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31/08/2012

Musica présente - 29 Pierre Boulez

Pierre Boulez

compositeur, pédagogue et chef d'orchestre français, né en 1925

*

Alexander Scriabin

The Poem of Extasy, Op 54

Chicago Symphony Orchestra


08:56 Écrit par Claude Amstutz dans Alexander Scriabin, Musica présente, Musique classique | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : musique classique | |  Imprimer |  Facebook | | |

Lire les classiques - Jean Richepin

Jean Richepin

littérature; poésie; anthologie; livres

Le jour où je vous vis pour la première fois,
Vous aviez un air triste et gai: dans votre voix
Pleuraient des rossignols captifs, sifflaient des merles;
Votre bouche rieuse, où fleurissaient des perles,
Gardait à ses deux coins d'imperceptibles plis;
Vos grands yeux bleus semblaient des calices remplis
Par l'orage, et séchant les larmes de la pluie
A la brise d'avril qui chante et les essuie;
Et des ombres passaient sur votre front vermeil
Comme un papillon noir dans un rais de soleil.

Jean Richepin, Les caresses (poesie.webnet.fr)

photo: Robert Doisneau, Mademoiselle Anita

01:12 Écrit par Claude Amstutz dans Lire les classiques, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie; anthologie; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

30/08/2012

Prix Edelweiss 2012

 Prix Edelweiss 2012 - Deuxième sélection

Editorial de Joëlle Brack, Payot Libraire (extrait)

edelweiss-2012.jpg

Lancé en 2007 à l’initiative du magazine féminin romand Edelweiss avec Payot Libraire pour partenaire, le Prix des Lectrices Edelweiss a immédiatement gagné ses lettres de noblesse! 

D’un côté, dix femmes, lectrices du magazine Edelweiss mais de bien d’autres choses aussi, qui ont proposé de mettre leur été - voire un peu plus - de lectures à la disposition de la littérature. De l’autre, cinq libraires Payot. Entre eux, Laurence Desbordes, rédactrice en chef d’Edelweiss, et Pascal Vandenberghe, directeur général de Payot Libraire, qui arbitrent les choix et les débats.

C’est une aventure en deux épisodes, comme les histoires trop belles et trop riches pour épuiser leurs charmes en un seul volume. Chaque été, les jurées choisies par le magazine féminin romand Edelweiss dévorent d’abord dix romans francophones séectionnés par les libraires de Payot parmi les nouveautés du début de l’année. Mais de cette première moisson, seuls trois titres passent l’examen, le crible des lectrices étant particulièrement fin et leur soutien – ou désaveu – passionné! C’est ainsi que les trois rescapés auront à faire à une sévère concurrence, celle des mythiques titres de la Rentrée Littéraire...

Les jurées du Prix des Lectrices Edelweiss ont bouquiné tout l’été et retenu les trois ouvrages suivants de la première sélection:

Yasmine Char, Le palais des autres jours (Gallimard)

Raphaël Jérusalmy, Sauver Mozart - Le journal d'Otto J. Steiner (Actes Sud)

Grégoire Delacourt, La liste de mes envies (Lattès)

Trois histoires poignantes dont l’humour et la poésie ne sont pourtant pas absents, et qui du Liban en guerre à Arras en morne crise économique, en passant par le miracle de la musique contre la barbarie nazie, racontent – sur des tons variés – le combat de l’individu contre la fatalité ou l’Histoire : des parties aux dés pipés, mais dont l’issue n’est pas toujours écrite. Un très beau trio de tête!

Dans la marée des nouveautés, les libraires de Payot ont choisi au cours de l'été sept nouveaux potentiels lauréats, constituant - avec les trois titres déjà retenus - la sélection finale, qui débouchera sur l'attribution du Prix des Lectrices 2012, en octobre prochain. 

