pas
Ne t’en va pas où se perd l’eau
Méprisant le bonheur des verres
Et l’univers des arbres verts
Ne t’en va pas
Ne t’en va pas comme le sang
Qui saute à la main qui me blesse
Ma chère force et ma faiblesse
Ne t’en va pas
Ne t’en va pas où fuit le feu
Quand la paille à peine défaille
Qu’elle est cendre pour qu’il s’en aille
Ne t’en va pas
Ne t’en va pas dans les nuées
Mon bel aigle ami des orages
Je peux mourir de ton courage
Ne t’en va pas
Ne t’en va pas chez l’ennemi
Qui t’a pris la terre et tes armes
Crois en la mémoire des larmes
Ne t’en va pas
Ne t’en va pas c’est félonie
Ces discours ces chansons ces fêtes
Hommes sachez ce que vous faites
Ne t’en va pas
Ne t’en va pas où l’on te dit
Avec de grands mots pour enseignes
Quand c’est la blessure qui saigne
Ne t’en va pas
Ne t’en va pas chez le tyran
Forger sa puissance toi-même
Et des fers pour ceux que tu aimes
Ne t’en va pas
Ne t’en va pas prends ton fusil
Siffle ton chien chasse les ombres
Chasseur chasseur tu es le nombre
Ne t’en va pas
Prends ton fusil
Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle
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18/08/2010
Le poème de la semaine
Stéphane Mallarmé
O rêveuse, pour que je plonge
Au pur délice sans chemin,
Sache, par un subtil mensonge,
Garder mon aile dans ta main.
Une fraîcheur de crépuscule
Te vient à chaque battement
Dont le coup prisonnier recule
L'horizon délicatement.
Vertige! Voici que frissonne
L'espace comme un grand baiser
Qui, fou de naître, pour personne
Ne peut jaillir ni s'apaiser.
Sens-tu le paradis farouche
Ainsi qu'un rire enseveli
Se couler du coin de ta bouche
Au fond de l'unanime pli?
Le sceptre des rivages roses
Stagnants sur l'or des soirs, ce l'est,
Ce blanc vol fermé que tu poses
Comme le feu d'un bracelet.
Quelques traces de craie dans le ciel,
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17:22 Écrit par Claude Amstutz dans Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie | | Imprimer | Facebook |
11/08/2010
Le poème de la semaine
Nicolas Bouvier
Quand nous reverrons-nous
maraudeurs de verdures
L'absinthe de la nuit sous vos pas étouffés
minuit a fait flamber sous vos bras les ramures
et le catimini de tous les fruits volés
Quand je vous reverrai
secrets pilleurs de pommes
merises et mirabelles auront quitté mon pré
dans un lieu incertain entre je suis nous sommes
entre la mort et toi l'été aura brûlé
L'automne aura lavé ce vin de pourriture
et tout ce qui en moi avait déjà cédé
ne vous reverrai plus maraudeurs de verdure
ne vous reverrai plus
car vous m'avez trompé
Mais si vous revenez
goûteurs de confitures
revenez s'il vous plaît
pieds nus les yeux baissés
Le gel aura fermé son poing sur la nature
Entre vos voix et moi l'hiver s'est installé
Moi je n'y serai plus et vous serez volés
Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle
11:50 Écrit par Claude Amstutz dans Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie | | Imprimer | Facebook |
04/08/2010
Le poème de la semaine
René Char
Pourquoi ce chemin plutôt que cet autre
Où mène-t-il pour nous solliciter si fort
Quels arbres et quels amis sont vivants
Derrière l’horizon de ces pierres
Dans le lointain miracle de la chaleur
Nous sommes venus jusqu’ici
Car là où nous étions
Ce n’était plus possible
On nous tourmentait
Et on allait nous asservir
Le monde de nos jours
Est hostile aux transparents
Une fois de plus
Il a fallu partir
Et ce chemin qui ressemblait
A un long squelette
Nous a conduits à un pays
Qui n’avait que son souffle
Pour escalader l’avenir
Comment montrer sans les trahir
Les choses simples dessinées
Entre le crépuscule et le ciel
Par la vertu de la vie obstinée
Dans la boucle du temps artiste
Entre la mort et la beauté
Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle
10:03 Écrit par Claude Amstutz dans Quelques traces de craie dans le ciel - Anth, René Char | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie | | Imprimer | Facebook |
28/07/2010
Le poème de la semaine
Jean Amrouche
À l'homme le plus pauvre
à celui qui va demi-nu sous le soleil dans le vent
la pluie ou la neige
à celui qui depuis sa naissance
n'a jamais eu le ventre plein
On ne peut cependant ôter ni son nom
ni la chanson de sa langue natale
ni ses souvenirs ni ses rêves
On ne peut l'arracher à sa patrie
ni lui arracher sa patrie.
