15/01/2015
La citation du jour
Virginia Woolf
La demeure possédait sa bibliothèque, une longue salle basse de plafond, tapissée de minces opuscules patinés, d'in-folio et de gros volumes de théologie. Les étagères étaient sculptées d'oiseaux picorant des grappes de fruits en bois... J'aimais cette pièce. J'aimais la vue sur la campagne qu'on avait de la fenêtre et la ligne bleue entre les arbres, au-delà de la lande, était celle de la mer du Nord. J'aimais y lire. On tirait le fauteuil pâle près de l'embrasure de façon que la lumière vienne éclairer la page par-dessus l'épaule.
Virginia Woolf, L'écrivain et la vie (coll. Rivages/Poche, 2008)
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La musique sur FB - 2207 G.M.Monn
Georg Mathias Monn
Sinfonia in G major
L'Arpa Festante
Michi Gaigg
01:22 Écrit par Claude Amstutz dans La musique sur Facebook, Musique classique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique classique; facebook | | Imprimer | Facebook |
14/01/2015
Le poème de la semaine
Paul Eluard
Dans le château des pauvres je n’ai pu t’offrir
Que de dire ton cœur comme je dis mon cœur
Sans ombre de douleur sans ombre de racines
En enfant frère des enfants qui renaîtront
Toujours pour confirmer notre amour et l’amour
Le long effort des hommes vers leur cohésion
Cette chaîne qui sort de la géhenne ancienne
Est soudée à l’or pur au feu de la franchise
Elle respire elle voit clair et ses maillons
Sont tous des yeux ouverts que l’espoir égalise
La vérité fait notre joie écoute-moi
Je n’ai plus rien à te cacher tu dois me voir
Tel que je suis plus faible et plus fort que les autres
Plus fort tenant ta main plus faible pour les autres
Mais j’avoue et c’est là la raison de me croire
J’avoue je viens de loin et j’en reste éprouvé
Il y a des moments où je renonce à tout
Sans raisons simplement parce que la fatigue
M’entraîne jusqu’au fond des brumes du passé
Et mon soleil se cache et mon ombre s’étend
Vois-tu je ne suis pas tout à fait innocent
Et malgré moi malgré colères et refus
Je représente un monde accablant corrompu
L’eau de mes jours n’a pas toujours été changée
Je n’ai pas toujours pu me soustraire à la vase
Mes mains et ma pensée ont été obligées
Trop souvent de se refermer sur le hasard
Je me suis trop souvent laissé aller et vivre
Comme un miroir éteint faute de recevoir
Suffisamment d’images et de passions
Pour accroître le poids de ma réflexion
Il me fallait rêver sans ordre et sans logique
Sans savoir sans mémoire pour ne pas vieillir
Mais ce que j’ai souffert de ne pouvoir déduire
L’avenir de mon cœur fugitif dis-le toi
Toi qui sais comment j’ai tenté de m’associer
A l’espoir harmonieux d’un bonheur assuré
Dis-le toi la raison la plus belle à mes yeux
Ma quotidienne bien-aimée ma bien-aimante
Faut-il que je ressente ou faut-il que j’invente
Le moment du printemps le cloître de l’été
Pour me sentir capable de te rendre heureuse
Au cœur fou de la foule et seule à mes côtés
Nul de nous deux n’a peur du lendemain dis-tu
Notre cœur est gonflé de graines éclatées
Et nous saurons manger le fruit de la vertu
Sa neige se dissipe en lumières sucrées
Nous le reproduirons comme il nous a conçus
Chacun sur un versant du jour vers le sommet
Oui c’est pour aujourd’hui que je t’aime ma belle
Le présent pèse sur nous deux et nous soulève
Mieux que le ciel soulève un oiseau vent debout
C’est aujourd’hui qu’est née la joie et je marie
La courbe de la vague à l’aile d’un sourire
C’est aujourd’hui que le présent est éternel
Je n’ai aucune idée de ce que tu mérites
Sauf d’être aimée et bien aimée au fond des âges
Ma limite et mon infini dans ce minuit
Qui nous a confondus pour la vie à jamais
En nous abandonnant nous étions davantage
Ce minuit-là nous fûmes les enfants d’hier
Sortant de leur enfance en se tenant la main
Nous nous étions trouvés retrouvés reconnus
Et le matin bonjour dîmes-nous à la vie
A notre vie ancienne et future et commune
A tout ce que le temps nous infuse de force
Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle
00:04 Écrit par Claude Amstutz dans Paul Eluard, Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (2) | | Imprimer | Facebook |
13/01/2015
Morceaux choisis - Borisav Stankovic
Borisav Stankovic
C'était au crépuscule. J'avais ouvert les deux fenêtres de la chambre d'amis; assis, je lisais un roman. La lumière passait par les fenêtres et éclairait tout distinctement. Tu es entrée subitement. Tu t'es approchée de moi et de ton coude gauche tu as pris appui sur mon épaule, tandis que de la main droite tu feuilletais le livre que je lisais.
