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07/06/2013

Lire les classiques - Victor Hugo

Victor Hugo

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merci à Christiane H

Si vous n'avez rien à me dire,
Pourquoi venir auprès de moi?
Pourquoi me faire ce sourire
Qui tournerait la tête au roi?
Si vous n'avez rien à me dire,
Pourquoi venir auprès de moi?
 
Si vous n'avez rien à m'apprendre,
Pourquoi me pressez-vous la main?
Sur le rêve angélique et tendre,
Auquel vous songez en chemin,
Si vous n'avez rien à m'apprendre,
Pourquoi me pressez-vous la main?
 
Si vous voulez que je m'en aille,
Pourquoi passez-vous par ici?
Lorsque je vous vois, je tressaille:
C'est ma joie et c'est mon souci.
Si vous voulez que je m'en aille,
Pourquoi passez-vous par ici?
 

Victor Hugo, Les contemplations (coll.GF/Flammarion, 2008)

image: Auguste Rodin, La pensée (guesswhoandwhere.typepad.fr)

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02/06/2013

Lire les classiques - Alfred de Musset

Alfred de Musset

littérature; poésie; anthologie; livres

Oui, si j'étais femme, aimable et jolie, 
Je voudrais, Julie, 
Faire comme vous;
Sans peur ni pitié, sans choix ni mystère, 
A toute la terre 
Faire les yeux doux.
 
Je voudrais n'avoir de soucis au monde 
Que ma taille ronde, 
Mes chiffons chéris,
Et de pied en cap être la poupée 
La mieux équipée 
De Rome à Paris.
 
Je voudrais garder pour toute science 
Cette insouciance 
Qui vous va si bien;
Joindre, comme vous, à l'étourderie 
Cette rêverie 
Qui ne pense à rien.
 
Je voudrais pour moi qu'il fût toujours fête, 
Et tourner la tête, 
Aux plus orgueilleux;
Être en même temps de glace et de flamme, 
La haine dans l'âme, 
L'amour dans les yeux.
 
Je détesterais, avant toute chose,
Ces vieux teints de rose 
Qui font peur à voir.
Je rayonnerais, sous ma tresse brune, 
Comme un clair de lune 
En capuchon noir.
 
Car c'est si charmant et c'est si commode, 
Ce masque à la mode, 
Cet air de langueur!
Ah ! que la pâleur est d'un bel usage! 
Jamais le visage 
N'est trop loin du coeur.
 
Je voudrais encore avoir vos caprices, 
Vos soupirs novices, 
Vos regards savants.
Je voudrais enfin, tant mon coeur vous aime, 
Être en tout vous-même... 
Pour deux ou trois ans.
 
Il est un seul point, je vous le confesse, 
Où votre sagesse 
Me semble en défaut.
Vous n'osez pas être assez inhumaine. 
Votre orgueil vous gêne; 
Pourtant il en faut.
 
Je ne voudrais pas, à la contredanse, 
Sans quelque prudence 
Livrer mon bras nu;
Puis, au cotillon, laisser ma main blanche 
Traîner sur la manche 
Du premier venu.
 
Si mon fin corset, si souple et si juste,
D'un bras trop robuste
Se sentait serré, 
J'aurais, je l'avoue, une peur mortelle 
Qu'un bout de dentelle 
N'en fût déchiré.
 
Chacun, en valsant, vient sur votre épaule 
Réciter son rôle 
D'amoureux transi;
Ma beauté, du moins, sinon ma pensée, 
Serait offensée 
D'être aimée ainsi.
 
Je ne voudrais pas, si j'étais Julie, 
N'être que jolie 
Avec ma beauté.
Jusqu'au bout des doigts je serais duchesse. 
Comme ma richesse, 
J'aurais ma fierté.
 
Voyez-vous, ma chère, au siècle où nous sommes, 
La plupart des hommes 
Sont très inconstants.
Sur deux amoureux pleins d'un zèle extrême, 
La moitié vous aime 
Pour passer le temps.
 
