11/10/2012
Musica présente - 35 Dinu Lipatti
Dinu Lipatti
pianiste roumain, 1917-1950
*
Jean Sébastien Bach: Partita No 1 in B major, BWV 825
Wolfgang Amadeus Mozart: Piano Sonata No 8 in A minor, K 310
Franz Schubert: Impromptus No 2 and 3, D 899
Frédéric Chopin: Waltz No 5 in A major, Op 42 - "Grande Valse"
Frédéric Chopin: Waltz No 6 in D major, Op 64-1 - "Petit Chien"
Frédéric Chopin: Waltz in A major, Op 69-1 - "L'adieu"
Frédéric Chopin: Waltz No 7 in C minor, Op 64-2
Frédéric Chopin: Waltz No 11 in G major, Op 70-1
Frédéric Chopin: Waltz No 10 in B minor, Op 69-2
Frédéric Chopin: Waltz No 14 in E minor, Op Posth
Frédéric Chopin: Waltz No 3 in A minor, Op 34-2 - "Valse Brillante"
Frédéric Chopin: Waltz No 4 in F major, Op 34-3 - "Valse Brillante"
Frédéric Chopin: Waltz No 12 in F minor, Op 70-2
Frédéric Chopin: Waltz No 13 in D major, Op 70-3
Frédéric Chopin: Waltz No 8 in A major, Op 64-3
Frédéric Chopin: Waltz No 1 In E major, Op 18 - "Grande Valse"
merci à Gilda N
21:56 Écrit par Claude Amstutz dans Franz Schubert, Frédéric Chopin, Jean Sébastien Bach, Musica présente, Musique classique, Wolfgang Amadeus Mozart | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique classique | | Imprimer | Facebook |
Morceaux choisis - Franck Venaille
Franck Venaille
Je vous regarde rouler à même le sableenfants de mon enfance tristequand sur vos bicyclettesd'un beau noir de Flandrevous montez à l'assaut des dunestandis que dans cette fin de journée passéeMe souvenir, enfants, de vous J'entends les cris les rires les disputesPuis larmes dans la gorgeje laisse l'eau haute en sa décrueemporter avec Elleces sons d'autrefoisqui aujourd'hui encoretant encore me font souffrir.Frank Venaille, Certains qui tombent, dans: C'est à dire (Mercure de France, 2012)
08:36 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie; anthologie; livres | | Imprimer | Facebook |
Tony Judt
Tony Judt, Retour sur le XXe siècle: une histoire de la pensée contemporaine (Coll. Champs/Flammarion, 2012)
Tony Judt s'est éteint 6 août 2010 à l'âge de 62 ans à New York. Historien britannique, écrivain et professeur, il fut un spécialiste réputé de l'Europe, directeur de l'Erich Maria Remarque Institute de l'Université de New York et contribua fréquemment à la New York Review of Books. Il nous laisse aujourd'hui en traduction française - 2008 pour l'édition anglaise - une trentaine d'articles publiés dans diverses revues, sous le titre évocateur de Retour sur le XXe siècle: une histoire de la pensée contemporaine.
Nous croyons avoir appris suffisamment du passé pour savoir que bon nombre de vieilles réponses ne marchent pas; et sans doute est-ce vrai. Mais ce que le passé peut réellement nous aider à comprendre, c'est l'éternelle complexité des questions. Par ces mots qui résument fort bien les propos de son auteur, la nécessité et la rigueur de sa démarche, nous sommes invités à revisiter les tragédies de l'histoire du siècle dernier, dans leur contexte, sous un regard plus complexe que celui que nous présentent, trop souvent, les politiques ou les enseignants, les journalistes ou les romanciers.
Le problème est le message, note encore Tony Judt: que tout cela est derrière nous, que le sens en est clair et que nous pouvons maintenant avancer - délestés des erreurs passées - dans une époque meilleure et différente. (...) Au lieu d'apprendre l'histoire récente aux enfants, nous les promenons dans les musées et les mémoriaux. Et c'est bien contre cet effort de simplification ou de tradition commémorative que ce livre formidable trouve un sens fondamental à travers quelques figures marquantes appartenant au monde des idées: Arthur Koestler, Primo Levi, Manès Sperber, Hannah Arendt, Albert Camus ou encore Edward Said, parmi les plus significatives: témoins de leur temps et pourtant incompris, contestés de leur vivant, pour leur anticonformisme, pour leur refus de l'amalgame - politique, religieux, social - que l'on attendait d'eux pour qu'ils intègrent définitivement les manuels d'histoire.
