17/07/2012
Lire les classiques - Charles Baudelaire 1b
Charles Baudelaire
Si toutes les poèmes de Baudelaire supportent mal une mise en musique, celle-ci, signée Léo Ferré, est en revanche une réussite...
23:24 Écrit par Claude Amstutz dans Chansons inoubliables, Charles Baudelaire, Lire les classiques, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : littérature; poésie; chanson; variétés | | Imprimer | Facebook |
Lire les classiques - Charles Baudelaire 1a
Charles Baudelaire
Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercleSur l'esprit gémissant en proie aux longs ennuis,Et que de l'horizon embrassant tout le cercleIl nous verse un jour noir plus triste que les nuits; Quand la terre est changée en un cachot humide,Où l'Espérance, comme une chauve-souris,S'en va battant les murs de son aile timideEt se cognant la tête à des plafonds pourris; Quand la pluie étalant ses immenses traînéesD'une vaste prison imite les barreaux,Et qu'un peuple muet d'infâmes araignéesVient tendre ses filets au fond de nos cerveaux, Des cloches tout à coup sautent avec furieEt lancent vers le ciel un affreux hurlement,Ainsi que des esprits errants et sans patrieQui se mettent à geindre opiniâtrement. Et de longs corbillards, sans tambours ni musique,Défilent lentement dans mon âme; l'Espoir,Vaincu, pleure, et l'Angoisse atroce, despotique,Sur mon crâne incliné plante son drapeau noir.
Charles Baudelaire, Les fleurs du mal / Oeuvres complètes (Bibliothèque de la Pléiade/Gallimard, 1961)
image: spleenetideaux.canalblog.com
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Morceaux choisis - Albert Camus
Albert Camus
Après avoir dit la noblesse du métier d'écrire, j'aurais remis l'écrivain à sa vraie place, n'ayant d'autres titres que ceux qu'il partage avec ses compagnons de lutte, vulnérable et entêté, injuste et passionné de justice, construisant son oeuvre sans honte ni orgueil à la vue de tous, toujours partagé entre la douleur et la beauté, et voué enfin à tirer de son être double les créations qu'il essaie obstinément d'édifier dans le mouvement destructeur de l'histoire.
Qui, après cela, pourrait attendre de lui des solutions toutes faites et de belles morales? La vérité est mystérieuse, fuyante, toujours à conquérir. La liberté est dangereuse, dure à vivre autant qu'exaltante. Nous devons marcher vers ces deux buts, péniblement, mais résolument, certains d'avance de nos défaillances sur un si long chemin. Quel écrivain dès lors oserait, dans la bonne conscience, se faire prêcheur de vertu? Quant à moi, il me faut dire une fois de plus que je ne suis rien de tout cela. Je n'ai jamais pu renoncer à la lumière, au bonheur d'être, à la vie libre où j'ai grandi. Mais bien que cette nostalgie explique beaucoup de mes erreurs et de mes fautes, elle m'a aidé sans doute à mieux comprendre mon métier, elle m'aide encore à me tenir, aveuglément, auprès de tous ces hommes silencieux qui ne supportent dans le monde la vie qui leur est faite que par le souvenir ou le retour de brefs et libres bonheurs.
Albert Camus, Discours de Suède (coll. Folio/Gallimard, 1997)
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Patricia Highsmith
Patricia Highsmith, Une créature de rêve (Calmann-Levy, 1994)
Quand la beauté et la personnalité exercent une irrésistible fascination, il arrive que les passions se déchaînent, les haines, les frustrations, les doutes aussi. Un faux roman policier, atypique, génial avec un personnage fascinant, Elsie, la vingtaine, serveuse de bar qui ne laisse indifférents ni les hommes ni les femmes, incarne le rêve, le trouble ou le péché auprès des habitués qu’elle côtoie. Que ce soit auprès de Ralph - un protecteur puritain qui l'observe en promenant son chien - ou le couple bourgeois moderne des Sutherland - Jack, Natalia et leur fille Amelia - tous tomberont sous son charme, d'une manière ou d'une autre. L'amour peut-il détruire celui ou celle qui aime? Et la félicité voulue, consentie, ardemment désirée, peut-elle être obscurcie par cette fragilité dangereuse des sentiments qui bouscule les valeurs, fait voler en éclat les certitudes et engendre la peur? L’un des romans les plus poignants de Patricia Highsmith.