Quand on est coquette, il faut être sage. 
L'oiseau de passage 
Qui vole à plein coeur
Ne dort pas en l'air comme une hirondelle, 
Et peut, d'un coup d'aile, 
Briser une fleur.
 

Alfred de Musset, Conseils à une parisienne, dans: Poésies nouvelles (coll. GF/Flammarion, 2000)

image: daisy13.unblog.fr 

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24/05/2013

Lire les classiques - Alfred de Musset

Alfred de Musset

François-Martin Kavel_DP.jpg

Pâle étoile du soir, messagère lointaine,
Dont le front sort brillant des voiles du couchant,
De ton palais d'azur, au sein du firmament,
Que regardes-tu dans la plaine?
 
La tempête s'éloigne, et les vents sont calmés.
La forêt, qui frémit, pleure sur la bruyère;
Le phalène doré, dans sa course légère,
Traverse les prés embaumés.
 
Que cherches-tu sur la terre endormie?
Mais déjà vers les monts je te vois t'abaisser;
Tu fuis, en souriant, mélancolique amie,
Et ton tremblant regard est près de s'effacer.
 
Étoile qui descends vers la verte colline,
Triste larme d'argent du manteau de la Nuit,
Toi que regarde au loin le pâtre qui chemine,
Tandis que pas à pas son long troupeau le suit, 
 
Étoile, où t'en vas-tu, dans cette nuit immense?
Cherches-tu sur la rive un lit dans les roseaux?
Où t'en vas-tu si belle, à l'heure du silence,
Tomber comme une perle au sein profond des eaux?
 
Ah ! si tu dois mourir, bel astre, et si ta tête
Va dans la vaste mer plonger ses blonds cheveux,
Avant de nous quitter, un seul instant arrête; 
Étoile de l'amour, ne descends pas des cieux!
 

Alfred de Musset, Le saule, dans: Premières poésies (coll. GF/Flammarion, 1998)

image: Francois Martin Kavel, A Summer Rose (french-painters.blogspot.com)

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17/05/2013

Lire les classiques - Mikhaïl Lermontov

Mikhaïl Lermontov

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Lorsque j'entends ta voix
sonore et caressante,
comme un oiseau captif
mon coeur tressaille et chante.
 
Lorsque je vois tes yeux,
tes yeux d'azur profond,
mon âme au-devant d'eux
veut s'élancer d'un bond.
 
Et je veux rire et veux
sangloter tour à tour:
mes bras àton cou blanc
font un collier d'amour
 
*
 
Quand je te vois sourire,
mon coeur s'épanouit,
et je voudrais te dire,
ce que mon coeur me dit!
 
Alors toute ma vie
à mes yeux apparaît:
je maudis, et je prie,
et je pleure en secret.
 
Car sans toi, mon seul guide
sans ton regard de feu
mon passé paraît vide,
comme le ciel sans Dieu.
 

Mikhaïl Lermontov, Le destin du poète, dans: Oeuvres poétiques (L'Age d'Homme, 1985)

traduit du russe par Hemri Grégoire

image: Tatiana Nikolaïevna (http://fr.wikipedia.org)

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14/05/2013

Lire les classiques - Léon Tolstoï

Léon Tolstoï

littérature; roman; morceaux choisis; livres

Quand nous restions seuls, ce qui d'ailleurs ne nous arrivait pas souvent, je n'éprouvais auprès de lui ni joie, ni agitation, ni d'embarras, tout comme si je m'étais trouvée seule avec moi-même. Je savais très bien que celui qui était là n'était pas le premier venu, quelqu'un d'inconnu, mais bien au contraire un très excellent homme, enfin mon mari, que je connaissais aussi bien que moi-même. J'étais persuadée de savoir à l'avance tout ce qu'il ferait, ce qu'il dirait, toute sa manière de voir, et quand il faisait ou pensait autrement que je m'y fusse attendue, je trouvais tout simplement qu'il s'était trompé; aussi n'attendais-je précisément rien de sa part. En un mot, c'était mon mari, et rien de plus. Il me semblait que les choses étaient telles et devaient être telles, qu'il ne pouvait exister et que même il n'avait jamais existé d'autres rapports entre nous. Quand il s'absentait, surtout dans les premiers temps, j'éprouvais pourtant un terrible isolement, et c'était loin de lui que je ressentais encore avec force toute la valeur de son appui; et de même, quand il revenait, je me jetais avec joie à son cou; mais deux heures s'étaient à peine écoulées que j'avais oublié cette joie et que je ne trouvais plus rien à lui dire.

