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29/02/2012

Le poème de la semaine

Nadia Tuéni

En pays de prières
la lumière habite un vitrail.
Le matin glisse dans la chapelle,
un moine et son ombre jumelle.
La vierge dort sous son émail.
Le soleil professe et travaille,
sur les terres de Mâr Charbel.
 
En pays de prières,
la montagne à un double nez;
des larmes en formes de peupliers.
On cultive entre les rochers,
graines et fleurs de chapelets.
 
En pays de prières
la lune quitte son orbite.
Un enfant cache dans la bruyère,
un Ave plus quatre Pater.
 
Et la nuit ouvre sa portière,
s'en échappe une Carmélite,
qui serre dans son aumônière,
des dragées blanches d'eau bénite.
La lune quitte son orbite,
pour rejoindre sur la clairière
la robe brune de l'Ermite.
 
En pays de prières
les corps sont bribes d'un même secret.
C'est le souffle du Juste,
qui rend plus bleu le ciel,
au-dessus des vallées.
 
 
Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle

26/02/2012

Michael Cunningham

littérature; roman; livresMichael Cunningham, Crépuscule (Belfond, 2012)

présenté par Thierry du Sordet - Payot Libraire, Nyon 

Peter et Rebecca Harris, la quarantaine, mariés depuis longtemps, se font grignoter par la routine et l'usure du temps: Rebecca avec sa revue d'art contemporain, et surtout Peter qui, dans sa recherche de la beauté absolue, est en train de s'enterrer en lui-même. L'arrivée du très jeune frère de Rebecca, Mizzy - beauté androgyne de vingt-trois ans au charme ambigü - forcera Peter à ouvrir sa boîte de Pandore... A mi-chemin entre Mrs Dalloway et Mort à Venise, ce titre est à ranger parmi les tout grands romans de Michael Cunningham, auteur qui porte encore en lui le fantôme de Virginia Woolf.  

01:33 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature étrangère | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; roman; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

Morceaux choisis - Mario Rigoni Stern

Mario Rigoni Stern

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Quand le beau temps coïncide avec ma disponibilité, j'aime partir avec mes souvenirs sur les sentiers et les chemins forestiers; j'observe, aussi, et j'écoute, les signaux que la nature communique au fil des saisons et des années. Mais c'est quand des amis se joignent à moi que je rêve et réfléchis le plus. Ces compagnons de route ne sont plus présents physiquement, leur corps est resté dans des endroits lointains: enseveli sur des montagnes, ou dans la steppe; dans des cimetières de village avec une simple croix, ou de ville avec une dalle et des fleurs. Et c'est avec eux que je suis et que je converse, en me souvenant. Ceux qui ne croient pas, ou ceux qui croient, peuvent regarder ma façon d'agir avec une bienveillante indulgence. Peu m'importe: moi aussi j'ai des doutes mais il me plaît, certaines fois, de les ignorer.

Dans "De senectute", Bobbio écrit: "Quand tu parcours les lieux de ta mémoire, les morts se pressent autour de toi, et leur groupe devient chaque année plus nombreux. La plus grande partie de ceux quio t'ont accompagné t'ont abandonné. Mais toi tu ne peux pas les effacer comme s'ils n'avaient pas existé. Au moment où tu les rappelles à ton esprit tu les fais revivre, au moins pour un instant, et ils ne sont pas tout à fait morts, ils n'ont pas complétement disparu dans le néant..." Dans ces lumineuses journées de fin d'hiver je pars presque chaque matin par une route en plein bois avec mes skis légers aux pieds; et aujourd'hui c'est le cher Primo Levi qui m'accompagne. Jadis il m'avait écrit qu'il aurait voulu tout abandonner, prendre ses skis et venir avec moi; mais il lui était difficile de sortir de la ville: les embouteillages, le trafic sur l'autoroute, les obligations qu'il avait, et bien d'autres choses encore, ne lui permettaient pas de le faire. Maintenant, dégagé de ces liens. il peut le faire et il m'attend au carrefour où la route forestière, que le chasse-neige ne déblaye pas, se détache de la nationale et s'enfonce entre les arbres encore décorés par la dernière chute de neige.

