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31/03/2012

Morceaux choisis - Gabriele d'Annunzio

Gabriele d'Annunzio 

littérature; poésie; livres

Que douces te soient mes paroles dans le noir
Comme la pluie qui bruissait tiède et fugitive
Larmes d'adieu du printemps,
Sur les mûriers, les ormes et les vignes,
Sur les pins aux jeunes doigts roses
Qui jouent avec la brise qui se perd,
Et sur le blé qui n'est pas encore blond
Et n'est plus vert,
Et sur le foin qui a déjà subi la faux
Et change de couleur, et sur les oliviers, les oliviers nos frères
Qui rendent les versants pâles de sainteté
Et souriants...

Gabriele d'Annunzio, Soir de Fiesole Anthologie bilingue de la poésie italienne (Bibliothèque de la Pléiade/Gallimard, 1994)

image: Fiesole

22:45 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature étrangère, Littérature italienne, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

29/03/2012

Morceaux choisis - Kathleen Ferrier 1b

Kathleen Ferrier

En complément, l'une des plus belles interprétations de Kathleen Ferrier: Les Rückert Lieder de Gustav Mahler. Parmi celles-ci, Um Mitternacht a déjà été publié sur La scie rêveuse. Voici donc Ich bin der Welt abhanden gekommen, sous la direction de Bruno Walter, accompagné par le Wiener Philharmoniker.

Boris Terk, A voice is a Person (Allia, 2010) 


 

Morceaux choisis - Kathleen Ferrier 1a

Kathleen Ferrier

kathleen_ferrier.jpg

Comment apparaît Kathleen Ferrier dans l'imaginaire ce ceux qui l'entendent aujourd'hui, cinquante ans après sa disparition? Sa voix est grave, la chanteuse n'est plus une jeune fille, elle n'en a ni l'aigu, ni la clarté. Même dans les enregistrements de chants folkloriques anglais, elle ne montre pas l'insouciance de la jeunesse.

Elle a commencé à chanter tardivement, cela s'entend dans sa voix dont le timbre grave n'aurait guère convenu à une adolescente. Elle ne prendra des leçons de chant qu'à vingt- sept ans mais décèdera à quarante et un. Quatorze ans d'une carrière que l'on dirait météorique si ce terme ne décrivait assez mal le cheminement tranquille d'une femme qui saura goûter, dans les quelques années de l'après-guerre que le destin lui accordera, les plaisirs les plus immédiats du rire, des réunions amicales, de la gourmandise retrouvée après les privations endurées de la guerre. Elle chante, dans la plénitude d'une féminité qui s'assume jour après jour, avec l'appétit d'une joie de vivre jamais rassasiée. Le fragment sonore d'une "party" à New York dans les années 1950 chez un ami, fait partager 6 minutes 47 de la vie de Kathleen Ferrier, rescapées dans un enregistrement à la volée où se manifestent son humour leste et son goût pour le travestissement des mots tandis qu'elle s'accompagne joyeusement au piano, partageant la bonne humeur de ses compagnons, que le disque restitue. Avec une interview à la BBC pour le festival d'Edimbourg en 1947, quelques mots d'une interview à la radio de Montréal et un fragment de film de sa descente d'avion à son arrivée en Hollande, ce sont les seuls documents audiovisuels qui attestent de la femme Kathleen. Les photos sont nombreuses, et quasiment tous les enregistrements sont disponibles, même les prises qui n'ont pas été utilisées pour les disques mis en vente de son vivant. Son journal et sa correspondance ont été publiés, mais ce qui dit le mieux Kathleen Ferrier, c'est son chant, c'est sa voix.

Boris Terk, A voice is a Person (Allia, 2010)

06:35 Écrit par Claude Amstutz dans Kathleen Ferrier, Littérature étrangère, Musique classique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; musique; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

28/03/2012

Le poème de la semaine

Jean Grosjean

Nous reposons à ton ombre
malgré l'éclat du jour qui torréfie les champs.
Nous échappons par tes nuits étoilées
aux dimensions de notre internement.
 
