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27/08/2010

Philippe Jaccottet

9782070428618.gifPhilippe Jaccottet, Cahier de verdure - Après beaucoup d'années (Coll. Poésie/Gallimard, 2003)

Les deux recueils rassemblés ici se tiennent sur un versant apaisé de l'œuvre de Philippe Jaccottet, et témoignent d'une prise de distance avec les peurs, les douleurs, les alarmes passées. Non que la destinée humaine ait changé de trajectoire et se soit magiquement affranchie de sa finitude, mais des passages, des éclaircies sont ici entrevus qui tentent de déjouer les pièges du temps. Un carnet poétique, subtil, léger, concret, rythmé par les saisons de la vie et de la nature, qui invite à l’unité de la création pour ouvrir les portes à l’invisible et au silence intérieur. Une oeuvre incontournable.

publié dans le supplément La bibliothèque idéale des vaudois / 24 Heures

06/06/2010

Sylviane Chatelain

9782882412645.gifSylviane Chatelain, Dans un instant (Campiche, 2010)

Il y a dans l'écriture et l'observation du réel, quelque chose de très suisse chez Sylviane Chatelain: Des décors nets dans lesquels se fondent des personnages apparemment sans histoire, soucieux de ne pas déranger ni d'attirer l'attention. Mais tout le talent de l'auteur, rehaussé par des phrases courtes, tient dans l'art d'introduire dans ses récits un grain de sable, anodin au premier abord, mais qui peu à peu déséquilibre des vies trop prévisibles ou sans surprises. Il en est ainsi dans Les géraniums roses, où la disparition d'un pot de géraniums dans le jardin tourne à la crainte et à l'obsession. Dans Le livre aussi, le regard insolite sur un livre balayé par le vent derrière un grillage, ramène à la surface les blessures d'un homme et de son fils. Dans La mariée, une robe jonchant le sol ravive l'échec amoureux du narrateur au fil d'une vie qui s'étire, s'effiloche, respire l'ennui. Dans cet exercice délicat de la nouvelle - Exils ou Dans un instant qui donne le titre à ce recueil - l'auteur nous imprègne de ses thèmes favoris, la filiation, la vieillesse, la fragilité intérieure, d'une plume légère jamais caricaturale ou pesante.

Sylviane Chatelain est née à Saint Imier en 1950. Chez le même éditeur, elle a publié - entre autres - La part d'ombre (1988), De l'autre côté t MS'; font-size: small;">(Prix Schiller 1991), L'étrangère (1999) et Une main sur votre épaule (2006).

18:01 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Littérature suisse | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; nouvelles; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

22/05/2010

Editions La Dogana, Chêne-Bourg (Suisse) - 1a

Bloc-Notes, 22 mai / Les Saules

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Connaissez-vous les éditions de la Dogana? Florian Rodari - discret comme le sont souvent les amis des poètes - la présente comme suit:

Les Éditions La Dogana ont été créées à Genève en 1981 dans le but de mieux faire connaître toute espèce de textes entrant en relation avec la poésie : recueils en langue française ou étrangère, cycles de poèmes, essais, souvenirs, méditations et proses rythmées et même lieder chantés, qui répondent à la sensibilité des lecteurs et amis qui se sont regroupés pour rendre viable ce projet. Lieu de transit plus que de contrôle, favorable aux échanges et qui accorde littéralement un visa à la parole, La Dogana – la douane, en italien – souhaite particulièrement mieux faire connaître les poètes de Suisse romande en France et dans les autres pays francophones, comme elle s’efforce de diffuser l’œuvre de poètes français qui n’ont pas encore pu se faire entendre à l’intérieur de nos frontières. Cet élargissement de l’espace, les éditions souhaitent l’étendre également au temps, puisqu’elles s’efforcent de multiplier les traductions de textes anciens ou lointains qui résonnent à nos oreilles d’aujourd’hui comme singulièrement modernes et proches. Ce n’est pas par le nombre de publications que nous souhaitons nous distinguer, mais par leur qualité et la cohérence des choix. Et pour cette même raison que la poésie demeure à nos yeux – au sein des discours scientifiques, didactiques ou idéologiques dont nous sommes trop souvent devenus la proie – une des rares paroles à la fois légère, durable et nécessaire, nous avons accordé un soin particulier à l’aspect extérieur de nos livres : afin d’aboutir à une sorte de point d’équilibre entre la petite masse de papier, de colle et d’encre et l’énorme densité des œuvres qui s’y trouvent inscrites.

