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12/03/2012

O tempora, o mores 1b

Bloc-Notes, 12 mars / Les Saules

Voici un court extrait du livre de Gospé et Sempinny

Nicolas a bien grandi

actualité; politique; humour; livres

D'habitude, c'est quand on saigne qu'on va à l'infirmerie. Comme la fois où Dominique avait donné un coup de poing à Raffarin et qu'il avait mis du sang partout sur son tablier, même qu'après, il avait un chouette coton qui dépassait du nez. Ou quand Brice s'était pris la porte dans la figure en regardant par le trou de la serrure pour espionner le Potage qui était en train de passer un savon à Ségolène parce qu'elle avait tiré les cheveux de Martine en passant derrière elle dans la cour. Le Potage - c'est notre surveillant, c'est comme ça qu'on l'appelle même si c'est pas son vrai nom -, il avait brusquement ouvert la porte, et Brice avait eu un oeil au beurre noir avec deux points de souture. Il n'était pas beau à voir parce qu'il était tout violet.

Une autre fois, au cours de gymnastique, on avait fait du lancer de poids - c'est un peu comme le jeu de la pétanque en vacances, sauf que là, il n'y a pas de cochonnet et qu'il faut seulement envoyer la boule le plus loin possible -, et Marine l'avait lancé sur la tête de Fanfan. Fanfan, c'est le surnom qu'on lui a donné depuis qu'il y a deux François dans la classe: c'est peut-être à cause de ses grandes oreilles, parce que c'est vrai qu'il ressemble à un lapin, et qu'il aime bien donner des conseils, comme d'arrêter de nous disputer par exemple, et de le choisir comme chef.

Gospé et Sempinny, Le petit Nicolas a bien grandi (Mango, 2012)

00:13 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Le monde comme il va | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité; politique; humour; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

11/03/2012

La citation du jour

René Char

René Char 4.jpg

Malgré la fenêtre ouverte dans la chambre au long congé, l'arôme de la rose reste lié au souffle qui fut là. Nous sommes une fois encore sans expérience antérieure, nouveaux venus, épris. La rose! Le champs de ses allées éventerait même la hardiesse de la mort. Nulle grille qui s'oppose. Le désir resurgit mal de nos fronts évaporés. Celui qui marche sur la terre des pluies n'a rien à redouter de l'épine, dans les lieux finis ou hostiles. Mais s'il s'arrête et se recueille, malheur à lui! Blessé au vif, il vole en cendres, archer repris par la beauté.

René Char, Le front de la rose - La parole en archipel (Bibliothèque de la Pléiade/Gallimard, 1983)

 

11:19 Écrit par Claude Amstutz dans La citation du jour, Littérature francophone, René Char | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : citations; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

10/03/2012

Les pièces de Shakespeare - 7b

Peines d'amour perdues

Voici un extrait de cette pièce de Shakespeare - Acte V, Scène II - qui conclut pour ainsi dire cette comédie. Il est lu par Francis Jeater, dans sa langue originale. Ci-dessous, vous en trouvez la traduction.


Le printemps, chante les deux couplets suivants:
 
Quand la marguerite étoilée et la violette azurée,
Quand la primevère argentée
Et les marguerites d'or
Émaillent les prés de riantes couleurs,
Le coucou alors, de feuillage en feuillage,
Se moque des maris en chantant
Coucou,
Coucou, coucou. ô mot redoutable!
Fatal à l'oreille d'un époux.
 
Quand les bergers enflent leur chalumeau d'avoine;
Quand l'alouette joyeuse sonne le réveil du laboureur;
Quand les tourterelles se caressent, et roucoulent et murmurent,
Et que la jeune bergère blanchit son linge,
Le coucou alors, de feuillage en feuillage,
Se moque des maris en chantant
Coucou,
Coucou, coucou. ô mot redoutable!
Fatal à l'oreille d'un époux.
 
L'hiver, chante à son tour:
 
Quand les glaçons brillent aux toits;
Quand le berger Guillot souffle dans ses doigts;
Quand Pierrot entasse des souches dans le foyer ;
Quand le lait gèle et durcit dans le vase,
Que le sang se glace et que les chemins se salissent,
Alors la chouette effrayante chante dans la nuit
Toou oüe,
Tou oüe, to oüe, note faite pour plaire!
 
Quand la grosse Jeanne écume son pot ;
Quand tous les vents sifflent déchaînés ;
Que la toux emporte le prône du pasteur,
Que les oiseaux sont blottis dans la neige ;
Quand le froid rougit le nez de Marianne ;
Quand les pommes rôties sifflent sur le feu,
Alors la chouette effrayante chante dans la nuit
Toou oüe,
Tou oüe, to oüe, note faite pour plaire!

traduit par Pierre Messiaen (Comédies - Desclée de Brouwer, 1961)

02:42 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature étrangère, Théâtre, William Shakespeare | Lien permanent | Commentaires (0) | |  Imprimer |  Facebook | | |

Les pièces de Shakespeare - 7a

Peines d'amour perdues

William Shakespeare.jpg

Cette pièce de théâtre, écrite probablement vers 1596 - l'époque de Songe d'une nuit d'été et de Roméo et Juliette - s'inscrit dans le cycle des comédies de Shakespeare, ou des romances dans la classification anglaise.

De quoi s'agit-il ici? De Ferdinand, roi de Navarre, ainsi que de ses trois compagnons: Biron, Longueville et Dumaine. Ensemble, ils font serment de se consacrer à l'étude et de renoncer à la frivolité, aux excès, aux plaisirs, et de redonner ainsi à la cour son sérieux, son intelligence, sa noblesse. Cette promesse - bien entendu - inclut le renoncement à toute conquête féminine... Ainsi, ils seront mis à très rude épreuve lorsqu'arrivent parmi eux la reine de France accompagnée de ses dames de compagnie: Rosalinde, Marie, et Catherine. Leurs coeurs vont s'enflammer comme fétus de paille, et les voici éperdument amoureux. Oubliés leurs engagements? Le destin - une fois encore - vient mettre un peu d'ordre dans cette comédie libertine: la princesse, apprenant la mort de son père, rejoint ses terres de France avec ses suivantes, non sans que toutes ensemble promettent à leurs galants, un an plus tard - le temps du deuil familial - un rendez-vous qu'on suppose prometteur pour ces jeunes gens, à la seule condition que, pendant leur absence, ils se consacrent à des oeuvres charitables afin d'effacer le parjure et leur prouver par ce sacrifice, la sincérité de leurs sentiments.

Injustement considérée comme une pièce mineure de Shakespeare, c'est pourtant l'une des seules qui soit tout à fait originale, c'est-à-dire non inspirée de textes antérieurs. D'autre part, pour qui ne maîtrise pas la langue anglaise classique, c'est l'une des oeuvres les plus ardues à lire, avec ses jeux de mots, son mélange d'érudition et de moquerie, de tendresse et d'insouciance, de prétention et d'ingénuité. Probablement un cauchemar pour les traducteurs!

Une romance vraiment, Peine d'amour perdues? Sans aucun doute, mais comme toujours avec cet auteur, sous les rires, les caricatures et la pétulence de la jeunesse, on peut y lire la précarité des voeux, la trahison des promesses, les vélléités de l'ascétisme et le passage difficile de la séduction à la preuve de l'amour. Pourtant, Peine d'amour perdues demeure une comédie pleine de charme qu'il vaut la peine de découvrir.

On y retrouve aussi l'un des plus beaux poèmes de Shakespeare: Si l'amour m'a rendu parjure, comment pourrai-je faire serment d'aimer? Ah! il n'est de serments constants que ceux qui sont faits à la beauté; quoique parjure à moi-même, je n'en serai pas moins fidèle à toi. Ces pensées, qui étaient pour moi comme des chênes, s'inclinent devant toi comme des roseaux. L'étude abandonne ses livres pour ne lire que dans tes yeux où brillent tous les plaisirs que l'art peut comprendre. Si la science est le but de l'étude, te connaître suffit pour l'atteindre. Savante est la langue qui peut bien te louer. Ignorante est l'âme qui te voit sans surprise... (Acte IV, Scène II)

On voudrait avoir écrit ces vers...

traduit par Pierre Messiaen (Comédies - Desclée de Brouwer, 1961)

02:42 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature étrangère, Théâtre, William Shakespeare | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; théâtre; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

08/03/2012

Morceaux choisis - Georges Bernanos

Georges Bernanos

littérature; roman; livres

La joie du jour, le jour en fleur, un matin d'août, avec son humeur et son éclat, tout luisant - et déjà, dans l'air trop lourd, les perfides aromates d'automne - éclatait à chaque fenêtre de l'interminable véranda aux vitraux rouges et verts. C'était la joie du jour, et par on ne sait quelle splendeur périssable, c'était aussi la joie d'un seul jour, le jour unique, si délicat, si fragile dans son implacable sérénité, où paraît pour la première fois à la cime ardente de la canicule, la brume insidieuse traînant encore au-dessus de l'horizon et qui descendra quelques semaines plus tard sur la terre épuisée, les prés défraîchis, l'eau dormante, avec l'odeur des feuillages taris.

De son pas juste et léger, rarement hâtif, la jeune fille traversa toute cette lumière, et ne s'arrêta que dans l'ombre du vestibule, les volets clos. Elle écoutait battre son coeur et ce n'était assurément ni de terreur ni de vaine curiosité, car depuis des semaines et des semaines, sans qu'elle y prît garde peut-être, chaque heure de sa vie était pleine et parfaite, et il lui semblait que toutes ses forces ensemble n'y eussent rien ajouté ni moins encore retranché... C'étaient les heures de jadis, si pareilles à celles de l'enfance, et il n'y manquait même pas la merveilleuse attente qui lui donnait autrefois l'illusion de courir à perdre haleine au bord d'un abîme enchanté. Délices profondes, plus secrètes qu'aucun battement de coeur profond! Au flanc des Pyrénées, sur un sentier vertigineux, regardant par la portière du coche le gouffre rose où tournent les aigles, la petite fille préférée de sainte Thérèse s'écrie joyeusement: Je ne puis tomber qu'en Dieu! C'étaient les heures de jadis peut-être, mais elle avait perdu jusqu'au goût de les retenir en passant, pour y chercher la part de joie ou de tristesse enclose, aini qu'on ouvre un fruit.

Elle avait cru d'abord, elle aurait voulu croire toujours, que l'espèce d'indifférence heureuse, ce sommeil heureux du désir, n'était rien d'autre que la miraculeuse insouciance des enfants, leur pureté... Bien avant qu'elle en eût fait confidence à personne, ou même qu'elle fût capable de la concevoir clairement, la pauvreté, une pauvreté surnaturelle, fondamentale, avait brillé sur son enfance, ainsi qu'un petit astre familier, une lueur égale et douce. Si loin qu'elle remontât vers le passé, un sens exquis de sa propre faiblesse l'avait merveilleusement réconfortée et consolée, car il semblait qu'il fût en elle comme le signe ineffable de la présence de Dieu, Dieu lui-même qui resplendissait dans son coeur. Elle croyait n'avoir jamais rien désiré au-delà de ce qu'elle était capable d'atteindre, et toujours cependant, l'heure venue, l'effort avait été moins grand qu'elle n'eût osé l'imaginer, comme si l'eût miraculeusement devancée la céleste compassion.

Georges Bernanos, La joie (Castor Astral, 2011) 

image:  Olgun Yürekler

08:54 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; roman; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

07/03/2012

Le poème de la semaine

Louis Aragon

Toutes les chambres de ma vie
M'auront étranglé de leurs murs
Ici les murmures s'étouffent Les cris se cassent
 
Celles où j'ai vécu seul
A grands pas vides
Celles Qui gardaient leurs spectres anciens
Les chambres d'indifférence
 
Les chambres de la fièvre et celle que
J'avais installée afin d'y froidement mourir
Le plaisir loué Les nuits étrangères
Il y a des chambres plus belles que blessures
Il y a des chambres qui vous paraîtront banales
Il y a des chambres de supplications
Des chambres de lumière basse des
Chambres prêtes à tout sauf au bonheur
Il y a des chambres à jamais pour moi de mon sang
Eclaboussées
Toutes les chambres un jour vient
Que l'homme s'y écorche vif
Qu'il y tombe à genoux qu'il demande pitié
Qu'il balbutie et se renverse comme un verre
Et subit le supplice épouvantable du temps
Derviche lent le temps est rond qui tournesur lui-même
Qui regarde d'un oeil circulaire
L'écartèlement de son destin
Et le petit bruit d'angoisse avant les
Heures les demies
Je ne sais jamais si cela va sonner ma mort
Toutes les chambres sont chambres de justice
Ici je connais ma mesure et le miroir
Ne me pardonne pas
Toutes les chambres quand enfin je m'endormis
Ont jeté sur moi la punition des rêves
Car je ne sais des deux le pis rêver ou vivre.

 
Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle

05/03/2012

Morceaux choisis - Sarah Hall

Sarah Hall

Giorgio Morandi.jpg

De tous les états par lesquels nous passons, la solitude est peut-être le plus mal compris. La choisir est tenu pour une preuve d'irresponsabilité ou la marque d'un échec. Aux yeux de la plupart des gens, on devrait s'en garder, comme d'une maladie. A l'intérieur de la solitude, les gens voient les nombreux compartiments de la tristesse, rangés comme les cellules de la grenade. Etre évacué du monde, rejeté et oublié, est-ce cela que nous redoutons le plus? C'est pourquoi il nous faut serrer des mains, verser de l'argent, entendre des bavardages sur la société, sur notre famille, sur nous-mêmes. Il nous faut emprunter des portes, appuyer sur les boutons des ascenseurs, échanger nos rhumes, rire et pleurer, contribuer au vacarme et à l'agitation. Il nous faut danser et chanter, et fréquenter les tribunaux. Nous sommes tenus de passer ces contrats quotidiens.

Mais si elle est embrassée, la solitude est le plus joyeux des engagements. Dans la bénédiction de ces paisibles pièces, je connais bien mieux la saveur de chaque journée. Comme je connais bien la vie! Je comprends l'eau dans son verre. A mesure qu'avance l'après-midi, des ombres se déplacent derrière les objets posés sur la table. Il y a une pointe de cannelle dans le ragoût d'agneau de Theresa. Quel accord! Quelle intimité! La peinture sur le châssis du chevalet a l'épaisseur du guano sur les falaises où nichent les mouettes. 

Je ne me sens pas esseulé, mais pareille lettre me rappelle les autres habitants de ce monde que j'aurais pu aimer rencontrer. 

Sarah Hall, Comment peindre un homme mort (Bourgois, 2010)

traduit de l'anglais: Eric Chédaille 

image: Giorgio Morandi, Nature morte (1960)

15:43 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature étrangère, Morceaux choisis, Sarah Hall | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; roman; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

03/03/2012

Morceaux choisis - Silvina Ocampo

Silvina Ocampo

ocampo1 copie.jpg

Je veux d'autres ombres d'or,
d'autres palmiers, d'autres vols d'oiseaux étrangers,
je veux des rues distinctes, dans la neige,
une boue différente lorsqu'il pleut;
je veux l'ardente odeur d'autres bois;
je veux un feu aux flammes singulières,
d'autres chansons, d'autres aspérités,
qui ne sauraient rien de mes tristesses.

Silvina Ocampo, Poèmes d'amour désespérés (Editions José Corti, Avril 2010)

traduction de l'espagnol : Silvia Baron Supervielle

11:39 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature étrangère, Littérature sud-américaine, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

Musica présente 4 - Elisabeth Schwarzkopf

Elisabeth Schwarzkopf

cantatrice allemande, 1915 - 2006

*

Wolfgang Amadeus Mozart

Le Nozze di Figaro

"Porgi Amor"

Philharmonia Orchestra

Carlo Maria Giulini


00:09 Écrit par Claude Amstutz dans Elisabeth Schwarzkopf, Musica présente, Musique classique, Wolfgang Amadeus Mozart | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : musique classique | |  Imprimer |  Facebook | | |

02/03/2012

La citation du jour

Denys Caton 

littérature; philosophie; livres

Ne soutiens jamais par colère quelque fait que ce soit, surtout s'il est douteux: la raison vainement t'offrira sa lumière, lorsque la passion te fermera les yeux.

Denys Caton, Distiques - Livre II (Garnier, 1864)

image: Thonon-les-Bains 

22:37 Écrit par Claude Amstutz dans La citation du jour, Le monde comme il va, Littérature étrangère | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; philosophie; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |