20/09/2013
Lyonel Trouillot
Bloc-Notes, 20 septembre / Curio - Cologny
Parmi les quelques 555 nouveautés de la rentrée littéraire, ce roman de Lyonel Trouillot, Parabole du failli, est sans doute l'un des plus réussis. Des plus bouleversants aussi.
En introduction à son roman, l'auteur nous prévient: Le 12 novembre 1997, le comédien haïtien Karl Marcel Cassèus décédait à Paris dans des circonstances tragiques. Si on peut trouver des ressemblances entre lui et le personnage principal de ce livre, cette oeuvre de fiction ne raconte pas sa vie. Ni sa mort. Car Lyonel Trouillot veut nous raconter bien d'autres choses que le simple plongeon de Pedro - la figure centrale de son livre - qui s'est jeté d'un immeuble de douze étages, à l'étranger, loin de chez lui.
C'est, à la première lecture, l'histoire d'une amitié qui a soudé trois fêlés de la vie: Pedro, le poète et comédien, venu d'une famille aisée rejoindre ses compagnons moins bien lotis que lui dans le quartier pourri de Saint-Antoine - il dit préférer la musique des rues aux vestibules des palais des rois -, seul avec ses manques au bout du compte, alors qu'il rêvait de changer le monde, les yeux plein de pays et funambule des mots - ceux des autres: Baudelaire, Musset, Hikmet, Aragon, Ferré, Trenet ou encore Charles Dumont -, trop libre pour être heureux, le coeur trop grand pour des amours qui l'ont rendu triste; l'Estropié - surnommé ainsi parce que boiteux à la suite des mauvais traitements de son père, le Méchant - qui par ses prédispositions a pu fuir la misère et devenir enseignant; le narrateur enfin, héritier d'un deux-pièces partagé avec ses amis, à la mort de ses parents fauchés par un camion, et à qui, modeste rédacteur nécrologique dans un journal, est confiée la tâche de rédiger un papier sur le défunt Pedro.
Il faut ajouter à ce trio Madame Armand, prêteuse sur gages, aujourd'hui impitoyable en affaires, n'aimant plus les gens - elle avait adoré les contes de fées avant d'étrangler son Armand, dit-on, un minable au cadavre jamais retrouvé - dont le seul plaisir est de jouer aux cartes avec sa femme de ménage, et parfois avec Pedro qui lui rend visite - avec ou sans ses amis - et lui confiant ses écrits personnels, Parabole du failli, dont la restitution au narrateur constitue un des passages les plus émouvants du livre: Il fallait chercher pour la voir, traverser le mur du visage, repérer les yeux perdus, enfoncés, trop petits pour cette grosse tête de masque de carnaval à effrayer les enfants les plus téméraires, aller jusqu'au fond, sous le blanc, dans un coin, pour y reconnaître un petit point d'argent. Une presque larme qui n'osait pas couler, avait honte de sa fragilité, immobile, suspendue, incapable de bouger ni de disparaître.
Chacun des personnages de ce roman, a connu son poids d'irrémédiables blessures, de rêves, de rencontres chaleureuses, de désillusions, incarnant tour à tour un des visages de Port-au-Prince, tableau de grands coeurs aux petits destins, de la grisaille et de la pauvreté, mais aussi chant d'amour envers cette terre, pour ses odeurs et couleurs après la pluie.
De belles images jalonnent ce livre, telles: Tu disais qu'il faut parler aux hommes comme dans le dos du vent, en retard de vitesse, ou Un homme qui tombe de si haut est une défaite sans visage. Un récit épique qui ressemble à un fleuve généreux, servi par un style poétique, flamboyant, où se mêlent le drame, l'innocence et l'ironie.
Avec Parabole du failli, Lyonel Trouillot signe un chef-d'oeuvre, à la fois intimiste et engagé: hommage à un pays, ainsi qu'aux poètes du monde entier, qui adoucissent les brûlures, atténuent les différences et rapprochent les êtres les uns des autres.
A Pedro, le mot de la fin, avec ce titre, Prophétie: Hommes de malfaisance et de mauvais augures, hommes de lassitude et de désespérance, regardez! Apprenez comme moi à suivre son passage à la distance de son choix. Et, ouverts à l'amour, le regard clair enfin, vous lirez dans ses yeux vos devoirs de merveilles, vous suivrez dans ses mains lignes de chances pour nous tous. Et revenus de vos faiblesses et anciennes frayeurs, vous direz: pardon à toute vie, nous nous étions trompés, nous avons mal aimé.
