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04/09/2013

La citation du jour

Lyonel Trouillot

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J'ai marché si longtemps à côté de moi-même, en peau de lièvre ou de lézard. Un soir, dans une rue, j'ai croisé une femme, et j'ai voulu lui dire: tu es la beauté même. Mais j'ai pris peur. Il n'y a pas de mérite à aimer la beauté. Pour ne pas l'effrayer, j'ai continué loin d'elle ma dérive ordinaire et vécu avec son image. Si je la croise de nouveau, oserai-je lui dire: C'est comme si toute ma vie je t'avais attendue, non pour te posséder (qui peut prétendre te posséder? La lumière du jour n'appartient à personne...) mais pour nourrir mon chant de ta présence au monde?

Lyonel Trouillot, Parabole du failli (Actes Sud, 2013)

image: lapetitehaiti.files.wordpress.com

11:35 Écrit par Claude Amstutz dans La citation du jour, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : citation; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

Le poème de la semaine

Marie Noël

Au mois de mai j’avais le cœur si grand
Que pour l’emplir je me suis en allée
Cherchant l’amour sans savoir quelle allée,
Pour le rencontrer, quel chemin on prend…
 
Rouge-gorge, au fond du bois incolore,
Au bout des sentiers dont il te souvient,
Du printemps, sais-tu s’il en reste encore?
L’hiver vient…
 
J’allais, j’allais. Où trouver de l’amour?
Au bas de la côte, au faîte, derrière?
Au fond du bois, au bout de la rivière?
Ici, là-bas, à ce prochain détour?...
 
Rouge-gorge, au fond du bois incolore,
Au bout des sentiers dont il te souvient,
De l’été, sais-tu s’il en reste encore?
L’hiver vient…
 
Quand je le vis, je n’osai pas à temps
M’en approcher ou lui faire une avance;
Je l’attendais ouvrant mon cœur immense…
Il n’est tombé qu’une goutte dedans…
 
Rouge-gorge, au fond du bois incolore,
Au bout des sentiers dont il te souvient,
Du soleil, sais-tu s’il en reste encore?
L’hiver vient…
 
Est-ce là tout, cette goutte, est-ce tout?
Je voudrais bien recommencer l’année,
La goutte d’eau qui m’était destinée,
Je voudrais bien la boire encore un coup…
 
Rouge-gorge, au fond du bois incolore,
Au bout des sentiers dont il te souvient,
Des feuilles, sais-tu s’il en reste encore?
L’hiver vient…
 
Est-ce bien tout?... Peut-être, dans un coin
Que j’oubliai, peut-être avant la neige,
Un peu d’amour encor le trouverai-je,
Peut-être ici, peut-être un peu plus loin…
 
Rouge-gorge, au fond du bois incolore,
Au bout des sentiers dont il te souvient,
Du bonheur, sais-tu s’il en reste encore?
L’hiver vient...
 
 
Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle
 

00:06 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie | |  Imprimer |  Facebook | | |

03/09/2013

Laurence Tardieu

images.jpgLaurence Tardieu, Un temps fou (Stock, 2009)

 

Assurément, ce roman pourrait difficilement être écrit par un homme. Et de quoi nous parle-t-il ? De la pudeur des sentiments, du temps qui s’étire ou se contracte, du désir et de l’amour, alors que les années passent … Les émotions délicates tout au long du récit, avec des mots justes, déclinent la passion, mais aussi la liberté. L’histoire de Maud – la narratrice - et de Vincent, est touchante comme une vague inattendue de l’océan, réveillant notre intense joie de vivre et d’aspiration au bonheur.


Egalement disponible en coll. Livre de poche (LGF, 2010)

07:51 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; roman; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

02/09/2013

Philippe Jaccottet

b1cd5ca4-15c8-11e1-b82f-9af57c99f8a6.jpgPhilippe Jaccottet, L'encre serait de l'ombre: Notes, proses et poèmes choisis par l'auteur (coll. Poésie/Gallimard, 2011)

Comme autrefois René Char avec Commune présence ou Henri Michaux avec L'espace du dedans, l'auteur nous invite à une promenade au coeur de son oeuvre dont il a lui-même choisit les textes, de 1946 à 2008. En attendant son apparition prochaine dans la prestigieuse Bibibliothèque de la Pléiade, les amoureux des oeuvres de Philippe Jaccottet auront tout le loisir de se persuader qu'il est, aux côtés d'Yves Bonnefoy, l'une des voix les plus importantes de la poésie d'expression française. 

Philippe Jaccottet, en introduction à son anthologie, nous livre un autoportrait très émouvant qui pourrait à lui seul résumer sa démarche d'homme et d'écrivain: Je me redresse avec effort et je regarde: il y a trois lumières, dirait-on. Celle du ciel, celle qui est de là-haut s'écoule en moi, s'efface, et celle dont ma main trace l'ombre sur la page. L'encre serait de l'ombre. Ce ciel qui me traverse me surprend. On voudrait croire que nous sommes tourmentés pour mieux montrer le ciel. Mais le tourment l'emporte sur ces envolées, et la pitié noie tout, brillant d'autant de larmes que la nuit.