Pauvre affamé nu il est riche malgré tout de son nom
d'une patrie terrestre son domaine
et d'un trésor de fables et d'images que la langue des aïeux
porte en son flux comme un fleuve porte la vie.
Aux Algériens on a tout pris
la patrie avec le nom
le langage avec les divines sentences de sagesse
qui règlent la marche de l'homme
depuis le berceau
jusqu'à la tombe
la terre avec les blés les sources avec les jardins
le pain de bouche et le pain de l'âme
l'honneur la grâce de vivre comme enfant de Dieu
frère des hommes sous le soleil
dans le vent la pluie et la neige.
On a jeté les Algériens hors de toute patrie humaine
on les a fait orphelins
on les a fait prisonniers d'un présent sans mémoire
et sans avenir
les exilant parmi leurs tombes
de la terre des ancêtres de leur histoire de leur langage
et de la liberté.
Ainsi réduits à merci
courbés dans la cendre
sous le gant du maître colonial
il semblait à ce dernier
que son dessein allait s'accomplir.
que l'Algérien en avait oublié son nom son langage
et l'antique souche humaine qui reverdissait
libre sous le soleil dans le vent la pluie et la neige
en lui.
Mais on peut affamer les corps
on peut battre les volontés
mater la fierté la plus dure sur l'enclume du mépris
on ne peut assécher les sources profondes
où l'âme orpheline par mille radicelles invisibles
suce le lait de la liberté.
On avait prononcé les plus hautes paroles de fraternité
on avait fait les plus saintes promesses.
Algériens, disait-on,
à défaut d'une patrie naturelle perdue
voici la patrie la plus belle la France
chevelure de forêts profondes hérissée de cheminées
d'usines lourdes de gloire
de travaux et de villes de sanctuaires
toute dorée de moissons immenses ondulant
au vent de l'Histoire comme la mer
Algériens, disait-on, acceptez le plus royal des dons
ce langage le plus doux le plus limpide
et le plus juste vêtement de l'esprit.
Mais on leur a pris la patrie de leurs pères
on ne les a pas reçus à la table de la France
Longue fut l'épreuve du mensonge et de la promesse
non tenue
d'une espérance inassouvie
longue amère
trempée dans les sueurs de l'attente déçue
dans l'enfer de la parole trahie
dans le sang des révoltes écrasées
comme vendanges d'hommes.
Alors vint une grande saison de l'histoire
portant dans ses flancs une cargaison d'enfants
indomptés
qui parlèrent un nouveau langage
et le tonnerre d'une fureur sacrée :
on ne nous trahira plus
on ne nous mentira plus
on ne nous fera pas prendre des vessies peintes
de bleu de blanc et de rouge
pour les lanternes de la liberté
nous voulons habiter notre nom
vivre ou mourir sur notre terre mère
nous ne voulons pas d'une patrie marâtre
et des riches reliefs de ses festins.
Nous voulons la patrie de nos pères
la langue de nos pères
la mélodie de nos songes et de nos chants
sur nos berceaux et sur nos tombes
Nous ne voulons plus errer en exil
dans le présent sans mémoire et sans avenir
Ici et maintenant
nous voulons
libres à jamais sous le soleil dans le vent
la pluie ou la neige
notre patrie : l'Algérie.
Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle
11:01 Écrit par Claude Amstutz dans Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie | | Imprimer | Facebook |