Tu peux guider ou dérouter nos songes,
on ne t'entend pas plus qu'un vol d'effraie.
Si nous effraie que la nuit se prolonge
c'est toi qui viens ouvrir les volets.
 
Beauté des vitres que ton souffle embue,
charme des premiers pas dans le jardin. 
Tu poses doucement sur le talus
un vieux brouillard comme un chapeau d'emprunt.
 
 
Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle

01:14 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie | |  Imprimer |  Facebook | | |

27/03/2012

La citation du jour

Georges Perros 

citations; livres

Je ne suis ni de droite ni de gauche. Je suis dans la merde. Ca ne porte pas toujours bonheur.

Georges Perros, Papiers collés III (Gallimard, 1978)

10:39 Écrit par Claude Amstutz dans Georges Perros, La citation du jour, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : citations; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

26/03/2012

Morceaux choisis - Pavel Kohout

Pavel Kohout

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En moins de rien, Simsa se vit passer autour du cou un triple S qui, en temps normal, l'eût gonflé de fierté comme pédagogue et rongé d'envie comme collègue. Il avait été prévu à l'origine qu'à ce moment Simon, remplacé en dernière heure par Frantisek, lui attacherait les mains. Mais les quatre garçons formaient une équipe déjà si parfaitement soudée qu'ils avaient décidé, sans même se donner le mot, de transformer en triomphe une victoire qu'ils savaient désormais acquise.

Les prémonitions d'un bon pédagogue n'ont d'égale que celles d'une mère. Avant même qu'ils l'ussent conçu, Vlk avait compris leur dessein, et il en fut pétrifié. Pendre un client - a fotiori un homme du métier, même mis en condition - sans lui lier les mains était d'une telle inconscience ou témérité que c'était proprement tenter les dieux. Vlk frémit en voyant déjà Simsa faire d'une main un rétablissement de gymnaste sur le bras de la lanterne et desserrer de l'autre le noeud coulant pour se recevoir sur les pieds au milieu de l'assistance. Attachez-le! Attachez-le! faillit-il leur crier, maisdéjà les garçons l'avaient devancé.

Hep! lancèrent Albert, Frantisek, Petr et Pavel d'une seule voix, les deux premiers en ramenant à eux d'un trait continu la corde, les deux autres en soulevant le fardeau avant de se joindre aux haleurs. Simsa, toujours assis en tailleur comme un Bouddha, se vit ainsi lentement mais puissamment hissé par le cou au-dessus de la tête des mômes, la parole et le souffle coupés, mais non le reste. Il lança les bras en avant quand, de ses yeux exorbités, il vit tout près de lui - la personne connue, pensa-t-il joyeusement, c'était donc elle! - le visage aimé de Lizinka.

Dans sa conscience expirante et galvanisée, et par conséquent folle, la conviction se fit jour qu'il sortait enfin d'un mauvais rêve pour se réveiller dans un monde merveilleux. Il perçut un bruissement d'eau, sûr maintenant qu'il s'était endormi dans la baignoire de sa maison de campagne, enveloppé de la tiédeur de ce corps de jeune fille qui n'avait cessé de l'attendre. De surprise, il laissa retomber les bras qui heurtèrent au passage son membre durci. Il sourit - son impuissance n'avait donc été qu'une fable! - et referma les mains sur les seins délicats. Mais c'était déjà un autre rêve, et le dernier, puisque Lizinka, de sa délicate main gauche, lui serrait le menton, tandis que sa non moins délicate main droite lui empoignait les cervicales pour exécuter aussitôt après un brise-nuque digne du manuel scolaire.

Pavel Kohout, L'exécutrice (Albin Michel, 1980)

23:35 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature étrangère, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; roman; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

25/03/2012

Donna Leon

Bloc-Notes, 25 mars / Les Saules

littérature; roman; policier; livres

Comme souvent dans les enquêtes de Brunetti, l'histoire démarre sur un rythme lent, celui du quotidien qui s'égrène de manière apparemment anodine, au fil d'une soirée chez les Falier, parents influents de son épouse Paola. Il y fait la connaissance de Franca Marinello, une femme bizarre au sourire défiguré et aux expressions indéchiffrables. Fascinante et cultivée - elle l'entretient des Géorgiques de Virgile et de Cicéron - elle est aussi l'épouse de Maurizio Cataldo, avec lequel le comte Orazio Falier hésite à s'associer. Tout naturellement, ce dernier demande à Guido de se renseigner discrètement sur ce personnage. Un travail routinier, sauf que Franca confie du bout des lèvres à notre commissaire quelques frayeurs liées aux affaires de son époux, et que dans la même semaine un transporteur routier est retrouvé assassiné.

Un lien existe-t-il entre les deux enquêtes? Vengeances, règlements de comptes, Mafia? La signorina Elettra et le sergent Vianello jouent à nouveau un rôle important dans cet épisode, mais en habile scénariste, Donna Leon y introduit de nouveaux protagonistes tels le major Guarino et Claudia Griffoni qui assiste Brunetti dans cette aventure. Enfin, Donatella Falier, par ses confidences, donne un éclairage particulier à cette plongée dans le monde de l'argent sale, du trafic des déchets et de la criminalité, suggérant à son beau-fils de ne pas se laisser égarer par les évidences... Et le sourire figé de Franca Marinello, quel secret y est donc enfoui? Vous le saurez dans les dernières pages de ce roman au dénouement tout à fait innatendu qui colle à une réalité évoquée par ailleurs dans le dernier document de Roberto Saviano, Le combat continue - Résister à la mafia et à la corruption et laisse apparaître ces dossiers d'affaires classées dont à aucun moment on ne viendrait à souhaiter la réouverture. Et pourtant, ils recèlent dans leurs pages la clef qui donne tout son sens au titre étrange de ce livre: La femme au masque de chair...

Une réussite et un bien sympathique divertissement pour tous les amoureux de Venise!    

Donna Leon, La femme au masque de chair (Calmann-Lévy, 2012)

Roberto Saviano, Le combat continue - Résister à la mafia et à la corruption (Laffont, 2012) 

image: Les enquêtes de Brunetti - série TV, avec Uwe Kockisch (Guido Brunetti) et Julia Jäger (Paola Brunetti)

Morceaux choisis - Guy de Maupassant

Guy de Maupassant

littérature; roman; livres

L'établissement, unique dans la petite ville, était assidûment fréquenté. Madame avait su lui donner une tenue si comme il faut; elle se montrait si aimable, si prévenante envers tout le monde; son bon coeur était si connu, qu'une sorte de considération l'entourait. Les habitués faisaient des frais pour elle, triomphaient quand elle leur témoignait une amitié plus marquée; et lorsqu'ils se rencontraient dans le jour pour leurs affaires, ils se disaient: A ce soir, où vous savez, comme on se dit : Au café, n'est-ce pas? après dîner. Enfin la maison Tellier était une ressource, et rarement quelqu'un manquait au rendez-vous quotidien.

Or, un soir, vers la fin du mois de mai, le premier arrivé, M. Poulin, marchand de bois et ancien maire, trouva la porte close. La petite lanterne, derrière son treillage, ne brillait point; aucun bruit ne sortait du logis, qui semblait mort. Il frappa, doucement d'abord, avec plus de force ensuite; personne ne répondit. Alors il remonta la rue à petits pas, et, comme il arrivait sur la place du Marché, il rencontra M. Duvert, l'armateur, qui se rendait au même endroit. Ils y retournèrent ensemble sans plus de succès. Mais un grand bruit éclata soudain tout près d'eux, et, ayant tourné la maison, ils aperçurent un rassemblement de matelots anglais et français qui heurtaient à coups de poings les volets fermés du café. Les deux bourgeois aussitôt s'enfuirent pour n'être pas compromis, mais un léger pss't les arrêta: c'était M. Tournevau, le saleur de poisson, qui, les ayant reconnus, les hélait. Ils lui dirent la chose, dont il fut d'autant plus affecté que lui, marié, père de famille et fort surveillé, ne venait là que le samedi, securitutis cuuia, disait-il, faisant allusion à une mesure de police sanitaire dont le docteur Borde, son ami, lui avait révélé les périodiques retours.

C'était justement son soir et il allait se trouver ainsi privé pour toute la semaine. Les trois hommes firent un grand crochet jusqu'au quai, trouvèrent en route le jeune M. Philippe, fils du banquier, un habitué, et M. Pimpesse, le percepteur. Tous ensemble revinrent alors par la rue aux Juifs pour essayer une dernière tentative. Mais les matelots exaspérés faisaient le siège de la maison, jetaient des pierres, hurlaient ; et les cinq clients du premier étage, rebroussant chemin le plus vite possible, se mirent à errer par les rues.Ils rencontrèrent encore M. Dupuis, l'agent d'assurances, puis M. vasse, le juge au tribunal de commerce ; et une longue promenade commença qui les conduisit à la jetée d'abord. Ils s'assirent en ligne sur le parapet de granit et regardèrent moutonner les flots. L'écume, sur la crête des vagues, faisait dans l'ombre des blancheurs lumineuses, éteintes presque aussitôt qu'apparues, et le bruit monotone de la mer brisant contre les rochers se prolongeait dans la nuit tout le long de la falaise.Lorsque les tristes promeneurs furent restés là quelque temps,M. Tournevau déclara: Ça n'est pas gai. Non certes, reprit M. Pimpesse; et ils repartirent à petits pas.

Après avoir longé la rue que domine la côte et qu'on appelle Sous-le-Bois, ils revinrent par le pont de planche sur la Retenue, passèrent près du chemin de fer et débouchèrent de nouveau place du Marché, où une querelle commença tout à coup entre le percepteur, M. Pimpesse, et le saleur, M. Tournevau, à propos d'un champignon comestible que l'un d'eux affirmait avoir trouvé dans les environs. Les esprits étant aigris par l'ennui, on en serait peut-être venu aux voies de fait si les autres ne s'étaient interposés. M. Pimpesse, furieux, se retira; et aussitôt une nouvelle altercation s'éleva entre l'ancien maire, M. Poulin, et l'agent d'assurances, M. Dupuis, au sujet des appointements du percepteur et des bénéfices qu'il pouvait se créer. Les propos injurieux pleuvaient des deux côtés, quand une tempête de cris formidables se déchaîna, et la troupe des matelots, fatigués d'attendre en vain devant une maison fermée, déboucha sur la place. Ils se tenaient par le bras, deux par deux, formant une longue procession, et ils vociféraient furieusement. Le groupe des bourgeois se dissimula sous une porte, et la horde hurlante disparut dans la direction de l'abbaye. Longtemps encore on entendit la clameur diminuant comme un orage qui s'éloigne; et le silence se rétablit. M. Poulin et M. Dupuis, enragés l'un contre l'autre, partirent, chacun de son côté, sans se saluer. Les quatre autres se remirent en marche, et redescendirent instinctivement vers l'établissement Tellier. Il était toujours clos, muet, impénétrable. Un ivrogne, tranquille et obstiné, tapait des petits coups dans la devanture du café, puis s'arrêtait pour appeler à mi-voix le garçon Frédéric.

Voyant qu'on ne lui répondait point, il prit le parti de s'asseoir sur la marche de la porte, et d'attendre les événements. Les bourgeois allaient se retirer quand la bande tumultueuse des hommes du port parut au bout de la rue. Les matelots français braillaient la Marseillaise, les anglais le Rule Britania. Il y eut un mouvement général contre les murs, puis le flot de brutes reprit son cours vers le quai, où une bataille éclata entre les marins des deux nations. Dans la rixe, un Anglais eut le bras cassé, et un Français le nez fendu. L'ivrogne, qui était resté devant la porte, pleurait maintenant comme pleurent les pochards ou les enfants contrariés. Les bourgeois enfin se dispersèrent. Peu à peu le calme revint sur la cité troublée. De place en place, encore par instants, un bruit de voix s'élevait, puis s'éteignait dans le lointain. Seul, un homme errait toujours, M. Tournevau, le saleur, désolé d'attendre au prochain samedi; et il espérait on ne sait quel hasard, ne comprenant pas; s'exaspérant que la police laissât fermer ainsi un établissement d'utilité publique qu'elle surveille et tient sous sa garde. Il y retourna, flairant les murs, cherchant la raison; et il s'aperçut que sur l'auvent une pancarte était collée. Il alluma bien vite une allumette- bougie, et lut ces mots tracés d'une grande écriture inégale: Fermé pour cause de première communion. Alors il s'éloigna, comprenant bien que c'était fini...