Parmi les très belles publications de cet éditeur, citons Simple promesse d'Ossip Mandelstam, Reliques de Pierre-Alain Tâche, Les élégies de Duino de Rainer-Maria Rilke, La parole est moitié à celuy qui parle de Jean Starobinski, Hyperion de John Keats, Libretto, Truinas, Le bol du pélerin, Une constellation tout près, D'autres astres plus loin de Philippe Jaccottet, Les solitudes de Gongora, Arbres, chemins, fleurs et fruits d'Anne-Marie Jaccottet, 47 poèmes d'Emily Dickinson, Les fleurs et les saisons de Gustave Roud. La plupart de ces ouvrages seront évoqués - s'ils ne le sont pas à ce jour - dans ces colonnes, au fil du temps qui passe.

Aujourd'hui, je voudrais tout particulièrement attirer votre attention sur trois livres-disques parus à ce jour. Le premier, en 2004, est consacré au Tombeau d'Anacréon de Hugo Wolf. Outre les poèmes de Goethe, Mörike, Eichendorff, Byron et Keller qui ont inspiré ces Lieder en version bilingue, vous y trouverez un essai de Florian Rodari et Frédéric Wandelière (le traducteur) et, cerise sur le gâteau, un CD avec pour interprètes Angelika Kirchschlager (mezzo-soprano) et Helmut Deutsch (piano).

Le second, plus connu, en 2006, s'intitule L'amour et la vie d'une femme de Robert Schumann. Les Lieder, d'après Chamisso, Goethe, Marie Stuart, Mosen, Heine, Rückert, Mörike, Kerner et Eichendorff, sont également proposés en version bilingue, signés par le même traducteur, accompagnés par un essai de Hédi et Feriel Kaddour, ainsi qu'un CD avec les mêmes interprètes que celui consacré à Hugo Wolf.

Le dernier à ce jour, en 2009, fait honneur à Gustav Mahler et s'appelle A jamais. Cette fois-ci, les Lieder s'articulent autour des poèmes de Rückert, Mong-Kao-Jen et Wang-Wei, toujours en version bilingue assurés par le même traducteur, un essai de Jean Starobinski et Pierre Michot. Le CD qui accompagne cet ouvrage a pour interprètes Bo Skovhus (baryton) et Stefan Vladar (piano).

Ces trois ouvrages sont magnifiquement réalisés, mis en page et illustrés, tout à l'honneur de la poésie allemande et de la musique classique. Comme l'a dit Hermann Hesse, l'art n'est rien d'autre que la contemplation du monde pénétré par la grâce...

http://www.ladogana.ch

 

09/05/2010

Pierre-Alain Tâche - 1a

Bloc-Notes, 9 mai / Les Saules

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Les lecteurs qui affectionnent une écriture ciselée où chaque mot prend un sens - comme chez Philippe Jaccottet, par exemple - seront enchantés par ces textes magnifiques évitant les pièges d'un langage poétique artificiel ou désincarné. Si de surcroît, vous aimez la musique classique, alors vous serez franchement comblés, car l'exercice auquel se livre Pierre-Alain Tâche consiste à nous raconter l'histoire de la folia - les folies d'Espagne - l'un des plus anciens thèmes musicaux remontant au XVe siècle environ, ayant inspiré plus d'une centaine de compositeurs à ce jour parmi lesquels Jean-Baptiste Lully, François Couperin, Marin Marais, Alessandro Scarlatti sans négliger les influences plus indirectes exercées sur Franz Liszt ou Serge Rachmaninov.