L'engagement des intellectuels en Europe, les défaites de la France, l'héritage de la Grande-Bretagne, le silence des agneaux aux Etats-Unis, la question juive, la chute du communisme comptent parmi les sujets les plus passionnants traités par Tony Judt. A défaut de fournir des solutions aux malaises et aux inégalités du début de ce XXIe siècle, ils réorientent nos leçons d'histoire, réveillent notre mémoire et bousculent nos idées reçues.
Certains portraits ressemblent à une traînée de vitriol plutôt pertinente: Louis Althusser, Tony Blair ou George Bush, par exemple. En revanche, sur la question sociale à l'aube du siècle nouveau - il est vrai que l'article a été écrit en 1997 - sa vision est quelque peu dépassée, voire irréaliste, avec le retour à l'Etat providence dont la majorité des européens aujourd'hui ne veut plus. Néanmoins, là aussi, les réflexions de Tony Judt ne méritent pas d'être ignorées: Dix-sept pour cent de l'actuelle population de l'Union européenne vivent en dessous du seuil officiel de pauvreté, défini comme un revenu d'au moins 50% inférieur au revenu moyen du pays concerné. (...) La crise sociale concerne moins le chômage que ce que les français appellent les exclus. (...) Ces gens - qu'il s'agisse de parents isolés, de travailleurs à temps partiel ou à durée déterminée, d'immigrés, de jeunes sans qualification, ou de manutentionnaires mis à la retraite prématurément - ne peuvent ni vivre décemment, ni participer à la culture de leur communauté locale ou nationale, ni offrir à leurs enfants des perspectives meilleures que la leur.
Si la conception marxiste de l'Etat a marqué de son empreinte l'espoir du XXe siècle et la désillusion qu'elle a entraîné, nous aurions tort de nous frotter les mains: il reste à prouver que celle qui prévaut actuellement un peu partout dans le monde, reposant sur la seule économie de marché, connaîtra un avenir plus radieux. Les réponses à toutes ces questions graves évoquées plus haut risquent, bien au contraire, de se radicaliser si ce modèle peu convaincant - voire cynique - est appelé à perdurer... Tony Judt dixit!
08:16 Écrit par Claude Amstutz dans Documents et témoignages, Le monde comme il va | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité; histoire; pensée; livres | | Imprimer | Facebook |
10/10/2012
Le poème de la semaine
Andrée Chedid
Il y a des matins en ruinesOù les mots trébuchentOù les clés se dérobentOù le chagrin voudrait s'afficher Des joursOù l'on se suspendraitAu cou du premier passantPour le pain d'une parolePour le son d'un baiser Des soirsOù le coeur s'ensableOù l'espoir se verrouilleFace aux grilles des regards Des nuitsOù le rêve buteContre les murailles de l'ombre Des heuresOù les terrassesSont toutesHors de portée
00:02 Écrit par Claude Amstutz dans Andrée Chedid, Littérature francophone, Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; poésie | | Imprimer | Facebook |
09/10/2012
Morceaux choisis - Henri Cueco 1b
Henri Cueco
En complément à l'extrait de Henri Cueco, voici la bande annonce du très beau film de Jean Becker, Dialogue avec mon jardinier, adapté de son récit, avec Daniel Auteuil et Jean-Pierre Darroussin...
Henri Cueco, Dialogue avec mon jardinier (coll. Points/Seuil, 2004)
10:58 Écrit par Claude Amstutz dans Films inoubliables, Littérature francophone, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; récit; cinéma; morceaux choisis; livres | | Imprimer | Facebook |
Morceaux choisis - Henri Cueco 1a
Henri Cueco
- La salade monte. Il fait trop chaud. Et puis, ce peu de pluie d'hier... Il te faut la ramasser. Dans deux jours, elle fera un mètre de haut. Et c'est pas bon. Tu en as de bonnes au fond de ton carreau. Tiens, regarde ici.
- On peut pas manger quatre-vingt pieds de salade à la fois.
- Eh non, mais demain elle sera foutue.
- J'en veux bien deux pieds pour midi, et toi prends-en.
- J'en ai dans mon jardin, au bord de la rivière, peut-être deux cents pieds hauts comme ça.
- On est trop riches.
- Et les courgettes? Tu n'aimes pas les courgettes?
- Pas trop. Bouillies, c'est un peu... Et toi?
- Ca n'a pas de goût, mais j'aime les voir pousser. Elles ont profité depuis la dernière fois. Les courgettes, ça me fait rire. Je ris de voir pousser les courgettes. Elles ont l'air de faire des blagues à pousser comme ça. C'est comme des bigoudis sur la tête des femmes le dimanche matin. T'en vois qui passent en courant sur les balcons des HLM. Elles se croient nues parce qu'elles ont leur papillotes. Elles galopent d'une porte à l'autre. Eh bien, les courgettes, tu dirais des bigoudis.
- Et les choux?
- C'est beau, un beau chou.
- Pourquoi c'est beau?
- C'est beau parce que c'est beau...
- En voilà un raisonnement...
- Je voulais dire... Mais dis donc, chaque fois qu'on parle de ce qui est beau, tu me demandes ce que ça veut dire. Pour un chou, c'est la couleur, le dessin des côtes, la forme ronde. C'est comme si ça allait exploser. Quand j'étais gosse, on disait que les enfants venaient dans les choux.
- Maintenant on voit la photo du bébé dans le ventre de sa mère.
- Autrefois, le ciel, l'orage, la neige, une fleur, un oiseau, ce qu'on mange, tout racontait des histoires. L'orage, c'était le bon Dieu qui remue des barriques ou qui se fâche; la neige, c'était le bon Dieu qui plume ses oies. Un oiseau annonçait la saison ou le temps qu'il va faire. Les choses comme ça, avaient un sens. Maintenant, tu comprends rien de ce qui t'arrive, tu sais plus ni quoi ni qu'est-ce. Un légume,c'est qu'un légume. Enfin, ce qui se voit quand c'est emballé. Et un homme aussi, c'est de la marchandise emballée...
- Tu es un vrai philosophe.
- Dis, tant qu'on est au jardin, tu devrais regarder ces haricots. C'est des "beurre", ils sont à cueillir maintenant, après ils auront des fils que tu dirais de l'étoupe. Maintenant ils sont bons. Si tu veux, je les arrache et tu les cueilleras sur pied.
- C'est toi qui commandes.
- Les citrouilles, tu as vu les citrouilles? Celle-là qui a traversé le grillage, elle deviendra grosse... Le tuyau qui la remplit n'est pas coupé, c'est l'essentiel... Il faut pas couper le cordon, pas encore, sinon elle sera perdue.
- Tu crois qu'il y a des enfants dans les citrouilles?
- Des enfants, non, mais un carrosse, oui... Je trouve que ce jardin, ici, il est pas mal, mais il le faudrait plus grand, on pourrait faire plus de pommes de terre, de poireaux...
- Ah, les poireaux!
- Oui, eh bien j'alignerai des poireaux...
- Oui, on ferait des allées de poireaux. Les allées du parc du Prince des Poireaux... Et le coin des petites herbes de cuisine?
- Je t'en avait fait un. Où est-il?
- Il s'est perdu.
- Il y avait du thym, où c'est qu'il est passé, fils de loup! Et la ciboulette?
- Je voudrais l'année prochaine que tu fasses...
- Des petits pois mange-tout, je parie!
- Des petitspois et des mange-tout.
- J'en ai jamais vu. Tu m'en as parlé déjà, j'en ai jamais mangé. Trouve-moi la graine, je t'en ferai. C'est pas difficile si ça veut venir par ici.
- C'était comme ça dans le jardin de mon grand-père: des allées bien propres.
- Il faudrait les tasser, les allées, que la terre y soit dure. C'est plus beau.
- C'est quoi, que le jardin soit beau?
- Que les légumes y poussent bien et qu'il y ait de l'ordre.
- Ah, l'ordre... C'est comme les défilés militaires, alors. Tu trouves que c'est beau, les défilés?
- Je te parle du jardin.
- Tu parlais d'ordre.
- Peut-être. Quand tu fais tes peintures, tu fais bien de l'ordre; dans la pagaille de ce que tu vois, tu choisis. Tu fais du rangement et ça fait beau quand on a plaisir à s'y reconnaître, à retrouver son chemin. Ton jardin, c'est pas moi qui mange tes légumes, eh bien il est beau quand il me remercie d'avoir bien fait mon travail. S'il y avait de la broussaille, ça serait ma défaite. C'est comme une robe à une femme: ça la fait belle et c'est pas obligé que tu en profites avec elle... Elle est comme ça, en cadeau, pour rien, pour elle peut-être. C'est en plus...
Henri Cueco, Dialogue avec mon jardinier (coll. Points/Seuil, 2004)
image: Jardin, Gland (VD/Suisse, 2012)
10:58 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; récit; morceaux choisis; livres | | Imprimer | Facebook |
Philippe Claudel
Philippe Claudel, Meuse l'oubli (Coll. Folio/Gallimard, 2006)
Dans la chambre d'hôpital, je suis resté près de Paule des jours entiers. J'apportais des brassées d'anthémis jaunes, lui parlais des soirs de Gand, de la plage d'Ostende et de celle de Zoosten, des statues millénaires du Nemrud Dag pointées dans le matin vers le levant, de sa peau, de son ventre, du blond de ses cheveux.
