09/05/2010
Pierre-Alain Tâche - 1a
Bloc-Notes, 9 mai / Les Saules
Les lecteurs qui affectionnent une écriture ciselée où chaque mot prend un sens - comme chez Philippe Jaccottet, par exemple - seront enchantés par ces textes magnifiques évitant les pièges d'un langage poétique artificiel ou désincarné. Si de surcroît, vous aimez la musique classique, alors vous serez franchement comblés, car l'exercice auquel se livre Pierre-Alain Tâche consiste à nous raconter l'histoire de la folia - les folies d'Espagne - l'un des plus anciens thèmes musicaux remontant au XVe siècle environ, ayant inspiré plus d'une centaine de compositeurs à ce jour parmi lesquels Jean-Baptiste Lully, François Couperin, Marin Marais, Alessandro Scarlatti sans négliger les influences plus indirectes exercées sur Franz Liszt ou Serge Rachmaninov.
Chaque chapitre de ce livre compose une variation sur le thème - l'auteur en rédige 27 suivies d'une coda - éclairant avec une érudition simple et attachante, les résonances émotionnelles de ces folies sur toutes les périodes de sa vie.
La Folia entre en nous par la porte étroite de l'inconscient, se méfiant des coups d'éclat qui la dévoileraient, dès le premier abord, dans sn évidente pauvreté. Et puis, comment pourrait-on prétendre déterminer avec certitude l'origine d'une blessure aussi exquise? S'il s'agissait d'un air à la mode que l'on peut convoquer à loisir, il ne saurait fonder tout l'édifice du songe. Mais ce n'est pas cela: ce que je devine être la cause de ma passion est de l'ordre de l'élémentaire discret. C'est une folia qui rôdait et qui rôde encore là où on ne l'attend pas, qui s'insinue, qui glisse à l'intérieur et prend racine dans le coeur de qui l'entend sans l'entendre. Elle se fait si petite que l'on finit par l'oublier, par ne plus savoir qu'elle est là, prête non pas à bondir qu'à murmurer à même le terreau d'une rêverie dont elle rythme le cours.
On pourrait citer maints autres passages de cette folia tout aussi beaux, transparents, sensibles ou profonds que celui-ci. Alors, un mot encore, celui de la fin provisoire de cet ouvrage. Pierre-Alain Tâche y délivre une délicieuse conclusion: Je garderai de mon errance et des travaux qu'elle m'imposa, la vague, la grisante sensation d'une respiration plus ample et comme affranchie des contraintes du corps. Infinie, peut-être. Elle se confond, désormais, à celle d'un air que je voudrais exempt de toute mélancolie. (...) Je regarde par la fenêtre et je vois les fleurs d'avril, les arbres blancs dans l'air léger. Et je sens cette lassitude tranquille. Qu'elle submerge, s'il le faut, ou nourrisse, pour le temps qui lui reste à vivre, la folia du poète...
Auteur d'une vingtaine de recueil de poèmes - pour l'essentiel aux éditions Empreintes, à La Dogana et aux éditions de l'Aire - L'air des hautbois est son premier livre en prose, un incandescent et inoubliable ami...
Pierre-Alain Tâche, L'air des hautbois - Variations sur La Folia (Zoé, 2010)
12:30 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Littérature francophone, Littérature suisse, Musique classique, Philippe Jaccottet | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : bloc-notes; littérature; essai; musique; livres | | Imprimer | Facebook |