Dans ces courts instants où une tendresse paisible et tempérée venait à renaître entre nous, il me semblait seulement que ce n'était plus cela, que ce n'était plus ce qui avait si puissamment rempli mon coeur, et il me semblait lire dans ses yeux la même impression. Je sentais qu'il y avait en cette tendresse une limite, qu'il ne voulait pas et que je ne voulais pas non plus franchir. Quelquefois cela me causait du chagrin, mais je n'avais plus le temps de penser sérieusement à quoi que ce fût, et je m'efforçais d'oublier ce chagrin par une variété de distractions dont je ne me rendais même pas clairement compte, mais qui s'offraient perpétuellement à moi. La vie du monde, qui, au commencement, m'avait étourdie par son éclat et la satisfaction qu'elle apportait à mon amour-propre, avait bientôt entièrement dominé tous mes penchants, était devenue pour moi une habitude tout en m'asservissant, et avait occupé dans mon âme toute cette place qui y avait été destinée à abriter le sentiment.

Aussi évitais-je souvent de rester seule avec moi-même dans la crainte d'approfondir ma situation. Tout mon temps, depuis l'heure la plus matinale jusqu'aux heures les plus avancées de la nuit, était pris et ne m'appartenait plus, même si je devais ne pas sortir. Je n'y trouvais ni plaisir, ni ennui, et il me semblait qu'il en avait dû toujours être ainsi. 

Léon Tolstoï, Katia (Nouvelle Bibliothèque Neuchâtel, 1954)

traduit du russe par M. le Comte d'Hauterive

image: Jean-Jacques Henner, Head of a Girl / Brooklyn Museum, USA (commons.wikimedia.org)

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12/05/2013

Lire les classiques - Sully Prudhomme

Sully Prudhomme

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merci à José M

Sans bruit, sous le miroir des lacs profonds et calmes,
Le cygne chasse l'onde avec ses larges palmes,
Et glisse. Le duvet de ses flancs est pareil
A des neiges d'avril qui croulent au soleil;
Mais, ferme et d'un blanc mat, vibrant sous le zéphire,
Sa grande aile l'entraîne ainsi qu'un lent navire.
Il dresse son beau col au-dessus des roseaux,
Le plonge, le promène allongé sur les eaux,
Le courbe gracieux comme un profil d'acanthe,
Et cache son bec noir dans sa gorge éclatante.
Tantôt le long des pins, séjour d'ombre et de paix,
Il serpente, et laissant les herbages épais
Traîner derrière lui comme une chevelure,
Il va d'une tardive et languissante allure;
La grotte où le poète écoute ce qu'il sent,
Et la source qui pleure un éternel absent,
Lui plaisent: il y rôde ; une feuille de saule
En silence tombée effleure son épaule;
Tantôt il pousse au large, et, loin du bois obscur,
Superbe, gouvernant du côté de l'azur,
Il choisit, pour fêter sa blancheur qu'il admire,
La place éblouissante où le soleil se mire.
Puis, quand les bords de l'eau ne se distinguent plus,
A l'heure où toute forme est un spectre confus,
Où l'horizon brunit, rayé d'un long trait rouge,
Alors que pas un jonc, pas un glaïeul ne bouge,
Que les rainettes font dans l'air serein leur bruit
Et que la luciole au clair de lune luit,
L'oiseau, dans le lac sombre, où sous lui se reflète
La splendeur d'une nuit lactée et violette,
Comme un vase d'argent parmi des diamants,
Dort, la tête sous l'aile, entre deux firmaments.
 