Egalement disponible en coll. Livre de poche (LGF, 2004)
00:25 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature étrangère, Littérature policière | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature: roman; livres | | Imprimer | Facebook |
16/07/2012
Morceaux choisis - Rafael Alberti
Rafael Alberti
Laisse ton rêve.Enroule-toi,blanche et nue, dans ton drap.On t'attend làderrière les murs du jardin. Tes parents meurent, endormis.Laisse ton rêve.Vite, allons, vite.Les murs franchis,on t'attend avec un couteau. Repars chez toi, presse le pas.Laisse ton rêve.Vite, allons, vite.Dans la chambre de tes parentsentre, nue et blanche, en silence. Cours vite, vite, jusqu'aux murs.Laisse ton rêve.Saute.Viens. Quel rubis flambe dans tes mainset brûle d'un feu noir ton drap?Laisse ton rêve.Vite, allons, vite.... Ferme les yeux et dors.
Rafael Alverti, Matin à terre, suivi de L'Amante / L'Aube de la giroflée (coll. Poésie/Gallimard, 2012)
traduit de l'espagnol par Claude Couffon
image: Manuel Alvarez Bravo, The Daydream (artnet.com)
07:18 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature espagnole, Littérature étrangère, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; poésie; anthologie; livres | | Imprimer | Facebook |
15/07/2012
Alberto Savinio
Bloc-Notes, 15 juillet / Genève
Alberto Savinio demeure méconnu auprès du public de langue française. De son vrai nom Andrea Francesco Alberto de Chirico, il naît en 1891 à Athènes et s'éteint à Rome en 1952. Ecrivain, peintre et compositeur italien, il est aussi le frère cadet du peintre Giorgio de Chirico. Auteur d'une trentaine d'ouvrages - dont près de la moitié ont été traduits - citons La boîte à musique (Fayard), L'intensité dramatique de Leopardi (Allia), Apologie du dilettante précédé de Epigrammes de Lucien (Gallimard), Capitaine Ulysse (Bourgois) et enfin Ville j'écoute ton coeur (Gallimard) qui vient de paraître au début de cette année.
Si un seul écrit devait attester de l'injustice faite à la ville de Milan - à laquelle sont toujours préférées Rome, Florence, Venise ou Naples - c'est bien celui-ci, même si à certains égards, ce tableau s'achève en 1943 et témoigne d'un passé révolu. Voyager avec Alberto Savinio s'avère aussi passionnant et instructif qu'en compagnie de Guido Ceronetti - en un autre temps - tout aussi méconnu que lui. Du Museo Poldi Pezzoli à la Pinacoteca di Brera, de la Scala de Milan à la maison rouge où vécut pendant une soixantaine d'années Alessandro Manzoni, c'est en quelque sorte une part infinie de tout le patrimoine et de l'âme italienne qui défile sous nos yeux: Giotto, Piero della Francesca, Gabriele D'Annunzio, Ambroise de Milan, Dante, Pétrarque ou Giuseppe Ungaretti parmi tant d'autres. Mais la qualité de son regard ne se borne pas qu'aux considérations artistiques ou historiques. C'est aussi la poésie et l'atmosphère de la ville qu'il nous restitue, par exemple devant le Dôme: Les mouvements de la foule sur cette place nette obéissaient à un ordre mystérieux, comme ces circuits qui font et défont les cristaux versicolores dans le rond mystérieux du kaléidoscope. Un noyau noir se formait au centre de la place, s'élargissait comme une rose qui s'ouvre à vue d'oeil, elle éclaboussait en étoile comme une tache d'encre mobile, puis se recomposait pour recommencer de nouveau à se décomposer; et ainsi jusqu'au soir, qui parfois tombait tout noir et sans lumière pour en contrecarrer l'obscurité.
Ailleurs, il consacre de superbes pages aux spécialités culinaires, à l'arbre des connaissances, aux poètes, à la pluie et au brouillard de Milan, ainsi qu'à la musique - voir les extraits déjà présentés dans Morceaux choisis, sur La scie rêveuse - dont Giuseppe Verdi - le Garibaldi de la musique - est la figure emblématique, évoquée surtout à travers Falstaff: Tandis que "Parsifal" est encore une peinture à l'huile, souvent de pâte opaque et étendue sur un gras enduit de craie et de colle, "Falstaff" est une détrempe au miel étendue en glacis sur un endroit compact et parfaitement lisse, une peinture sur marbre. A propos de la Traviata, il ose une approche insolite et pourtant fort pertinente: Pour mieux goûter, pour mieux comprendre les airs de "La Traviata", ces maigres papillons d'une soirée sans lendemain, il ne faut pas entendre "La Traviata" au théâtre, mais jouée par les orgues de Barbarie. Parce que "La Traviata" opère avec plus d'émotion dans le souvenir que dans le présent, et que l'orgue de Barbarie est le moulin des souvenirs; parce que l'orgue de Barbarie restitue cette musique de la tristesse citadine à son milieu naturel.
Dans ce merveilleux livre, aux côtés de Friedrich Nietzsche, Francesco Guardi et Isidora Duncan, vous ferez aussi halte à Venise, avant d'ouvrir votre fenêtre sur Padoue - les palmiers de Goethe - Sienne et Vicenza, ville pour promenades au soleil d'hiver. Entretemps Alberto Savinio vous aura invité à la mort de Richard Wagner, entraîné sur les pas de Tite-Live et éveillé à la freddura, dont je vous laisse découvrir la signification profonde au détour de ces pages.
Après la destruction de Milan - pages ajoutées par l'auteur - Alberto Savinio conclut: Je circule parmi les ruines de Milan. Pourquoi cette exaltation en moi? Je devrais être triste, au contraire je fourmille de joie. Je devrais ressasser des pensées de mort, et au contraire des pensées de vie me frappent au front, comme le souffle du plus pur et radieux matin. Pourquoi? Je sens que de cette mort naîtra une nouvelle vie. Je sens que de ces ruines surgira une ville plus forte, plus riche, plus belle. Ce fut alors, Milan, qu'en silence, entre moi et ton coeur, je te fis ma promesse. Revenir à toi. Clore en toi ma vie. Entre tes pierres, sous ton ciel, parmi tes jardins clos...
Ville j'écoute ton coeur est un ouvrage incontournable pour tout esprit curieux de l'intériorité italienne et de son art, outre une invitation à accepter de se laisser séduire par Milan, au plus vite!
Alberto Savinio, Ville j'écoute ton coeur (Gallimard, 2012)
image: Piazza Eleonora Duse, Milano (www.flickr.com)
12:51 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Giuseppe Verdi, Guido Ceronetti, Littérature étrangère, Littérature italienne | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; essai; voyages; livres | | Imprimer | Facebook |
La citation du jour
Louis Aragon
Il faut bien accepter ce qui nous transfigure, tout orage a son temps, toute haine s'éteint. Le ciel toujours redevient pur, toute nuit fait place au matin.