Mario Rigoni Stern, Sentiers sous la neige (La Fosse aux Ours, 2000)

mage: Alfred Sisley - La neige à Louveciennes

01:32 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature italienne, Mario Rigoni Stern, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; récit; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

25/02/2012

Alexandra Marinina

marinina.jpgAlexandra Marinina, La septième victime (Seuil, 2011)

présenté par Anne-Claude Thorin - Payot Libraire, Nyon

Anastasia Karmenskaïa, officier de la police de Moscou, est invitée à une émission télévisée en direct sur Les femmes aux métiers extraordinaires. Il faut dire qu'en Russie elles sont en tout et pour tout trois officiers dans la brigade criminelle. Nastia convainc son amie Tatiana, juge d'instruction et auteur de romans policiers populaires, de la suivre dans l'aventure. A quelques minutes de la fin de l'émission, juste derrière un spectateur occupé à poser une question à Nastia, surgit une pancarte: Puisque tu es si intelligente, devine où tu vas rencontrer la mort... 

Pour la première fois, Anastasia Kamenskaïa, la super enquêtrice moscovite, tremble et lutte contre un ennemi brillant, glacial et déterminé. Ce polar angoissant nous entraîne dans l’univers des arts, des intellectuels et de la désillusion post-communiste. Excellent! 

également disponible en format de poche (coll. Points/Seuil, 2012)

07:20 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature étrangère, Littérature policière | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; roman; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

Morceaux choisis - Rainer-Maria Rilke

Rainer-Maria Rilke

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Ô nostalgie des lieux
qui n'étaient point assez aimés à l'heure passagère,
que je voudrais leur rendre de loin le geste oublié,
l'action supplémentaire!
 
Revenir sur mes pas,
refaire doucement - et cette fois, seul - tel voyage,
rester à la fontaine davantage,
toucher cet arbre, caresser ce banc ...
Monter à la chapelle solitaire que tout le monde dit sans intérêt ;
pousser la grille de ce cimetière,
se taire avec lui qui tant se tait.
Car n'est-ce pas le temps
où il importe de prendre un contact subtil et pieux?
Tel était fort, c'est que la terre est forte ;
et tel se plaint : c'est qu'on la connaît peu.
 

Rainer-Maria Rilke, Vergers (coll. Poésie/Gallimard, 1978)

24/02/2012

Jonas Jonasson

69810144.jpegJonas Jonasson, Le vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire (Presses de la Cité, 2011)

présenté par Fabienne Kranck - Payot Libraire, Nyon

Le jour de ses cent ans, alors que tous les notables de la ville l'attendent pour célébrer l'événement, Allan Karlsson s'échappe par la fenêtre de sa maison de retraite quelques minutes avant le début de la fête organisée en son honneur. Ses plus belles charentaises aux pieds, le vieillard se rend à la gare routière, où il dérobe une valise dans l'espoir qu'elle contienne une paire de chaussures. Mais le bagage recèle un bien plus précieux chargement, et voilà comment Allan se retrouve poursuivi par la police et par une bande de malfrats… 

Allan ne fêtera pas son centième anniversaire dans sa maison de retraite. Il a décidé de mettre les voiles! Au fil de péripéties toutes plus loufoques les unes que les autres, nous faisons connaissance avec ce personnage peu ordinaire que Staline, Truman, Mao et bien d’autres grands de ce XXe siècle se sont arraché, car il connaissait la formule pour fabriquer la bombe atomique... Un roman à hurler de rire avec lequel vous passerez un excellent moment! 

00:15 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature étrangère | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; roman; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

23/02/2012

Morceaux choisis - Colette Fellous/Paul Nizon

Colette Fellous et Paul Nizon

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Je dévorais et buvais sa présence, ses yeux avec ces mignones petites taches dans le brun clair, la bouche joliment peinte, et surtout cette façon qu'avaient ses lèvres de laisser passer la voix. Pas seulement le son, mais les mots, les phrases dans cette langue étrangère que j'aime tant, et quel frisson quand cette voix prononçait mon nom. Je ne pouvais me rassasier de son visage ni de ses doigts fins aux ongles merveilleusement soignés qui maniaient les couverts.

J'enregistrais tout cela, ce port de reine, la lumière de son visage, notre intimité, et j'étais conscient que cette heure et ces secondes n'auraient eu lieu qu'une fois, j'aimais t sentais le monde autour de moi comme jamais, la rue avec ses mélopées du soir, tout, j'étais aveugle et voyant. Miracle sur miracle, moi avec elle, dans cette ville unique, et c'était comme si elle l'avait inventée pour moi et qu'elle me l'offrait, à moi. A moi seul.

Colette Fellous et Paul Nizon, Maria Maria (Maren Sell, 2004)

Steinunn Sigurdardottir

cent-portes-battant-01.jpgSteinunn Sigurdardottir, Cent portes battant aux quatre vents (Héloïse d'Ormesson, 2011)

présenté par Sonia Castro - Librairie Payot, Nyon 

Plus de vingt ans ont passés depuis que Brynhildur a quitté Paris où elle a été étudiante à la Sorbonne. Mais un court séjour dans la capitale ainsi qu'une aventure inattendue et sans lendemain la projettent malgré elle face à ses souvenirs de jeunesse, parmi lesquels, celui du grand amour à côté duquel elle est passée. Pourquoi ne saisit-on pas le bonheur lorsqu'il passe? Pourquoi tous ces tourments et ces attirances non réciproques?

Brynhildur part à Paris afin de trouver un paravent pour sa fille. Tournant dans la capitale, elle atterrit dans une petite boutique où elle va vivre une expérience charnelle qui fera jaillir de sa mémoire ses souvenirs d’étudiante. Elle retrouve alors les rues qu’elle prenait en suivant son professeur de grec qu’elle aimait. La nostalgie d’une femme qui regarde sa vie passée, essayant d’y trouver du réconfort. 

08:15 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature étrangère | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; roman; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

Morceaux choisis - Giuseppe Ungaretti

Giuseppe Ungaretti

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J'ai toujours pensé que les vrais grands peintres sont ceux qui savent se servir du blanc. Tous les registres y sont contenus; une pointe en suffit à faire hurler un tableau, ou le faire rire comme les jeunes filles de Corte. Ce n'est pas une absence de couleurs; ce sont toutes les couleurs en mouvement, parmi lesquelles, l'une ou l'autre, ou plus lente, ou plus prompte, glisse un rien de discordant; bleu, ou rouge, ou jaune bile, ou aveuglant comme le soleil. Le blanc ne permet de triompher qu'à force de retenue; quand, dans un poème, un tableau, le blanc réussit à éclairer le sens profond des paroles, le poète ni le peintre n'a plus rien à apprendre.

Giuseppe Ungaretti, Neige (Revue Europe - no 955-956, novembre-décembre 2008)

image: Nicolas de Staël, Le concert (1955)

22/02/2012

Le poème de la semaine

Catherine Pozzi

Très haut amour, s’il se peut que je meure
Sans avoir su d’où je vous possédais,
En quel soleil était votre demeure
En quel passé votre temps, en quelle heure
Je vous aimais,
 
Très haut amour qui passez la mémoire,
Feu sans foyer dont j’ai fait tout mon jour,
En quel destin vous traciez mon histoire,
En quel sommeil se voyait votre gloire,
Ô mon séjour…
 
Quand je serai pour moi-même perdue
Et divisée à l’abîme infini,
Infiniment, quand je serai rompue,
Quand le présent dont je suis revêtue
Aura trahi,
 
Par l’univers en mille corps brisée,
De mille instants non rassemblés encor,
De cendre aux cieux jusqu’au néant vannée,
Vous referez pour une étrange année
Un seul trésor
 
Vous referez mon nom et mon image
De mille corps emportés par le jour,
Vive unité sans nom et sans visage,
Cœur de l’esprit, ô centre du mirage,
Très haut amour.

 
Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle

07:30 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie | |  Imprimer |  Facebook | | |