Sully Pruhomme, Le cygne, dans:  Les solitudes - Poésies (L'Harmattan, 1995)

image: Lugano / Tessin, Suisse (2012)

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03/05/2013

Lire les classiques - Alphonse de Lamartine

Alphonse de Lamartine

littérature; poésie; anthologie; livres

Il est un nom caché dans l'ombre de mon âme, 
Que j'y lis nuit et jour et qu'aucun oeil n'y voit, 
Comme un anneau perdu que la main d'une femme 
Dans l'abîme des mers laissa glisser du doigt.
 
Dans l'arche de mon coeur, qui pour lui seul s'entrouvre, 
Il dort enseveli sous une clef d'airain; 
De mystère et de peur mon amour le recouvre, 
Comme après une fête on referme un écrin.
 
Si vous le demandez, ma lèvre est sans réponse, 
Mais, tel qu'un talisman formé d'un mot secret,
Quand seul avec l'écho ma bouche le prononce, 
Ma nuit s'ouvre, et dans l'âme un être m'apparaît.
 
En jour éblouissant l'ombre se transfigure;
Des rayons, échappés par les fentes des cieux, 
Colorent de pudeur une blanche figure 
Sur qui l'ange ébloui n'ose lever les yeux.
 
C'est une vierge enfant, et qui grandit encore; 
Il pleut sur ce matin des beautés et des jours; 
De pensée en pensée on voit son âme éclore, 
Comme son corps charmant de contours en contours.
 
Un éblouissement de jeunesse et de grâce 
Fascine le regard où son charme est resté. 
Quand elle fait un pas, on dirait que l'espace
S'éclaire et s'agrandit pour tant de majesté.
 
Dans ses cheveux bronzés jamais le vent ne joue. 
Dérobant un regard qu'une boucle interrompt, 
Ils serpentent collés au marbre de sa joue, 
Jetant l'ombre pensive aux secrets de son front.
 
Son teint calme, et veiné des taches de l'opale, 
Comme s'il frissonnait avant la passion, 
Nuance sa fraîcheur des moires d'un lis pâle, 
Où la bouche a laissé sa moite impression.
 
Sérieuse en naissant jusque dans son sourire,
Elle aborde la vie avec recueillement; 
Son coeur, profond et lourd chaque fois qu'il respire, 
Soulève avec son sein un poids de sentiment.
 
Soutenant sur sa main sa tête renversée,
Et fronçant les sourcils qui couvrent son oeil noir, 
Elle semble lancer l'éclair de sa pensée 
Jusqu'à des horizons qu'aucun oeil ne peut voir.
 
Comme au sein de ces nuits sans brumes et sans voiles,
Où dans leur profondeur l'oeil surprend les cieux nus,
Dans ses beaux yeux d'enfant, firmament plein d'étoiles, 
Je vois poindre et nager des astres inconnus.
 
Des splendeurs de cette âme un reflet me traverse;
Il transforme en Éden ce morne et froid séjour. 
Le flot mort de mon sang s'accélère, et je berce 
Des mondes de bonheur sur ces vagues d'amour.
 
- Oh! dites-nous ce nom, ce nom qui fait qu'on aime; 
Qui laisse sur la lèvre une saveur de miel! 
- Non, je ne le dis pas sur la terre à moi-même; 
Je l'emporte au tombeau pour m'embellir le ciel.
 