L’auteur des deux admirables romans, Les âmes grises et Le rapport de Brodeck, signe dans ce premier récit le vécu intime d’un deuil amoureux. Un récit de souffrance où la nostalgie du paradis perdu se mêle aux brumes du nord avec infiniment de pudeur et de poésie.
04:16 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Philippe Claudel | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; roman; livres | | Imprimer | Facebook |
08/10/2012
Colombe Schneck
Colombe Schneck, Une femme célèbre (Stock, 2010)
Nous avons tous, un jour, entendu parler de Denise Glaser. Productrice et présentatrice à l'ORTF dans les années 60 d'une émission dominicale entrée dans la légende de la télévision, Discorama, nous lui devons d'avoir déniché des auteurs-interprètes de talent, tels Barbara, Maxime Le Forestier, Serge Gainsbourg, Véronique Sanson ou Catherine Lara, sans oublier des interviews mémorables de Jacques Brel et Léo Ferré. Jugée politiquement trop à gauche sous la présidence de Valéry Giscard d'Estaing, elle est privée d'antenne en 1975 et malgré les promesses de l'autre camp, ne reprend pas du service avec l'arrivée au pouvoir de François Mitterand, en 1981. Elle meurt, oubliée de tous, en 1983, sauf de... Barbara et Catherine Lara.
Colombe Schneck nous raconte avec beaucoup d'émotion l'ascension et la chute de cette femme provocante, complexe, fascinante dont les silences, lors de ses entretiens, constituent à eux seuls toute une histoire. En miroir, nous suivons le chemin de vie de Jeanne Rosen, journaliste, qui s'interroge avec humeur sur la précarité du succès, du talent, de la gloire dans le monde médiatique: un univers impitoyable où tous les coups semblent permis... Pour l'anecdote, sachez que les deux sites de Facebook mentionnés dans le livre - pour faire virer Jeanne Rosen - existent vraiment, sauf qu'ils s'en prennent à... Colombe Schneck!
Du même auteur, vous pouvez découvrir, chez le même éditeur, L'increvable Monsieur Schneck (2006), Sa petite chérie (2007) Val de Grâce (2008). Son dernier livre, La réparation (2012) est paru aux éditions Grasset.
Une femme célèbre est également disponible en format de poche (coll. J'ai Lu/Flammarion, 2012)
04:24 Écrit par Claude Amstutz dans Barbara, Jacques Brel, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; récit; livres | | Imprimer | Facebook |
07/10/2012
Morceaux choisis - Catherine Pozzi
Catherine Pozzi
Si tu veuxNous irons ensembleTous les deuxVers le vieux figuier.Il auraDes fruits noirs qui tremblentSous le ventQui vient d’Orvillers. Tu irasL’âme renverséeSur ta vieEt je te suivrai.Le ciel bas Tiendra nos penséesPar la lieD’un malheur secret. Tu prendrasL’un des fruits de l’arbreEt soudainLe feras saignerEt ta mainMorte comme marbreJetteraLe don du figuier. Le vent vertPlein du bruit des hêtresOuvriraLa geôle du cielJe crieraiComme un chien sans maîtreTu fuirasDans le grand soleil.
Catherine Pozzi, Très haut amour - Poèmes et autres textes (coll. Poésie/Gallimard, 2002)
image: lesrevesdemys.com
00:00 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; poésie; anthologie; livres | | Imprimer | Facebook |
06/10/2012
Morceaux choisis - Caio Fernando Abreu
Caio Fernando Abreu
Il était une fois le Pays des Fées. Personne ne savait vraiment où il se trouvait, et bien des gens (la majorité) doutaient même de son existence quelque part. Même ceux qui ne doutaient pas (et ils étaient rares) n'avaient pas la moindre idée de ce qu'il fallait faire pour y arriver. Mais ces rares personnes avaient une certitude: si on voulait vraiment y arriver, il y avait un truc et ça finissait par marcher. Une seule chose était essentielle (et extrêmement difficile): y croire.
Il était une fois, également, à cette époque (qui n'était pas un temps ancien, non; c'était un temps présent, du genre du nôtre) un homme qui y croyait. Un homme ordinaire, qui lisait les journaux, regardait la télé (et il avait peur, comme tout un chacun), qu'on licenciait, qui s'endurcissait (comme tout un chacun), essayait d'aimer, n'y parvenait pas (comme tout un chacun). En tout, cet homme était comme tout un chacun. Avec pourtant une énorme différence: c'était un homme qui y croyait. Rien dans les mains, rien dans les poches, un jour il résolut de partir à la recherche du Pays des Fées. Et il partit.
Il lui arriva des tas de choses qu'on ne peut raconter ici faute d'espace. Des choses dures, tristes, périlleuses, effrayantes. L'homme allait toujours de l'avant. Un tantinet dans ses petits souliers cependant, car on lui avait dit (des amis vaches) que même s'il arrivait au Pays des Fées, tout simplement les fées pouvaient ne pas l'aimer. Et rester invisibles (ce qui était le moindre mal), ou même faire d'horribles méchancetés au pauvre homme. Effrayé, inquiet, solitaire, de plus en plus triste et affamé, l'homme continuait à y croire et à cheminer. Il pleurait parfois, priait toujours. Pensait aux fées tout le temps. Et sans rien dire à personne, en secret, de plus en plus: il y croyait, il y croyait.
Un jour, il arriva sur les berges d'une rivière boueuse et furieuse, sans aucune beauté. Quelque chose lui dit que, de l'autre côté de la rivière, se trouvait le Pays des Fées. Il y crut. Il chercha en vain une barque, il n'y en avait pas: le seul moyen était de traverser la rivière à la nage. Ce n'était pas un athlète (au contraire), mais il la traversa. Il atteignit l'autre rive, épuisé, aperçut alors un sentier un peu bizarre et eut l'impression que c'était par là. Il y crut aussi. Et s'en alla par le sentier un peu bizarre, en direction de ce à quoi il croyait.
Puis il s'arrêta. Fatigué comme il l'était, il s'assit sur une pierre. Et l'endroit était si joli qu'il eut envie de se reposer un peu, le pauvre. Involontairement, il s'endormit. Et quand il ouvrit les yeux, devinez qui était posé sur la pierre à côté de lui? Une fée, bien sûr. Une fée minuscule, de la taille d'un petit doigt, avec de petites ailes transparentes et tout ce à quoi les petites fées ont droit. Très embarrassé, il voulut expliquer qu'il n'avait quasiment rien apporté et tira de ses poches tout ce qui lui restait: miettes de pain, bouts de papier, petite monnaie. Mort de honte, il posa cette misère à côté de la petite fée.
Soudain une bande d'autres petites fées et petits lutins (eux aussi existent) se ruèrent de tous côtés sur les pauvres cadeaux de l'homme qui y croyait. Stupéfait, il comprit qu'à tous il leur plaisait beaucoup: ils riaient, se jettaient des miettes les uns aux autres, faisaient rouler les pièces, sur l'endroit le plus plat. Tout ce qu'ils touchaient aussitôt se changeait en or. Après avoir joué un bon bout de temps, ils lui dirent qu'ils avaient adoré ses cadeaux. Et qu'en échange, ils allaient lui apprendre un chemin de retour très facile. Qu'il pouvait repartir quand il le voudrait par ce chemin-là (utilisable aussi à l'aller), facile, sûr, rapide. De surcroît, il pourrait revenir avec quelqu'un d'autre: ils auraient grand plaisir à recevoir une personne aimée de l'homme qui y croyait.
Tout à coup, l'homme se vit dans une barque glissant entre d'énormes colonnes, sculptées dans la pierre. De belles colonnes couvertes de signes, sur le fleuve calme comme un tapis magique portant la barque dans laquelle il se trouvait. Quelques petites fées voletaient autour de lui, en riant. Tout cela était si plaisant qu'il s'endormit. Il s'éveilla à l'endroit (sa chambre) d'où il était parti un jour. C'était le matin de bonne heure. L'homme qui y croyait ouvrit les fenêtres sur le jour d'un bleu brillant. Il respira profondément, et sourit. Il réfléchit à la personne qu'il pourrait inviter à aller avec lui au Pays des Fées. Quelqu'un qu'il aimerait beaucoup et qui y croirait aussi. Lorsque, sans effort, un tas de gens lui vinrent à l'esprit, il sourit plus encore. A présent, l'invitation est toujours sous ses yeux: quand on y croit, on trouve. Je ne garantis pas qu'il fut heureux pour toujours, mais en pensant à tout cela il avait un beau sourire. A ce propos, je n'ai pas le moindre doute. Et vous?
Caio Fernando Abreu, Un conte de fées, dans: Petites épiphanies (José Corti, 2000)
traduit du portugais (Brésil) par Claire Cayron
image: Vieux Lyon (2008)
00:15 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature étrangère, Littérature sud-américaine, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; récit; conte; morceaux choisis; livres | | Imprimer | Facebook |