Guy de Maupassant, La maison Tellier (coll. Livre de Poche, 2003)

00:08 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; roman; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

24/03/2012

Musica présente 6 - Jascha Heifetz

Jascha Heifetz

violoniste russe, 1901 - 1987

*

Piotr Ilitch Tchaïkovski

Sérénade mélancolique, Op 26

(orchestre non identifié)


00:09 Écrit par Claude Amstutz dans Musica présente, Musique classique, Piotr Ilitch Tchaïkovski | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique classique | |  Imprimer |  Facebook | | |

22/03/2012

Annie François

Bloc-Notes, 22 mars / Les Saules

littérature; essai; livres

Voici un livre tout à fait épatant, pour vous, amoureux des livres! Souvenirs de ce qu'évoquent ces milliers de pages lues au cours d'une vie: rythmes de nos émotions intimes, échos de notre vie personnelle, dans le couple ou face à la maladie, à la solitude choisie ou subie. Une radiographie affective en miroir pour nous montrer la magie des couvertures, les odeurs de ces papiers de tout âge, la musique des feuillets enchantant nos heures silencieuses, la diversité des typographies selon la nature du livre et des genres. Il y est aussi question d'agacements - la verrue de l'objet du plaisir qu'on appelle code-barre -, de boulimie de lecture alternant avec ces jours de grêve que nous connaîtrons tous jusqu'au dernier jour, ou de ces ingérences extérieures qui gâchent notre félicité et s'approprient l'espace: les bruits de la ville au dehors, l'étranger à notre lecture qui parle au mauvais moment ou même silencieux, a le malheur de tourner ses propres pages.

Décapante et pleine d'humour, Annie François revisite avec une délicieuse sensualité notre mémoire autant que la sienne: à propos du prêt des livres, de l'importance des bibliothèques publiques ou de la pathologie du lecteur. Sur l'édition, elle nous présente une jolie image sur l'imperfection, qu'il faudrait encadrer au-dessus de nos forêts de papier: J'adore que le livre témoigne encore de la faillibilité humaine, du malencontreux hasard. Bien sûr, une lézarde qui fait son chemin à travers les lignes mobilise trop mon attention au détriment de la lecture. Mais elles me fascinent, ces incongruités qui me sont pourtant aussi précieuses qu'aux philatélistes les varietés des timbres.

Alors, les bouquins: une passion exclusive, un vice ou une vertu, un objet de jalousie pour les uns autant que de personnes ou l'atelier secret de ceux qui - comme Georges Perros - pensent que la vraie vie est dans la littérature? Annie François nous en dessine les contours. A nous d'en faire notre propre tableau, avec ces balbutiements de pinceaux et de couleurs qui ne ressemblent à rien d'autre que ce que nous sommes devant notre bibliothèque ou les devantures des librairies: un peu toxicomanes, exaspérants, sectaires, mais aussi amoureux, comblés, heureux. C'est-à-dire uniques, pour tout dire...

Annie François, éditrice au Seuil, nous a quittés en juin 2009. Elle nous laisse, outre Bouquiner - Autobiobibliographie (2000), Fanes, épluchuchures et trognons (Le Zouave, 2000), Clopin-clopant - Autobacographie (Seuil, 2002), Scènes de ménage au propre et au figuré (Seuil, 2004), Contes pour lardons et moutardes (Gallimard Jeunesse, 2007) et Mine de rien - Autobobographie et De Guerre lasse (Seuil, 2012) qui vient de paraître en librairie. Il sera présenté dans ces colonnes, au cours du mois prochain.

Dans la catégorie Morceaux choisis, ici-même, sur La scie rêveuse, vous pouvez retrouver deux extraits de ce merveilleux bouquin.   

Annie François, Bouquiner (coll. Points/Seuil, 2012)

00:05 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; essai; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |