18/03/2015
Le poème de la semaine
Paul Eluard
Toutes les choses au hasard
tous les mots dits sans y penser
et qui sont pris comme ils sont dits
et nul n'y perd et nul n'y gagne
Les sentiments à la dérive
et l'effort le plus quotidien
le vague souvenir des songes
l'avenir en butte à demain
Les mots coincés dans un enfer
de roues usées de lignes mortes
les choses grises et semblables
les hommes tournant dans le vent
muscles voyants squelette intime
et la vapeur des sentiments
le coeur réglé comme un cercueil
les espoirs réduits à néant
Tu es venue l'après-midi crevait la terre
et la terre et les hommes ont changé de sens
et je me suis trouvé réglé comme un aimant
réglé comme une vigne
A l'infini notre chemin le but des autres
des abeilles volaient futures de leur miel
et j'ai multiplié mes désirs de lumière
pour en comprendre la raison
Tu es venue j'étais très triste j'ai dit oui
c'est à partir de toi que j'ai dit oui au monde
petite fille je t'aimais comme un garcon
ne peut aimer que son enfance
Avec la force d'un passé très loin très pur
avec le feu d'une chanson sans fausse note
la pierre intacte et le courant furtif du sang
dans la gorge et les lèvres
Tu es venue le voeu de vivre avait un corps
il creusait la nuit lourde il caressait les ombres
pour dissoudre leur boue et fondre leurs glacons
comme un oeil qui voit clair
L'herbe fine figeait le vol des hirondelles
et l'automne pesait dans le sac des ténèbres
tu es venue les rives libéraient le fleuve
pour le mener jusqu'à la mer
Tu es venue plus haute au fond de ma douleur
que l'arbre séparé de la forêt sans air
et le cri du chagrin du doute s'est brisé
devant le jour de notre amour
Gloire l'ombre et la honte ont cédé au soleil
le poids s'est allégé le fardeau s'est fait rire
gloire le souterrain est devenu sommet
la misère s'est effacée
La place d'habitude où je m'abêtissais
le couloir sans réveil l'impasse et la fatigue
se sont mis à briller d'un feu battant des mains
l'éternité s'est dépliée
O toi mon agitée et ma calme pensée
mon silence sonore et mon écho secret
mon aveugle voyante et ma vue dépassée
je n'ai plus eu que ta présence
Tu m'as couvert de ta confiance.
Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle
00:00 Écrit par Claude Amstutz dans Paul Eluard, Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie | | Imprimer | Facebook |
17/03/2015
Lire les classiques - Paul Verlaine 1b
Paul Verlaine
Si tous les poèmes ne supportent pas une illustration musicale - classique ou non - voici, avec O triste, triste était mon âme, l'exemple d'une belle réussite, signée Léo Ferré...
Paul Verlaine, Romances sans paroles, précédé de: Poèmes saturniens (coll. Poésie/Gallimard, 2007)
00:03 Écrit par Claude Amstutz dans Chansons inoubliables, Lire les classiques, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique; variété | | Imprimer | Facebook |
Lire les classiques - Paul Verlaine 1a
Paul Verlaine
O triste, triste était mon âmeÀ cause, à cause d’une femme. Je ne me suis pas consoléBien que mon cœur s’en soit allé, Bien que mon cœur, bien que mon âmeEussent fui loin de cette femme. Je ne me suis pas consoléBien que mon cœur s’en soit allé. Et mon cœur, mon cœur trop sensibleDit à mon âme: Est-il possible, Est-il possible, - le fût-il, -Ce fier exil, ce triste exil? Mon âme dit à mon cœur: Sais-jeMoi-même que nous veut ce piège D’être présents bien qu’exilés,Encore que loin en allés?Paul Verlaine, Romances sans paroles, précédé de: Poèmes saturniens (coll. Poésie/Gallimard, 2007)
image: Eugène Carrier, Paul Verlaine / 1891 (www.apreslapub.fr)
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16/03/2015
La musique sur FB - 2229 I.Stravinsky
Igor Stravinsky
Symphony in Three Movements
Berliner Philharmoniker
Pierre Boulez
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15/03/2015
Morceaux choisis - Roberts-Louis Stevenson
Robert Louis Stevenson
La nuit est un temps de mortelle monotonie sous un toit; en plein air, par contre, elle s'écoule, légère parmi les astres et la rosée et les parfums. Les heures y sont marquées par les changements sur le visage de la nature. Ce qui ressemble à une mort momentanée aux gens qu'étouffent murs et rideaux n'est qu'un sommeil sans pesanteur et vivant pour qui dort en plein champ. La nuit entière il peut entendre la nature respirer à souffles profonds et libres. Même, lorsqu'elle se repose, elle remue et sourit et il y a une heure émouvante ignorée par ceux qui habitent les maisons: lorsqu'une impression de réveil passe au large sur l'hémisphère endormi et qu'au-dehors tout le reste du monde se lève. C'est alors que le coq chante pour la première fois. Il n'annonce point l'aurore en ce moment, mais comme guetteur vigilant, il accélère le cours de la nuit.
