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20/02/2010

Carlos Liscano

Bloc-Notes, 20 février / Les Saules

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Carlos Liscano ne figure pas parmi les auteurs sud-américains les plus connus et c’est bien dommage, car cet écrivain uruguayen qui a connu treize années de captivité à la suite de son arrestation à Montevideo par le régime militaire en 1972, doit à sa réclusion une immersion dans la littérature qui lui confère un style tout à fait unique, quelque part entre Louis-Ferdinand Céline et Dino Buzzati : Romans, nouvelles, récits, poésie et théâtre.

En France ont paru La route d’Ithaque en 2005 (Belfond et coll. 10/18), Le rapporteur et autres nouvelles en 2005 (coll. 10/18) Le fourgon des fous en 2006 (Belfond et coll. 10/18), L’impunité des bourreaux en 2007 (Bourin) et son chef d’œuvre à ce jour, Souvenirs de la guerre récente en 2007 (Belfond et coll. 10/18).

Il nous revient aujourd’hui avec un essai, L’écrivain et l’autre. Dans ce dernier, en proie à la paralysie de la plume, à l’impossibilité de donner corps à un nouveau roman, Carlos Liscano s’interroge sur le métier d’écrivain, son lien à la littérature, de même que son rapport à la liberté, à la vie réelle, à la solitude, à la création.

De l’écriture, il nous dit qu'elle est : Une petite goutte à peine tombée du compte-gouttes. La faire couler, la pousser avec la pointe de la plume. Trouver une forme qui rappelle quelque chose, un visage, une situation. Puis la perdre parce qu’une autre ligne la traverse. Et repartir à la recherche, essayer à nouveau de trouver dans le noir sur le blanc autre chose que le hasard ou l’ennui.

Plus loin, sur le métier, il ajoute : Nous, les petits écrivains, nous savons que nous avons les mêmes inquiétudes et les mêmes souffrances que les grands. Cela ne fera pas de nous des grands, jamais. Mais nous ne pouvons que le reconnaître et continuer.

Même chez nous autres, qui nous essayons - maladroitement la plupart du temps - à la correspondance, aux papiers d’opinion ou aux passions partagées, le miroir qui nous est tendu prête à réfléchir : Ecrire sur l’écrivain et sur la littérature, est-ce de la littérature ? Ce n’est peut-être qu’un prétexte, raconter pour se raconter. Parce que c’est aussi de cette façon qu’on peut prétendre à devenir un autre, qu’on peut prétendre à dire : Je suis là, j’essaie de raconter la seule chose qui ait vraiment du sens, à savoir le combat contre la mort, le désir ardent de tout voir avant de disparaître, de laisser un témoignage de ce que j’ai vu.

L’écrivain et l’autre respire d’une sincérité, d’une recherche, d’une lucidité dont bien des auteurs actuels – francophones, surtout ! – enfermés dans un système d’écriture ou une construction littéraire privée de sens, pourraient s'inspirer, eux qui n’ont bien souvent plus rien à nous dire. Ce qu’on pourrait désigner comme le mensonge en littérature, à soi-même pour commencer, envers le lecteur ensuite...

A Carlos Liscano revient le mot de la fin : Tout récemment, j’ai de nouveau lu par plaisir. Je sens que c’est là que se trouve tout ce dont j’ai besoin pour vivre. Je commence à comprendre pourquoi je ne peux plus écrire : je n’ai plus rien à dire, mais autrefois je pensais que si. Aujourd’hui, je ne le pense même plus.

Un grand monsieur, ne le pensez-vous pas?

Carlos Liscano, L'écrivain et l'autre (Belfond, 2010)

publié dans Le Passe Muraille no 82 - juin 2010

00:06 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Le Passe Muraille, Littérature étrangère, Littérature sud-américaine | Lien permanent | Commentaires (0) | |  Imprimer |  Facebook | | |

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