Deuxième sélection

Le second round est donc lancé, avec:

Véronique Olmi, Nous étions faits pour être heureux (Albin Michel)

Quentin Mouron, Notre-Dame-de-la-Merci (Olivier Morattel)

Cécile Guilbert, Réanimation (Grasset)

Francis Dannemark, La véritable vie amoureuse de mes amies en ce moment précis (Laffont)

Thierry Beinstingel, Ils désertent (Fayard)

Yannick Grannec, La déesse des petites victoires (Anne Carrière)

Marie-Hélène Lafon, Les pays (Buchet Chastel) 

Bonne chance à tous et que le meilleur gagne!

Au cours des éditions précédentes, ont été couronnés: Olivier Adam, A l'abri de rien (L'Olivier, 2007); Claudie Gallay, Les déferlantes (Rouergue, 2008); Véronique Ovaldé, Ce que je sais de Vera Candida (Olivier, 2009); Fatou Diome, Celles qui attendent (Flammarion, 2010); Tonino Benacquista, Homo Erectus (Gallimard, 2011).

Vous pouvez retrouver l'ensemble des présentations de ce prix littéraire Edelweiss, sur le site Payot mentionné ci-dessous.

http://www.payot.ch/fr/nosLivres/selections/edelweiss.html

http://www.edelweissmag.ch 

 

00:45 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Littérature suisse | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; romans; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

Morceaux choisis - Marie-Hélène Lafon

Marie-Hélène Lafon

Femme qui pleure FB.jpg

Dans la salle des pas perdus de la gare de Lyon la fille tournoie comme une toupie folle. Elle est jeune, grande, taillée d'une seule pièce, une masse de chair mollement vêtue de bleu qui tournoie dans la nef vide; le tissu pend, la vie pend, la fille mendie dans la grande nef que traversent d'un pas hâtif les voyageurs du dernier train en provenance de Clermont-Ferrand. C'est dimanche soir, retour des vacances de Pâques, dites vacances de printemps. Le lendemain à neuf heures Claire sera devant ses élèves; elle revient, elle va, l'allure est ferme. Dans le sac à dos, léger et chamarré, un saint-nectaire emballé dans un demi-exemplaire de La Montagne, trois livres, et son pantalon de velours vert, tenue de là-bas et d'ici, pour l'intérieur, qui voyage entre les deux pays, avec la clef de la maison. La maison, sa maison, depuis cinq ans, royaume suffisant, pierre ardoise et bois, formule sempiternelle et éprouvée; la sixième saison commence, maison ouverte, jusqu'à la Toussaint.

Elle y retourne pour cinq jours, dans trois semaines; elle a quitté Paris depuis seize jours. La mendiante de la gare de Lyon est devant elle, petit visage pointu planté sur la masse de chair, visage lisse marqué d'enfance écrasée, quelque chose d'effondré vacille dans le regard gris; la jeune chair tremble sous le mauvais tissu et passera la nuit dans les entrailles de la gare. La ville est sans recours. Claire donne un billet, regarde la fille, attrape le regard gris qui hésite; le sourire éclate, dégoupillé, blanc et rose. Claire s'enfonce dans le métro, les couloirs fétides l'avalent, direction Porte de Vincennes, queue de rame, fermeture automatique des portières, ça mugit, les mâchoires de la ville se referment sur elle. (...)

Le trajet est court, quatre stations, elle ne s'assied pas et s'adosse à peine, sans comprimer le saint-nectaire dans le sac à dos; le fromage doit être impeccable pour sa voisine de palier qui s'occupe du courrier en son absence et, en dépit de l'heure tardive, l'attendra, contente de la savoir rentrée, rassérénée de sentir, de l'autre côté du couloir, l'appartement garni, même si on n'entend pas Claire au point que l'on sait à peine qu'elle est là. 