" Tu lis? " m'as-tu demandé en te penchant pour voir ce que je lisais.
Mon regard est tombé par hasard sur ta main et j'ai tressailli à sa vue, car elle était devenue arrondie et encore plus belle. J'ai regardé plus loin et j'ai vu la rondeur de tes bras qui était bien mise en évidence par ton gilet. Puis mes yeux se sont posés sur ton visage, et c'est sulement là que je me suis rendu compte qu'il était plein, clair et transparent; que ton cou n'avait plus de duvet; que ton menton s'était arrondi, rempli, tandis que tes pommettes avaient pris de tendres couleurs. Tes épaules aussi s'étaient arrondies; ta petite poitrine était plus marquée, elle s'était développée; ta taille était devenue fine et bien dessinée. Tu dégageais de la chaleur, de la douceur, et un étrange parfum que jamais plus je n'ai senti durant ma vie.
" Pourquoi me regardes-tu comme cela? " m'as-tu demandé, étonnée.
" Comme ça! " Mes joues pâles et sèches s'étaient empourprées. J'ai tendu mon bras et je t'ai prise par la taille tandis que tu essayais de te dégager en riant de bon coeur.
" Arrête, tu me chatouilles! "
Mes jambes commençaient à trembler. Je t'ai attirée plus fort contre moi alors que tu essayais de reculer; tout en te laissant faire, tu t'es penchée vers moi en chuchotant:
" Mais qu'est-ce que tu veux? "
" Rien! " Puis je t'ai attirée fortement de sorte que ta tête s'est trouvée collée contre la mienne. Ton corps pesait de tout son poids contre le mien. Je t'ai serrée encore plus fort. J'ai voulu tourner ma tête et nos joues se sont frôlées. Sentant mon souffle chaud, tu tremblais en te laissant aller mais soudain tu t'es ressaisie et tu as sauté sur tes jambes.
" Ouf? "
" Attends! " Et je me suis approché vers toi. Les bras levés, tu me regardais stupéfaite, les yeux grands ouverts. Ton visage était étrangement enflammé et illuminé alors que tes yeux s'étaient assombris et s'étaient couverts d'un voile humide. Je me suis dirigé vers toi, mais tu m'as froidement repoussé en t'écriant: " Non! " et tu t'es enfuie.
Depuis ce jour-là, tu avais changé du tout au tout. Rien que ta démarche était plus prudente et plus molle. Les contours de tes formes arrondies devenaient plus doux et plus sensuels, ton visage devenait plus expressif, tes lèvres plus rouges et leurs contours plus foncés et plus marqués.
Nous nous voyions quand même, et tous les jours, mais tu ne m'approchais plus aussi librement qu'avant! Tu évitais de te retrouver seule avec moi. Comme si je te faisais peur. Nos caresses et nos mots doux avaient cessé. Ton visage devenait souvent mélancolique. Je te surprenais souvent, alors que tu balayais notre cour, debout, appuyée contre un poteau, le balai par terre et la tête baissée pendant que tu essuyais ton front et que tu arrangeais tes cheveux, doucement, péniblement. Tes lèvres étaient crispées et on devinait une envie de pleurer plutôt que de rire.
Borisav Stankovic, La rose fanée (L'Age d'Homme, 2001)
00:10 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature étrangère, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; roman; livres | | Imprimer | Facebook |
12/01/2015
La citation du jour
Jean de La Bruyère
L'on me dit tant de mal de cet homme, et j'y en vois si peu, que je commence à soupçonner qu'il n'ait un mérite importun qui éteigne celui des autres.
Jean de La Bruyère, Les Caractères ou les Moeurs de ce siècle (coll. Folio/Gallimard, 1975)
00:08 Écrit par Claude Amstutz dans La citation du jour | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : citations; livres | | Imprimer | Facebook |
11/01/2015
Morceaux choisis - Andrée Chedid
Andrée Chedid
Au bout de ce voyage, nos chemins se rejoignent, et j'évoque, une fois encore, ces deux fleuves que nous avons tant aimés. Je repense à ces eaux, tellement pétries de sens, qui charrient aussi l'image de nos vies divergentes et complices, de nos vies dissemblables et accordées.
Avec toi, je me glisse en cette terre d'Egypte, si stable et si continue, mais non dénuée de déchirures, d'où nous venons tous les deux. Avec toi, je pénètre en cette ville de Paris, si fascinante et si rebelle, vers où nous portaient nos désirs.
En leurs réalités, comme en leur mystère, l'une et l'autre, me semble-t-il, se sont gravées dans nos tempéraments faits à la fois de dissidences et de fortes retrouvailles, de différences et d'inusable harmonie.
Ainsi va le corps à la poursuite de l'existence, de l'ailleurs et de l'autre, puis vers sa progressive dissolution. Ainsi demeure le coeur, fidèle à ses visages et à ses lieux privilégiés. Ainsi coulent le Nil et la Seine, lointains et proches.
Ainsi s'écoulent nos vies, si diverses et si durablement reliées.
Andrée et Louis Antoine Chedid, Le coeur demeure (Stock, 1999)
image: Nicolas de Staël, Sicile (himalayalpes.wordpress.com)
00:01 Écrit par Claude Amstutz dans Andrée Chedid, Littérature francophone, Morceaux choisis, Nicolas de Staël | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; correspondance; livres | | Imprimer | Facebook |
10/01/2015
Musica présente - 90 Barbara Bonney
Barbara Bonney
cantatrice soprano américaine, née en 1956
*
Aaron Copland
12 poems of Emily Dickinson
(with André Previn)
00:05 Écrit par Claude Amstutz dans Musica présente, Musique classique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique classique | | Imprimer | Facebook |
09/01/2015
La citation du jour
André Velter
Comment jeter encore un regard dans la tourmente où plus rien ne peut s'égarer? Poursuivre sans savoir quel seuil a été franchi, ni si le pied a pris appui de l'autre côté du mirage? Le crédit du hasard est épuisé. L'aura de la magie s'est éteinte. Je retrouve la voie violente et sage de l'illumination, quand l'expérience est un corps de lumière qui traverse la glace et les déblais, les visages, les cendres et jusqu'à la ferveur et au feu.
André Velter, L'amour extrême et autres poèmes pour Chantal Mauduit (coll. Poésie/Gallimard, 2007)
08:35 Écrit par Claude Amstutz dans La citation du jour | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : citations; livres | | Imprimer | Facebook |
La musique sur FB - 2206 E.Satie
Erik Satie
Jack-in-the-Box
Prelude - Entracte - Finale
(orch. Darius Milhaud)
Utah Symphony Orchestra
Maurice Abravanel
01:34 Écrit par Claude Amstutz dans La musique sur Facebook, Musique classique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique classique; facebook | | Imprimer | Facebook |
08/01/2015
Morceaux choisis - Blaise Cendrars
Blaise Cendrars
Je voulais indiquer aux jeunes gens d’aujourd’hui qu’on les trompe, que la vie n’est pas un dilemme et qu’entre les deux idéologies contraires entre lesquels on les somme d’opter, il y a la vie, la vie, avec ses contradictions bouleversantes et miraculeuses, la vie et ses possibilités illimitées, ses absurdités beaucoup plus réjouissantes que les idioties et les platitudes de la politique, et que c’est pour la vie qu’ils doivent opter, malgré l’attirance du suicide, individuel ou collectif, et de sa foudroyante logique scientifique. Il n’y a pas d’autres choix possibles. Vivre!
Blaise Cendrars, Le lotissement du ciel (coll. Folio/Gallimard, 2010)
00:35 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Littérature suisse, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; roman; morceaux choisis; livres | | Imprimer | Facebook |