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05/06/2012

Donna Leon 1b

Bloc-Notes, 5 juin / Les Saules

En complément à la présentation du livre-CD de Donna Leon consacré à Georg Friedrich Haendel, voici Vieni, o caro, che senza il tuo cuore de l'opéra Rinaldo de Georg Friedrich Haendel, avec Ann Hallenberg et l'orchestre Il Complesso Barocco, sous la direction de Alan Curtis. Cet extrait ne figure pas sur le CD d'accompagnement!


Donna Leon, Le bestiaire de Haendel (Calmann-Lévy, 2012)

00:38 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Georg Friedrich Haendel, Musique classique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique classique | |  Imprimer |  Facebook | | |

21/05/2012

Luigi Carletti

Bloc-Notes, 21 mai / Les Saules

 littérature; roman; policier; livres

Plantons le décor. Nous sommes à Rome, de nos jours, dans un ensemble résidentiel dont les différentes habitations, convergent vers une piscine commune. Son nom: la Villa Magnolia. Paisible, avec ses chênes verts, péchers, cèdres, oliviers, cyprès et magnolias, une fois franchi le grand portail de fer forgé. Les gens qu'on y côtoie sont de ceux que l'on s'attend à trouver en pareil endroit: Lele et Lorena Mortella, de prospères commerçants; Nino Laporta, un avocat; Flaminia Devoto, une blonde presque rousse, grande et mince, avec des yeux qu'on dirait des feux de signalisation; enfin Rosario Sangiusti, le maître nageur, un incorrigible bavard.

Mais l'homme qui nous intéresse - le narrateur - se nomme Filippo, fils du défunt général Evandro Ermini. Une famille respectable et sans histoires qui, pourtant, a vécu deux drames. Le premier: le suicide de la mère de Filippo. Le second: l'accident dont, à bord d'une moto, il fut lui-même victime dans sa jeunesse - un chauffard ayant pris la fuite - le laissant invalide, pour toujours. Auprès de lui, veille Isidro, l'Indispensable, un péruvien secret et dévoué à sa famille dont le pendentif, un oeil-de-tigre, inspire paix et prospérité.

Et voici que surgit dans cette communauté un nouveau personnage, Rodolfo Raschiani, un architecte dit-on: grand, presque chauve, l'allure d'un homme déterminé. Puis deux voyous agressant la belle Flaminia, éconduits par Rodolfo, qu'on retrouve un peu plus tard carbonisés dans leur voiture. Filippo est intrigué par ce séducteur, fascinant et raffiné dont le signe caractéristique peut se résumer à un dos ravagé par trois scarifications entre les omoplates et dont chaque entaille mesure au moins vingt centimètres. Inconnu de la planète Internet, qui est-il donc, cet homme si vite devenu indispensable à tous? Un exécuteur des basses oeuvres, un homme de la Mafia, un soldat de l'ombre?  

Il semble tout connaître de la Villa Magnolia, de ses résidents et surtout de Filippo avec lequel il veut entretenir une relation privilégiée. Sincère ou manipulateur? Avec cette amitié naissante - bien qu'obscure - Filippo voit ressurgir les fantômes de son passé: Christina, la petite amie de sa jeunesse - avant l'accident - qui embaumait la ferveur et l'inconscience, aujourd'hui fiancée à l'ingénieur Raniero Genovese; Alessia, la belle de Lombardie et ancienne camarade d'études, qui s'invite dans sa vie, avec une boîte de chocolats et une bouteille de champagne.

Mais surtout, à propos du drame qui a cloué le destin de Filippo, Rodolfo sait... Dès lors tout bascule dans ce décor qui rappelle le film d'Alfred Hitchcock, Fenêtre sur cour, mais avec des protagonistes plus complexes dont les frontières entre le bien et le mal sont trompeuses au fil d'une histoire captivante comme une partie d'échecs où chaque personnage tient sa place, réservant son lot de surprises ou de révélations, jusqu'à la dernière ligne, avec ces mots, Levàntate hermano, dont le sens n'échappe qu'à ceux - paresseux - qui ont sauté directement à la conclusion du livre!

Peut-on considérer comme un ami celui qui fouille dans votre passé et vous met à nu? Un type qui se démène pour vous sauver la peau, et qui la sauve pour de bon? Parce que vous lui êtes utile? Un homme qui vous insulte parce que votre horizon est bouché? Parce que vous fuyez le passé et craignez l'avenir?