Elle respire la ville aimée, sa seconde peau, elle hume le fumet familier qu'elle ne parvient pas tout à fait à démêler; c'est, tout entassé, machine et chair, rouages et sueurs, haleines suries et parfums fatigués sur poussière grasse, c'est animal et minéral à la fois; c'est du côté du sale et elle se coule dans cette glu, elle prend place, s'insère dans le flot. Son pas résolu claque sur le sol dur, ses bottines à lacets et talon bobine sont lustrées comme de petits sabots de cavale d'apparat. La ville s'apprend par le corps et se retrouve par lui, le pas sonne et claque comme il ne saurait le faire sur la terre souple de l'autre pays. Claire, debout, flotte dans le métro du retour et rentre en ses habits citadins. La nuit sera fluide et douceâtre sous les feuillages neufs des marronniers du cours de Vincennes.

Marie-Hélène Lafon, Les pays (Buchet Chastel, 2012)

image: http://sphotos.xx.fbcdn.net/hphotos-ash3/46768

00:09 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; roman; morceaux choisis; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

29/08/2012

Musica présente - 32 Philippe Jaroussky

Philippe Jarrousky

contre-ténor français, né en 1978

*

Georg Friedrich Haendel: "Alessandro Severo" - Ouverture

Geminiano Giacomelli: La Merope - "Sposa non mi conosci"

Geminiano Giacomelli: La Merope - "Dono d'amica sorte"

Antonio Vivaldi: Concerto pour bassonen do majeur, RV 477

Georg Friedrich Haendel: Alcina - "Mi lusinga il dolce affetto"

Antonio Vivaldi: Ercole sul Termodonte "Sento con qual diletto" 

Leonardo Leo - Farnace - "Se mi dai morte "

Georg Friedrich Haendel: Ariodante - "Scherza infida" 

Antonio Vivaldi: Concerto pour violon en ré mineur, RV 242

Nicola Porpora: Polifemo - "Alto Giove"

(Ensemble Artaserse)

merci à Claudine R





06:54 Écrit par Claude Amstutz dans Antonio Vivaldi, Georg Friedrich Haendel, Musica présente, Musique classique | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : musique classique; facebook | |  Imprimer |  Facebook | | |

Le poème de la semaine

René-Guy Cadou

J'ai toujours habité de grandes maisons tristes
Appuyées à la nuit comme un haut vaisselier

Des gens s'y reposaient au hasard des voyages
Et moi je m'arrêtais tremblant dans l'escalier
Hésitant à chercher dans leurs maigres bagages
Peut-être le secret de mon identité
 
Je préférais laisser planer sur moi comme une eau froide
Le doute d'être un homme
Je m'aimais
Dans la splendeur imaginée d'un végétal
D'essence blonde avec des boucles de soleil
 
Ma vie ne commençait qu'au-delà de moi-même

Ébruitée doucement par un vol de vanneaux

Je m'entendais dans les grelots d'un matin blême

Et c'était toujours les mêmes murs à la chaux
La chambre désolée dans sa coquille vide

Le lit-cage toujours privé de chants d'oiseaux

Mais je m'aimais ah ! je m'aimais comme on élève

Au-dessus de ses yeux un enfant de clarté

Et loin de moi je savais bien me retrouver
Ensoleillé dans les cordages d'un poème
 
 
Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle

06:29 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; poésie | |  Imprimer |  Facebook | | |

28/08/2012

Lire les classiques - Arthur Rimbaud

Arthur Rimbaud

rimbok.jpg

Seigneur, quand froide est la prairie, 
Quand dans les hameaux abattus, 
Les longs angelus se sont tus... 
Sur la nature défleurie 
Faites s’abattre des grands cieux 
Les chers corbeaux délicieux. 
 
Armée étrange aux cris sévères, 
Les vents froids attaquent vos nids! 
Vous, le long des fleuves jaunis, 
Sur les routes aux vieux calvaires, 
Sur les fossés et sur les trous 
Dispersez-vous, ralliez-vous! 
 