Chaque chapitre de ce livre compose une variation sur le thème - l'auteur en rédige 27 suivies d'une coda - éclairant avec une érudition simple et attachante, les résonances émotionnelles de ces folies sur toutes les périodes de sa vie.

La Folia entre en nous par la porte étroite de l'inconscient, se méfiant des coups d'éclat qui la dévoileraient, dès le premier abord, dans sn évidente pauvreté. Et puis, comment pourrait-on prétendre déterminer avec certitude l'origine d'une blessure aussi exquise? S'il s'agissait d'un air à la mode que l'on peut convoquer à loisir, il ne saurait fonder tout l'édifice du songe. Mais ce n'est pas cela: ce que je devine être la cause de ma passion est de l'ordre de l'élémentaire discret. C'est une folia qui rôdait et qui rôde encore là où on ne l'attend pas, qui s'insinue, qui glisse à l'intérieur et prend racine dans le coeur de qui l'entend sans l'entendre. Elle se fait si petite que l'on finit par l'oublier, par ne plus savoir qu'elle est là, prête non pas à bondir qu'à murmurer à même le terreau d'une rêverie dont elle rythme le cours.

On pourrait citer maints autres passages de cette folia tout aussi beaux, transparents, sensibles ou profonds que celui-ci. Alors, un mot encore, celui de la fin provisoire de cet ouvrage. Pierre-Alain Tâche y délivre une délicieuse conclusion: Je garderai de mon errance et des travaux qu'elle m'imposa, la vague, la grisante sensation d'une respiration plus ample et comme affranchie des contraintes du corps. Infinie, peut-être. Elle se confond, désormais, à celle d'un air que je voudrais exempt de toute mélancolie. (...) Je regarde par la fenêtre et je vois les fleurs d'avril, les arbres blancs dans l'air léger. Et je sens cette lassitude tranquille. Qu'elle submerge, s'il le faut, ou nourrisse, pour le temps qui lui reste à vivre, la folia du poète...

Auteur d'une vingtaine de recueil de poèmes - pour l'essentiel aux éditions Empreintes, à La Dogana et aux éditions de l'Aire - L'air des hautbois est son premier livre en prose, un incandescent et inoubliable ami...

Pierre-Alain Tâche, L'air des hautbois - Variations sur La Folia (Zoé, 2010)

22/04/2010

Les quatre saisons - 1a

Bloc-Notes, 22 avril / Les Saules

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Ma saison préférée, à toutes les périodes de ma vie, est le printemps. Pour son réveil incertain à la vie, pour les couleurs de sa flore à dominante jaune avec les jonquilles évoquant le souffle de la jeunesse, rouge avec les tulipes prémices de passions simples, ou bleue avec les violettes et leur présence aussi discrète que les sensations vraies. Pour le prunelier rose, le pommier en fleur, le camélia épanoui après une longue attente. Pour la mésange bleue, le merle, le rougequeue à front blanc, le moineau domestique, la sittelle, le rougegorge familier, tout ce petit monde délivrant à l'aurore ses demandes et ses célébrations de la vie. Pour la solitude et la communion silencieuse sous le bleu profond du ciel par vent du nord dispersant les scories hivernales, les fissures mal-aimées, les chemins de traverses...

Bien mieux que je ne ne peux le faire, certains poètes ont écrit des textes admirables sur cet heureux temps. Gustave Roud, par exemple, dans Les fleurs et les saisons:

Le vrai porteur de joie, c'est cet homme sur la colline de mars ou d'avril, au coeur d'un pays immense à peine éveillé de l'hiver, avec le tait bleu des neiges mortes au revers des forêts et des haies, les villages humides aux replis de l'herbe d'étoupe, roses comme un buisson de bois-gentil. (...) Comme l'odeur de la première violette, comme cette perce-neige dans le verger ouverte sans tige au ras du sol effacent en nous d'un seul coup le souvenir des jardins de septembre épanouis, toute l'opulence d'une saison mûre et condamnée, ainsi le semeur debout dans l'air âpre, contre le ciel peuplé d'un délire d'alouettes, nous arrache enfin à ces images que nous avions amassées en nous pour nourrir la terrible traversée de l'hiver! Son geste nous délivre d'un passé trop lourd, ouvre devant nous la vierge étendue d'une année qui commence enfin. Le voici devant nous, tout proche. Il se relève, ayant fait glisser d'un sac dans l'autre le froment non plus fauve comme à l'automne, mais bleui par le vitriol. (...) Ce corps sait la mesure exacte du pas à prendre au long du sillon, cette main sait la poignée de froment qu'il faut saisir, ce bras sait l'ampleur du geste lanceur de graines. Regardons-le, cet homme tout hanté d'un rythme qu'il a su faire vivre au plus profond de sa chair. Combien seront-ils, aux années à venir, ceux qui s'en iront comme lui, de cette marche dansante, aux collines de l'avant-printemps?

Magnifique, n'est-il pas vrai?

Gustave Roud, Les fleurs et les saisons (La Dogana, 2003)

avec les photographies de l'auteur et une postface de Philippe Jaccottet



00:00 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Gustave Roud, Littérature suisse, Philippe Jaccottet | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : bloc-notes; littérature; proses; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

11/04/2010

Le Passe Muraille

Le Passe-Muraille, No 81, avril 2010 - par Jean-Louis Kuffer

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Du papier à la Toile : la Qualité seule prime. La défense de la littérature se déplace aujourd’hui du papier à la Toile, au point de faire conclure certains au déclin de la critique littéraire, d’une part, et de la lecture en général. Cela n’empêche pas l’écrivain et critique Michel Crépu, directeur de la vénérable Revue des Deux-Mondes, d’amorcer son remarquable Journal de lecture 2002-2009 (Gallimard, 2010) avec enjouement : « La régie me signale qu’il y a un problème avec la lecture. Il paraît que plus personne ne lit, tous les experts le disent. C’est curieux, je ne l’avais pas remarqué. Les livres, je vis avec eux depuis toujours, ils sont mon paradis, ils ne m’ont jamais rien fait de mal, je crois ne les avoirs jamais trahis. Cela m’étonne toujours qu’on puisse avoir un problème avec eux. »

Or, le problème est ailleurs, sans doute. Le problème est qu’une société littéraire, jalouse de ses prérogatives, est en train de disparaître, au profit d’une nouvelle nébuleuse de lecteurs-passeurs se déployant sur des sites et des blogs. La critique littéraire est-elle condamnée pour autant ? Là encore Michel Crépu calme le jeu, affirmant qu’
« il n’y a pas de critique littéraire, il n’y a que des lecteurs plus ou moins attentifs » et « qu’une lecture, plus ou moins suivie, profonde, disponible, libre». Dès lors, qu’importe que la lecture soit défendue sur le papier ou la Toile, si la Qualité résiste au déferlement de la Quantité ? 

C’est le défi qu’a relevé Le Passe-Muraille dès sa création, en 1992, et c’est dans la même optique, peut-être plus ouverte encore, que son équipe rajeunie poursuit aujourd’hui son effort, sur le papier autant que sur la Toile -
http://www.revuelepassemuraille.ch -, en préparant notamment une livraison, à paraître en mai 2010, consacrée tout entière à la défense et l’illustration de la lecture…


Sommaire du Passe-Muraille No 81. Avril 2010, «Magies de Rose-Marie Pagnard ».

p.1

Editorial, « Du papier à la Toile: la Qualité seule prime », par Jean-Louis Kuffer

Inédit, « Un très léger vertige » par Rose-Marie Pagnard 

p.2

Expositions – « Deux magiciens en symbiose », René Myrha, Musée d'art et d'histoire, Neuchâtel., par Jean-Louis Kuffer

« Les leçons de mystère » à propos de Rose-Marie Pagnard, « Le Motif du Rameau », Zoé, 2010, 220p., par Bruno Pellegrino 

p.3

« Portrait d'un homme mort » à propos de Sarah Hall, « Comment peindre un homme mort », Christian Bourgois, 348p., par Claude Amstutz

« La geste des enfants perdus » à propos de Sacha Sperling, « Mes Illusions donnent sur la cour », Fayard, 2009, 272p., par Matthieu Ruf 

p.4

« Le chant d'amour pour Haïti » à propos de Dany Laferrière, « L'Enigme du retour », Grasset, 2009, 301p., par Luisa Campanile

« Un geste solidaire » à propos de Collectif, « Histoires cueillies pour Haïti », TheBookEdition.com, 2010, 146p., par Jean-Louis Kuffer 

p.5

« Le héraut du neuf » à propos de J.G. Ballard, « La Vie et rien d'autre », Denoël, 2009, 291 p., par Jean-François Thomas

« A l'intérieur du gueuloir » à propos de Pierre-Marc de Biasi, « Gustave Flaubert, une manière spéciale de vivre », Grasset, 2009, 496p., par Matthieu Ruf 

p.6 

« Des éléphants et des lunes » à propos de Raphaël Aubert, « La Terrasse des Elephants », L'aire, 2009, 169p., par Jean Perrenoud 

« Dans l'ample foulée de la vie » à propos de Pascal Rebetez, Je t'écris pour voir, Editions de l'Hèbe, 2009, 153p., par Jean-Louis Kuffer 

« Autoportrait d'un « inutile » » à propos de Jean-François Sonnay, Hobby, Bernard Campiche Ed., 2009, 110p., par Janine Massard 

p.7

« Le vertige de notre époque » à propos de Catherine Lovey, Un Roman russe et drôle, Zoé, 2010, 289p., par Bruno Pellegrino 

« Une soif de lire très mobile » à propos de Gérard Delaloye, Le Voyageur (presque) immobile, L'Aire, 2008, 191p., par Jean Perrenoud 

p.8

« Un humour pince-sans-rire » à propos de Jean Vuilleumier, Les Fins du voyage, L'Age d'Homme, 2009, 134p., par Patrick Vallon 

« Une ville la nuit » à propos de Rosa Montero, Instructions pour sauver le monde, Métailié, 2009, 269p., par Claude Amstutz 

p.9

« Lettres de l'intempestif » à propos de Louis-Ferdinand Céline, Choix de Lettres, Gallimard, La Pléiade, 2009, 2029p., par Antonin Moeri 

p.10

Littérature Jeunesse 

« Aventure entre deux mondes » à propos de François Place, La Douane volante, Gallimard-Jeunesse, 2010, 334p., par Sophie Kuffer 

« Aimer lire en Corée » à propos de Eun-sil Yoo, Si j'étais Fifi Brindacier, Picquier Jeunesse, 2010, 198p., par
Nasma Al'Amir 

« A la poursuite de l'amour » à propos de Eglal Errera, Le Rire de Milo, Actes Sud Junior, 2009, 90p., par Nasma Al'Amir 

P.11

« Romancier de l'empathie profonde » à propos de Louis Guilloux, d'une Guerre l'autre, Gallimard Quattro, 2009, 1117p., par René Zahnd 

p.12

« Premier homme, dernière phrase » à propos de Albert Camus, Le premier Homme, Gallimard, 1994, 331p., par René Zahnd 