Mais il arrive que les dieux fassent preuve de clémence, à moins que l'oeil-de-tigre n'inverse, mystérieusement, le cours un peu trop prévisible du destin...  

Luigi Carletti est journaliste et travaille dans de nombreux quotidiens du groupe L'Espresso. Il est l'auteur de cinq romans, dont Prison avec piscine est le premier traduit en France.

Luigi Carletti, Prison avec piscine (Liana Levi, 2012)

site Internet de l'auteur - http://www.luigicarletti.com

17/05/2012

Jean-Louis Kuffer

Bloc-Notes, 17 mai / Lausanne

littérature; essai; livres

Il m'arrive de ne pas lire la préface des livres qui, souvent, se perd en bavardages insipides et sans intérêt, sinon pour l'auteur lui-même! Rien de tout cela avec celle de ces Chemins de traverse - Lectures du monde 2000-2005 qu'on pourrait résumer par ces mots empruntés à Charles-Albert Cingria: Observer c'est aimer, cités par Jean-Louis Kuffer dans son introduction. Et c'est bien de cela qu'il s'agit dans cette cristallisation de la mémoire faite de rencontres, de notes de voyages, de regards portés au-delà de la surface des êtres et des choses, comme il l'a déjà fait dans les trois volumes précédents: Les passions partagées - Lectures du monde 1973-1992, L'ambassade du papillon - Carnets 1993-1999 et Les riches heures - Blog-Notes 2005-2008.

Cette célébration de la vie, de l'amour et des arts emprunte cette fois-ci une forme plus structurée que dans les volumes précédents, mais on y retrouve toujours ces éclairages qui doivent autant à la peinture qu'à la littérature, avec ce souci de coller au plus près de la vérité - la sienne - et ce soin apporté aux détails comme chez Charles-Albert Cingria, qui tissent un ensemble cohérent de joies et de peines mêlés ne laissant jamais le lecteur indifférent: Délivre-toi de ce besoin d'illimité qui te défait, rejette ce délire vain qui te fait courir hors de toi. Le dessin de ce visage et de chaque visage est une forme douce au toucher de l'âme et le corps, et la fleur, et les formes douces du jour affleurant au regard des fenêtres, et les choses, toutes les choses qui ont une âme de couleur et un coeur de rose, tout cela forme ton âme et ta prose...

Comme le balancier subtil du temps, la mémoire de Jean-Louis Kuffer se débarrasse peu à peu, au fil des années, des déceptions qui ont entaché certaines de ses amitiés - avec Jacques Chessex, Vladimir Dimitrijevic ou Bernard Campiche - pour n'en vouloir retenir que les moments qui l'ont fait grandir à leurs côtés. On retrouve alors dans ces pages douloureuses toute sa singularité et sa générosité. A vif. De même quand il évoque sa Bonne Amie - ni chienne de garde, ni patte à poussière - ou rend un hommage particulièrement émouvant à sa mère.

Mais Jean-Louis Kuffer reste viscéralement un homme de littérature, insistant sur les aspects originaux de ses auteurs favoris, parmi lesquels on peut citer Georges Simenon, Robert Walser, Charles-Ferdinand Ramuz, Louis-Ferdinand CélinePaul Léautaud. L'ensemble de ces admirations, superposées les unes sur les autres, définissent assez bien l'auteur de ces Chemins de traverse: Un homme attachant, sage en apparence, timide et discret, mais qui doit ressentir un besoin constant de se prouver à lui-même qu'il ne l'est pas tant que ça... Un aspect particulièrement mis en évidence sur son blog Les Carnets de JLK, aux humeurs volontiers irrévérencieuses, parfois rabelaisiennes à souhait, où perce un humour souvent déjanté qui peut surprendre ceux qui ne se frottent pas à ses chroniques quotidiennes sur la planète Internet!

Dans ces Chemins de traverse, chacun peut y retrouver ses propres résonances intimes: la rébellion contre le langage creux, les convenances, la médiocrité ou l'inacceptable. De même que dans ce mal au monde qu'on ne peut s'empêcher de lire et d'aimer, malgré ses noirceurs ou ses signes de désolation: On repart chaque matin de ce lieu d'avant le lieu et de ce temps d'avant le temps, au pied de ce mur qu'on ne voit pas, avec au coeur tout l'accablement et tout le courage d'accueillir le jour qui vient et de l'aider, comme un aveugle, à traverser les heures...

Et si c'était cela, le secret de l'éternelle jeunesse du coeur?

Jean-Louis Kuffer, Chemins de traverse - Lectures du monde / 2000-2005 (Olivier Morattel, 2012)

Le blog de Jean-Louis Kuffer: http://carnetsdejlk.hautetfort.com/

image: "La Désirade" - Villard-sur-Chamby, Suisse (Jean-Louis Kuffer)

05/05/2012

Marc Michel-Amadry

Bloc-Notes, 5 mai / Les Saules

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Etes-vous tentés par une lecture agréable, sympathique, qui distille des pilules de bonheur comme d'autres un remède contre l'urticaire? Alors, vous voilà servis par ce premier roman écrit par un certain Marc-Michel Amadry, Deux zèbres sur la 30e Rue.

Au début de cette histoire, voici James, un fataliste, un peu désabusé, qui s'est fabriqué une carapace, depuis que sa femme l'a quitté, sans que par ailleurs cela l'attriste vraiment. Il est reporter - entre autres - au New York Times. Ce dernier lui demande d'effectuer un reportage à Gaza, et là, il rencontre un homme qui va changer sa vie: Mahmoud, un monsieur aux grands yeux bleus, d'une cinquantaine d'années qui n'arrête pas de sourire sous sa barbe grisonnante. Il est directeur du zoo de la ville et sa célébrité locale, il la droit à deux zèbres plutôt curieux, aux lignes noires et blanches un peu bizarres qui amusent les enfants de Palestine et déclenchent chez tous - y compris James - un irrésistible fou-rire communicatif, car ils hénissent... en successeurs pauvres de deux vrais zèbres morts de faim à la suite d'une offensive israélienne.

Son zoo, Mahmoud l'appelle le zoo de la joie: Il avait compris que sans magie, la vie n'est rien. Sans utopie, le cynisme gagne. Mahmoud, à lui seul, redonnait espoir en l'humanité. Et James se décide à l'aider. Il s'empare de ce fait divers qui est pour lui davantage qu'un symbole: une source capable d'insuffler du rêve et un sentiment de paix dans la vie de chacun. Ainsi donc, ils se rendent tous deux à New York où à travers un réseau de personnes influentes, leur est promis le don d'un couple d'éléphants, des lions, des antilopes, une girafe, des buffles et même - le top pour Mahmoud - un rhinocéros...

Mais la magie ne s'arrête pas là, car ces deux amis vont croiser leur chemin avec trois autres personnes dont le destin sera scellé par l'histoire de ces deux quadrupèdes un peu louches de Gaza: Jana, en première ligne, une DJ volcanique fascinée et émue par le récit de James trouvant son salut dans ce trompe-l'oeil zoologique, séduite par sa capacité d'émerveillement: Cet homme n'avait rien de lisse, la vie l'avait taillé à coups de serpe et poli avec un papier de verre très grossier. Elle aimait en lui cette rugosité, son caractère entier et son goût d'absolu.

Puis nous rencontrons Mathieu, consultant pour un cabinet de stratégie, follement épris de Mina, une artiste-peintre qui redoute de s'engager dans leur histoire d'amour naissante: Elle lui donnait du courage et l'envie de partir à la conquête de l'inaccessible. Depuis qu'il la connaissait, il voulait décrocher la lune, et même mieux: les anneaux de Saturne, pour que sa bien-aimée puisse jouer au hula-hoop avec eux. Pour la séduire, il choisira de lui écrire une histoire: celle de ces drôles de zèbres...

Ce récit ressemble à un conte pour grandes personnes, plein de charme et d'éclat, à l'humour un peu décalé, d'une tendresse légère qui réconcilie avec les humeurs du monde. C'est aussi un merveilleux roman d'amour où la petite histoire rejoint la grande. Jana confiera à James: Si on se marie, j'aimerais qu'on le fasse dans un zoo. Devant le parc des zèbres. Et Mila, sous un autre angle, ne dira pas autre chose: Mathieu et moi, nous sommes plus que jamais ces drôles de zèbres. Nous avons toujours été différents des autres, à vouloir vivre nos vies en dehors des conventions, en nous sentant libres.

Un petit bijou que ce livre et un cadeau idéal pour la Saint Valentin!

Marc-Michel Amadry, Deux zèbres sur la 30e Rue (Héloïse d'Ormesson, 2012)

00:24 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; roman; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

22/04/2012

Vénus Khoury-Ghata

Bloc-Notes, 22 avril / Les Saules

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Vénus Khoury-Gata occupe une place discrète dans la littérature française. Pourtant, cette romancière et poétesse née en 1937 au nord du Liban - qui a reçu le Goncourt de la poésie en 2011 - a déjà signé une quarantaine d'ouvrages, parmi lesquels son Anthologie personnelle (Actes Sud, 1997) Les obscurcis (Mercure de France, 2008) et Où vont les arbres (Mercure de France, 2011) consacrés à la poésie. De ses oeuvres en prose, La maison aux orties (Actes Sud, 2006) et Sept pierres pour la femme adultère (Mercure de France, 2007) méritent de retenir l'attention.

Avec Le facteur des Abruzzes, publié au début de cette année, nous est raconté le voyage de Laure partie sur les traces de Luc son mari, mort dix ans plus tôt. Biologiste, il avait fait trois séjours à Malaterra, revenu avec une centaine d'éprouvettes et des prélévements effectués sur des Albanais implantés dans la région depuis des siècles, tous dotés d'un même groupe sanguin, O négatif. Dans un premier temps observée avec méfiance par les gens du village, elle fera connaissance avec le facteur Yussuf - qui parle de sa bicyclette comme d'une femme - le boulanger Mourad - aux bras qui sentent le feu de bois et une poitrine qui sent la farine chaude - ainsi qu'avec le bouquiniste kosovar qui lui souhaite la bienvenue dans l'enfer de Malaterra. Au coeur du récit, avec son lot de secrets bien gardés et de ses superstitions, s'impose Helena - muette comme le bois de son fusil, comme la margelle de son puits - qui a pendu sa fille deshonorée au figuier du jardin, réclamant son dû depuis trente ans qu'elle est sous terre.

Confrontée aux images d'un Luc qui lui était étranger - il aimait le raki, fumait le narguilé et jouait au trictrac avec les hommes - Laure se réfugiera dans ses notes qui ressemblent à la mousse sur une tombe non entretenue, s'éloignant peu à peu du but de son étrange pélerinage au nom de celui qui appartient désormais à celles qui le nourissaient et le faisaient rire auprès de ses frères en insoumission. 

Ce roman est truffé d'images sensuelles respirant l'authenticité, telles la réflexion du bouquiniste sur le livre: Il n'est pas nécessaire, dit-il, de lire un livre pour en connaître l'histoire. Les légendes circulent mieux à l'air libre, elles voyagent sur la voix, de bouche en bouche, de pays en pays. Les légendes n'ont pas besoin d'alphabet pour exister. Il faut regarder les pages comme on regarde une personne aimée, suivre les lignes du doigt sans essayer d'en déchiffrer l'écriture. Pareil à un animal familier, le livre a besoin d'être apprivoisé. Il faut le humer, le toucher, le caresser dans le sens du poil pour le connaître.

Un brin philosophe, Yussuf ajoute, à propos du langage: Mettre les mots sur des mots ne construit pas une maison, ne fait pas grandir un enfant ou un arbre, ne laboure pas un champ ni n'empêche les sauterelles de dévorer toute une récolte de maïs. Les pages qu'on écrit sur une table ne changent pas la forme de la table mais font exploser le cerveau de celui qui écrit. trop de mots fissurent le crâne et raccourcissent la vie

Le facteur des Abruzzes rappelle par son atmosphère le roman de Sylvie Tanette, Amalia Albanesi, paru chez le même éditeur, voici un an, et qui a fait en son temps l'objet d'une présentation dans ces colonnes.

Tout me ramène à toi parmi ces gens qui ne te connaissent pas, ne te ressemblent pas, ne parlent pas la même langue que toi... Mon pauvre amour, me pardonneras-tu un jour d'avoir manqué de temps pour t'aimer? Mon amour, souviens-toi de nous... se confie Luc dans une lettre à Laure qui ne quittera jamais les Abruzzes. Un autre mystère caché dans les arbres de Malaterra...

Une bien belle histoire, servie par une écriture chaleureuse et pleine de grâce, comme on voudrait en lire plus souvent!

Vénus Khoury-Ghata, Le facteur des Abruzzes (Mercure de France, 2012)

11:20 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; roman; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

15/04/2012

Voix de femmes 1b

Bloc-Notes, 15 avril / Les Saules

Ci-dessous, voici quelques oeuvres photographiques choisies parmi une centaine illustrant ce tour du monde de la littérature féminine intitulé Voix de femmes - Anthologie / Poèmes et photographies du monde entier, témoignant de la diversité d'expression, de talent et de la sensibilité de toutes les femmes.

Brigitte Grignet

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Jane Evelyn Atwood

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Rania Matar

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Elina Brotherus

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Gillian Laub

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Véronique de Viguerie

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Erhan Turgut et Lionel Ray: Voix de femmes - Anthologie / Poèmes et photographies du monde entier (Turquoise, 2011)

Voix de femmes 1a

Bloc-Notes, 15 avril / Les Saules

littérature; poésie; anthologie; livres

Il est des livres que je voudrais porter à la connaissance du plus grand nombre, tant ils sont beaux, tant ils sont réussis, tant ils sont porteurs de germes d'espoir, de talents méconnus et expriment un formidable élan capable de résonner dans le coeur de tous. Tel est l'impression que laisse cet ouvrage intitulé Voix de femmes - Anthologie / Poèmes et photographies du monde entier

Chargé de la réalisation de ce travail éditorial exceptionnel, Erhan Turgut, journaliste, graphiste et dessinateur de presse turc, a déjà collaboré à un autre projet similaire auprès du même éditeur: Non à la guerre - Anthologie / Poésies du monde - Photographies - Histoire qui sera évoqué ultérieurement; et c'est au poète Lionel Ray que revient le mérite de la sélection de ces oeuvres glânées sur les cinq continents, avec un constant souci d'exemplarité et d'éclat. 343 poétesses sont présentées dans Voix de femmes, 477 poèmes, 162 pays et peuples, 49 femmes photographes et 104 photographies de femmes à travers le monde.

Une entreprise tentée par bon nombre d'auteurs et d'éditeurs par le passé mais qui, la plupart du temps, s'est heurtée à une difficulté: celle d'accorder une place, à tout prix, aux écrivains d'un pays peu visité mais souvent au détriment de la qualité des textes, ou au contraire exposant toujours de mêmes auteurs déjà largement représentés dans d'autres anthologies. Rien de tel dans ce volume équilibré dans son choix, dans son classissisme ou sa modernité.

Avec une joie simple et sans fausse modestie, j'observe que plus de 350 poèmes de ce recueil me sont totalement inconnus, qu'ils élargissement mon horizon, me projettent vers d'autres cultures et me sensibilisent à des expressions de la douleur, de la révolte ou de l'amour dont il eut été triste que je ne les découvre pas avant de tirer ma révérence.

Cet ouvrage célèbre aussi la richesse créative des femmes: leur imagination, leur enracinement et leur courage fréquemment masqués, dépréciés et craints dans le paysage culturel, ici comme ailleurs, aujourd'hui comme hier.

Voix de femmes se présente sous la forme d'un album de 384 pages, grand format, relié, sur papier glacé avec parfois des textes sur deux colonnes. J'ajoute que son prix - 38 euros - est plus que raisonnable pour un ouvrage illustré d'une si grande qualité. 

Si vous êtes sensibles à la poésie, demandez à vos amis qu'ils vous offrent cette anthologie pour votre anniversaire, et si vous n'avez pas la patience d'attendre, cherchez-la ou commandez-la auprès de votre libraire préféré: elle vous réservera des moments de rare plénitude et ne quittera sans doute pas votre bibliothèque de si tôt...

Erhan Turgut et Lionel Ray: Voix de femmes - Anthologie / Poèmes et photographies du monde entier (Turquoise, 2011)

12/04/2012

Annie François

Bloc-Notes, 12 avril / Les Saules

littérature; récit; document; livres

Avec Mine de rien s'achève, partiellement inaboutie, cahotante et comme vidée de ses forces, la trilogie par laquelle Annie avait rntrepris de raconter sa vie, considérée sous le triple rapport de ses relations au livre: Bouquiner, puis au tabac: Clopin-Clopant, et enfin à la souffrance. Ainsi s'exprime son compagnon François Chaslin dans ce texte poignant qu'est De guerre lasse, comblant les trous du récit laissés par Annie François elle-même, à la fin de sa vie. Au regard de l'intérieur se superpose ainsi celui du conjoint: deux réalités bouleversantes, intrinsèquement mêlées.

Tout commence donc un ténébreux 8 février 1991, quand les médecins de Annie François diagnostiquent un cancer du sein. Pas de quoi lui ôter le goût de vivre, ni celui pour son travail aux éditions du Seuil, ni la complicité avec François. Elle sait exprimer en revanche, comme nulle autre, l'altération de la fraîcheur et de l'innocence qu'entraîne la maladie quand tout bascule: la concrétisation de l'abstrait, dit-elle. Ainsi que dans ses précédents ouvrages, l'humour - même s'il fait un peu mal dans ce récit - reste une de ses armes favorites, dont elle use comme d'un bouclier fissuré, mine de rien: Tout milite pour réserver ses angoisses à ses médecins et confrères du malheur. C'est ainsi que j'ai créé le club des irradieuses - fort de quatre membres -, partant du principe qu'on ne peut parler de golf qu'avec des golfeurs et de cancers qu'avec des cancéreux. Même là règnent le mensonge, l'esquive, la dérobade. C'est pourtant dans ces cercles très fermés qu'on peut échanger de vraies informations et surtout se livrer à un humour noir salutaire. Je n'ai jamais autant ri qu'avec Domio, Danièle et Catherine

Elle traduit aussi, avec beaucoup de justesse, la sensation du vide et de l'abandon qui suit un cap critique auquel succède un repos temporaire: Après ce combat intense, presque quotidien, centré sur ma bosse alimentaire, on me livre à mes démons intérieurs, qui adorent le vide et détestent l'action, d'où leur prédilection pour la nuit et les insomnies, pour les temps morts, bien nommés.

Si Mine de rien est un hymne formidable à la vie et s'attache à mettre en lumière - même en situation précaire ou dans la souffrance, la rage, le découragement - le bon côté des choses, son auteur n'en délivre pas moins quelques messages qui mériteraient d'être entendus de toute personne proche en pareilles circonstances: L'entourage baigne dans une abominable confusion des sentiments: angoisse et sollicitude, empathie et exaspération, tendresse et brutalité. Et, réciproquement, du malade envers son entourage. Fais gaffe, ma fille, fais gaffe. Ailleurs, Annie François ajoute: Son rôle est bien ingrat; même démoralisé, même ratiboisé d'angoisse et de fatigue, voire moribond, le malade est actif; même attentif, même aux petits soins, l'entourage est passif. L'un est acteur, souvent peu doué pour son rôle; l'autre spectateur qui ne peut ni applaudir ni huer la pièce qui se joue sous ses yeux. Une approche mutuelle à petits pas, qui réduit peu à peu la distance entre la scène et la ville. Le spectacle demeure, mais les amis intimes comprennent mieux les sautes d'interprétation ou d'humeur de l'actrice.

Le pire n'est pas la fuite, qui trahit une sorte de peur de la contagion de la mort, l'anticipation d'une séparation programmée. Non, le pire, c'est la sollicitude forcée, dit-elle encore.

Annie François a tenu le coup pendant dix-huit ans, forte de sa curiosité, de ses passions, de son entourage. Elle s'est éteinte en juin 2009. Ses cendres, mêlées de terreau, ont été enfouies dans un bel endroit, entre les racines d'un arbuste piquant, conformément à ses volontés... 

Annie François, Mine de rien - Autobobographie 
suivi de:
François Chaslin, De guerre lasse
(Seuil, 2012)

09/04/2012

Giuseppe Genna

Bloc-Notes, 9 avril / Les Saules

littérature; roman; policier; livres

Certains livres sont à prendre ou à laisser, tant ils véhiculent des images extrêmes, destabilisantes, une thématique dont on ne sait que penser jusqu'à la fin dernière qui n'en est pas tout à fait une. Tel est le cas de L'année-lumière de Giuseppe Genna, faux roman policier, fiction documentaire, oeuvre onirique préfigurant les temps futurs, faux roman philosophique aux multiples clefs ouvrant les portes sur le mensonge des siècles? A chacun de choisir l'étiquette qui convient, même si, en définitive, ce bouquin inclassable est peut-être tout cela à la fois. Car il faut le suivre, Giuseppe Genna, et l'histoire qu'il nous raconte n'est pas évidente. Alors, commençons par le début, l'intrigue.

L'histoire démarre avec un personnage redoutable, Mentor. On pourrait dire qu'il est dépourvu d'imagination, de créativé, de désir et pourtant, il est aussi redoutable qu'un cobra. Dirigeant influent dans une multinationale des télécommunications - la Komtel - il est malin, pratique un humour dévastateur, ancré dans une réalité où seuls les colossaux bénéfices de l'entreprise lui tiennent lieu de croyance. C'est son jeu d'échecs à lui, sa raison d'être, son emblème de trahison permanente. Bref, rien de shakespearien chez lui. Amoureux de sa femme Maura - une quadragénaire peu préparée aux renversements du destin - il éprouve un certain soir, en face d'elle, le choc de sa vie: Elle est étendue, inerte, elle semble de cire. Une dépouille disposée pour la veillée. Il la secoue, ça ne sert à rien. Il hurle. Puis sent qu'elle est chaude, pas froide. Elle est dans le coma. Que lui est-il donc arrivé? 

Mais d'autres soucis rongent Mentor: Nelson Kinnock tout d'abord, administrateur délégué de la Komtel anglaise, qui rêve de mettre fin au trafic d'influences de Mentor et du Prophète, son alter ego de la branche italienne; l'Affairiste ensuite, venu d'Afrique du Sud, afin de provoquer la chute de Mentor et qui en Maura reconnaît les traits de sa propre épouse Antonya, emportée par un cancer, ce qui va compliquer sa mission.

Le dénominateur commun de toutes les secousses sismiques de cet étrange roman est, en point de mire, le pouvoir dont les tentacules gagnent l'économie, la religion, la politique et s'insinue jusque dans les plus fragiles ou les plus basses oeuvres tel un virus mortel. Tout le monde cache des secrets. Les secrets sont la première marchandise, le premier objet d'échange. C'est l'argent à l'état réel. C'est le moteur du scandale. Le moteur de la tragédie. La tragédie, c'est le scandale qui explose.

Davantage qu'un récit de plus sur les coulisses de la finance, L'année-lumière ouvre à cette parodie du réel qui, à grand renfort d'images, de campagnes marketing et de slogans publicitaires, impose les contours d'une humanité vitrifiée, futuriste, dont l'âme rigidifiée n'est pas sans rapport avec la mer blanche d'Arkhangeslk que Mentor explore à la fin de ce livre: Le pôle magnétique est là, non loin, l'axe de rotation de la planète fore la croûte de glace éternelle. Qui est en train de fondre dans une progression incessante. La précession advient ici, secrète, dans les nuits boréales. Le soleil est toujours bas, ne fait pas fondre les glaces. Chaque rayon de soleil qui arrive ici est une chaîne de lumière froide, condensée dans l'air raréfié.

D'une construction très originale - parfois un peu déroutante - L'année-lumière est servi par une langue acide et explosive et des images fortes, au service d'un autre chapitre à ce meilleur des mondes possibles, alternant avec des moments de pure poésie dans la dernière partie du roman où émerge même - au-delà de la fin, Giuseppe Genna dixit - le Cardinal qui à l'issue du Conclave, apparaît sous les traits de Benoît XVI: Il est seul et ouvre son manteau, et sous son manteau il n'y a pas de corps, et on voit l'univers et toutes les étoiles.

Un monde d'enfer ou de grâce? A travers l'histoire de Maura échappant à ces foyers de mythologie contemporaine - le mensonge érigé en dogme de survie - Giuseppe Genna laisse au lecteur le dernier mot. Et il ne saurait être ni noir, ni blanc...

Giuseppe Genna, né à Milan en 1969, a déjà publié en langue française Sous un soleil de plomb en 2004 et La peau du dragon en 2006, tous deux parus aux éditions Grasset.     

Giuseppe Genna,  L'année-lumière (Métailié, 2012)

08/04/2012

Heureuse fête

Bloc-Notes, 8 avril / Les Saules

Heureuse fête de Pâques à vous tous: famille, proches, amis visibles ou invisibles, promeneurs amoureux au pays des livres, de la musique et des belles émotions de la vie. Un signe discret que ces germes d'espoir, de réconciliation et de joie partagés... Aux grandes orgues de la cathédrale d'Anvers, Peter Van de Velde interprète le choeur final de La passion de Saint Matthieu de Jean-Sébastien Bach, dans sa transcription de Charles-Marie Widor.


00:05 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Jean Sébastien Bach, Musique classique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique classique | |  Imprimer |  Facebook | | |