Par milliers, sur les champs de France, 
Où dorment des morts d’avant-hier, 
Tournoyez, n’est-ce pas, l’hiver, 
Pour que chaque passant repense! 
Sois donc le crieur du devoir, 
Ô notre funèbre oiseau noir! 
 
Mais, saints du ciel, en haut du chêne, 
Mât perdu dans le soir charmé, 
Laissez les fauvettes de mai 
Pour ceux qu’au fond du bois enchaîne, 
Dans l’herbe d’où l’on ne peut fuir, 
La défaite sans avenir. 
 

Arthur Rimbaud, Vers nouveau  - Une saison en enfer (coll. GF/Flammarion, 2007)

image: Henri Fantin-Latour, Arthur Rimbaud (marmellatadistreghe.wordpress.com)

00:21 Écrit par Claude Amstutz dans Lire les classiques, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie; anthologie; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

27/08/2012

Morceaux choisis - Lucile Bordes

Lucile Bordes

Le-Marionnettiste_ouverture_mosaique.jpg

Ecoute bien, mon garçon.

Quand on est enfant, on demande où va la route, et les parents donnent le nom du village d'après, ce qui ne suffit pas, car ce qu'on voudrait savoir, c'est où elle s'arrête. On ne peut pas imaginer qu'il n'y a pas un endroit où elle prenne fin, qu'on ne peut pas en voir le bout. On essaie d'imaginer le bout de la route. Pas les multiples cours de ferme où elle stagne et reflue, pas l'alpage où les bêtes attendent, non, l'endroit où on la perd, quelque chose peut-être de comparable au delta d'un fleuve, où elle redevient terre. 

Quand on est enfant on croit que la route a un début et une fin, on pense qu'on peut la quitter, en sortir. Il doit bien y avoir au bout du monde un bout du monde où la route va, et qu'elle n'aille pas plus loin, et qu'on se tienne au bord comme au bord d'un plongeoir, ou sur la rive d'un cours d'eau d'une main encore accroché aux herbes avant de s'élancer. On rêve à l'endroit où mènent les routes, toutes les routes. Mais elles sont en réalité exactement telles qu'on les dessine enfant, elles vont toutes à un endroit différent, elles sont précises et redoutables comme les serres d'un oiseau de proie, chaque griffe pique un village sur la colline coloriée en vert tendre. On n'en voit pas la fin. C'est toujours le début.

Mon père disait que c'est la roulotte qui fait la route, que dans son village de Normandie, la voie par laquelle papa Chok était arrivé n'existait pas avant qu'il arrive. Il disait que la route était venue le chercher. Moi je suis né sur la route, autant dire nulle part, et quand mon père est mort j'ai compris que c'était moi, le bout de la route, là où les chemins mènent.

Lucile Bordes, Je suis la marquise de Carabas (Liana Levi, 2012) 

image: Le Marionnetiste (gadagne.musees.lyon.fr)

03:32 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; roman; morceaux choisis; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

25/08/2012

Antonio Munoz Molina

9782020693554.gifAntonio Munoz Molina, Fenêtres de Manhattan (Seuil, 2005)

 

Si ce n’est déjà fait, découvrez vite cet incontournable écrivain espagnol, auteur d'une oeuvre extrêmement personnelle, dont Le vent de la lune, En l'absence de Bianca, Séfarade et Pleine Lune! Sa puissance suggestive et la beauté de sa langue sont telles que, même si vous n’êtes pas attiré par le Nouveau Monde, à la fin de ses déambulations empreintes de sensualité, de contrastes saisissants, d’évocations culturelles, son envoûtement contagieux ne vous inspirera qu’une seule envie : Filer à New York et découvrir ses multiples visages, rues, cafés, salles de concerts, théâtres ou librairies !