Alphonse de Lamartine, Un nom, dans: Poésies diverses, précédé de: Méditations poétiques et Nouvelles méditations poétiques (coll. Poésie/Gallimard, 2000)

image: Herbert James Draper, The Gates of Dawn / Detail (arteemtelasaoluis.blogspot.com)

 

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26/04/2013

Lire les classiques - Victor Hugo

Victor Hugo

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Puisque mai tout en fleurs dans les prés nous réclame,
Viens! ne te lasse pas de mêler à ton âme
La campagne, les bois, les ombrages charmants,
Les larges clairs de lune au bord des flots dormants,
Le sentier qui finit où le chemin commence,
Et l'air et le printemps et l'horizon immense,
L'horizon que ce monde attache humble et joyeux
Comme une lèvre au bas de la robe des cieux!
Viens! et que le regard des pudiques étoiles
Qui tombe sur la terre à travers tant de voiles,
Que l'arbre pénétré de parfums et de chants,
Que le souffle embrasé de midi dans les champs,
Et l'ombre et le soleil et l'onde et la verdure,
Et le rayonnement de toute la nature
Fassent épanouir, comme une double fleur,
La beauté sur ton front et l'amour dans ton coeur!
 

Victor Hugo, Leschants du crépuscule, suivi de: Les Voix intérieures - Les Rayons et les Ombres (coll. Poésie/Gallimard, 2002)

image: Claude Monet, Champ d'avoine et coquelicots (http://lacouleurdesjours.blogspot.ch)

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20/04/2013

Lire les classiques - Théophile de Viau

Théophile de Viau

littérature; poésie; anthologie; livres

Heureux, tandis qu’il est vivant,
Celui qui va toujours suivant
Le grand maître de la nature
Dont il se croit la créature.
Il n’envia jamais autrui,
Quand tous les plus heureux que lui
Se moqueraient de sa misère,
Le rire est toute sa colère.
Celui-là ne s’éveille point
Aussitôt que l’Aurore point
Pour venir, des soucis du monde,
Importuner la terre et l’onde.
Il est toujours plein de loisir,
La justice est tout son plaisir,
Et, permettant en son envie
Les douceurs d’une sainte vie,
Il borne son contentement
Par la raison tant seulement.
L’espoir du gain ne l’importune,
En son esprit est sa fortune ;
L’éclat des cabinets dorés,
Où les princes sont adorés,
Lui plaît moins que la face nue
De la campagne ou de la nue.
La sottise d’un courtisan,
La fatigue d’un artisan,
La peine qu’un amant soupire,
Lui donne également à rire.
Il n’a jamais trop affecté
Ni les biens ni la pauvreté;
Il n’est ni serviteur ni maître,
Il n’est rien que ce qu’il veut être.
Jésus-Christ est sa seule foi.
Tels seront mes amis et moi.
 

Théophile de Viau, Ode, dans: Petite bibliothèque de poésie, coffret hors série de 12 volumes - Choix de André Velter (coll. Poésie/Gallimard et Télérama, 2013)

image: Tiziano Vecelli, Sagesse (http://fr.wahooart.com)

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16/04/2013

Lire les classiques - Arthur Rimbaud

Arthur Rimbaud

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Oisive jeunesse
A tout asservie,
Par délicatesse
J'ai perdu ma vie.
Ah! Que le temps vienne
Où les coeurs s'éprennent.
 
Je me suis dit: laisse,
Et qu'on ne te voie:
Et sans la promesse
De plus hautes joies.
Que rien ne t'arrête,
Auguste retraite.
 
J'ai tant fait patience
Qu'à jamais j'oublie;
Craintes et souffrances
Aux cieux sont parties.
Et la soif malsaine
Obscurcit mes veines.
 
Ainsi la prairie
A l'oubli livrée,
Grandie, et fleurie
D'encens et d'ivraies
Au bourdon farouche
De cent sales mouches.
 
Ah! Mille veuvages
De la si pauvre âme
Qui n'a que l'image
De la Notre-Dame!
Est-ce que l'on prie
La Vierge Marie?
 
Oisive jeunesse
A tout asservie,
Par délicatesse
J'ai perdu ma vie.
Ah! Que le temps vienne
Où les coeurs s'éprennent!

Arthur Rimbaud, Oeuvres complètes (coll. GF/Flammarion, 2010)

image: Caspar David Friedrich, Chalk Cliffs on Rügen / 1830 (bartongalleries.com)

23:17 Écrit par Claude Amstutz dans Lire les classiques, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; poésie; anthologie; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |