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03/12/2013

Thérèse Houyoux

Bloc-Notes, 3 décembre / Les Saules

La petite moureuse 1.jpeg

Par le dessin, autour du modèle, nous l'avons connue aux Beaux-Arts de Genève. Dans l'atelier où elle enseignait, des plantes vertes poussaient jusqu'aux poutres de la charpente. Son enthousiasme nous donnait envie et de notre envie, discrètement, elle se nourrissait. Saisons après saisons, Thérèse a tenu ses carnets, noté ses pensées, impressions du jour, du moment, répété des phrases brèves venues d'autres carnets, d'autres vies. Pendant sa maladie, et plus tard, durant sa période de rémission, Thérèse a poursuivi. Elle a noté, mis de l'ordre dans ses notes, et arrangé une à une ses affaires pour ne pas encombrer. Peu avant son décès, le 30 juin 2011, elle nous confiait "La petite moureuse". 

Ainsi est évoquée l'histoire de ce précieux objet intime, La petite moureuse de Thérèse Houyoux - agrémenté de trois dessins de l'auteur - par Yves Berger et Alexandre Loye. Un tracé poétique qui ressemble à un diamant brut, nourri d'instants saisis sur le vif, au fil des heures et des jours, et même si la mort est omniprésente tout au long de ce cheminement intérieur, que ce livre est une célébration de la vie, dont chaque vibration traverse le sommeil, l'angoisse, le corps, la lumière: J'aimerais, quant à moi, une vie plus ténue, une vie de toile d'araignée - couverte de rosée. Partir petit pour devenir grand... se retourner et redevenir petit. Partir de rien - retourner à rien. Ce centre inconnu. Arrivée au bout du peu que je suis.

Plus loin, Thérèse note, de sa chambre d'hôpital: Je vis entre deux soleils au raz de la terre et sous un soleil au haut du ciel, éclatant, au-dessus de ma tête. Le ciel sillonné d'hirondelles. Et surtout, surtout, montant du jardin, le chant du merle quand nous sommes seuls les deux, tôt le matin, tard le soir. Il a chanté tard hier soir - ce matin dès quatre heures et demie. Ce merle que j'ai rencontré et qui a chanté - pour moi? - à deux mètres de moi, à hauteur de visage, à la dernière heure avant ma claustration. Surprise, j'ai dit à voix haute "ah, tu es là". Il n'a pas fui, a continué de chanter.

Bouleversants enfin, ses derniers mots, malgré la mémoire bousculée, la fatigue, la distance qui s'étire et qui marche: Dès aujourd'hui je vis par le sang des autres. J'ai promené ma petite mort à travers champs. Qu'elle en a vu, de belles choses. Et mes chants? Elle les a entendus. Etonnée, la mort, d'être invitée par la vie. Ravie. 

Et je m'arrête ici, car le texte tout entier pourrait être cité: travail de dépouillement et d'effacement, confrontation à l'ombre folle, attitude face à l'inéluctable, mais surtout: un chant du monde et de l'amitié que vous n'oublierez pas de sitôt...

Lisez Thérèse Houyoux qui se décrit comme une chambre douce et vaste où vous êtes tous invités! Malgré sa gravité, ce texte respire d'une tendresse que je n'ai pas reconnue en littérature depuis bien longtemps...

Thérèse Houyoux, La petite moureuse - précédé d'une introduction de Yves Berger et Alexandre Loye, et suivi d'une postface de Denise Mützenberg (Samizdat, 2013)

00:04 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Littérature francophone, Littérature suisse | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; carnets; poésie; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

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