Le poème de la semaine (10/03/2010)
Marie Noël
Quand il est entré dans mon logis clos,
J'ourlais un drap lourd près de la fenêtre,
L'hiver dans les doigts, l'ombre sur le dos...
Sais-je depuis quand j'étais là sans être?
Et je cousais, je cousais, je cousais...
- Mon coeur, qu'est-ce que tu faisais?
Il m'a demandé des outils à nous.
Mes pieds ont couru, si vifs, dans la salle,
Qu'ils tremblaient, - si gais, si légers, si doux, -
Deux petits oiseaux caressant la dalle.
De-ci, de-là, j'allais, j'allais, j'allais...
- Mon coeur, qu'est-ce que tu voulais?
Il m'a demandé du beurre, du pain,
- Ma main en l'ouvrant caressait la huche -
Du cidre nouveau, j'allais et ma main
Caressait les bols, la table, la cruche.
Deux fois, dix fois, vingt fois je les touchais...
- Mon coeur, qu'est-ce que tu cherchais?
Il m'a fait sur tout trente-six pourquoi.
J'ai parlé de tout, des poules, des chèvres,
Du froid et du chaud, des gens, et ma voix
En sortant de moi caressait mes lèvres...
Et je causais, je causais, je causais...
- Mon coeur, qu'est-ce que tu disais?
Quand il est parti, pour finir l'ourlet
Que j'avais laissé, je me suis assise...
L'aiguille chantait, l'aiguille volait,
Mes doigts caressaient notre toile bise...
Et je cousais, je cousais, je cousais...
- Mon coeur, qu'est-ce que tu faisais?
Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle
08:27 Écrit par Claude Amstutz | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie | | Imprimer | Facebook |