22/05/2015
La citation du jour
Jean-Michel Maulpoix
Le poète est l'ombre portée d'un grain de sable dans le désert.
Jean-Michel Maulpoix, Domaine public (Mercure de France, 1998)
image: Le désert de Simpson, Australie (dinosoria.com)
00:00 Écrit par Claude Amstutz dans Jean-Michel Maulpoix, La citation du jour, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : citations; livres | |
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23/09/2014
Morceaux choisis - Jean-Michel Maulpoix
Jean-Michel Maulpoix
L'écriture est la chambre du temps. C'est là qu'il vient dormir. Qu'il se réveille et se rhabille. Qu'il range ses papiers. Que de longues insomnies lui gardent les yeux ouverts entre souvenirs et projets. Là que s'arrête l'horloge. Que se referment les livres sous une main engourdie. Que l'obscurité fait son repas d'ombres. Là que des anges - simples lueurs de lune en vérité - viennent coller leur peau blanche et remuer leurs ailes contre le carreau. Là que les rêves froissent leur costume et que les portes font un bruit de sépulcre en se refermant. Là que les miroirs conservent longtemps les visages qui s'y sont regardés. Là que l'espace se recroqueville en signes noirs.
Jean-Michel Maulpoix, Pas sur la neige (Mercure de France, 2004)
00:22 Écrit par Claude Amstutz dans Jean-Michel Maulpoix, La citation du jour, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : citation; livres | |
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03/04/2013
Le questionnaire Marcel Proust - 2/3

Mes auteurs favoris en prose?
William Shakespeare (d'accord, c'est du théâtre, mais...), Thérèse d'Avila (et les autres auteurs de spiritualité carmélitaine), Bernard de Clairvaux, H.B. Stendhal, Emily Brontë, Albert Camus, Simone Weil, Marcel Proust, François Mauriac, puis: Fiodor Dostoievski, Alexandre Dumas, Erri de Luca, Mario Rigoni Stern, Charles-Albert Cingria, Gustave Roud, Georges Simenn et j'en oublie...
Mes poètes préférés?
Charles Baudelaire, Paul Verlaine, Dante Alighieri, Giacomo Leopardi, Pétrarque, Rainer-Maria Rilke, Ossip Mandelstam, Anna Akhmatova, Fernando Pessoa, Mahmoud Darwich, Emily Dickinson, René Char, Louis Aragon, Paul Eluard, Maurice Chappaz, Jean-Michel Maulpoix, Abdellatif Laâbi, les auteurs de la Bible, et tant d'autres...
Mes héros dans la fiction?
Heatcliff ("Les hauts de Hurlevent"), Edmond Dantès ("Le comte de Monte Cristo"), Prospero ("La tempête").
Mes héroïnes favorites dans la fiction?
Cathy ("Les hauts de Hurlevent"), Tatiana ("Le songe d'une nuit d'été"), puis la Tosca et Carmen.
Mes compositeurs préférés?
Wolfgang-Amadeus Mozart, Franz Liszt, Jean-Sébastien Bach, Franz Schubert, Gustav Mahler, Ludwig van Beethoven, Joseph Haydn, Frédéric Chopin, Serge Rachmaninov, Antonio Vivaldi, Robert Schumann, Hector Berlioz, Alexander Scriabin, Bela Bartok, John Coltrane et (pour la chanson...) Barbara. Et ceux qu'il est injuste de ne pas mentionner...
(à suivre)
08:46 Écrit par Claude Amstutz dans Abdellatif Laâbi, Albert Camus, Alexander Scriabin, Anna Akhmatova, Barbara, Bela Bartok, Charles Baudelaire, Charles-Albert Cingria, Erri de Luca, François Mauriac, Franz Liszt, Franz Schubert, Frédéric Chopin, Georges Simenon, Guido Ceronetti, Gustave Roud, H.B. dit Stendhal, Hector Berlioz, Jean-Michel Maulpoix, Joseph Haydn, Le questionnaire Marcel Proust, Louis Aragon, Mahmoud Darwich, Mario Rigoni Stern, Maurice Chappaz, Paul Eluard, Rainer-Maria Rilke, René Char, Robert Schumann, Serge Rachmaninov, Simone Weil, William Shakespeare, Wolfgang Amadeus Mozart | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : autobiographie | |
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09/01/2013
Le poème de la semaine
Jean-Michel Maulpoix
Nous sommes les naufragés de la langueD'un pays l'autre nous allons, accrochés aux bois flottés de nos phrasesCe sont les restes d'un ancien navire depuis longtemps fracasséMais le désir nous point encore, tandis que nous dérivonsDe sculpter dans ces planches des statuettes de sirènes aux cheveux bleusEt de chanter toujours avec ces poumons-là:Laissez-nous répéter la merN'intentez point de procès stupide au grand large La mer, accrochée à la merTremble et glisse sur la merSes mouvements de jupe, ses coups d'épaules, ses redondancesEt tout ce bleu qui vient à nous sur les grands aplats de la merNous aimons la manière dont s'en va la barqueSe déhanchant d'une vague à l'autre, dansant son émoi de retrouver la merEt son curieux bruit de grelotQuand la musique se déploie sur l'immense partition de la mer La mer se mêle avec la merMélange ses lacs et ses flaquesSes idées de mouettes et d'écumesSes rêves d'algues et de cormoransAux lourds chrysanthèmes bleus du largeAux myosotis en touffes sur les murs blancs des îlesAux ecchymoses de l'horizon, aux phares éteintsAux songes du ciel impénétrable La mer est un ciel bleu tombéVoici longtemps déjà que le ciel a perdu ses clefs dans la merSous quels soleils désormais nous perdre?Sur quelle épaule poser la fièvre de notre tête humide?Nos rêves sont des pattes d'oiseaux sur le sableDes fragments d'ongles coupés à deux pas de la merNous brûlons sur la plage des monceaux de cadavresPuisque tels sont les mots avec leurs os et leurs fumées Tas de fémurs et de métacarpesBûcher d'herbes odorantes et de poudres qui crépitentC'est un pré sec qui prendrait feu près de la merDe hautes flammes tête baissée sautent parmi les genêtsEt soudain ce buste de femme dressé dans le crépitementOffert à ce furieux amourLançant vers le ciel la longue plainteDe qui s'est calciné le coeur Seul, il avance vers elle, sur le môle de granit étroitEmbarquant vers rien son corps périssableElle la couchée immense qui accourtLançant vers lui ses gerbes et ses juponsLui, le petit homme droit sur la digue avec un crayonCollé contre elle, mais séparéL'un et l'autre, quoique si proches, se perdant de vueL'un contre l'autre se pressant, le coeur mal amarré Le large baigne un peu ce petit corps d'hommeLe bleu le prend dans ses filetsGraine de chair ou pépite d'amour transiTouffe de clarté entre les paumesTachées d'encre profondeLèvres closes par la vagueMuet, n'ayant rien à répondre au largeSans voix dans les dédales de l'eau Pourquoi ne pouvons-nous prendre racine dans la merA la façon des noyés et des algues?Nous porterions sans peine sur nos épaulesLe ciel bleu qui ne se fane pas mais rêve à des couleursEt la laine tiède des écumesEt les fruits vénéneux du largeOù n'a mordu nulle lèvre humaineNous serions de retour dans l'infini jardin Nous ne remplirons pas la mer de nos larmesNous soutiendrons plutôt de nos chants l'effort des tempêtesQui versent sur nos têtes leurs cris et leurs lessivesEt quand nos yeux délavés n'y verront plus rienNous saurons mieux encore ce qu'est la merLes écailles seront tombées qui nous couvrent le coeurEt notre peau nacreuse sera enfin si blancheQue nous ne craindrons plus l'amour fou des sirènes A la santé des cieux du largeDans les calices et les ciboiresNous buvons goulûment la merAucune eau ne nous désaltèreNous avons soif de selNos lèvres sont avidesDans l'eau bleue, c'est toujours dimancheQuand s'agenouillent les poissons d'or. Depuis que le flot nous transporteNous avons pris goût à l'éternitéNous avons de l'eau plein la têteEt des cristaux de sel dans le sangNous nous souvenons mal de nos semblablesDont se fanent les jardinsEt grandissent les enfantsNotre coeur est si bleu. Quelques traces de craie dans le ciel,Anthologie poétique francophone du XXe sièclesources: http://www.maulpoix.net/naufrages.htm
00:46 Écrit par Claude Amstutz dans Jean-Michel Maulpoix, Littérature francophone, Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : littérature; poésie | |
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01/01/2013
Morceaux choisis - Jean-Michel Maulpoix
Jean-Michel Maulpoix
Tu voudrais marcher sur la neige à pas de vair, entendre la blancheur crisser, palper la fourrure tiède des contes, t'abandonner à leur sommeil comme à un oreiller où blottir la tête quand quelqu'un raconte une histoire. Chaque fois que ton coeur craque. tu prends ton dé, ta trousse et tes aiguilles: des mots encore avec des mots, bouts de bois, cabanes d'enfants, excès, accès de ciel, fièvres d'encre, une convoitise de bleu, sa mélancolie de jupes claires; tu es l'ouvrier de l'amour.
Jean-Michel Maulpoix, Une histoire de bleu (Mercure de France, 1992)
image: vergson.canalblog.com
09:46 Écrit par Claude Amstutz dans Jean-Michel Maulpoix, Littérature francophone, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; récit; morceaux choisis; livres | |
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26/09/2012
Douna Loup 1a
Bloc-Notes, 17-26 septembre / Curio
Tu as quatre-vingt-cinq ans et tu trouves encore l'énergie d'exister si fort que ton appartement est entièrement empli de tes quelques quatre mille tableaux et innombrables sculptures. Il y en a partout, dans la cuisine, le salon, la chambre, et tes oeuvres, même serrées, emballées de plastique, restent criantes.
Ainsi commence l'étonnant récit de Douna Loup, celui d'une vieille dame un peu fantasque, qui a traversé le siècle de Bagnolet à Genève, en passant par Porrentruy et Pully, capte l'attention d'une jeune fille et se confie à elle: Je veux que tu écrives ma vie. Que tu la poses. La déroules, la dérides, la fasse divaguer dans les lignes. Je veux que tu écrives pour moi ces kilos de souvenirs calés dans mes veines. Que tu éclates ces veines lourdes d'années.
De cette musique intime à deux voix, Les lignes de ta paume, se dessine sous nos yeux le portrait d'une femme nomade aux sourdes colères, solitaire, indépendante: Nelly Machat la voyageuse immobile, devenue Linda Breuse la dame aux chocolats. Et pourquoi donc? L'un des secrets de sa vie, abrités par son art qui lui permet de façonner désormais son propre monde: Quand je peins, je suis un voilier à l'abri du vent. Ca ne dure pas. Mais avec mes pinceaux j'accoste. Je m'apaise. (...) Et puis, lorsque autour de moi le vent reprend son souffle de plus belle, j'ai des bateaux de papiers colorés, des visages ahuris, des mains de terre et des bouches vociférantes pour m'accompagner dans la houle.
De cet effort de mémoire, quand les pinceaux se sont tus et qu'elle livre à son interlocutrice les fragments de sa vie, Nelly dévoile le visage de sa mère suicidaire, les leçons de solfège auprès d'un instituteur qui lui fait perdre l'adresse du beau temps, ses talents de coiffeuse, la rencontre de son mari dans un bal, et la rupture sur le tard - avec tous: époux et enfants - qui lui permet d'éviter l'asphyxie et de s'épanouir dans l'espace de la peinture et de la sculpture. Libre enfin, transfigurée: Je déguise mes peines en rires, maquille mes blessures à la bombe, je tague ma vie comme une jeune blonde.
L'écriture de Douna Loup est aussi personnelle que dans son premier roman, L'embrasure, et se hisse même, peut-être, à un niveau plus élaboré sur le plan poétique ici, par un éclairage qui n'est pas sans rappeler celui de Jean-Michel Maulpoix, un autre orfèvre de la langue: J'aime les fleurs. Celles qui sont belles de n'avoir rien à prouver. Ou encore: Le corps de l'été te subjugue. Tu es amoureuse de ses mains d'herbe. (...) Tu aimes le ciel qui te surprend, celui qui tombe comme un duvet d'enfant qu'un rêve trop violent a percé.
Ce récit est une fantaisie romanesque appuyée sur un personnage bien réel, Linda Naeff, que vous pouvez découvrir par le lien ci-dessous. Des éclats de vie entre Douna Loup et cette artiste a surgi ce fil tendu, né doucement d'abord, comme un flot souterrain, puis qui a trouvé tout à coup son point de jaillissement.
Même si quelques snobs ou esprits chagrins se croient obligés de remarquer chez cette jeune romancière quelques fragilités de débutante, je n'ai pour ma part décelé ni préciosité, ni artifice. Sa narration est captivante, avec un sens du récit aussi envoûtant que L'embrasure. Un très beau livre tout simplement...
Les lignes de ta paume est à ce jour, sans conteste, mon livre préféré de cette rentrée littéraire!
Douna Loup, Les lignes de ta paume (Mercure de France, 2012)
Douna Loup, L'embrasure (Mercure de France, 2010)
Linda Naeff: http://lindanaeff.populus.org/rub/2
00:10 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Douna Loup, Jean-Michel Maulpoix, Littérature francophone, Littérature suisse | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; récit; livres | |
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07/08/2012
La citation du jour
Jean-Michel Maulpoix
Ecrire est averse de neige. Quand le silence du ciel qui ne tient plus tombe sur la campagne et la mer en essaim d'abeilles froides. Ainsi arrive-t-il en pleine nuit que le ciel tout à coup inverse sa noirceur. Une floraison de blancheur dans l'obscur, telle serait la page qui se couvre de signes. Car ce n'est pas l'encre qui noircit le papier, mais plutôt ce blanc-là qui remonte et trouve une issue, faufilé dans les interstices entre les signes sombres.
Jean-Michel Maulpoix, Chutes de pluie fine (Mercure de France, 2002)
image: Brigitte Pellerin, Champ de neige (2002)
http://www.pellerin.eu/2.html
22:52 Écrit par Claude Amstutz dans Jean-Michel Maulpoix, La citation du jour, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie; essai; livres | |
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30/12/2011
La citation du jour
Jean-Michel Maulpoix
Deuil blanc de la neige. La terre est veuve du ciel. Voilà enfin visible cela que nous ne pouvons toucher des mains: ce froid entre nos paumes; de l'espace et du temps tombé. Mourir délivre sa peau blanche et sous nos yeux se fait douceur; mourir à ce moment pour l'âme comme pour l'oeil n'est plus idée de pourriture mais une farine légère, ou la poudre de sucre d'une enfance retrouvée, un linge où s'endormir, une rêverie de fourrure et de traîneaux, plus rien de sombre ni de menaçant: la disparition très douce des débris, des brisures et des voix.
Jean-Michel Maulpoix, Pas sur la neige (Mercure de France, 2004)
00:27 Écrit par Claude Amstutz dans Jean-Michel Maulpoix, La citation du jour, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : citations; livres | |
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24/08/2011
Le poème de la semaine
Jean-Michel Maulpoix
La paix entre dans ma douleur.Des voiles devant mes yeux se tissent,puis se déchirent.La pensée de l'amour me rend à la douceurd'une forme inconnue de croyance.Ma vie n'est plus coupée en deuxpar les oiseaux de la chimère.Naguère orientée par le désirde tout ce qui n'existe pas,elle cherche à prendre maintenantla mesure juste de ce qui est. L'impossible n'est plus son chagrin.Le possible devient sa joie.Dans l'arc tendu de tes brastout le ciel bleu à même la peauavec ses oiseaux, ses nuageset l'orage clair et rouge du désir,et la nuit plus profonde. Le monde, avant de te toucher,je ne le savais pas si proche. Quelques traces de craie dans le ciel,Anthologie poétique francophone du XXe siècle
04:21 Écrit par Claude Amstutz dans Jean-Michel Maulpoix, Littérature francophone, Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (0) | |
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16/03/2011
Le poème de la semaine
Jean-Michel Maulpoix
La neige dit adieu.
Elle prend avec délicatesse le temps de disparaître.
Elle n'insiste pas, ne persiste guère,
ne prend pas racine.
Elle tombe.
Elle s'abandonne.
Elle éprouve à se perdre un vertige,
un plaisir immense.
Toute sa vie
- comprenez-le bien -
ne fut que cela:
se jeter par la fenêtre.
A moins que ce ne fût prendre le temps
de descendre un invisible escalier.
Son corps est si léger
qu'il ralentit sa chute au lieu de l'accélérer.
Personne ne saurait comme elle
se jeter dans le vide.
Personne ne peut mourir avec autant de joie.
Autant de gaieté.
Incomparable est sa qualité d'espérance.
Son dédain de l'éternité.
Il fallait qu'elle aimât passionnément la terre
pour y descendre ainsi,
avec mille précautions,
au lieu de demeurer au ciel.
Brûlant de se donner aux branches nues et aux cailloux,
d'encapuchonner les toits et les cheminées.
La neige meurt du bonheur
d'être allée dans le bleu
comme aucun oiseau et aucun insecte.
Aucun dieu sans doute, aucun ange.
Elle tombe, puis elle se couche.
Il lui plaît de mourir très vite après avoir dansé.
De s'être tenue si près de l'Azur,
elle ne se remet pas.
Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle
06:29 Écrit par Claude Amstutz dans Jean-Michel Maulpoix, Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie | |
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