Egalement disponible en coll. Points (Seuil, 2008)

07:22 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature espagnole, Littérature étrangère | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; essais; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

24/08/2012

Au bar à Jules - De la traduction

Un abécédaire - T comme Traduction

Walter Benjamin.jpg

Tahar Ben Jelloun utilise une image amusante pour évoquer les problèmes de la traduction, quand il dit: Les traductions sont comme les femmes. Lorsqu'elles sont belles, elles ne sont pas fidèles, et lorsqu'elles sont fidèles elles ne sont pas belles. Et souvent, en tant que lecteur, j'ai éprouvé ce sentiment équivoque à propos d'oeuvres littéraires lues en traduction.

Grande fut ma déception à la lecture de Sur la plage de Chesil de Ian McEwan (Gallimard) lu dans les deux langues, qui reprend presque mot pour mot le texte anglais, mais sans la couleur, l'harmonie et l'étrangeté originale: toute la difficulté d'une langue trop cartésienne pour un sujet où la musique occupe une place primordiale. A l'inverse, Le poids du papillon de Erri de Luca (Gallimard) restitue à merveille la saveur de la langue, la profondeur des images, l'intériorité de l'écrivain. Cela dit, les bons traducteurs sont rares et coûtent très cher aux éditeurs. Dominique Bourgois explique ainsi pourquoi le prix de vente de ses romans est parfois élevé. A son catalogue - et cela devrait lui faire plaisir - je compte deux des plus belles traductions de ces dernières années: celle de Marc Amfreville pour Lark et Termite de Jayne Anne Phillips, et celle de Eric Chédaille pour Comment peindre un homme mort de Sarah Hall. Deux chefs-d'oeuvre!  

C'est chez Walter Benjamin que j'ai lu ce qui me semble le plus authentique dans l'approche de la traduction: La vraie traduction est transparente, elle ne cache pas l'original, elle ne se met pas devant sa lumière, mais c'est le pur langage que simplement, comme renforcé par son propre médium, elle fait d'autant plus pleinement tomber sur l'original. Un exercice difficile, mais passionnant. Umberto Eco résume bien cet état des lieux: Au cours de mes expériences d'auteur traduit, j'étais sans cesse déchiré entre le besoin que la version soit fidèle à ce que j'avais écrit et la découverte excitante de la façon dont mon texte pouvait se transformer au moment où il était redit dans une autre langue (...) et parfois amélioré.

Enfin, une traduction qui ne vieillit pas est-elle mauvaise? Oui, je le crois, car - contrairement à la musique, mais pas à ses enregistrements - elle est inscrite dans un temps obéissant à un langage, un goût de l'époque ou une sensibilité particulière dont le sens peut se diluer au fil du temps. Cela vaut pour nombreux ouvrages de ma bibliothèque, de Fédor Dostoïevski à Virginia Woolf. Pour William Shakespeare aussi dont les traductions de Pierre Messiaen m'ont enchanté dans ma jeunesse, mais qui ont vieilli et auxquelles je préfère aujourd'hui celles de Jean-Michel Desprats.

Pourtant, au-delà des affinités de langue, de discours, de culture ou de lien historique, l'appréciation d'une traduction reste essentiellement personnelle, subjective. Et qu'est-ce que j'y cherche, souvent, sinon un reflet de ce que je suis, ce que j'aime, ce que - inconsciemment la plupart du temps - je veux retrouver dans un texte? Et si je privilégie une traduction désormais ancienne, n'est-ce pas afin de laisser perdurer le souvenir heureux de la découverte première d'un texte qui m'a ébloui? Yves Bonnefoy parle de ce problème délicat du lecteur posé au traducteur, lui qui tente humblement de prendre la mesure du monde, avec discrétion et légèreté...

Umberto Eco, Dire presque la même chose - Expériences de traduction (Grasset, 2007)

Walter Benjamin, La tâche du traducteur, précédé de: Expérience et pauvreté - Le conteur  (coll. Petite Bibliothèque/Payot, 2011)

image: Walter Benjamin