02/08/2012
Lire les classiques - H.B. dit Stendhal
H.B. dit Stendhal
Octave regardait les grands yeux d'Armance qui se fixaient sur les siens. Tout à coup ils comprirent un certain bruit qui depuis quelque temps frappait leur oreille sans attirer leur attention. Madame d'Aumale, étonnée de l'absence d'Octave, et trouvant qu'il lui manquait, l'appelait de toutes ses forces. On vous appelle, dit Armance, et le ton de voix brisé avec lequel elle dit ces mots si simples, eût appris à tout autre qu'Octave l'amour qu'on avait pour lui. Mais il était si étonné de ce qui se passait dans son coeur, si troublé par le beau bras d'Armance à peine voilé d'une gaze légère qu'il tenait contre sa poitrine, qu'il n'avait d'attention pour rien. Il était hors de lui, il goûtait les plaisirs de l'amour le plus heureux, et se l'avouait presque. Il regardait le chapeau d'Armance qui était charmant, il regardait ses yeux.
Jamais Octave ne s'était trouvé dans une position aussi fatale à ses serments contre l'amour. Il avait cru plaisanter comme de coutume avec Armance, et la plaisanterie avait pris tout à coup un tour grave et imprévu. Il se sentait entraîné, il ne raisonnait plus, il était au comble du bonheur. Ce fut un de ces instants rapides que le hasard accorde quelquefois, comme compensation de tant de maux, aux âmes faites pour sentir avec énergie. La vie se presse dans les coeurs, l'amour fait oublier tout ce qui n'est pas divin comme lui, et l'on vit plus en quelques instants que pendant de longues périodes.
H.B. dit Stendhal, Armance (coll. Folio/Gallimard, 1975)
image: Marie Laurencin, Jeune femme (etude-gestas-carrere.com)
06:29 Écrit par Claude Amstutz dans H.B. dit Stendhal, Lire les classiques, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; roman; morceaux choisis; livres | | Imprimer | Facebook |
17/07/2012
Lire les classiques - Charles Baudelaire 1b
Charles Baudelaire
Si toutes les poèmes de Baudelaire supportent mal une mise en musique, celle-ci, signée Léo Ferré, est en revanche une réussite...
23:24 Écrit par Claude Amstutz dans Chansons inoubliables, Charles Baudelaire, Lire les classiques, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : littérature; poésie; chanson; variétés | | Imprimer | Facebook |
Lire les classiques - Charles Baudelaire 1a
Charles Baudelaire
Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercleSur l'esprit gémissant en proie aux longs ennuis,Et que de l'horizon embrassant tout le cercleIl nous verse un jour noir plus triste que les nuits; Quand la terre est changée en un cachot humide,Où l'Espérance, comme une chauve-souris,S'en va battant les murs de son aile timideEt se cognant la tête à des plafonds pourris; Quand la pluie étalant ses immenses traînéesD'une vaste prison imite les barreaux,Et qu'un peuple muet d'infâmes araignéesVient tendre ses filets au fond de nos cerveaux, Des cloches tout à coup sautent avec furieEt lancent vers le ciel un affreux hurlement,Ainsi que des esprits errants et sans patrieQui se mettent à geindre opiniâtrement. Et de longs corbillards, sans tambours ni musique,Défilent lentement dans mon âme; l'Espoir,Vaincu, pleure, et l'Angoisse atroce, despotique,Sur mon crâne incliné plante son drapeau noir.
Charles Baudelaire, Les fleurs du mal / Oeuvres complètes (Bibliothèque de la Pléiade/Gallimard, 1961)
image: spleenetideaux.canalblog.com
23:13 Écrit par Claude Amstutz dans Charles Baudelaire, Lire les classiques, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie; anthologie; livres | | Imprimer | Facebook |