Robert Louis Stevenson, Voyage avec un âne dans les Cévennes (coll. GF/Flammarion, 2013)
image: Les Cévennes, France (dieudeschats.wordpress.com)
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14/03/2015
La citation du jour
Giacomo Leopardi
Comme Anacréon, qui désirait se changer en miroir pour être sans cesse contemplé par celle qu'il aimait, ou en tunique pour la vêtir, en baume pour oindre son corps, en eau pour la baigner, en bandelette pour être serré sur son sein, en perle pour être suspendu à son cou, ou en soulier pour qu'au moins elle le pressât de son pied, de même, moi, je voudrais un moment me transformer en oiseau pour connaître le contentement et la joie qu'ils éprouvent à vivre.
Giacomo Leopardi, Petites oeuvres morales (Allia, 2007)
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13/03/2015
Morceaux choisis - Pierre Clavilier
Pierre Clavilier
J'habite un pays de glaise où les maisons en toutes saisons longent la falaise. Les étoiles se lèvent au son des chants des cormoransvenus des océans jusqu'aux terres essoufflées. Quelques mouettes échouées sur des rochers hurlent au-dessus les transparences blessées de cette houle souvent hostile d'une mer qui s'agite nuit et jour dans un mouvement répété depuis les débuts de l'éternité. Il y a là,sous ces cieux,où le soleil glisse,plus de sauvage que de civiliséet les hommes qui y viventportent inscrites sur eux leurs faces burinéesles failles dessinées par les escarpementsdélimitant leurs rivages où l'eau qui éclate contre la pierreforme une brume continuelle. J'ai donc grandi aux côtés des blocs de granitvagues monolithes oubliés par des géantsdébarquant làil y a longtemps.Ici, si l'on en croit la légende anonyme. Chacun la porte en son sein.Chacun la charrie dans es veinesjusqu'à colorier son sangd'un pigment différent des autres gens... Le cri de la mer a bercé mon oreille.Elle couvrit les pleurs du nourrisson.D'attendre les mugissements marinsj'ai fini par oublierles mugissements marinset les matins d'hiver étaient en cela semblables aux matins d'été. L'herbe ondulante y verdoie les prairies bousculées!A chaque échoun écueiloù l'écume blancherecouvre les profondeurs des bleus étendus.Une chapelle à demi écrouléese dresse à la pointe occidentale.Derrière un pharesillonnent les cieux orphelins.Une écoleoù résonnent encore quelques éclats de rire,les maisons,plus loinun cimetière enclos d'une muraille rocailleuseet plus rien.Pierre Clavilier, Pays d'écueil, dans: Valère Staraselski, L'heure injuste - Anthologie poétique (La Passe du Vent, 2005)
image: Gregory Lepoutre (ornithopix.over-blog.com)
00:04 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; poésie; anthologie; livres | | Imprimer | Facebook |
12/03/2015
La musique sur FB - 2228 F.Liszt
Franz Liszt
Ave Maris Stella, S 64
Bertalan Hock
Strigonium Male Choir
István Baróti
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11/03/2015
Le poème de la semaine
Charles Cros
Au printemps, c’est dans les bois nusQu’un jour nous nous sommes connus. Les bourgeons poussaient vapeur verte.L’amour fut une découverte. Grâce aux lilas, grâce aux muguets,De rêveurs nous devînmes gais. Sous la glycine et le cytise,Tous deux seuls, que faut-il qu’on dise? Nous n’aurions rien dit, réséda,Sans ton parfum qui nous aida. Quelques traces de craie dans le ciel,Anthologie poétique francophone du XXe siècle
00:01 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie | | Imprimer | Facebook |
10/03/2015
Morceaux choisis - Charles-François Landry
Charles-François Landry
Un temps vient où le ciel est gris comme la gorge de la tourterelle. Il n'y a plus de saison. Rien n'avance ni ne recule. Le vent qui s'élève est si court qu'il retombe au milieu d'un labourage. Rien qui ressemble à une journée comme une journée. Les routes sont vides. Cette neige qui avait déguisé le pays, elle a même renoncé à rester; sans que personne puisse dire comment cela s'est fait, elle a disparu, et cependant on est bien loin encore des lourdes pluies noires de mars qui sentiraient le désespoir et l'espoir. Non, c'est le temps parfait de l'hiver, trop subtilement froid pour qu'on pense au froid, trop dépouillé pour qu'on pense au dépouillement, trop immobile et sans soleil possible, pour qu'on pense que jamais cela changerait ou s'éclaircirait. Dépassés, les gels qui rendaient les chemins sonores et les herbasses crissantes! Dépassé ce temps de buée qui pouvait se suspendre en si fine glace que par milliers, des plantes mortes jamais visibles sur de hautes tiges, se trouvaient brusquement belles et bien vues, et décorées de givre, et si délicates, qu'on se souvenait de tout ce qui est doux, à leur propos: toiles d'araignées dans la fraîcheur des juins d'aube, roseaux à plumets, ailes de libellule, frémissement du peuplier et du saule.
Maintenant, une eau même, et qui court encore sur des cailloux, au fond d'un fossé, n'éveille rien. On sait, l'esprit sait qu'il existe des lois de physique et de mécanique, et que l'eau, corps liquide, suit la pente, si faible soit la pente. Rien de plus froid qu'une loi.
Aussi bien, l'homme qui ne saurait longuement vivre dans les déserts du coeur, l'homme retourne à l'homme, en lui, et hors de lui. Il est bon de marcher dans un méchant climat. Ce poivre dans la gorge, cette douleur aux yeux, cette lèvre supérieure coupée, c'est vivre, tout cela. Il est juste d'avoir des mains de bois dans des poches de manteau qu'on dirait gercées. Il est loyal d'avoir des genoux de scaphandre, et le poids du monde entre les épaules. Aller d'un village à un autre village, c'est une entreprise. De grands aventuriers ont traversé des mers inconnues sur de petits navires; encore avaient-ils un équipage. Quitter une maison chaude et traverser un temps morne pour gagner une autre maison chaude, n'est-ce donc pas une aventure, aussi?
Jamais plus, se dit-on. Jamais plus. Non, jamais ne reviendront ces jours peut-être absurdes où rien n'avait d'importance sinon la joie. Jours immoraux qui allaient de la fraîcheur d'aube à la tiède soirée tardive, en passant par le midi ardent et l'après-midi lourde; jours où la seule caresse du vent sur la peau rendait triste, d'une voluptueuse tristesse; jours où chaque fille venue d'un peu loin, qui oeuvre aux fenaisons par gestes lents et larges, était un peu de Vénus; jours où chaque auberge vous suggérait une soif et vous posait un problème: boire dans la salle fraîche ou sous la fraîcheur des arbres? Qui de nous n'a été le sybarite qui se plaint d'un pétale de rose mal plié; qui de nous, regardant les chiens couchés dans la poussière, plus défaits que des morts, plus vautrés que des ivrognes, et qui ne se soit senti complice de ette fainéantise? C'était le temps où le chat lui-même dormait à bottes ouvertes comme le chat botté et comme un mousquetaire ripailleur, et il en faut avant que le chat n'abandonne sa belle tenue et se couche, à la courtisane, sans même l'excuse d'être une nourrice chatte qui se laisse fourgonner les mamelles par des chatons dormeurs.
Tout cela, dans quel rêve ébloui l'a-t-on imaginé? Les maisons n'avaient pas de portes, les chambres pas de fenêtres. Aujourd'hui, en venant du dehors, on connaît de subtiles différences entre le froid qui circule sur les champs, le froid retenu entre les maisons d'un hameau, le froid qui se tient devant la porte, le froid pris entre la porte première et la seconde porte.
Tant de science pour souffrir!
Le chat dort proche le poële, et non content, parfois replie ses pattes en mitaines, comme un vieux curé. On dit alors que bise va se lever, ou température descendre encore. C'est qu'il est si frileux, ce geste de mettre pattes sous pattes, comme si quelque manche fourrée pouvait encore s'en venir retomber sur la griffe.
C.F. Landry, Pour quatre coins de terre - illustré par Charles Clément (Eynard, 1948)
image: vers-le-vent.blogspot.com
00:07 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Littérature suisse, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; récit; morceaux choisis; livres | | Imprimer | Facebook |