« L'Epistole », Lettre de l'île de Chatham, par Damien Personnaz



Pour s'abonner et communiquer:
http://www.revuelepassemuraille.ch/

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28/02/2010

Maurice Chappaz

Bloc-Notes, 28 février / Les Saules

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Le 15 janvier 2009, Maurice Chappaz rejoignait le paradis des poètes, non sans nous laisser - outre Le chant de la Grande Dixence, Les maquereaux des cimes blanches, Le portrait des valaisans, La pipe qui prie et qui fume - un écrit qu'on peut qualifier de testamentaire, Le roman de la Petite Fille. Hommage à sa seconde épouse Michène dont il souhaitait retracer l'enfance et l'histoire de sa famille, ce texte inachevé devait comporter deux parties constituées de cinq chapitres, mais le manuscrit s'achève à la mort de l'auteur, au troisième chapitre de la seconde partie.

Illustré par les coquillages de Gérard de Palézieux, ce récit est bien plus que l'évocation de Michène - dont il nous dit qu'elle a épousé l'écriture sans être écrivain - car son regard vif et malicieux embrase un passé porteur de reconnaissance, un présent réconcilié avec la terre qui lui donne un sens, un avenir sur lequel il s'interroge avec douceur, avec confiance.

Bien sûr, au moment d'entrer dans l'autre monde, les affres de la vieillesse ou de la maladie le préoccupent. La mort est omniprésente à cet écrit, mais imbriquée dans la vie, l'une étant la face cachée de l'autre, une fulgurence, un reflet, une résurrection. Je dis ma disparition (...) Voici une heure que je rédige des lettres à des camarades dans l'existence. Sur une enveloppe j'écris le nom d'un ami qui dort au cimetière. Pour un peu je mettrais l'adresse du cimetière. Ce qu'on fait avec plus d'intelligence quand on prie.

Ailleurs, il note: Parce qu'il sait qu'il va mourir bientôt, sans mettre de temps sur ce "bientôt", le vieil homme se sent le coeur serré et ouvert, avec une sorte de joyeux espoir. Pour rien au monde on ne voudrait ne pas mourir. On entre enfin dans la vie contemplative qui est l'aventure des aventures: choisir ce qui se cache dans la mort elle-même. Et qui nous fait deviner l'incessante beauté du monde et nous associe à la nature, laquelle attend son heure.

Si ce que nous partage Maurice Chappaz nous parle - la présence des morts, leur griffe sur les événements de notre vie - alors, pour sûr, il demeure parmi nous, en sourire et en écriture. Il est là, tout près et nous accompagne, si nous avons la patience de l'entendre comme les feuilles des arbres qui s'envolent, comme un ange qui passe ...

Maurice Chappaz, Le roman de la Petite Fille (Fata Morgana, 2009)

13:16 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Littérature francophone, Littérature suisse, Maurice Chappaz | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature: récit; livresé | |  Imprimer |  Facebook | | |

12/02/2010

Noëlle Revaz - Efina 2

Noëlle Revaz, Efina (Gallimard, 2009)

07:07 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Littérature suisse, Noëlle Revaz | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature: roman; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

Noëlle Revaz - Efina 1

Femina_36_Efina_200.gifNoëlle Revaz, Efina (Gallimard, 2009)

Ce qui m‘épate, chez Noëlle Revaz, c’est son aisance – et probablement son plaisir – à prendre des risques ou changer de registre, d’un texte à l’autre, sans s’embourber dans une sempiternelle répétition d’un premier succès, au risque de désarçonner son public, ce qui pour l’heure n’est pas vraiment le cas. Il y a donc parfois une justice en littérature...

