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07/03/2012

Le poème de la semaine

Louis Aragon

Toutes les chambres de ma vie
M'auront étranglé de leurs murs
Ici les murmures s'étouffent Les cris se cassent
 
Celles où j'ai vécu seul
A grands pas vides
Celles Qui gardaient leurs spectres anciens
Les chambres d'indifférence
 
Les chambres de la fièvre et celle que
J'avais installée afin d'y froidement mourir
Le plaisir loué Les nuits étrangères
Il y a des chambres plus belles que blessures
Il y a des chambres qui vous paraîtront banales
Il y a des chambres de supplications
Des chambres de lumière basse des
Chambres prêtes à tout sauf au bonheur
Il y a des chambres à jamais pour moi de mon sang
Eclaboussées
Toutes les chambres un jour vient
Que l'homme s'y écorche vif
Qu'il y tombe à genoux qu'il demande pitié
Qu'il balbutie et se renverse comme un verre
Et subit le supplice épouvantable du temps
Derviche lent le temps est rond qui tournesur lui-même
Qui regarde d'un oeil circulaire
L'écartèlement de son destin
Et le petit bruit d'angoisse avant les
Heures les demies
Je ne sais jamais si cela va sonner ma mort
Toutes les chambres sont chambres de justice
Ici je connais ma mesure et le miroir
Ne me pardonne pas
Toutes les chambres quand enfin je m'endormis
Ont jeté sur moi la punition des rêves
Car je ne sais des deux le pis rêver ou vivre.

 
Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle

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