Louis Aragon, Le roman inachevé (coll. Poésie/Gallimard, 1994)
image: http://lebruitdesvagues.canalblog.com
08:59 Écrit par Claude Amstutz dans La citation du jour, Littérature francophone, Louis Aragon | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : citation; livres | | Imprimer | Facebook |
14/07/2012
Stef Penney
Stef Penney, La tendresse des loups (Belfond, 2008)
Vous n’oublierez pas de sitôt cet étonnant roman qui vous emmènera au nord du Canada, entre Horseshoe Bay et Vancouver, dans le petit village de Caufield, au milieu du siècle dernier. Un crime atroce y est commis, mais dans la traque de l’assassin, vous découvrirez que la peur qui s’empare des protagonistes n’est pas provoquée par la nature sauvage, capricieuse ou indomptable, mais tient au cœur des hommes, plus terrible que les jeunes loups qui, de loin, observent leur manège… Une magnifique écriture pour cette histoire qui mélange les genres. Vous y trouverez les ingrédients du récit d’aventure – les descriptions des paysages sont extraordinaires – mais aussi ceux de la romance et d’un suspense qui vous tiendra en haleine jusqu’à la dernière page. Beaucoup de personnages croiseront votre route et même si parfois leur apparition est fugitive, ils font vivre les régions traversées, témoins du temps qui passe, insufflant ainsi une atmosphère encore plus captivante à ce petit chef d’œuvre !
Egalement disponible en coll. 10/18 (UGE, 2010)
03:57 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature étrangère, Littérature policière | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature: roman; livres | | Imprimer | Facebook |
Musica présente - 21 Charles Dutoit
Charles Dutoit
chef d'orchestre suisse, né en 1936
*
Gioachino Rossini: The Journey to Reims - Ouverture
Gabriel Fauré: Ballade for Piano and Orchestra, Op 19
Francis Poulenc: Piano Concerto
Camille Saint-Saëns: The Deluge - Prelude, Op 45
Léo Delibes: Sylvia - Ballet Suite
Jacques Offenbach: Orpheus in the Underworld - Ouverture
(Pascal Rogé, Montreal Symphony Orchestra)
03:54 Écrit par Claude Amstutz dans Gabriel Fauré, Musica présente, Musique classique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique classique | | Imprimer | Facebook |
12/07/2012
Morceaux choisis - Joyce Carol Oates
Joyce Carol Oates
Elle est toujours là, toujours là! Elle me rôde dans la tête. Elle était déjà femme à l'âge de douze ans, c'est évident. elle savait tout! Elle savait tout à l'âge de onze ans, de dix ans! Ses yeux de miel, ses cheveux frisés, son doux sourire idiot... Une petite reine des terrains de jeux, provoquant les garçons. Oh! comme j'aimerais remonter dans le temps pour la voir grimper en haut du toboggan, marquer une pause, le regard d'une insolence royale, puis accroupir sa petite personne comme une substance précieuse, et entamer la glissade d'une poussée... Me lever de dessous le toboggan en aigle vengeur, l'oeil narquois, méchant, l'attraper par les jambes quand elle arrive au niveau de cette bosse à mi-pente et la faire valser! Ou bien, mieux encore, renverser l'échafaudage: voir l'énorme chose rouillée tomber très lentement, s'écraser sur elle. Voilà.
Je suis toujours là... Oui, je l'entends roucouler dans ma tête, tandis qu'éveillé la nuit dans mon lit je cherche désespérément comment changer ma vie. Sa vie à elle n'a pas besoin d'être changée. L'autre soir, alors qu'ils m'avaient invité à un dîner aux sphaghetti, elle a dit en plein devant X...: "En Californie, le chiffre des divorces a fini par rattraper celui des mariages. Je pensais au divorce comme ça, à titre théorique. J'imaginais à quel point cela nous remettrait en question, nous obligerait à nous regarder en face, sous un jour cruel..." Mais elle ne faisait que jouer, se jouer de X... Elle ne divorcera jamais de lui. Ni lui d'elle.
Ou bien se jouent-ils tous deux de moi?
De biais, je la vois me sourire. J'ai l'impression qu'elle me fait un clin d'oeil. Mais elle déclare simplement d'un ton innocent: "Alan, reprends donc de la salade. J'ai fait cet assaisonnement exprès pour toi."
Joyce Carol Oates, Corps (Stock, 1973)
traduit de l'américain par Céline Zins
image: Carroll Baker et Eli Wallach / Elia Kazan, Baby Doll (1956)
16:56 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature étrangère, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; roman; morceaux choisis; livres | | Imprimer | Facebook |