Son style demeure aussi magnifique et personnel que dans Rapport aux bêtes ou Quand Mamie, adoptant dans ce récit un angle de vue très original pour nous partager la liaison qui survit au pouvoir destructeur du temps par une correspondance s’étendant sur une vingtaine d’années, entre un acteur de théâtre T. et Efina, une de ses nombreuses admiratrices. Même s’ils partagent une brève aventure pas vraiment inoubliable, leurs chemins les conduisent au détachement, à l’éloignement l’un de l’autre. Pourtant ils ne parviennent pas à renoncer au besoin de s’écrire, scellant par cette fidélité, un sentiment peut-être plus fort que tout ce que la vie leur a donné, chacun de leur côté. Le théâtre s’imbrique dans leur relation tel un clair-obscur déroutant, souvent drôle ou dérisoire, mais au-delà des apparences, terriblement attachant.

00:22 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Littérature suisse, Noëlle Revaz | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature: roman; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

11/01/2010

L'affaire Chessex, Acte 2

Bloc-Notes, 11 janvier / Les Saules

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Les écrits récents de Jacques Chessex – Le vampire de Ropraz, Un juif pour l’exemple – et d’autres plus anciens ont souvent prêté à polémique. Ce dernier récit de Jacques Chessex n’y fera pas figure d’exception, parce que la provocation fait partie intégrante de sa personnalité et que celle de Sade ne peut en rien atténuer ce parfum entêtant de malaise, de putréfaction ou de mort.

 

Pourtant, dans les premières pages, l’auteur joue cartes sur table : On ne s’étonnera pas, connaissant l’existence infâme de ce monstre, que sa fin fût aussi laide que sa vie et plus loin Il suffirait des exploits de cette relique, objet maudit à l’image de son ancien propriétaire, pour mesurer le danger qu’un tel homme a pu faire courir à la société, par-delà sa mort et sa condamnation à l’enfer. Le ton est donné: vif, acéré, dépourvu d'ambiguïté.

 

Le premier volet du livre est ainsi consacré aux derniers mois du Divin Marquis à l’asile d’aliénés de Charenton, dans une succession de tableaux décrits avec la précision d’un entomologiste, où aucun détail ne nous est épargné. Ni son escalade dans le vice, ni la fascination exercée sur son entourage, ni l’évolution clinique de sa maladie, prémice de sa mort prochaine.

 

Le second volet s’ouvre sur l’enquête menée par Jacques Chessex sur ce qu’il est advenu du crâne de M. de Sade. On y retrouve le style incomparable, l’imagination, le talent descriptif propre à ses autres oeuvres, ainsi qu’une matière qui prête infiniment à réflexion sur des thèmes qui lui sont chers : L’expression du mal, de l’art, de la mort : Fascinants et effrayants à la fois... C’est parce que l’homme est seul qu’il a si terriblement besoin de symboles. D’un crâne, d’amulettes, d’objets de conjuration. La conscience vertigineuse de la fin de l’être dans la mort. A chaque instant, la ruine. Peut-être faudrait-il regarder la passion d’un crâne, et singulièrement d’un crâne hanté, comme une manifestation désespérée d’amour de soi, et du monde déjà perdu.    

 

Ce dernier roman préfigure-t-il la propre fin de son auteur ? Quelques indices parmi les dernières pages du livre sont troublants à cet égard, dont la citation du poète Eichendorff, magnifique : Comme nous sommes las d’errer. Serait-ce déjà la mort ?

 

Le dernier crâne de M. de Sade refermé, j'éprouve le besoin de prendre l'air, de fouler la neige de la campagne genevoise, abondante comme elle ne l’a plus été depuis 1985. Une impression de plénitude, de libération, de distance bienfaisante face aux fureurs du monde m’envahit d’un manteau de douceur. Au cœur de cette promenade silencieuse, souvent accompagné de mes amis invisibles - auteurs, personnages, compagnons vivants ou disparus – je retrouve des sensations vraies, des joies simples, mais nul signe perceptible de Jacques Chessex dont ce livre, bien que littérairement accompli, ne sera pas parvenu à m’émouvoir et sera probablement vite oublié, contrairement à bon nombre de ses autres textes.   

 

Le moment est peut-être bien choisi pour relire L’économie du ciel, un vrai chef d’œuvre, celui-là !