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15/03/2010

In memoriam

 

Bloc-Notes, 15 mars / Les Saules

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Au cours de l’été 1981, j’ai eu le plaisir de vivre un des moments inoubliables de mon métier de libraire, en accueillant pour une rencontre avec ses lecteurs, dans une librairie des rues basses à Genève - aujourd’hui remplacée par une pharmacie – Yves Navarre, à la parution de son texte Biographie, chez Flammarion.

J’avais été conquis par son extrême sensibilité, sa discrétion, son charme un peu suranné – il dédicaçait ses ouvrages avec une plume Mont-Blanc - et une disponibilité rare. Venu tout exprès du Midi, il avait pris soin de prendre son temps avec tous ses fans ayant fait le déplacement pour cette visite exceptionnelle, dense, émouvante au-delà des mots.

Cela explique la douleur éprouvée à sa mort – il a mis fin à ses jours – un certain 24 janvier 1994, à l’âge de 54 ans.

Mais qui donc – parmi les jeunes – sait encore qui est cet écrivain exhumé dont la plupart des livres sont épuisés ? Je vais donc vous en dire un peu plus. Yves Navarre compte une quarantaine de publications à son catalogue – romans, pièces de théâtre, récits autobiographiques – parmi lesquels je mettrai en exergue quelques titres, recensés sur ce blog, méritent de survivre au pouvoir implacable des ans et… des éditeurs: Evolène écrit en 1972 (de magnifiques pages sur l’enfance, les paysages suisses et Ramuz), Les loukoums en 1973 (une préfiguration des années sida) et surtout Le cœur qui cogne en 1974 dont émane, aux côtés de Je vis où je m’attache en 1978 et Le jardin d’acclimatation en 1980 (prix Goncourt) une atmosphère très mauriacienne. Son roman le plus personnel – dans l’équilibre trouvé entre le style et la force des sentiments – est, en ce qui me concerne, Le temps voulu écrit en 1979 (la passion confrontée à la solitude, à l’attente, à l’absence) auquel fera écho Ce sont amis que vent emporte (le stade terminal du sida dans un couple) en 1991.

Si l’œuvre d’Yves Navarre est inexistante sur les rayonnages des librairies, à qui donc la faute ? Aux grandes maisons d’édition surtout – Flammarion et Robert Laffont en tête, Albin Michel et le Livre de poche ensuite – qui ont passé à autre chose... Au diktat de la nouveauté ensuite, qui privilégie bien souvent le traitement des standards, de l'actualité ou des célébrités du jour, tant chez les libraires que dans les sphères médiatiques.

Fort heureusement, les éditions H&O ont réédité certains de ses récits – pas forcément les meilleurs à ce jour – parmi lesquels Le jardin d’acclimatation en 2009, introuvable depuis de nombreuses années.

Autre bonne nouvelle, celle du site officiel de ce grand amoureux des chats  - http://www.yvesnavarre.ch - très complet, régulièrement mis à jour, comportant de nombreux textes téléchargeables au format PDF.

Il vaut vraiment la peine de (re-)découvrir cet auteur injustement réduit à son homosexualité, relégué aux oubliettes, dont les propos dépassent – et de loin – sa quête personnelle et dont les interrogations n'ont rien perdu de leur modernité.

Un roman ne se raconte pas, il se vit. A chacun son émotion, des bruits de pas dans les aiguilles de pin. (Le temps voulu)

copiez le lien ci-dessous, et retrouvez un document rare de l'INA consacré à Yves Navarre:

http://www.ina.fr/art-et-culture/litterature/video/I00001223/interview-d-yves-navarre-prix-goncourt-1980.fr.html

00:05 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Charles Ferdinand Ramuz, In memoriam, Littérature francophone, Yves Navarre | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; auteur | |  Imprimer |  Facebook | | |

Commentaires

Merci beaucoup, pour cet article relié par Barbara Femme-Piano, qui me remet en mémoire cet auteur Yves Navarre trop méconnu, j'ai lu il y a plusieurs années Le jardin d'acclimatation, je ne connais pas le reste de son oeuvre. Grace à vous je vais m'y intérésser. Merci Monsieur, merci à Barbara

Écrit par : Duc | 02/04/2010

Les commentaires sont fermés.