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11/01/2010

L'affaire Chessex, Acte 2

Bloc-Notes, 11 janvier / Les Saules

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Les écrits récents de Jacques Chessex – Le vampire de Ropraz, Un juif pour l’exemple – et d’autres plus anciens ont souvent prêté à polémique. Ce dernier récit de Jacques Chessex n’y fera pas figure d’exception, parce que la provocation fait partie intégrante de sa personnalité et que celle de Sade ne peut en rien atténuer ce parfum entêtant de malaise, de putréfaction ou de mort.

 

Pourtant, dans les premières pages, l’auteur joue cartes sur table : On ne s’étonnera pas, connaissant l’existence infâme de ce monstre, que sa fin fût aussi laide que sa vie et plus loin Il suffirait des exploits de cette relique, objet maudit à l’image de son ancien propriétaire, pour mesurer le danger qu’un tel homme a pu faire courir à la société, par-delà sa mort et sa condamnation à l’enfer. Le ton est donné: vif, acéré, dépourvu d'ambiguïté.

 

Le premier volet du livre est ainsi consacré aux derniers mois du Divin Marquis à l’asile d’aliénés de Charenton, dans une succession de tableaux décrits avec la précision d’un entomologiste, où aucun détail ne nous est épargné. Ni son escalade dans le vice, ni la fascination exercée sur son entourage, ni l’évolution clinique de sa maladie, prémice de sa mort prochaine.

 

Le second volet s’ouvre sur l’enquête menée par Jacques Chessex sur ce qu’il est advenu du crâne de M. de Sade. On y retrouve le style incomparable, l’imagination, le talent descriptif propre à ses autres oeuvres, ainsi qu’une matière qui prête infiniment à réflexion sur des thèmes qui lui sont chers : L’expression du mal, de l’art, de la mort : Fascinants et effrayants à la fois... C’est parce que l’homme est seul qu’il a si terriblement besoin de symboles. D’un crâne, d’amulettes, d’objets de conjuration. La conscience vertigineuse de la fin de l’être dans la mort. A chaque instant, la ruine. Peut-être faudrait-il regarder la passion d’un crâne, et singulièrement d’un crâne hanté, comme une manifestation désespérée d’amour de soi, et du monde déjà perdu.    

 

Ce dernier roman préfigure-t-il la propre fin de son auteur ? Quelques indices parmi les dernières pages du livre sont troublants à cet égard, dont la citation du poète Eichendorff, magnifique : Comme nous sommes las d’errer. Serait-ce déjà la mort ?

 

Le dernier crâne de M. de Sade refermé, j'éprouve le besoin de prendre l'air, de fouler la neige de la campagne genevoise, abondante comme elle ne l’a plus été depuis 1985. Une impression de plénitude, de libération, de distance bienfaisante face aux fureurs du monde m’envahit d’un manteau de douceur. Au cœur de cette promenade silencieuse, souvent accompagné de mes amis invisibles - auteurs, personnages, compagnons vivants ou disparus – je retrouve des sensations vraies, des joies simples, mais nul signe perceptible de Jacques Chessex dont ce livre, bien que littérairement accompli, ne sera pas parvenu à m’émouvoir et sera probablement vite oublié, contrairement à bon nombre de ses autres textes.   

 

Le moment est peut-être bien choisi pour relire L’économie du ciel, un vrai chef d’œuvre, celui-là !

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