Sur La scie rêveuse ont été présentés deux extraits de ce texte, dans Morceaux choisis et La citation du jour.
Lyonel Trouillot, né en 1956 à Port-au-Prince, est l'auteur - parmi d'autres ouvrages: une vingtaine! - de Les fous de Saint-Antoine (Deschamps, 1989), Rue des pas perdus (Actes Sud, 1998), L'amour avant que j'oublie (Actes Sud, 2007), Eloge de la contemplation (Riveneuve, 2009), Vanvalou pour Charlie (Actes Sud, 2009),La belle amour humaine (Actes Sud, 2011) et Le doux parfum des temps à venir (Actes Sud, 2013).
Lyonel Trouillot, Parabole du failli (Actes Sud, 2013)
01:05 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; roman; livres | | Imprimer | Facebook |
19/09/2013
Morceaux choisis - Guillaume Apollinaire
Guillaume Apollinaire
L’amour est mort entre tes brasTe souviens-tu de sa rencontreIl est mort tu la referasIl s’en revient à ta rencontre Encore un printemps de passéJe songe à ce qu’il eut de tendreAdieu saison qui finissezVous nous reviendrez aussi tendre Dans le crépuscule fanéOù plusieurs amours se bousculentTon souvenir gît enchaînéLoin de nos ombres qui reculent O mains qu’enchaîne la mémoireEt brûlantes comme un bûcherOù le dernier des phénix noirePerfection vient se jucher La chaîne s’use maille à mailleTon souvenir riant de nousS’enfuir l’entends-tu qui nous railleEt je retombe à tes genoux Tu n’as pas surpris mon secretDéjà le cortège s’avanceMais il nous reste le regretDe n’être pas de connivence La rose flotte au fil de l’eauLes masques ont passé par bandesIl tremble en moi comme un grelotCe lourd secret que tu quémandes Le soir tombe et dans le jardinElles racontent des histoiresÀ la nuit qui non sans dédainRépand leurs chevelures noires Petits enfants petits enfantsVos ailes se sont envoléesMais rose toi qui te défendsPerds tes odeurs inégalées Car voici l’heure du larcinDe plumes de fleurs et de tressesCueillez le jet d’eau du bassinDont les roses sont les maîtresses Tu descendais dans l’eau si claireJe me noyais dans ton regardLe soldat passe elle se pencheSe détourne et casse une branche Tu flottes sur l’onde nocturneLa flamme est mon cœur renverséCouleur de l’écaille du peigneQue reflète l’eau qui te baigne O ma jeunesse abandonnéeComme une guirlande fanéeVoici que s’en vient la saisonEt des dédains et du soupçon Le paysage est fait de toilesIl coule un faux fleuve de sangEt sous l’arbre fleuri d’étoilesUn clown est l’unique passant Un froid rayon poudroie et joueSur les décors et sur ta joueUn coup de revolver un criDans l’ombre un portrait a souri La vitre du cadre est briséeUn air qu’on ne peut définirHésite entre son et penséeEntre avenir et souvenir O ma jeunesse abandonnéeComme une guirlande fanéeVoici que s’en vient la saisonDes regrets et de la raisonGuillaume Apollinaire, Vitam impendere amori, dans: Poèmes à Lou, précédé de: Il y a (coll. Poésie/Gallimard, 2007)
image: Louise de Coligny-Châtillon, dite Lou (angelomainardi.it)
16:50 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; poésie; anthologie; livres | | Imprimer | Facebook |
Katherine Pancol
Katherine Pancol, Un homme à distance (Albin Michel, 2002)
Ceci est l'histoire de Kay Bartholdi. Un jour, Kay est entrée dans mon restaurant. Elle a posé une grosse liasse de lettres sur la table. Elle m'a dit : Tu en fais ce que tu veux, je ne veux plus les garder. Ainsi commence ce roman par lettres comme on en écrivait au XVIIIe siècle. Il raconte la liaison épistolaire de Kay Bartholdi, libraire à Fécamp, et d'un inconnu qui lui écrit pour commander des livres. Au fil des lettres, le ton devient moins officiel, plus inquisiteur, plus tendre aussi. Kay et Jonathan parlent de leurs lectures, certes, mais entament un vrai dialogue amoureux. Ils se font des scènes, ils se font des confidences, ils se tendent des pièges, s'engagent dans une relation que Kay, hantée par le souvenir d'une déchirure ancienne, s'efforce de repousser. Mais qui pourrait prédire vers quelle révélation l'emmène ce nouveau lien noué à travers des livres dont chacun des correspondants se sert comme de masques pour cacher ses vrais sentiments ?
Correspondance attachante entre une libraire et un mystérieux client qui l’entraîne dans un rapport plus personnel, non exempt de danger, qui la confronte à des réminiscences douloureuses. Kay est un très émouvant portrait de femme, fragile et volontaire à la fois. De plus, ce récit est un hommage au pouvoir émotionnel des livres.
également disponible en coll. de poche (Livre de poche, 2004)
00:16 Écrit par Claude Amstutz dans Katherine Pancol, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; roman; livres | | Imprimer | Facebook |
18/09/2013
La citation du jour
Cicéron (Marcus Tullius Cicero)
Je préfère le témoignage de ma conscience à tous les discours qu'on peut tenir sur moi.
Cicéron, Pensées sur la conscience (books.google.ch)
18:11 Écrit par Claude Amstutz dans La citation du jour, Littérature étrangère | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : citation; livres | | Imprimer | Facebook |
Le poème de la semaine
Philippe Jaccottet
A l'heure où la lumière enfouit son visage dans notre cou,on crie les nouvelles du soir, on nous écorche. L'air est doux. Gens de passagedans cette ville, on pourra juste un peu s'asseoirau bord du fleuve où bouge un arbre à peine vert,après avoir mangé en hâte;aurais-je même le temps de faire ce voyage avant l'hiver,de t'embrasser avant de partir? Si tu m'aimes retiens-moi, le temps de reprendre souffle,au moins juste pour le printemps,qu'on nous laisse tranquilleslonger la tremblante paix du fleuve,très loin jusqu'où s'allument les fabriques immobiles... Mais pas moyen.Il ne faut pas que l'étranger qui marche se retourne,ou il serait changé en statue: on ne peut qu'avancer. Et les villes qui sont encore debout brûleront. Une chance que j'aie au moins visité Rome, l'an passé,que nous nous soyons vite aimés, avant l'absence,regardés encore une fois, vite embrassés,avant que l'on crie "Le Monde" à notre dernier mondeou "Ce soir" au dernier beau soir qui nous confonde... Tu partiras.Déjà ton corps est moins réelque le courant qui l'use,et ses fumées au cielont plus de racines que nous.C'est inutile de nous forcer.Regarde l'eau,comme elle file par la faille entre nos deux ombres. C'est la fin,qui nous passe le goût de jouer au plus fin. Quelques traces de craie dans le ciel,Anthologie poétique francophone du XXe siècle
00:06 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Littérature suisse, Philippe Jaccottet, Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie | | Imprimer | Facebook |
17/09/2013
Robert Walser
Robert Walser, Vie de poète (Zoé, 2006)
Je me sentis alors l'esprit divinement libre et le coeur content. J'allais d'un pas hardi, dégagé en même temps que vif, passant devant toutes sortes de gens qui me saluaient parfois aimablement, moi, jeune fringant voyageur, vagabond vagabondant: ces vingt-cinq "petites proses racontent des souvenirs éclatés et chantants. Les aventures de jeunesse, les longues promenades, le premier émoi amoureux laissent deviner la nature exaltée et facétieuse de ce poète mélancolique.
Toute l’originalité de l’auteur est condensée dans ces récits qui parlent des poètes et dont Marie - l’une des histoires - est la plus belle illustration: Fascination de l’imaginaire, solitude du créateur, mais aussi instants de bonheur qui surprennent chez cet auteur réputé austère. Son style unique admiré par Franz Kafka et Walter Benjamin, tient dans ce que son regard voit du monde et des êtres sans se fixer dans l’espace ou le temps, comme un passage vers un éternel ailleurs qui attire au cœur de ses ancrages éphémères.
Egalement disponible en livre de poche (coll. Points/Seuil, 2010)
06:33 Écrit par Claude Amstutz dans Franz Kafka, Littérature francophone, Littérature suisse | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; nouvelles; livres | | Imprimer | Facebook |
16/09/2013
Vendanges tardives - De la Winchester
Un abécédaire: W comme Winchester
J'avoue, mon cher Fred, que - contrairement à toi - j'éprouve bien souvent, au cinéma, une aversion tenace pour le western. En raison de ses héros fréquemment machos, frustres, plutôt racistes et conservateurs, avec la Bible dans une main et une Winchester dans l'autre. Mais surtout parce que, derrière les bons abolitionnistes du Nord et les exécrables Sudistes, ou les peaux-rouges sans foi ni loi, d'un côté - fossoyeurs de la civilisation - et les justiciers blancs à la morale irréprochable de l'autre - of course - je reconnais toute une image détestable de l'Amérique, exaltant les valeurs nationalistes à travers une vision manichéenne de la société, et qui aura survécu jusqu'à aujourd'hui.
Cela dit, mon approche du genre est assez caricaturale, je te le concède, même si nombreux traits de ces films aux personnages stéréotypés, se retrouvent parmi des cinéastes de renom tels Raoul Walsh - La piste des géants -, ou Anthony Mann - Winchester 73 - parmi d'autres.
Cette gigantesque production hollywoodienne des années 50 et 60 livre pourtant quelques exceptions mémorables - j'en ai choisi trois - qui te réjouiront, parmi lesquelles le formidable Duel au soleil de King Vidor: Après avoir vu son père tuer sa mère et l'amant de celle-ci, Pearl est recueillie dans le ranch du sénateur McCanles. Le patriarche a deux fils, Jesse et Lewt, aussi différents qu'Abel et Cain. Partagée entre les frères ennemis, Pearl deviendra une furie, tourmentant et déchirant tous ceux qui la convoitent.... Dans ce film, les héros s'avèrent plus complexes que de coutume, avec un brave peu réjouissant et un noceur pas antipathique du tout, se disputant le coeur de la belle.
De même El Perdido de Robert Aldrich: Aussitôt arrivé au ranch des Breckenridge, Brendan O’Malley se fait engager pour aider au convoyage du cheptel du propriétaire. Il entreprend également la femme de celui-ci, qu’il a aimée il y a longtemps. Il se fait enfin rejoindre par Dana Stribling, qui l’accuse d’avoir tué son beau-frère et est bien décidé à le venger… Ici, les mécanismes habituels sont brouillés par des passions troubles et débouchent sur une fin empreinte de mélancolie et de dérision.
Enfin ce western crépusculaire - un pur chef-d'oeuvre - L'homme qui tua Liberty Valance de John Ford: Le sénateur Ransom Stoddard et sa femme se rendent en train dans la petite ville de Shinbone, pour assister à l’enterrement d’un dénommé Tom Doniphon. La presse locale est intriguée car à ses yeux, Doniphon est un sombre inconnu et la venue de Stoddard paraît de fait totalement énigmatique. Un journaliste insiste auprès du sénateur pour obtenir une explication, et celui-ci lui raconte alors les circonstances de sa rencontre avec Doniphon et un bandit nommé Liberty Valance, bien des années plus tôt... Toute l'émotion transpire dans ce qui n'est pas vu ni exprimé entre le héros présumé devenu sénateur et ce cowboy inconnu, autrefois son ami.
Au fait, sais-tu que John Ford fut l'idole cinématographique de Akira Kurosawa?
sources: AlloCiné et Wikipedia
extrait 1: Anthony Mann, Winchester 73 (1950) avec James Stewart, Shelley Winters et Dan Duryea
extrait 2: King Vidor, Duel au soleil (1946) avec Gregory Peck, Jennifer Jones et Joseph Cotten
extrait 3: John Ford, L'homme qui tua Liberty Valance (1962) avec John Wayne, James Stewart et Lee Marvin
extrait 4: Robert Aldrich, El Perdido (1961) avec Kirk Douglas, Rock Hudson et Dorothy Malone
00:05 Écrit par Claude Amstutz dans Films inoubliables, Le monde comme il va | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma | | Imprimer | Facebook |
14/09/2013
Lire les classiques - Charles Baudelaire
Charles Baudelaire
merci à Raymonde SP
Bientôt nous plongerons dans les froides ténèbres;Adieu, vive clarté de nos étés trop courts!J'entends déjà tomber avec des chocs funèbresLe bois retentissant sur le pavé des cours. Tout l'hiver va rentrer dans mon être: colère,Haine, frissons, horreur, labeur dur et forcé,Et, comme le soleil dans son enfer polaire,Mon coeur ne sera plus qu'un bloc rouge et glacé. J'écoute en frémissant chaque bûche qui tombe;L'échafaud qu'on bâtit n'a pas d'écho plus sourd.Mon esprit est pareil à la tour qui succombeSous les coups du bélier infatigable et lourd. Il me semble, bercé par ce choc monotone,Qu'on cloue en grande hâte un cercueil quelque part.Pour qui? - C'était hier l'été; voici l'automne!Ce bruit mystérieux sonne comme un départ. J'aime de vos longs yeux la lumière verdâtre,Douce beauté, mais tout aujourd'hui m'est amer,Et rien, ni votre amour, ni le boudoir, ni l'âtre,Ne me vaut le soleil rayonnant sur la mer. Et pourtant aimez-moi, tendre coeur! soyez mère,Même pour un ingrat, même pour un méchant;Amante ou soeur, soyez la douceur éphémèreD'un glorieux automne ou d'un soleil couchant. Courte tâche! La tombe attend; elle est avide!Ah! laissez-moi, mon front posé sur vos genoux,Goûter, en regrettant l'été blanc et torride,De l'arrière-saison le rayon jaune et doux!Charles Baudelaire, Chant d'automne - Les fleurs du mal , dans: Oeuvres complètes (Bibliothèque de la Pléiade/Gallimard, 1961)
image: Cologny, Genève / Suisse (2011)
lu par Janico, sur une musique de Samuel Barber: Adagio for Strings and Orchestra
21:18 Écrit par Claude Amstutz dans Charles Baudelaire, Lire les classiques, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; poésie; anthologie; livres | | Imprimer | Facebook |
13/09/2013
Morceaux choisis - Walter Benjamin
Walter Benjamin
pour Slah P
Dans une histoire d'Andersen apparaît un livre d'enfant qui fut acheté pour la moitié du royaume. Tout y était vivant. Les oiseaux chantaient, les personnages sortaient du livre et se mettaient à parler. Mais aussitôt que la princesse tournait la page, ils bondissaient à nouveau dedans pour éviter tout désordre. Suave et floue comme beaucoup de ce que l'auteur écrivit, cette petite trouvaille poétique frôle de près ce dont il s'agit ici. Ce ne sont pas les choses qui surgissent des pages aux yeux de l'enfant feuilletant les illustrations, c'est lui-même qui par sa contemplation va pénétrer en elles, comme une nuée se rassasiant de l'éclat coloré du monde des images.
Dans un tel monde tendu de couleurs, poreux, où à chaque pas tout va se déplacer, l'enfant est accueilli comme un partenaire de jeu. Drapé de toutes les couleurs qu'il saisit dans sa lecture et dans sa vision, il est là au beau milieu d'une mascarade et y participe. En lisant - car les mots se retrouvent aussi à ce bal masqué - ils sont de la partie et tourbillonnent, flocons de neige sonores, en s'entremêlant. Prince est un mot ceint d'une étoile, dit un garçon de sept ans. Les enfants, quand ils imaginent des histoires, se comportent en metteurs en scène qui ne se laissent pas censurer par le sens. On peut en faire l'épreuve très facilement. Si on indique quatre ou cinq vocables déterminés, qu'on les rassemble vite en une courte phrase, la prose la plus étonnante viendra au jour: non pas une vue perspective sur le livre d'enfants, mais des panneaux indicateurs y menant. Voilà que d'un seul coup les mots se jettent dans un costume, et en un tournemain sont impliqués dans des combats, dans des scènes d'amour, ou dans des bagarres.
C'est ainsi que les enfants écrivent leurs textes, mais ainsi également qu'ils les lisent.
Walter Benjamin, Vue perspective sur le livre pour enfants / extrait, dans: Je déballe ma bibliothèque (coll. Poche/Rivages, 2000)
image: Jean-François Martin (lorizel.canalblog.com)
17:30 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature étrangère, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; essai; morceaux choisis; livres | | Imprimer | Facebook |
La citation du jour
Gilbert de Hoiland
Heureux celui qui vous rencontrera dès le commencement du jour, assis sur le seuil de votre maison, qui pourra se tenir en votre présence et s'y tenir jusqu'au soir... Car vous vous cachez dans les ténèbres, vous êtes lumière et obscurité.
Gilbert de Hoiland, Troisième traité ascétique, dans: François Cali, L'ordre cistercien (Arthaud, 1972)
image: Richard Kriegel, Chartreuse de la Verne - Massif des Maures / France (richardkriegel-photo.com)
00:08 Écrit par Claude Amstutz dans La citation du jour, Littérature étrangère | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; spiritualité; anthologie; citation; livres | | Imprimer | Facebook |